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Taariika


Ernest Noirot
A travers le Fouta-Diallon et le Bambouc (Soudan occidental)

Paris. Librairie Marpon et Flammarion. 1882. 248 p.


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XIII
Les Peulhs chez eux

La rapidité avec laquelle nous avons fait la route de Boké à Timbo ne nous a guère permis de faire d'amples observations sur l'état social du pays. Néanmoins, pendant que le docteur employait la plupart de son temps à soutenir des entretiens politiques avec les hommes importants, je me faufilais dans les intérieurs et étudiais de mon mieux les moeurs des Peulhs.

Dans la société peulh, l'esclavage est la plus grande source de richesses et il y est tellement enraciné qu'il faudra un temps considérable avant que cet état d'avilissement disparaisse. Les esclaves, que l'on appelle plus communément des captifs, sont achetés aux caravanes qui viennent de l'intérieur, ou pris à la guerre.
Le captif représente une valeur courante.
Il ne faut cependant pas croire, comme nous sommes enclins à le faire chez nous, que les esclaves sont très malheureux. Au Fouta, ils sont considérés comme des membres inférieurs de la famille et ils travaillent pour le maître. Les esclaves se divisent en plusieurs catégories. Les captifs de case, qui font partie de la maison, jouissent de toute la confiance du maître et sont sa garde la plus fidèle. Ils sont, la plupart du temps, mieux vêtus que le patron et l'étranger les prend facilement pour des personnages. Les captifs de lougans habitent des fermes et travaillent les champs sous la surveillance d'un autre captif de confiance appelé Satigui.

Les griots, les forgerons, les bijoutiers, les cordonniers, les tisserands, etc., tous les hommes qui exercent une profession quelconque sont des captifs d'ordre supérieur. Comme les captifs de case, ils ne peuvent être vendus qu'en cas de faute grave ; alors c'est une peine sévère.

Outre les captifs de lougans, les riches propriétaires ont une réserve d'esclaves qui servent, aux échanges et qu'ils donnent souvent en cadeau à leurs fidèles. C'est pour ceux-là seulement que la condition d'esclave est pénible, car ils sont considérés comme des animaux.
Il existe aussi une autre classe composée d'hommes libres et d'esclaves affranchis. Ces hommes se donnent à un homme puissant dont ils deviennent les courtisan et les parasites. Toutes les belles choses qu'il a sont pour eux ; il pourvoit à leur nourriture, à leur logement et à leur entretien. Ces individus, qui rappellent les clients romains, sont appelés balébé [homme de]?.

Les Peulhs suivent la morale du Koran. Fervents musulmans, mais non fanatiques, austères, ils prient fort souvent, ne dansent pas et ne prennent que rarement des distractions, dont les griots font du reste tous les frais.
Trois ou quatre fois par semaine, une réunion de savants corrige le Koran. L'Almamy est censé avoir le Livre type tel que Dieu l'a soufflé à Mohamed. Les savants du village apportent leurs livres, l'Almamy lit à haute voix et les autres suivent.
Quand une sentence échappe à leur sens, ils la suppriment pour la remplacer par une autre plus appropriée à leurs besoins. Aussi le Koran a-t-il été fortement modifié par les Peulhs.
L'instruction est très répandue au Fouta. Chaque misside possède une école dirigée par un marabout. Les cours ont lieu, matin et soir, autour d'un grand feu. On n'y apprend que des versets du Koran écrits par le maître sur une tablette de bois que possède chaque élève.
Quand un élève fait une faute, il reçoit une taloche. —Les maîtres d'école sont partout les mêmes !
Toute l'école de Donhol-Fella, conduite par son professeur, le grand marabout Karamoko-Marewane, nous a honorés d'une visite. Je n'ai jamais rien vu de plus pittoresque comme école en promenade.
Karamoko-Marewane, qui est précepteur des enfants de l'Almamy, a une atrophie complète des muscles locomoteurs, et ses pieds ont la forme de deux moignons.
Pour aller et venir, il se sert de ses mains et de ses genoux qui sont garnis de chaussons de cuir. Quand il se déplace, Karamako a une ânesse, fort bien caparaçonnée, sur laquelle on le hisse, et, hue Cocotte ! il part, suivi de ses élèves.
A l'arrivée des visiteurs dans notre cour, Karamoko-Marewane, monté sur sa bourrique, ouvre le cortège. Une douzaine d'enfants, garçons et filles, leur alluwal (tablette) à la main, hurlent une leçon, et Sory, tout en lisant, tire par la longe un petit bourricot, fils de l'ânesse du maître, qui ne veut pas marcher. La scène est comique !
Arrivés devant notre case, un noir prend Karamoko dans ses bras et le dépose à terre ; alors, se traînant sur les mains et sur les genoux, celui-ci entre chez nous pendant que les gamins restent à la porte.
Après avoir parlé de choses et d'autres, Karamoko-Marewane nous donne un échantillon du savoir-faire de ses élèves. Sur son ordre, les gamins braillent de nouveau et, ce qui me surprend le plus, c'est que le maître reconnaît celui qui fait une faute au milieu de cette cacophonie.
Karamoko nous présente son jeune fils, sur lequel il fonde de grandes espérances. —Il est étonnant pour son âge !
Nous félicitons chaudement l'illustre professeur de Donhol-Fella, sur la bonne tenue et le savoir de ses élèves, et le cortège prend congé de nous.

En politique, le Peulh est assez fin et ne conclut rien avant de bien posséder son sujet. Défiant à l'excès, il retourne vingt fois la question afin de s'assurer que l'on ne veut pas le tromper.

En industrie, il fabrique le fer, prépare les cuirs, fait des objets de poterie et tisse le coton du pays.
Les hauts fourneaux sont assez nombreux. Un peu partout un voit en terre des cloches surmontées d'une cheminée, qui font ressembler ces appareils à des fragments de locomotive semés ça et là dans les champs. Le minerai de fer est traité à la mode dite catalane. Pendant la saison des pluies, on ne fait aucun travail de ce genre ; aussi je n'ai pu voir moi-même comment les Peulhs pratiquent la métallurgie du fer. Assurément le minerai n'est pas difficile à extraire, car on n'a qu'à se baisser pour en ramasser. Partout on rencontre des conglomérats ferrugineux qui paraissent très riches en métal.
Le fer est employé à la fabrication des outils et des armes. Haches, pioches, faucilles, clefs, cadenas, fers de flèches et de lances, couteaux, sabres, etc., tous ces objets sont fabriqués par les forgerons du pays, dont l'outillage est des plus simples.
La forge des Peulhs est tout ce que l'on peut rêver de plus primitif : une paire de pinces grossières, une masse de fer pour marteau, un soufflet fait avec deux peaux de mouton, et c'est tout. Ce qui n'empêche par ces artisans de fabriquer des boucles de harnais, des éperons, des étriers, voire même des bijoux d'or et d'argent.

Les cuirs sont préparés par les soins des cordonniers et leurs produits sont aussi beaux que les nôtres. Les peaux de mouton surtout, teintes en différentes nuances, servent à confectionner des sacs, des fourreaux de sabre, des gaines de couteau, des étuis de toutes sortes assez bien décorés. Les peaux de bœuf servent généralement à fabriquer des semelles de sandale et les ouvrages de cuir qui réclament plus de force.
La poterie est l'ouvrage exclusif des femmes. Elles font des marmites, des pots, des cruches (dites gargoulettes) pour recueillir l'eau, etc. Quoique fabriqués sans le secours d'aucun instrument, tous ces objets sont très réguliers et même de forme élégante. Par exemple, la cuisson laisse à désirer, ce qui tient probablement aux moyens employés : on réunit les objets au centre d'un grand feu de paille, que l'on alimente pendant deux heures environ ; puis, on laisse refroidir.

Le coton est récolté, cardé et filé par les soins des femmes : ensuite, le tisserand le tisse en bandes étroites de vingt centimètres de largeur, sur un métier en tout semblable à celui que l'on emploie à Dakar.
Quand les lés sont cousus côte à côte, on teint l'étoffe en bleu indigo et en brun. Par quel procédé ? C'est le secret des femmes, qui ne le dévoilent pas, car les plus habiles en tirent profit. Tout ce que j'ai pu voir, c'est que les pièces d'étoffe passaient simultanément dans plusieurs jarres énormes, puis étaient séchées pour être replongées de nouveau dans la teinture. En tout cas, le bleu que l'on obtient est très beau et très solide. Les femmes font aussi des dessins sur les étoffes teintes à l'aide de ficelles et de terres qu'elles étendent sur les pièces d'étoffes sortant de la teinture. Probablement cette terre reçoit une préparation qui doit absorber la couleur, car elle laisse sur l'étoffe des dessins en clair.

En art, les Peulhs sont moins avancés. Les dessins qui ornent les objets de cuir, les broderies des culottes ou des vêtements, sans être exempts de goût, ne sortent pas de l'art primitif.

Quant à la musique, elle est l'apanage exclusif (!) des griots. Quelques-uns de ces chanteurs, qui rappellent les troubadours du moyen âge, composent d'agréables mélodies qu'ils jouent sur la petite guitare indigène. J'ai noté une partie des airs que j'ai entendus. D'où viennent ces griots? Ils sont étrangers à la race peulh et ne se marient qu'entre eux. Quelques-uns portent sur le visage le blason de leur race : les six entailles qui labourent la figure des Bambaras. Mais d'autres n'ont aucune marque et la pureté de leurs traits semble les rattacher au type abyssinien En tout cas, ils sont issus d'une race puissante et forte ; on peut même dire qu'ils ont le monopole de l'intelligence et une élévation de sentiments peu commune. Ce sont des réprouvés que poursuit un mépris général ; mais on ne se hasarde guère à les mépriser tout haut ; la vengeance du griot est terrible.
—Griot, c'est l'homme de sang impur, disent les Peulhs. Les griots ne portent pas de fusil à la guerre, ils n'ont qu'un sabre, rarement on les tue ; après avoir été la propriété du vaincu, ils deviennent celle du vainqueur. Les griots suivent avec ferveur, du moins en apparence, les pratiques de la loi musulmane. Ils ne manquent aucune occasion de faire la prière. Mais, je ne serais pas éloigné de croire que leur dévotion n'est qu'un jeu.
Les griots sont des réprouvés, soit ; mais si la religion musulmane a déclassé ces chanteurs, elle n'a pu leur retirer leur esprit pratique ; tandis que ses fervents observateurs, toujours absorbés dans leurs prières, restent dans l'ignorance la plus crasse.
Mahomet excommunia les poètes et les conteurs arabes, parce que, sceptiques pour la plupart, ils constituaient un obstacle pour le nouveau prophète dont ils battaient en brèche les doctrines. Sur les griots du Soudan rejaillit l'opprobre de leurs ancêtres ; mais les hommes en général aiment à être flattés ; le nègre, en particulier, est orgueilleux et accueille avec faveur les courtisans. Les griots ont su tirer parti de ses faiblesses ; ils accablent de louanges excessives les musulmans puissants. Ils font remonter les grandes familles jusqu'à Abraham, chantent les hauts faits accomplis de père en fils par leurs maîtres et répètent sans cesse que ceux-ci sont illustres et grands parmi les plus grands. Les griots prennent ainsi un ascendant considérable sur leurs dominateurs et en tirent tout ce qu'ils veulent.
Ce qu'un seigneur peulh a de plus beau et de plus précieux, c'est pour son griot, dont il prend l'avis sur toutes choses. Aussi les conseillers les plus intimes sont-ils recrutés parmi les griots. Le griot est esclave, né d'esclave, et son fils partagera son sort. Appartenant d'ordinaire à une famille depuis quatre ou cinq générations, le griot se considère comme faisant partie de la maison et est très attaché à son maître.
On a pu voir dans le chapitre précédent les griots de l'Almamy se faisant tuer sur le corps de leur seigneur. Il y a peu d'années, un commandant de Boké fit fusiller un prince foulah avec douze hommes de sa suite. Tout le temps que dura la fusillade, le griot du prince chanta sa gloire et celle de ses compagnons et, ne voulant plus avoir à chanter personne, demanda à mourir aussi. Il est facile de comprendre qu'avec un tel ascendant sur son maître, quand un griot en veut à quelqu'un, la vengeance ne se fait pas attendre.

Ce qui concerne les griots peut également s'appliquer aux forgerons et aux cordonniers qui, eux aussi, sont étrangers à la nation. Ils appartiennent à la race des griots, et sont des réprouvés ; comme les griots, ces artisans sont fort intelligents.
Griots, forgerons, cordonniers et tisserands ne sont pas des hommes ordinaires, ce sont des parias d'un genre particulier.
Feu l'Almamy Omar avait en grande estime ces hommes déclassés et il en faisait sa société ordinaire. L'Almamy Ibrahima Sory s'entoure également des hommes de cette caste et son cordonnier entre autres, vieillard d'une grande finesse, fait partie de tous les conseils et assiste à la correction du Koran. Les forgerons, ai-je dit, sont très pauvrement, outillés et travaillent assis par terre ; leurs pieds leur sont presque aussi utiles que leurs mains. Les cordonniers travaillent de la même façon et leurs principaux outils sont un couteau, un poinçon et une planchette.

L'armement des Foulahs se compose de fusils à pierre et à piston, d'arcs, de flèches et de lances . Il n'y a pas très longtemps que les fusils ont fait leur apparition au Fouta ; aussi la possession d'un fusil comble-t-elle tous les rêves d'un Peulh.
Le fusil à pierre, malgré ses imperfections, est bien plus prisé que le fusil à piston, par suite de la difficulté qu'ont les Peulhs de se procurer des capsules. Les fusils, quels qu'ils soient, sont de fabrication commune. D'ordinaire, l'arme est bien plus meurtrière pour le tireur que pour l'ennemi, car elle éclate très souvent, incapable de résister à la charge énorme de poudre qu'on emploie.
Le fusil simple à pierre est excessivement long et lourd, le fusil double a la même dimension que nos fusils de chasse, et le fusil simple à percussion provient généralement d'armes de guerre réformées ; ce sont les meilleurs fusils.
La flèche et la lance, quoique un peu négligées maintenant, sont, entre les mains des Peulhs, des armes bien plus dangereuses que le fusil. J'ai vu des noirs qui, à cinquante pas, plantaient coup sur coup dix flèches dans une orange ! L'arc est généralement en bambou et la flèche est une tige de roseau surmontée d'une pointe de fer ébarbée et empoisonnée.
Presque toujours les blessures des flèches sont mortelles. Je n'ai pu avoir aucun renseignement sur le poison employé. Ce seraient, m'a-t-on assuré, les entrailles d'un serpent, préparées d'une certaine façon, qui servent à empoisonner les flèches. Mais-ce ne peut être là qu'un conte.

Fusils et poudre sont achetés aux comptoirs européens.
Quand une expédition a été résolue, l'Almamy fait battre le tabala dans tout le pays. Ce tambour de guerre, toujours accroché dans la case des chefs, est considéré comme l'insigne de l'autorité. Immédiatement, tous les hommes en état de porter les armes se rendent au lieu de rendez-vous, suivis de quelques-unes de leurs femmes et de captifs en nombre suffisant pour porter les ustensiles de cuisine. On ne se munit d'aucune provision de bouche ; le pays où l'on opère doit fournir les vivres aux combattants. Mais les parties du territoire que traverse l'armée ne sont pas exemptes de contributions et les habitants voient souvent disparaître les provisions de toute l'année.

Comme dans toute l'Afrique, les expéditions des Peulhs n'ont souvent pour cause que le désir de faire du butin et de prendre des esclaves. Cependant, quand ils combattent les indigènes, ils prennent pour prétexte la conversion et quand ils bataillent contre d'autres musulmans, ils ne les réduisent pas en esclavage ; ils se contentent de piller et d'enlever les captifs.
L'attaque a généralement lieu le matin et les combattants s'efforcent d'arriver sur un village sans faire aucun bruit. Ils l'entourent et tout à coup poussent de grands cris, déchargent leurs armes, font le plus grand vacarme possible ; ils profitent de l'affolement qu'ils produisent pour mettre tout au pillage et enlever les femmes et les enfants.
Quand l'ennemi est sur ses gardes, les deux partis font également le plus de bruit possible ; gesticulent, prodiguent les menaces afin de s'effrayer mutuellement, et s'il arrive que l'un des deux, se défiant de ses forces, bat en retraite, c'est l'instant où l'autre s'élance à l'attaque.
Pour leurs expéditions de guerre, les Peulhs portent un petit boubou, teint d'un couleur terreuse, qui ne vient que jusqu'à la ceinture et qui est garni d'amulettes sur toutes les coutures. Ils se font aussi des coiffures en poil de chèvre pour se donner l'air plus terrible. N'est-ce pas là l'ancien bonnet à poil des vieux grenadiers du premier empire ?
A entendre parler les Peulhs, on dirait que ce sont des guerriers invincibles ; mais je ne les crois pas d'une bravoure excessive. Ils sont forts quand ils attaquent par surprise, mais lorsqu'ils combattent face à face, ils prennent aisément la fuite, à en croire les histoires de guerre que m'a racontées Mahamadou Saïdou.
D'après certains Peulhs, ils pourraient lever une armée de trente mille hommes, d'autres disent vingt mille. Mettons douze mille et n'en parlons plus.

Le costume des Peulhs est très simple, mais il suffit à des gens qui habitent un pays où il ne gèle jamais.
Pour les hommes, il se compose d'un boubou, sorte de grande chemise bleue sans manches qui descend jusqu'au gras du mollet ; d'une petite culotte à mille plis qui s'arrête aux genoux, et d'une calotte en cotonnade blanche, généralement ornée de broderies bleues. Ces vêtements sont coupés et cousus par les hommes. Comme ils n'ont pas de fil, ils effilochent l'étoffe et, de cette façon, cousent les vêtements avec du fil de même couleur. L'étoffe qu'ils emploient de préférence est une cotonnade fabriquée et teinte dans le pays. Ils se servent aussi de cotonnade blanche et bleue —teinte aux Indes, —et d'indiennes de couleur, —de provenance européenne. Ils portent des sandales faites par leurs cordonniers, mais ils marchent généralement pieds nus. Ils ont toujours, attachés à des cordons de cuir, des sachets également en cuir, où se trouvent des versets du Koran ; ce sont leurs grigris (amulettes).
Le costume des femmes est beaucoup plus simple ; il ne se compose que d'un morceau de colonnade qui entoure la taille et descend jusqu'au genou. Leur coiffure est plus compliquée. Leurs cheveux sont artistiquement tressés et, quand l'édifice est monté, il ressemble à un casque de pompier. Il ne faut pas moins de deux journées de travail pour coiffer une femme.

Comme les hommes, les femmes portent aussi des amulettes renfermées dans des sachets de cuir. Elles portent, en outre, des pièces d'argent reliées en colliers ; des boules d'ambre, des grains de corail ou de verroteries ornent les nattes de leur chevelure.
Les enfants sont nus jusqu'à l'âge de dix ou douze ans, époque de la circoncision. Alors, les garçons sont vêtus d'un boubou et les fillettes d'un pagne.

Les habitations du Fouta sont vastes, propres et bien construites. De forme circulaire, elles se composent d'un mur en terre battue de 0m50 c. d'épaisseur et de deux à quatre mètres de hauteur. Elles sont percées d'une ou deux ouvertures, dont les plus élevées n'ont guère plus de 1m20, ce qui oblige à se courber pour y passer. Les toits coniques sont faits d'une charpente en bambou ou en bois léger, recouverte de chaume. Les toits débordent les murailles d'un mètre environ et forment vérandah. A l'intérieur, les cases sont peu meublées : une ou deux banquettes, en terre ou en bois, qui servent de lit ; quelques calebasses et c'est tout. Généralement le foyer se trouve ou au milieu des cases ou devant les lits. Dans certaines demeures, il y a deux foyers.
Chaque propriété se compose de plusieurs cases, de six à dix environ : celle du chef de famille, celles des femmes et des enfants et celles des captifs. Toutes ces habitations sont construites au milieu de jardins fort bien entretenus et sont reliées entre elles par des allées sablées. Presque devant chaque case, un oranger abrite le palier où se réunissent les habitants. Une haie de purguères clôture la propriété.

Le répertoire des noms est peu varié. Les dames s'appellent Mariama (Marie) —c'est le nom le plus commun, Ava (Eve), Yaé (Jeanne), Aïsata (Anne) Fatimata, Fatou, Kadé, Aéba, Oumou, Bilo, Maémouna, etc.
Les hommes s'appellent Mahamadou, Amadou, Hamadou, Mamédou, quatre noms qui proviennent de Mohamed (Mahomet), Adama (Adam), Noou (Noé), Moussa (Moïse), Issa (Jésus), D'Gibril (Gabriel), Yaya (Jean), Malic, Omar, Gomba, Salifou, Sadou, etc.
Les noms patronymiques n'existent pas 1 ; pour désigner les membres d'une même famille on dit : un tel, fils de tel.
Presque tous ces noms, on le voit, ont une origine biblique. Souvent, pour distinguer les homonymes, on ajoute au nom de chacun le nom du village, de la province où il est né : Mamadou Fougoumba, Salifou Cambaïa, Mamadou Coladé, etc.

Quelle que soit l'importance du mariage, chez les noirs, cet acte solennel se renouvelle facilement plusieurs fois.
Lorsqu'un Peulh a jeté son dévolu sur une jeune personne, il fait des ouvertures à la famille et appuie sa demande par un présent. Si le jeune homme est agréé, on garde le cadeau ; dans le cas contraire, on le lui rend. Quand le mariage est décidé, les parents de la future traitent avec le prétendant du montant de la dot qu'il devra apporter en mariage, dot qui varie selon la beauté de la fiancée. Néanmoins, avec une valeur en marchandises, on peut prétendre à une beauté de premier choix. Une beauté ordinaire se paye couramment de trois à cinq cents francs.
Ainsi, chez les Peulhs, l'homme apporte la dot. Aussi, quand les interprètes nous traduisent les clauses d'un mariage, ils disent : il a acheté cette femme six boeufs, etc. Il ne faudrait pourtant pas croire que les filles sont vendues aux maris qui les demandent. Le noir défend les intérêts de son enfant, voilà tout, et le prétendant apporte une dot, qui devient le douaire de sa femme ; rien de plus logique.
Le futur n'est pas tenu de verser en entier la somme convenue. Il peut donner un acompte et entrer en possession de suite, à charge de s'acquitter plus tard. Mais partout il y a des gens de mauvaise foi et il arrive qu'un homme, après avoir versé un acompte, emmène sa femme et... ne s'acquitte jamais.
Lorsqu'un mari croit avoir à se plaindre de sa femme, il soumet le cas aux juges qui décident si, oui ou non il y a lieu de sévir. En ce cas, la femme rentre dans sa famille et doit restituer le montant de la dot au mari.
La femme, redevenue libre, peut se marier à un autre. Si c'est le mari qui donne à la femme des sujets de plainte fondés, elle rentre également chez son père ; mais, comme dédommagement, elle garde la dot.
Il est rare qu'un homme, même riche, prenne une seconde épouse avant que la première lui ait donné un enfant, et une troisième avant que la seconde ait été mère ; et ainsi de suite. D'après la loi musulmane des Peulhs, un homme peut légitimement se marier quatre fois et librement aussi souvent qu'il lui plaît. Le mari peut demander la séparation pour infidélité constatée, pour fuite du domicile conjugal ; cela suffit comme chez la plupart des peuples civilisés. Mais une femme peut demander la séparation pour un motif qui, d'après les dames peulhs, est d'une gravité excessive. Aux termes de la loi, un mari ne peut cohabiter avec une de ses femmes plus de trois jours de suite sans que les autres aient le droit de réclamer en justice. Pour la première infraction, le mari est fortement réprimandé ; en cas de récidive, il est condamné à une amende et enfin, si une femme se trouve par trop délaissée, elle peut obtenir la séparation, avec le droit de garder la dot.
Quant à la cérémonie du mariage, elle a lieu devant le marabout qui unit les époux. Aux dépens de ces derniers, les parents et les amis font la noce et, le soir venu, conduisent les nouveaux mariés dans la case nuptiale, au bruit de nombreux coups de feu. On leur laisse plusieurs calebasses de nourriture ; on les enferme et les amis continuent à faire la noce jusqu'à une heure avancée.
Il est d'usage, si des étrangers se trouvent de passage dans un village où l'on célèbre un mariage, de leur porter une calebasse de riz ou de maïs assaisonné. Cet usage se pratique aussi en faveur des pauvres.
Un homme peut aussi demander en mariage une demoiselle de l'âge le plus tendre, à condition de donner des arrhes. Dès lors, la fillette est considérée comme la femme du demandeur et doit habiter avec son mari, lorsqu'elle a atteint l'âge de puberté.
Pendant notre séjour à Donhol-Fella, Mahamadou-Saidou a épousé de cette façon une jolie enfant de huit ans, fille du cordonnier de l'Almamy. Tous les jours la petite femme allait présenter ses respects à son mari, puis rentrait chez son père où elle jouait avec une tête de maïs en guise de poupée. L'Almamy, malgré ses cinquante-sept ans, a également deux jeunes femmes, filles de deux grands chefs, ses amis.
Le père est le chef de famille et a une autorité absolue sur ses femmes et ses enfants ; il y a toujours à sa portée un martinet à lanières de cuir tressées, dont il se sert pour assurer le calme dans son intérieur.
Les épouses ne sont pas exemptes de corrections et cela se comprend : comme le plus souvent un homme possède plusieurs femmes, si elles se chicanent entre elles, ce qui arrive quelquefois, il ne peut se faire entendre au milieu du tapage, elle martinet est un argument sans réplique.
Les femmes sont très respectueuses envers le mari et les enfants très soumis envers les parents.

Les familles peulhs, on le comprend, sont très nombreuses et le père ne peut consacrer que des instants très courts à chacun de ses enfants. Aussi éprouvent-ils pour lui de la crainte plutôt que de l'affection, tandis que la mère est l'objet de toutes leurs tendresses. Le Peulh ne songe à s'enrichir que pour améliorer le sort de sa mère. L'amour fraternel, à moins qu'il ne s'agisse d'enfants de la même mère, n'existe pour ainsi dire pas. Souvent, dans les familles nombreuses et surtout chez les riches, il s'élève des querelles fratricides qui dégénèrent en luttes à main armée.
Quand un Peulh a dit : C'est frère de même père et même mère, expression très courante, il a prononcé l'expression la plus vive de l'amour fraternel. Dans n'importe quel cas, l'aîné a le pas sur ses puînés et cette hiérarchie est encore plus respectée chez les frères consanguins.

Si, comme on l'a vu plus haut, les habitants du Fouta sont peu vêtus, les bonnes moeurs n'en souffrent nullement. Les femmes ne s'inquiètent guère de savoir si on les admire ; elles n'en sont pas moins très pudiques et ne manquent pas d'habiller les enfants, dès qu'ils ont atteint l'âge voulu : onze ans pour les garçons et neuf ans pour les filles.
Par exemple, ce qui ne ruine jamais les familles, ce sont les frais de layette, ce luxe réservé aux enfants blancs. Aussitôt que la mère relève de couches, elle campe l'enfant à cheval sur ses reins ; pour le maintenir, elle passe sous lui une pièce d'étoffe qu'elle noue au-dessus des seins et voilà tout. Elle vaque aux soins du ménage, travaille aux champs, et la tête de l'enfant suit tous les mouvements du corps de la mère. Quand le bébé a soif, maman desserre un peu le pagne, fait passer sa progéniture sous son bras et livre la bouteille. Voici, d'après une de mes voisines, comment l'on sevré les enfants. Je m'étonnais de la voir allaiter sa fillette qui avait déjà trois ans; elle me dit qu'elle ne pouvait sevrer sa fille avant le retour de son mari.
—Quand Modi Salifou reviendra du Djoli-Ba (Niger), ajouta-t-elle, il écrira un bon salam sur un petit cahit (papier) et on le fera manger à Aïçata pour que Dieu lui donne bonheur.
—Mais si Modi Salifou ne revient que dans trois ans.
—Aiçata boira sa maman encore trois ans !
La façon de porter les enfants dans le Soudan est même la raison qui a fait attribuer par les Européens, à toutes les négresses, une forme qui n'est pas, en réalité, leur forme naturelle ; jusqu'il présent, je crois qu'il y a là une erreur, je n'ai pas vu une femme, n'ayant pas été nourrice, qui se présentât sous cet aspect disgracieux, que l'on sait.
J'ai même vu des femmes qui, après un allaitement prolongé, n'étaient pas déformées ; mais, quand une négresse a eu plusieurs enfants qu'elle a portés attachés comme je viens de l'expliquer, leur poids finit par produire une sensible dépression de la forme du buste.
Les Européennes portent des corsets, les femmes noires, non seulement n'en portent pas, mais elles se compriment la poitrine avec le pagne qui supporte l'enfant.

La cuisine concerne exclusivement les femmes et prend la plus grande partie de leur temps. Elles préparent les mets, du reste fort simples, avec beaucoup de soin et de propreté. Il faut d'abord piler, pour les décortiquer, le riz, le maïs ou le fognié (petite graminée semblable au tapioca), vanner soigneusement les céréales et faire cuire. J'ai remarqué que les ménagères évitaient surtout de laisser le riz tourner en bouillie ; elles le font crever et cuire dans une faible quantité d'eau. Quand il est cuit, il est déposé en forme de cône dans une calebasse et prêt à être servi.
On fait également aussi une sauce verte, appelée mafé, composée de piment et d'oseille qu'on écrase sur une pierre plate et qu'on fait cuire avec du beurre ou une huile extraite de l'arachide. On fait encore une sauce composée d'arachides écrasées.
Voilà la cuisine ordinaire.
Pour les grands jours on prépare quelquefois de la viande de boeuf, de mouton ou une poule au piment ! Nene Aéba, une des femmes de l'Almamy, prépare ce mets admirablement. Quand l'on tue un animal quelconque, la tête reviens de droit aux griots ; je ne sais pourquoi.
Le chef de famille, ses enfants mâles, s'ils ont plus de douze ans, les hommes de sa suite et quelquefois les captifs de confiance mandent ensemble. Chaque femme, avec sa petite famille, mange dans sa case respective.
Il va sans dire que le maître est toujours servi le premier. On apporte le repas, ordinairement composé de riz, de maïs ou de fognié ; les sauces de mafé, d'arachides et le lait caillé. Les calebasses sont recouvertes de paillassons en pampas très bien travaillés. La calebasse de riz est déposée au milieu de la case, les sauces sont placées à côté.
Chaque convive s'accroupit autour de la calebasse et un petit captif, portant de l'eau dans un vase, fait le tour de la société et la verse sur les mains des invités. Le maître du logis découvre la calebasse où le riz bouillant laisse échapper une buée qui monte vers le toit. A l'aide du couvercle, il évente la calebasse pour refroidir le riz, puis il prend du sel pilé qui lui est présenté, et avec la main droite rejette le riz sur les parois du vase de manière à y former un creux. Pendant ce temps le voisin, à l'aide d'une baguette de bois, bat le lait caillé afin d'écraser les caillots ; puis, il verse lentement le lait sur le riz pendant que le maître fait le mélange. Enfin, il roule une boulette et très adroitement, sans toucher les lèvres, la lance dans sa bouche. Tous les invités l'imitent. Il se fait un grand silence ; rompu seulement par le bruit des mâchoires. En deux minutes, une quantité de riz qui suffirait à vingt Européens est absorbée par cinq ou six indigènes. Le premier plat mangé, on passe au second ; c'est encore du riz, mais on remplace le lait caillé par le mafé.
Le repas terminé, lorsqu'il ne reste plus rien dans la calebasse, que les affamés en grattent encore les parois, comme s'ils voulaient les user, le captif revient avec son vase rempli d'eau et le passe à chaque assistant qui en boit une gorgée, se rince la bouche en se frottant les dents avec l'index droit, et se lave les mains.
Chez les dames on procède de la même façon. Quand il y a de la viande, les morceaux sont découpés et semés à travers le riz. Chacun en prend un avec ses doigts et le déchire à belles dents.
Chez les personnes à grande fortune, les femmes ne font que surveiller les travaux qui sont exécutés par des captives. A tour de rôle, chaque femme fait la cuisine pour le mari. Chez les pauvres, là où faute de moyens il n'y a qu'une femme, peu d'enfants et un ou deux captifs, tout le monde mange ensemble.
Assurément cette cuisine est bien simple, mais l'Européen le plus délicat peut en manger hardiment ; c'est propre, beaucoup plus propre que dans certains de nos restaurants à la mode !
Au Fouta, on n'a pas besoin d'être invité pour manger le bien d'autrui. Quiconque entre aux heures du repas dans une maison, mange à la calebasse commune et n'est même pas tenu de remercier quand il s'en va.

En voyage, le Peulh n'emporte jamais de provisions ; à l'heure du repas, il entre dans la première case venue. Un Peulh de qualité se lève à quatre heures du matin, fait son salam qui dure une heure, puis cause avec ses voisins. A huit heures, nouveau salam, déjeuner et causerie. Nouvelle prière ; puis, le Peulh se couche jusqu'à deux heures et se lève pour faire salam. Ensuite, il traite les affaires jusqu'à quatre heures du soir. A cette heure, il fait une prière. Au coucher du soleil, il fait encore une prière. Il soupe à huit heures, fait une nouvelle prière et cause jusqu'à onze heures ou minuit. Les noirs sont généralement noctambules et aiment à causer ou à écouter les griots jusqu'à une heure avancée de la nuit, surtout quand il fait clair de lune. Les hommes, selon leur goût, prient chez eux ou à la mosquée ; mais les femmes ne s'y rendent jamais.

Chez nous, par politesse, quand nous entrons dans uns maison, nous retirons notre chapeau ; au Fouta, l'on ôte sa chaussure. Jamais un Peulh, le plus souvent chaussé de sandales, n'entre chez lui ou dans n'importe quel intérieur, ni ne se mêle à un groupe de causeurs, même en plein air, sans retirer sa chaussure.
Tous ces nègres ont les pieds très propres, car chaque fois qu'ils vont prier, ils les lavent ainsi que les mains et la figure. A cet effet, les noirs ont presque toujours avec eux un chaudron à goulot, appelé marabout, et qui ne sert qu'à la toilette.

L'Almamy a fort bien remarqué que lorsque nous entrions chez lui, nous nous décoiffions. Un jour, il nous a demander pourquoi et nous lui avons appris que, chez nous, c'était un acte de politesse, ce qui lui a fait dire :
—Chaque pays fait à sa manière, les Peulhs retirent leurs sandales.

Ainsi qu'en Europe, la mort au Fouta est l'objet d'un cérémonial funèbre.
Quand un chef de famille meurt, —son temps est fini ! disent les Peulhs —pour exprimer leur douleur, les femmes poussent des cris qui font croire qu'on les roue de coups. Elles pleurent à sec, si je puis m'exprimer ainsi, car leurs yeux ne sont nullement mouillés. Si un parent ou un ami entre dans la case du défunt, les cris redoublent et le visiteur tire quelques coups de feu en mémoire du mort.
Le cadavre séjourne très peu de temps sur le lit mortuaire. Avant de l'ensevelir, on le lave soigneusement, puis on le roule dans un pagne et, après les prières de circonstance, on le porte au cimetière.
La fosse, creusée par les soins de la famille du défunt, n'a pas plus d'un mètre de profondeur et le fond est soigneusement recouvert d'un lit de sable ferrugineux. On couche le cadavre dans la terre, en lui tournant la tête du côté de l'Orient, puis on dit encore quelques prières et on dresse des petites traverses de bois, que l'on recouvre d'une natte, afin que la terre rejetée sur la fosse n'écrase pas le cadavre. La fosse une fois remplie, on a soin de garnir le tumulus de grosses pierres et d'épines, pour que les fauves ne puissent violer la sépulture.
Quand c'est une femme qui meurt, les choses se passent de la même façon que pour les hommes, moins les cris de douleur.
Je ne crois pas que l'on soit obligé d'enterrer les morts en un lieu commun. Pendant notre séjour à Donhol-Fella, Hamadou, le fils aîné de l'Almamy, perdit un bébé de cinq semaines. Pour l'enterrer, on mit le petit cadavre dans une marmite de terre que l'on enfouit ensuite dans le jardin.
Les Peulhs ont le culte des morts. Profaner une tombe est un sacrilège puni par le dernier supplice et chaque fois que des noirs en voyage passent devant un tumulus isolé, tombe d'un voyageur enterre nu il est mort, ils jettent dessus des poignées d'herbe ou des feuilles vertes en guise de salut.
A part les inhumations de leurs proches, les Peulhs ne visitent jamais les cimetières. C'est assez tôt, disent- ils, d'y aller quand on y est forcé.
Lorsque le chef de famille est mort pauvre, les amis et les voisins portent à ses veuves des provisions de bouche, appelées charités ; deux ou trois jours après le décès, les veuves et leurs enfants respectifs sont partagés entre les frères, héritiers du défunt, qui doivent les protéger. Les termes d'oncle et de tante ne sont pas usités au Fouta 2 ; les enfants remplacent ces deux mots par petit père et petite mère .
Les Peulhs sont-ils susceptibles d'esprit d'à-propos ?
Pour s'en assurer, il faudrait une parfaite connaissance de la langue, mais l'anecdote suivante me fait croire, qu'à l'occasion, ils font de l'esprit comme tout le monde.
Pour remercier un homme du pays qui venait de Boké et nous apportait des lettres de M. Pauliart, Bayol lui donna un mouchoir qui était orné du portrait de M. Grévy : ce Peulh regarda attentivement le portrait du président et dit :
—Pour être chef des blancs, il faut donc avoir un bowal sur la tête ?
—Pourquoi ?
—Parce que tu dis, celui-là c'est le chef des Français, il n'a pas de cheveux, et le commandant de Boké il a aussi gagné bowal !
Les Peulhs appellent bowal les plaines de pierres qui couronnent le sommet des montagnes.

Notes
1. Pour correctifs, lire Paul Marty, Le nom et Vieillard, Les noms d'honneur peuls
2. Erreur corrigée entre autres par G. Vieillard, Les termes de parenté