Editions Ernest Leroux. Paris. 1921. 588 pages
Le premier accouchement (woofaade) est effectué obligatoirement chez la mère de la jeune femme C'est elle qui sert d'accoucheuse. Les fois suivantes, la femme reste dans son galle (jibinde) et ce sont les matrones voisines et quelquefois la mère qui viennent lui prêter assistance.
L'accouchement se fait soit dans la case même, soit dans une petite palissade, à ciel ouvert, sorte de paravent circulaire, et qui a été construite pour les besoins de la cause à l'intérieur de la tapade du galle. La femme est à genoux. Aucun homme, sauf le mari, ne doit assister à l'opération, et encore celui-ci s'ingénie-t-il toujours pour être absent, à cette heure-là.
Le nouveau-né est lavé à l'eau tiède, et on lui fait boire tout aussitôt un peu de nasi ou eau de lavage d'amulette et un peu de lait de vache. C'est là le Peul en substance, musulman et propriétaire de boeufs.
La mère et l'enfant doivent rester sept jours sans sortir de la case; l'enfant n'étant pas encore rasé et n'ayant pas de nom, ne doit pas voir le jour, et le sort de sa mère est encore lié au sien.
C'est toujours la mère qui allaite son enfant.
Le septième jour, on rase la tête de l'enfant, garçon ou fille, après lui avoir enduit la fontanelle d'un peu de beurre. On prépare beaucoup de nourriture; calebasses de riz, de mais, de mil, de lait; le karamoko égorge un boeuf et plus souvent un mouton ou une chèvre. La bête qui porte le nom mi-arabe. mi-poullo de jonna innde: « tradition du nom », est partagée en deux : une moitié est prise par le père, qui la distribue en petits quartiers à ses parents et amis; l'autre moitié est le lot de la mère qui l'envoie à sa famille. Si cette famille est trop éloignée, la jeune mère lui envoie un mouton vivant, mais il faut que tous, du côté paternel comme du côté maternel, participent à cette communion de la viande. En même temps, on distribue à tous les enfants de l'assistance de petits gâteaux (cobbal) confectionnés de farine de riz, de lait frais et de miel. Puis l'enfant est porté par sa mère, trois fois autour de la case. Des femmes suivent, portant des sabres, des couteaux, un fusil, et autres engins de guerre, si c'est un garçon; des calebasses, des léfa, des pièces d'étoffe, si c'est une fille. En passant devant la porte, elle dit aux personnes présentes: Salam Aleykum, et on lui répond: Aleykum Salam.
C'est au cours de ces festins dennabo (terme maninka) ou fembunde (terme pular) que la mère reprend définitivement sa liberté et que l'enfant reçoit son nom.
L'ensemble des noms du Fouta comporte:
C'est soit le nom de tribu: Dial-Diallo, Uuruuro, Dayeejo, Pereejo, soit le nom d'une des fractions ou sous-fractions de ces quatre grandes tribus, qui constituent l'ensemble de la société peule. Par exemple, pour les Dialluɓe: Seeleyanke, Nyooguyanke, Kaliduyanke Timbonke, etc.
Des appellations spéciales à la salutation existent pour chacune des quatre tribus. Ainsi :
Le captif affranchi entre dans la tribu et la fraction de son maître et en prend le double nom.
Le innde est le nom islamique. C'est lui qu'on emploie ordinairement pour désigner un individu ou pour l'appeler.
Les plus usités sont :
Pour les hommes :
Pour les femmes :
On pourra remarquer que ces noms islamiques, tout en étant encore loin de la pureté arabe, ne se distinguent pas par une fantaisie égale à celle que déploient dans le même domaine Sénégalais et Soudanais.
C'est le père qui donne ce nom a l'enfant. Son choix est guidé par la tradition : si c'est un garçon, c'est le nom de son père ou de son beau-père, le nom de l'almamy, d'un karamoko célèbre ou d'un ami; si c'est une fille, le nom de sa mère ou de sa belle-mère, le nom de la mère de la femme, de la fille de l'almamy, d'un karamoko ou d'un ami.
Ce nom islamique est celui qui est généralement employé pour désigner quelqu'un; quand il peut prêter à confusion, on le fait suivre (exactement comme la chose se pratique en arabe), de mo qui signifie « fils » (Ould, ibn) et du nom du père. On dira donc: « Ibrahima mo Oumarou », comme un Arabe dirait: « Ibrahim Ould Omar ».
L'usage du Fouta Toro de donner un nom à l'enfant, suivant un catalogue déterminé par les jours de la semaine, est inconnu au Fouta-Diallon, au moins dans la société foula. Cet usage toutefois se rencontre chez les colonies malinké, et a été importé de la région de Kankan.
Le captif affranchi reçoit généralement un nom islamique au moment de sa libération. C'est son maître qui le lui confère. Quand son nom antérieur présente une teinture d'Islam suffisante, on peut le lui laisser.
Les jumeaux, toujours considérés comme un signe de bénédiction divine, reçoivent deux noms appareillés: Hosanna et Housserai; Ahmadou et Mamoudou; Saidou et Saadou, etc.
Les Foula disent jammore et les Toucouleurs de Dinguiraye l'appellent waccoore a subi beaucoup plus fortement l'influence de la coutume.
Il se présente sous des formes diverses.
Le plus répandu, qui apparaît emprunter à la coutume noire, consiste à ajouter, après le innde, le nom du village originel. On dit: Ibrahima Fougoumba, Ibrahima Dalen, signifiant que ces Ibrahima sont originaires des villages de Fougoumba et de Dalen.
Un autre, très répandu, aussi est un succédané du nom islamique, et si en quelques-uns on reconnaît bien la déformation du nom originel : Boubou pour Boubacar Doulla pour Abdoullahi Doura pour Abdourahman Mata pour Fatoumata il est malaisé de donner une explication pour les autres, tels
Bala pour Salihou Koli pour Mamadou et Mamoudou Sori ou Kandia ou Bréma, pour Ibrabima, Yala pour Souleyman; Kesso et Diéba pour Mariama, Tébou pour Dienabou, Zariou ou Nyara pour Aminatou.
A l'enfant qui naît un jour de fête, on accole ordinairement à un nom l'appellation de Julde , id est « fête ». Le nom doit être obligatoirement Mamadou ou un de ses dérivés. Lors donc qu'on rencontre un individu qui s'appelle Salihou Julde, c'est qu'il est né un jour de fête islamique, et que son vrai nom est Mamadou Salihou Julde.
L'usage, général en pays maure et noir, de donner un nom spécial à un enfant quand tous ses frères et soeurs ont péri successivement en bas âge et afin de lui assurer l'existence, est appliqué au Fouta-Diallon. On l'appelle a Bailo (forgeron) sans nom islamique. Si on veut lui donner quand même un innde islamique, on l'appelle Mamadou ou Amadou et on y accole le nom de « Ouri ».
Les appellations de Karamoko, de Tierno et d'Alfa qui sont, la première une épithète professorale, et les deux autres des titres doctoraux, sont très communes. Elles précèdent le innde: Karamoko Falilou, Tierno Aliou, Alfa Oumarou, ou simplement le nom du lieu d'origine de l'intéressé. Tierno Maci, Karamoko Dalen, Alfa Fougoumba. Quand un de ses maîtres illustres fait la gloire d'une région, il arrive souvent que les parents donnent à leurs enfants le seul nom sous lequel on désigne localement le' grand homme: Karamoko, Tierno, Alfa.
Aux fils et aux filles de captifs, on donne souvent le nom de Donkin ou de Suumayee quand ils naissent dans ces deux mois de Hidjdja et de Ramadan.
En dehors de ces divers noms, il existe à l'intérieur du galle ou entre voisins des désignations spéciales pour les interpellations.
La femme appelle son mari Moodibbo, seigneur, ou Jon galle, maître du galle. Le mari appelle sa femme Sonna, madame: Sonna Habiba, Madame Habiba, ou encore Neene, suivi du nom de leurs enfants : Neene Ibrahima, mère d'Ibrahima.
Le gendre appelle son beau-père, Moodi, Tierno, Alfa en le faisant suivre de son innde : Moodi Habibou. Le beau-père appelle son gendre de la même façon.
Le fils appelle sa mère Neene ou Neene-Galle, c'est-à-dire mère du galle; son père Baaba ou Baaben.
Ce nom de Neene-Galle est si bien entré dans les moeurs qu'un homme le donne souvent à sa fille en l'honneur de sa mère qui, elle, est la vraie « mère du galle ».
Un père qui s'adresse à son fils l'appelle biɗɗo an ou simplement par son innde.
Quand un homme ou une femme s'adressent à un homonyme, ils l'appellent Tokoro ou Tokora et quand ils s'adressent à une personne qui porte le même nom que leur père ou leur mère, ils l'appellent Tokora Neene , Tokora Baaba, c'est-à-dire homonyme de ma mère, homonyme de mon père.
Le serviteur appelle son maître Pullo an (mon Pullo, mon maître) exactement dans le même sens où le captif maure dira « mon arbi », c'est-à-dire « mon maître »
Il n'y a pas, naturellement, d'état civil constitué; mais la plupart des Foula connaissent très bien leur âge et leurs origines. Les parents donnent les détails voulus de très bonne heure à l'enfant, et comme celui-ci a toujours une bonne mémoire et apprend la plupart du temps à lire et à écrire, il retient ces renseignements intéressants pour lui.
D'autres ont moins de précision, mais ont des points de repère : ils savent qu'ils sont nés l'année de la guerre contre le Gabou, contre les Tenda, contre les Bokeeto, contre les Houbbou, l'année de la mort de l'Almamy, l'année de l'éclipse, de la comète, de la pluie d'étoiles ou des tremblements de terre; l'année de l'arrivée des Français; l'année de la construction du chemin de fer, etc.
Les Pulli et Buruure de la brousse usent comme dates des grands événements de leur vie agricole ou pastorale: l'année où l'on cultive les lougans dans telle région; l'année où la transhumance des troupeaux s'effectua vers telle vallée ou tel boowal.
L'allaitement est fait par la mère et uniquement par elle. En cas de maladie, elle peut s'aider de lait de vache. Les captives appliquent moins rigoureusement le principe et donnent aussi du lait de chèvre ou de brebis à leurs enfants encore au sein.
En cas de maladie prolongée ou de mort de la mère, on donne l'enfant à une autre nourrice. Si la mère recouvre la santé et son lait, elle reprend son enfant et l'allaite à nouveau. Comme on le voit, le mélange des laits n'a ici aucune importance.
L'allaitement dure deux ans et pendant ce temps, toutes relations sexuelles avec la nourrice sont interdites. Si l'on fait remarquer au Foula que cette période de continence est bien longue, tout au moins pour le monogame, il répond que, dans ce cas, il n'est pas interdit de chercher ailleurs sa satisfaction. C'est pour cette raison que les enfants sont très espacés et peu nombreux dans les ménages monogames. Ils ont toujours au moins trois ans de différence.
C'est pendant cette période de l'allaitement, en général vers le septième mois, que l'enfant reçoit ses premiers talismans : amulettes arabes et gri-gri coutumiers. Les premiers donnés sont toujours destinés à protéger des maléfices du diable; ceux contre les sorciers ne viennent qu'un peu plus tard.
L'âge du sevrage est le même pour les garçons comme pour les filles. L'opération est peu compliquée. La mère s'enduit le bout du sein d'un peu de bouse de vache, et l'enfant, dégoûté ou apeuré, ne veut plus y toucher. On le confie souvent pendant quelques jours à la grand-mère, qui le met au lait de vache et au riz bien cuit. Un grigri de la plus haute importance est donné à l'enfant à cette date.
L'enfant, garçon ou fille, couche dans la case et sur le lit de sa mère jusque vers sept ans. Quand le garçon commence à aller à l'école, « il descend du lit maternel », suivant l'expression foula, et couche à terre. La fillette continue coucher avec sa mère.
A l'âge de la circoncision, soit vers quinze à dix-huit ans, il sort définitivement de la case maternelle et va prendre place soit dans la case réservée aux jeunes gens dans le galle, soit dans la case du quartier ou du village commune à tous les jeunes gens. Quelquefois la mère lui fait édifier une case personnelle à côté de la sienne.
Comme tous les peuples africains, les Foula aiment beaucoup les enfants, et visent à en avoir le plus grand nombre possible. On épousera volontiers la fille ou la petite-fille d'une femme qui est renommée pour ses couches de jumeaux.
Les jeux et l'éducation des enfants sont communs jusqu'à la circoncision ou l'excision. A cette date, il devient de bon ton de séparer les garçons et les filles.
Le jeune homme est marié la première fois par ses parents, soit parce qu'il demande lui-même une femme à son père, soit parce que ses exploits galants font comprendre au père qu'il est temps de le mettre en ménage. S'il aime quelque jeune fille, il peut la désigner à son père qui, généralement, ne se met pas en travers de ce désir.
Le père prend 10 kolas ou un gros paquet de sel ou quelques calebasses de lait et les envoie aux parents de la jeune fille. Ce cadeau porte le nom en foula de ndaarirɗun ɗatal et à Dinguiraye, de yheewude laawol. Dans les deux cas, il signifie littéralement « pour voir la route ». C'est en effet suivant que le premier cadeau est accepté ou refusé que le père sait s'il peut continuer ses démarches. Le griot, qui a servi d'intermédiaire, reçoit un présent, et en cas de refus des parents de la jeune fille, garde le cadeau pour lui.
A partir de ce moment, commencent les fiançailles qui, d'ailleurs, n'ont aucune valeur juridique. Les jeunes gens ne doivent plus vivre ensemble; il est convenable même qu'ils se fuient. La jeune file, suivant sa pudeur vraie ou affectée, se cache quand elle entend son fiancé, et celui-ci ne doit correspondre avec elle que par l'intermédiaire de ses camarades. A Dinguiraye, le prétendant fait de nombreux cadeaux à la jeune fille et à sa mère: pagnes, kolas, bijoux, etc. Il doit, en outre, verser au père 400 kolas, si la fiancée est une jeune fille, et 200 si elle a déjà été mariée. Le père en donne la moitié aux notables du village, et distribue l'autre moitié aux camarades de sa fille et à ses griots et griottes. Dans le Fouta, il n'est pas d'usage que le prétendant fasse des cadeaux à sa fiancée, mais il doit faire don à ses parents de 10 pièces de mousseline qui portent le nom de boubous du père (dolokke baaba) et pagnes de la mère (wudere neene).
L'époque du mariage approche. Le prétendant égorge un mouton, le découpe, et envoie ses griots en porter les quartiers dans des calebasses à sa future belle-mère. Celle-ci fait cuire cette viande avec du riz ou du mais, et en renvoie une partie au prétendant qui peut ainsi offrir un petit festin à ses camarades. Après quoi, il fait retour des calebasses à sa belle-mère, après y avoir déposé des kolas et de la monnaie.
Le père du jeune homme demande alors au père de la jeune fille de laisser procéder à l'union. « Oui, nous consulterons la mère » dit-il. Mais celle-ci fait toujours pour la forme du moins quelques difficultés: « Qu'il attende encore vingt jours. »
Bref, le délai écoulé, la jeune fille est conduite, un soir, à la case conjugale sous l'escorte de ses amies, parents et griottes, qui frappent des mains, et de ses frères et camarades d'enfance qui tirent des coups de fusil. Elle est vêtue de blanc, et si elle est vierge, elle ne doit pas poser le pied à terre pendant ce trajet. C'est un de ses captifs qui la porte sur son dos. Toutes les femmes se joignent au cortège sur la route.
On laisse les mariés à leur sort pendant qu'un grand festin (welno) réunit les convives: quartiers de boeufs, calebasses de mil, de fonio, de mais, lait, etc., y figurent en abondance.
A un moment, le jeune homme appelle ses griots et leur donne le pagne, taché du sang de la fille et preuve de son honneur virginal. En même temps, il tire des coups de fusil et ses camarades lui répondent. Les griots de la jeune fille promènent le pagne parmi l'assistance et finalement le remettent à la mère de la jeune fille. Ils chantent les louanges de la jeune épousée : « Fille de bonne famille, qui ne se donnait ni pour 5 francs, ni pour 1.000 francs. Fille de vertu et d'honneur, etc... » Les tam-tams résonnent. Pendant ce temps, les matrones entrent dans la case des amoureux et donnent leurs bons offices à la jeune femme, lui enseignant à se laver, etc.
Il arrive souvent que la jeune fille donne le change sur sa virginité perdue en répandant du sang de poulet sur son pagne, ou encore elle ne se donne même pas la peine de dissimuler et avoue à son mari ce qu'il en est. Celui-ci ne dit ordinairement rien et, pour éviter le scandale, accepte la chose. Il cherche en général à savoir quel est le complice. Si la femme ne veut pas lui répondre, il n'insiste pas, et la chose passe ainsi. Si toutefois il ne veut pas céder, et le fait est assez commun à Dinguiraye, sinon dans le Fouta, il fait reconduire la femme chez elle par ses griots avec toutes sortes d'injures: « Emmène cette chienne à sa mère, etc. », et dans le silence général, l'assistance se disperse. Dans ce cas, on doit lui rembourser la dot (tenhe) qu'il a versée. Tous les frais de cadeaux et de festin restent néanmoins à sa charge. Si au contraire, il est satisfait de la façon dont les choses se sont passées, il fait tuer, dès le lendemain, un mouton gros et gras, dammol, c'est-à-dire « soigné » et l'envoie à sa belle-mère qui en fait des distributions. Il lui envoie aussi quelques nattes et cinquante cordes à bestiaux.
L'usage s'est établi en quelques points de venir apporter des félicitations ou des condoléances au père, le lendemain du mariage. On le complimente sur la vertu de sa fille, le cas échéant; sinon, on le plaint: « Ce n'est pas de votre faute, vous aviez très bien élevé votre fille. C'est la faute de ce monde méchant. Les filles sont impossibles à garder. »
En somme, beaucoup de paroles et rien de tragique.
Un délai de claustration de sept jours, à passer dans la case, est imposé à la jeune épousée qui vient de sacrifier sa virginité. Dans les autres cas, aucun délai de ce genre n'est en usage.
Les cérémonies religieuses ne sont pas très nombreuses.
La dot, comme on l'a vu, a été généralement fixée à la mosquée, à la sortie de la prière, au moins à Dinguiraye. La veille du mariage, la mère demande à un karamoko un charme pour le bonheur conjugal de sa fille; elle en fait dissoudre l'écriture dans un peu d'eau et la mêle à la grande calebasse d'eau où la jeune fille prend son bain, au moment de s'habiller et de partir pour la case conjugale. A ce moment encore le père de la jeune fille prononce un yeefol pour son bonheur. Il récite une prière et certaines incantations coutumières dans ses mains et les promènent ensuite sur la tête de sa fille, enduit de sa baraka ses cheveux et ses joues. Quant au jeune homme, il revêt une amulette supplémentaire que son père ou son frère aîné est allé demander quelques jours auparavant à un marabout. Il n'y a donc en somme aucune cérémonie islamique proprement dite pour consacrer l'union matrimoniale. Quelquefois pourtant, la famille fait prononcer une prière ou lire un chapitre d'un pieux ouvrage par l'almamy de la misiide pour attirer les bénédictions divines sur les jeune époux. Mais personne n'assiste à cet office religieux. C'est le père du mari qui fait cette démarche auprès du karamoko, le deuxième ou le troisième jour du mariage, en lui portant quelques kolas, deux cordes à boeufs, ou une main de papier blanc.
Dans les mariages où l'épouse n'est pas une vierge, les choses se passent beaucoup plus simplement. Elle gagne elle-même à pied la case conjugale; il n'y a pas d'exhibition de pagne. L'accord général comme les conditions de détail sont le fait même des deux intéressés.
Les Foula n'ont pas de jour spécialement faste ou néfaste pour l'union conjugale. Les Toucouleurs, au contraire, contractent mariage de préférence les lundi, jeudi et vendredi, et s'abstiennent formellement de toute union le samedi.
Il reste à signaler une forme assez curieuse de mariage.
La première femme, poussée par la jalousie, et entendant garder la suprématie dans le gallé, prépare à son mari des coépouses de son choix, et lui variant ainsi les plaisirs conjugaux, est assurée de ne voir pénétrer aucune intruse dans le galle. Elle prend dans sa case une fillette d'une douzaine d'années, la forme, l'élève et la conduit ainsi jus qu'à la puberté. A cette date, elle la fait entrer au nombre des femmes légitimes de son mari. Quelques années plus tard, elle recommence la même expérience. Ces jeunes femmes, éduquées et façonnées par l'ancienne, la considèrent un peu comme leur mère et lui obéissent.
Les relations sexuelles sont interdites pendant les menstrues. Toutefois, la femme continue à cohabiter avec le mari. Elle doit se laver trois fois le matin et trois fois le soir. Pendant tout le temps de leur durée, elle ne doit ni faire salam, ni assister aux enterrements, ni toucher le Coran, ni sortir de sa case d'une façon générale.
Quand le moribond foula entre en agonie, sa famille et ses amis l'assistent en récitant des prières. Aussitôt après la mort, on lave le corps avec de l'eau chaude. En dehors de cette purification rituelle et sommaire qui est réservée à des personnes du même sexe que le défunt, les femmes procèdent quelquefois, surtout quand le cadavre est sale, à un lavage complet à l'eau chaude. Le corps est alors roulé dans une couverture blanche ou bleue; elle doit l'envelopper trois fois ou cinq fois si c'est un homme; sept fois si c'est une femme, les bras sont plaqués au corps. Les pouces des deux pieds sont attachés ensemble. On met du coton dans les oreilles et les narines, et on répand des aromates et des parfums européens ou indigènes sur le corps.
Tous ces soins sont, généralement du moins, quand le défunt est un homme, l'oeuvre du salli ou muezzin local. Il reçoit pour son salaire un boubou, un pagne ou une couverture. Ils sont donnés au cadavre, en dehors de sa case, à l'intérieur de la grande tapade. Après quoi, on ne doit plus le rentrer dans la case. Aussi, attend-on le plus tard possible avant de procéder à ces soins funéraires. L'inhumation, qui a lieu 5 à 6 heures après le décès pour un individu du commun, peut n'être faite que 12 heures plus tard, quand il s'agit d'un notable ou d'un karamoko, ou même 24 heures plus tard, quand il s'agit d'un grand chef ou d'un Almamy.
Le cadavre est hissé sur une civière de bambous et emporté. au pas de course par quatre hommes La civière est spéciale au cadavre ct doit être déposée sur sa tombe. Les amis accompagnent le cortège. Seuls les hommes y participent, et ce devoir est de stricte obligation. L'abstention serait considérée comme une injure. Quant aux femmes, elles ne doivent jamais prendre part à un enterrement, même quand c'est une autre femme qui en est l'objet. Leur office consiste à se rouler par terre dans toutes sortes de contorsions et de gesticulations, à se frapper le front, à se tirer les cheveux. Elles courent haletantes et pleurantes dans les rues du village, et les femmes qu'elles rencontrent se joignent à elles et les imitent dans leur mimique.
La fosse a été creusée par des jeunes gens, amis du défunt; par ses talibés quand il s'agit d'un karamoko. Elle a un mètre de profondeur et comme longueur, la longueur du corps. On dépose au fond, à même le sol, le cadavre; on le recouvre d'un clayonnage latéral de branchages et de pieux, dont les interstices sont bouchés avec de la paille. On comble la fosse avec de la terre et des cailloux, en l'exhaussant légèrement et en marquant l'emplacement par la civière. Chacun rentre alors chez soi, et les membres de la famille, ainsi que tous ceux qui ont touché le cadavre, se lavent soigneusement les mains et les pieds.
Les karamoko sont généralement enterrés avec leur turban.
Jusqu'ici, on n'a guère vu de cérémonie proprement religieuse, encore que ces rites funéraires soient généralement ceux qui sont pratiqués dans le monde islamique. Quelquefois pourtant, au moment de la mort, le marabout voisin a été convoqué auprès de la couche du défunt, et dans ce cas, il y récite la sourate Yaa Sin. Mais il assiste généralement à l'inhumation, et récite la sourate « Dis: Et Dieu », qui doit préserver le cadavre de toute atteinte des hyènes.
Les obsèques des enfants sont moins solennelles. La famille seule y assiste. Il n'y a pas de prières, et les soins donnés au cadavre sont beaucoup plus sommaires.
L'enfant mort-né est enterré à côté de sa mère, décédée en couches, mais non dans la même tombe On lui creuse une petite tombe à droite ou à gauche. La femme est enterrée à côté de son mari.
Le repas funéraire, qui comporte le sacrifice d'un boeuf, des gâteaux, « cobbal », et des calebasses de maïs, est de rigueur. Il est destiné à tous ceux qui ont participé aux obsèques: aux jeunes gens qui ont creusé la fosse, au salli qui a lavé le corps; aux personnes qui ont porté le bois et l'eau; au karamoko, qui a fait les lectures pieuses; aux amis qui ont honoré de leur présence les funérailles
Les cimetières, surtout les anciens, sont situés près des mosquées. Ce sont des pièces de terrain ad hoc, souvent des lougans abandonnés, ils sont entourés d'une tapade ou d'une haie vive de pourghères. Les civières de bambous sèchent, s'affaissent et se dispersent ; le léger exhaussement de terre, qui marquait l'emplacement de la tombe, se nivelle. Au bout de très peu de temps, rien n'indique plus les tombes, mais le cimetière, sorte de terrain sacré, est toujours l'objet du respect général, Quelquefois pourtant, surtout pour les personnages notables, la tombe est entourée d'une petite tapade circulaire de deux mètres de diamètre, ou d'une haie de pieux d'un mètre de hauteur. Les herbes folles poussent à l'intérieur et à l'extérieur, un gros arbre ombrage le tout; on a l'impression d'être plutôt devant un coin de fourré sauvage que devant un mausolée. Les témoins que les Arabes placent à la tête et aux pieds de leurs défunts, les inscriptions qui fleurissent sur les cippes des cimetières de l'Afrique du Nord et de l'Orient sont inconnus ici, et même interdits.
Le culte des morts n'est pas plus en honneur chez les Foula que chez les autres peuples africains. On ne prie pas pour les défunts, et on ne fait pas prier pour eux. Il n'y a ni cérémonie d'anniversaire, ni fleurs, ni symboles. Le passant ne rend aucun hommage à la tombe du chemin. Quelquefois seulement, un fils ou un talibé choisit de préférence la proximité de la tombe de son père ou de son karamoko pour venir y réciter une oraison et faire une pieuse lecture: « Mais, dit-il, c'est pour y jouir de plus de tranquillité. Des tombes, comme celle de Karamoko Alfa, qu'on voit à Timbo dans son ancien carré, ne sont l'objet d'aucun culte spécial, ce qui est surprenant. Pour le mettre à l'abri des dégradations des troupeaux, l'almamy Oumarou Bademba l'a fait entourer, ces dernières années seulement, d'un petit mur en pierres sèches, mais ses propres descendants ne viennent pas la visiter pour cela. Les Toucouleurs de Dinguiraye ont les mêmes usages, et c'est tout juste si le tombeau d'Al-Hadj Omar à Bandiagara, récemment restauré par les soins de l'administration française, jouit de quelque célébrité. Les Foula se défendent avec horreur de mettre quoi que soit dans les tombes. C'est une marque indélébile de fétichisme. En parler seulement suffit à vous faire considérer comme un infidèle.
Il n'en va pas autrement chez les peuples Fouta-Diallonké que l'Islam a à peine effleurés. Certains sociologues, et notamment Herbert Spencer, ont voulu établir indubitablement le « rapport entre le développement de la théologie spiritiste et celui du fétichisme ». Ce parallélisme n'est pas, quoi qu'ils disent, un fait acquis. On ne trouvait, et on ne trouve encore, chez les peuples fétichistes du Fouta, les Diallonké notamment, relativement avancés au point de vue religieux, que fort peu de traces de ce spiritualisme spécial. Le culte des ancêtres notamment, que cette école considère comme le premier élément de la croyance religieuse ne fut jamais en honneur chez ces fétichistes.
Par la suite, nombre d'entre eux ceux qui n'ont pas émigré se sont quelque peu islamisés au contact des invasions, prédications et violences peules, et il faut bien constater que, pour les uns comme pour les autres, cet état d'islamisation, qui est pourtant d'un degré supérieur en spirituel à l'état antérieur du fétichisme, ne s'est traduit par aucun développement du culte des ancêtres. Diallonké et Foula n'ont aucune vénération particulière pour les plus grands saints décédés et les ancêtres les plus vertueux. Dès qu'ils sont morts, ils sont oubliés, quel que soit le culte dont ils aient été entourés pendant leur vie, et l'on sait que ce culte va quelque fois bien près de l'adoration.
Il n'apparaît donc pas que le progrès de l'idée religieuse et l'épuration des croyances suivent cette marche normale que la philosophie évolutionniste a tirée trop hâtivement de certaines constatations et a érigée aussitôt en système.
Cette indifférence vis-à-vis des ancêtres, et plus généralement des morts, qui apparaît chez les fétichistes et qui s'est maintenue après leur islamisation, n'est d'ailleurs qu'une manifestation d'un état d'esprit plus général. C'est, semble-t-il, l'absence de dispositions naturelles pour la croyance à une vie surnaturelle et post-terrestre. On ne croit pas à l'intercession des saints parce qu'on ne croit pas à la propitiation des morts, et on ne croit pas à celle-ci, parce que, malgré les enseignements de la religion, on ne croit pas pratiquement à une vie future. Certains lettrés peuvent y penser, comme on s'imagine un plaisir prochain, et ils s'y délectent en imaginations voluptueuses, mais l'immortalité de l'âme, avec ses hauts enseignements et ses conséquences morales, ne constitue pas plus pour eux que pour la foule un guide de vie intérieure et de conduite vertueuse. Voilà pourquoi sans doute on considère généralement comme un geste inutile et quelque peu ridicule d'honorer un mort.
La femme doit porter très sévèrement le deuil de son mari. Elle enferme dès le lendemain de la mort, ses bijoux et ses beaux habits, et elle se vêtit de pagnes d'un tissu grossier. Elle défait son cimier (jubaade), aplatit ses cheveux, et les enserre dans un mouchoir ou dans une résille d'étoffe blanche. Il est d'usage, en certains endroits, d'offrir une calebasse à la veuve, le lendemain du décès de son mari. Elle doit rester enfermée dans le carré de son mari, et y vivre dans le silence et la discrétion. Chaque vendredi, et quelquefois le lundi, elle va, accompagnée par une vieille femme, au marigot ou au ruisseau voisin pour y prendre un bain et y laver ses vêtements. Le délai du deuil et de continence est, conformément à la loi islamique, de quatre mois et dix jours pour la femme légitime et deux mois et cinq jours pour la concubine. En réalité, la femme n'attend pas toujours l'expiration de ce délai pour remettre ses bijoux et habits, refaire sa coiffure (jubaade) et se remarier. En tout cas, elle amorce son affaire dès le premier mois; si elle n'a trouvé personne, elle est reconduite, à la fin du deuil, en grande pompe, par les parents et amis du défunt, du galle de celui-ci à son propre galle familial.
Quand la veuve (légitime ou concubine) est enceinte, le délai de deuil et de claustration doit durer jusqu'à l'heure de la délivrance.
L'homme n'est tenu à aucun deuil, à aucun délai d'attente, après la mort de sa femme. Il est même de bon goût chez les Foula de ne pas rester sous l'impression du malheur et de se remarier le plus tôt possible. Il est rare qu'un Foula qui le peut ne se remarie pas dans la huitaine de la mort d'une de ses femmes; on en a même vu qui contractait union le lendemain, et d'autres, le jour même de la mort de leur femme. En quelques points, il est d'usage que le mari observe un certain deuil; il consiste à porter son boubou à l'envers pendant quelques jours.
On procède au partage de la succession fort peu de temps après le décès, en général au lendemain du repas funéraire. Les fils prennent tout de suite les gris-gris et les frères les femmes du défunt. La chose ne va pas sans discussions, surtout quand les femmes ont du bien. Pour le reste, on procède à un inventaire.
Il n'est pas convenable de dire de quelqu'un qu'il est mort. Les formules abondent pour faire entendre la chose sans prononcer le mot. On dit:
Il n'est pas là il n'est pas dans son galle il est à la guerre il s'est absenté il s'est endormi il s'en est retourné, etc.
La femme foula jouit d'une entière liberté d'allures. Son sort est semblable à celui de l'ensemble des femmes noires, bien supérieur, par conséquent, à celui de la femme arabe.
Elle est maîtresse absolue dans sa case, administre son bien personnel comme elle l'entend, este en justice, fait travailler ses lougans par des captifs, ou des salariés, s'associe en commandite commerciale avec des dioula, etc.; une vague autorisation maritale, tacite d'ailleurs plutôt que formelle, paraît nécessaire.
Elle dirige les travaux des captifs de son mari, surveille les opérations culturales et garde en main les intérêts généraux du galle.
Elle sort non voilée, fait telles visites qu'elle veut, reçoit et voit tous ses amis, hommes et femmes.
Elle est la tutrice de ses enfants, sous la surveillance de ses parents ou beaux-parents et surtout de la grand-mère paternelle. Une condition toutefois est imposée. C'est qu'elle ne se remarie pas. Sinon l'enfant passe sous la tutelle des grands-parents paternels.
Elle s'occupe des hardes de son mari. Quand elles sont plusieurs, elles se partagent ce soin. Elle garde les clefs des malles et des coffres, même celles de son mari, sauf toutefois si, par sa conduite, elle a montré qu'elle n'en était pas digne.
Elle est très bien traitée par son mari, non seulement comme l'assure le proverbe, dans les premiers temps de l'union: « Si la nouvelle mariée passe la nuit sans avoir rien à manger, l'hôte de passage est tiré d'incertitude sur ce qu'on lui servira » mais même par la suite et jusqu'au dernier jour. Elle jouit, à l'intérieur du ménage, d'une influence considérable, reconnue par les maris eux-mêmes. Le mari n'entreprend quelque chose qu'autant que l'opinion de sa femme est conforme à la sienne.
La première femme n'a pas, a priori, de situation spéciale. C'est celle que le mari aime le mieux qui commande en réalité, et celle que le mari aime le mieux est définie par le Foula « celle qui se conduit bien envers son mari ».
Cette influence de la femme est considérable dans les affaires de l'extérieur. La plupart des explorateurs ont été frappés du rôle important que jouait la « neene galle » dans la conduite des affaires politiques et administratives, et certains, comme Bayol et Noirot, avouent avoir été obligés d'en tenir largement compte dans leurs négociations diplomatiques.
En résumé, cette situation est heureuse et digne, malgré l'inconduite générale des femmes foula, déjà signalée, et qui est durement traduite par le proverbe :
« La femme est une rivière, tous les animaux peuvent y boire. »
Elle est surtout pleine d'espoir pour l'avenir, car elle permet d'entrevoir, si les choses restent en l'état, une transformation relativement facile de la société foula, grâce à cette indépendance et à cette influence de la femme et eu égard à sa facilité d'évolution.
Il est donc regrettable de constater les fâcheuses transformations que l'lslam fait subir à cette condition de la femme dans les milieux plus particulièrement religieux. Chez les almamys et chez certains chefs de diiwe et de province, chez les grands karamoko et dans les principaux groupements maraboutiques, ce qui représente, en quelque sorte, les zaouia de l'Afrique mineure, les femmes sont parquées dans des carrés spéciaux qui constituent de véritables harems. Elles ne sortent que voilées et sous la garde de sofa. Ceux-ci ont l'ordre de les suivre jusque dans l'accomplissement de leurs besoins les plus intimes. Elles sont retranchées de la vie sociale et économique, et transformées en troupeau de sérail. Ces cas sont heureusement très rares. La liberté dont la femme foula a toujours joui fait qu'elle s'accommode mal de ce régime de recluse, même quand on le lui présente sous la forme d'une prescription religieuse.
Le Foula habite la case de chaume (suudu); ces cases offrent toutes les dimensions, suivant la grandeur de la construction, carrée, rectangulaire ou circulaire, de l'intérieur. Le dôme de chaume qui l'enveloppe descend jusqu'à terre, formant ainsi une véranda extérieure aux murs.
Les gens pauvres, les serviteurs, etc., habitent de petites cases de bois et chaume, sans constructions intérieures (tippuru).
La tente ou tillissa est inconnue.
L'ensemble des cases d'une famille est entourée d'une tapade et plus généralement d'une haie vive de pourghères. C'est le galle. A Timbo, et dans les régions qui, comme ce centre, sont peu peuplées et n'ont que peu de troupeaux, les galle ne sont pas entourés de haies, ni de tapades.
Galle et cases s'élèvent dans le village, sans beaucoup d'ordre, empiétant même sur les chemins de grande communication. Dans ce dernier cas toutefois, l'administration s'emploie à leur imposer un certain ordre.
En dehors des centres et villages importants de misiide, la campagne est parsemée de hameaux dits marga ou foulasoo, et sis généralement à proximité des terrains de culture.
Le Foula libre a son gallé au centre de la misiide, où il vient le vendredi pour la prière en commun, et les autres jours, quand ses affaires l'appellent. Il habite plus généralement, surtout à l'heure actuelle, ses foulasoo ruraux. Les captifs ne sont pas admis au galle de la misiide. On n'y trouve que le petit nombre nécessaire au service. Ils sont installés soit au foulasso, avec leurs maîtres, soit dans des hameaux spéciaux, dits runde.
Il n'y a pas de tata fortifié dans le Fouta-Diallon.
La case foula renferme des lits, (sing. danki ; plur. danɗe) petites constructions en terre, s'élevant à 0 m.50 au-dessus du sol et qu'on recouvre de nattes et de peaux de boeufs. On y ajoute des couvertures et des coussins de peau en guise d'oreillers. Elle se ferme par une porte de bois du pays (acajou, etc.) suffisamment polie et équarrie.
Elle s'orne quelquefois de petits dessins, sculptures et arabesques de plâtre, sortes de bas-reliefs plaqués dans le mur, et qui semblent bien empruntés aux enluminures des livres de piété islamiques. Les portes sont parfois recouvertes aussi de motifs d'architecture semblables, soit sculptés dans le bois, soit pyrogravés.
Au milieu de la case, un petit emplacement circulaire de 0 m. 50 de diamètre marqué par une ou plusieurs rainures et légèrement abaissé, indique le foyer. C'est le huɓɓinirde ou place du feu.
Tout autour de la case et à l'intérieur, court à quelques centimètres au-dessus du sol un petit rebord qui supporte; à droite de la porte les calebasses, pots, etc.; à gauche, les canaris et jarres d'eau; plus loin les malles et coffres à vêtements.
Sous la véranda, on abrite les ustensiles et objets de ménage, les léfa, les épis de mais, les réserves courantes de grain, les petites tables basses, etc.
La case diallonké est de forme ronde, grande et haute, très aérée. Elle est bien construite, entourée d'une large véranda, sur laquelle repose une toiture de chaume très inclinée. Cette toiture ne descend pas jusqu'au sol comme dans les cases foula. Souvent, le gallé est entouré d'une haie de pourghères, de bambous tressés ou de tapades diverses, entre lesquelles courent les rues de village. Celui-ci, peu étendu est généralement propre.
Le galle renferme souvent une case vacante à l'usage des hôtes. Quand il n'y en a pas, une des femmes évacue la sienne et on y installe l'hôte.
Les habitations des Buruure sont beaucoup plus sommaires et sont conditionnées par leur extrême nomadisme. Ils se construisent une hutte (wuro) en moins de temps qu'il n'en faut aux Sahariens pour édifier leur tente. Quelques branchages fichés en terre et sur lesquels on jette du chaume, des graminées ou des feuilles constituent la hutte. Deux jours plus tard, on file à la recherche d'un nouveau pâturage. Il n'y a donc aucun confort: tout est subordonné au bétail.
L'influence islamique est à peu près nulle dans ce domaine de l'habitat. Peut-être toutefois faut-il faire honneur à l'lslam, à moins que ce ne soit le fait de la race même, de la grande propreté qui règne dans les foulasso et cases foula. Les villages des fétichistes environnants sont loin d'être tenus aussi proprement et aussi coquettement.
En revanche, l'influence européenne y est très sensible, soit qu'elle
se manifeste par des conseils ou des ordres de I'administration, soit qu'elle n'ait
pas d'autre cause que l'esprit d'imitation et le désir du mieux-être.
Les cases s'alignent, les véranda deviennent plus spacieuses, un petit mur
les entoure quelquefois, formant ainsi une galerie circulaire agréable.
Les moins irréductibles vont même jusqu'à écourter le
dôme de chaume qui enveloppe les cases et consentir à ne pas les laisser
traîner jusqu'à terre, ce qui oblige les gens à ne pénétrer
qu'à plat ventre ou fortement courbés. Les haies sont mieux entretenues. Certains vont même jusqu'à construire des cases rectangulaires avec fenêtres. C'est l'almamy Alimou qui donna lui-même l'exemple dans cette voie, en 1900, en copiant les constructions de Noirot, à Ballayville (Conakry). Il en fit son bureau et sa salle de réception. Bref, le progrès matériel,
fruit de l'intervention européenne, est manifeste.
Le Foula est revêtu de la chemise ample, généralement simple, quelquefois double; du pantalon et du boubou (dolokke). Il y joint souvent une écharpe de guinée foncée.
La femme entoure ses reins d'un pagne, et s'enveloppe d'une grande robe-voile, dans le genre de la « melhata » arabe. Elle est surchargée, comme par tous pays, de colliers, bracelets et bijoux de tous genres.
Les étoffes sont généralement de fabrication européenne et sont achetées dans les boutiques des traitants et aux dioula de passage. La plus commune est la guinée classique, blanche et surtout bleue. Il y a aussi sur place une industrie assez florissante de tissage et de teinture. Ce sont les femmes qui l'exercent. Ces tissus sont plus rustiques, mais beaucoup plus solides. Jadis, la profession de teinturier était réservée aux seuls cordonniers (garanke). Mais depuis l'arrivée des Français, les besoins ont augmenté, et pour gagner un peu d'argent, toutes les femmes, même celles des riches, se sont mises à la teinture.
Ce sont les hommes seuls qui taillent et cousent les vêtements. Il n'y a pas de caste de tailleurs. Tout Foula s'emploie à ce travail. Les machines à coudre ne sont pas encore très répandues; on n'en trouve guère que dans les boutiques, qui se sont attachées un tailleur permanent.
Le couvre-chef est la petite calotte blanche (kufune),
ornée de plus ou moins d'arabesques blanches ou noires
Elle est l'oeuvre du tailleur, qui la découpe dans une pièce d'étoffe européenne ou indigène, et l'orne de soutaches. La chéchia est à peu près inconnue. On ne la voit que sur la tête de quelques vieillards. Le bonnet de velours est quelque peu en usage chez les Diallonké. Les karamoko portent le turban, au moins le vendredi. Les femmes vont la tête nue, mais le mouchoir devient commun. Les jeunes filles portent le voile sur l'épaule (kammala), et les femmes sur la tête (tiggaare).
La chaussure classique (paɗe-pettu) est la sandale, taillée dans le cuir cru d'une peau de buf. Les babouches jaunes, dites mukke, c'est-à-dire « où on peut entrer tout le pied », tendent à se répandre. Elles ne sont pas d'origine marocaine, comme on pourrait le croire, mais proviennent du Macina, de Dienne, et de Kankan. Elles sont à semelles renforcées. Sur ce modèle, les garanke foula commencent à fabriquer des babouches locales.
Les vêtements de laine n'existent pas au Fouta; à peine trouve-t-on quelques burnous ou djellaba, acquisitions d'origine marocaine ou syrienne, ou dons de fonctionnaires. Ce sont surtout les karamoko qui aiment à les revêtir, pour se donner de faux airs de Chérif ou d'Arabes.
Sur place, on ne sait pas travailler la laine. Au surplus, les ovins sont tous à poils.
L'antique modèle de la coiffure foula était la chevelure poussant naturellement, et tressée en seize petites cadenettes, tombant quatre sur chaque tempe et quatre sur chacune des faces arrières de l'occiput.
C'est le Kaasanko que la plupart des vieillards et des paysans portent encore. Quelquefois, on supprimait les cadenettes de l'occiput, et même on réduisait le nombre de celles des tempes à deux, trois ou quatre. C'était tout un art de porter élégamment son kaasanko, et les Pétrones étaient bien connus. Ceux qui n'avaient pas de cheveux se faisaient fabriquer des cadenettes postiches. Tel fut le cas du célèbre almamy Sori Mawɗo. Les Almamys et les karamoko aimaient aussi à se faire de petites frisures de cheveux roulés, en très grand nombre, sur le front (diooro).
Depuis l'arrivée des Français, cet usage tombe en désuétude. Aujourd'hui, les jeunes générations se rasent à peu près universellement la tête.
Quant aux kasanko, ils ne sont plus entretenus avec autant de soin que jadis, et les Foula disent qu'aujourd'hui on ne porte plus que des oggiley, c'est-à-dire des « cordes de chanvre » mal tressées et sans goût.
Les enfants sont rasés, le septième jour de leur naissance, et continuent à l'être tous les deux mois environ. Quand ils commencent à marcher, on leur conserve la houppette au sommet de la tête (jubuuru). Quelquefois on laisse au garçonnet un petit fer à cheval de cheveux, allant d'une tempe à l'autre au-dessus du front (piilol). Houppette et fer à cheval tombent au moment de la circoncision. La diversité des coiffures d'enfant, si développée chez les Toucouleurs du Fouta Toro, ne s'est pas très partiellement maintenue chez les Toucouleurs de Dinguiraye et n'est même pas connue chez les Foula.
La coiffure des femmes foula est le grand cimier classique (jubaade) vide de cheveux à l'intérieur, ce qui le différencie du cimier diakanké, etc. On le tourne et met à plat quand on veut poser une charge sur la tête. Le cimier gabou-malinké, beaucoup moins élevé et par conséquent moins incommode, tend à se répandre, ce qui constitue une marque de l'influence fétichiste. C'est le tyedi ou dolibali.
Il n'y a pas de différence de coiffure entre les libres, les gens de caste et les captifs.
Si le système chevelu des Foula est assez bien fourni, le reste de leur système pileux est plus que médiocre. Ils n'ont, en général, que fort peu de barbe et encore moins de moustaches. Aussi le soin du rasoir ne tient-il que fort peu de place dans leur existence. Il est de tradition de se couper les moustaches aux ciseaux tous les vendredis à l'issue de la prière. On la coupe tout entière, sans s'occuper de la modeler sur le filet arabe, tout à fait en honneur chez les Maures. Quant à la barbe, tant des joues que du menton, on ne la rase jamais. Pourtant, quelques jeunes gens à l'imitation de la coutume soussou, commencent à se raser les joues. C'est un soin qui paraît bien inutile.
Il est d'une rare élégance de porter les favoris (karamkabe), mais très peu de tempes sont susceptibles d'en avoir.
Les aisselles sont épilées régulièrement tous les vendredis. On les frotte souvent au préalable avec un peu de cendre, mais l'habitude fait qu'on ne sent plus la douleur. Les femmes sont astreintes à la même règle, mais ne la suivent pas avec autant de méthode.
Les parties sexuelles, tant masculines que féminines, doivent être épilées aussi, chaque fois qu'il en est besoin Le reste du poil n'est pas touché. Il est vrai qu'il est peu fourni et sans longueur. On cite comme des phénomènes les hommes pourvus de cette armure pileuse. C'est ainsi que la poitrine velue d'Alfa Oumar Telihun, chef du Kolen, a été célèbre en son temps, dans tout le Fouta. Il est vrai que sa grand-mère était une Malinké, et c'est ce qui explique cette dérogation à l'ordinaire constitution physique des Foula.
Le mets national des Foula est la soupe-bouillie de mais, de fonio ou de riz. On fait bouillir une marmite d'eau et on y verse une demi-calebasse de grain pilé. On laisse encore bouillir plus ou moins longtemps, suivant la graine, et on mange chaud, après avoir arrosé le tout d'une sauce d'arachides ou d'oseille sauvage pimentée, le maafe.
Le couscous classique de mil est aussi connu.
Les légumes indigènes sont peu nombreux : gombo, petites tomates, etc. Les légumes européens se répandent, poussent à merveille, et sont acceptés sans difficultés.
Les fruits sont abondants; oranges, citrons, bananes, mangues, papayes, karité, etc.
Les laitages: lait frais, lait caillé, beurre frais, beurre fondu surtout, tiennent une place considérable dans l'alimentation foula. Les fromages sont inconnus, et les oeufs non consommés. Cette interdiction des ufs ne parait pas d'origine religieuse. On ne mange pas les oeufs en principe, parce qu'ils sont destinés à la reproduction. Par la suite, cette abstention s'est généralisée, même quand, manifestement, il était impossible à une ménagère de faire couver tous ses ufs. Aujourd'hui, au contact des Français et sur leur exemple, la consommation des oeufs tend à se répandre.
Le poisson est assez rare dans les rivières du Fouta. Aussi ne tient-il pas place dans l'alimentation. Il n'y a d'ailleurs ni pêcheurs de profession, ni pêcheurs de caste.
La viande est très prisée, mais assez rare, car le Foula immole toujours à regret un boeuf ou un mouton de son troupeau. Il consent avec moins de regret au sacrifice d'une chèvre, et plus souvent, encore celui d'une poule. La bête est égorgée suivant le rite islamique. Ce mode de mise à mort paraît d'ailleurs antérieur à l'Islam, car on le retrouve partout en Afrique noire, même chez les populations fétichistes; mais aujourd'hui, chez celles qui ont adopté la loi du Prophète, il s'accompagne des formules classiques: Bismillah, quand on pose le couteau sur la gorge; Allah Akbar, quand le sang coule. Le sang, chose souverainement impure, reste à terre pour les chiens.
La viande de sanglier est interdite, et les Foula observent en général cette interdiction; mais les captifs de toute origine et les Malinke et Diallonké consomment cette chair sans souci.
La boisson ordinaire est l'eau. Il faut y ajouter le lait quand on en a, quelquefois le café, le kenkeliba, la citronnelle, imitation évidente des Européens, et plus souvent le thé. Deux boissons locales sont en honneur ici: la première, le mboyri, est une sorte de soupe liquide, farine légère délayée dans l'eau chaude. On le boit au repas et dans l'intervalle. En temps de carême, c'est avec le mboyri qu'on fait le petit repas de la fin de la nuit. Le second, le sungala, est moins orthodoxe; c'est une sorte de piquette, assez agréable à boire, et extraite de baies séchées, pressées et fermentées.
Les Foula fument peu, mais prisent beaucoup. Ils considèrent l'usage du tabac sous toutes ses formes comme licite.
La cuisine est généralement faite par les femmes. On se moque du mari qui prépare lui-même sa cuisine. Aussi, si la femme est malade, va-t-il chercher sa pitance chez les voisins. D'ailleurs, la femme ne cohabiterait pas avec un homme qui s'obstinerait à faire la cuisine, et cette répulsion irait jusqu'à la répudiation. Le dicton foula dit:
« L'homme qui fait la cuisine ne peut pas vivre avec une femme. »
Il n'est pas impossible de trouver des cuisiniers de métier, mais c'est chez les seuls Européens qu'on les trouve. Les filles aident leur mère à la cuisine.
Les repas ne sont pas pris en famille. Les hommes mangent ensemble: maîtres et serviteurs. Les femmes mangent à côté: maîtresses, filles et servantes. Les enfants mangent dans une calebasse à part, d'abord, à côté de la mère, ensuite, à côté du père, par la suite, seuls, entre jeunes gens. Le repas commence toujours par la formule sacramentelle : Bismillahi.
Le groupement foula, comme tous les autres groupements peuls, comprend dans son sein les quatre grandes tribus classiques de la race. Ce sont :
Ils ne peuvent fournir l'explication, vraisemblablement historique, de ces correspondances. La tribu
est exactement l'équivalent de la tribu sémite, et l'on ne peut être Foula sans appartenir à l'une quelconque de ces quatre tribus, de même qu'on ne peut être Juif sans appartenir à l'une quelconque des douze tribus d'Israël.
La tribu foula n'est pourtant pas la tribu arabe, groupée, campant et transmuant collectivement. La vie sédentaire a formé ici d'autres communautés, le village, le foulasoo, etc., où, à un fond de même ascendance tribale, viennent se joindre des éléments ethniques, appartenant aux origines les plus diverses, et intimement mêlés, dès la deuxième génération, au fond primitif. Les intérêts du cultivateur et même du pasteur bovin, à demi sédentarisé dans sa vallée ou son bowal, se différencient de ceux du berger peul nomade des siècles précédents, et produisent d'importantes transformations dans sa vie sociale. L'unité ethnique, de personnelle, tend donc à devenir territoriale, comme chez les peuples noirs, encore qu'on n'oublie jamais les liens de l'origine et de la fraternité de tribu. On est toujours Foula, mais on est déjà Fouta-diallonke
ou Fuutanke.
La tribu se décompose en fractions ou lenyol (pl. leƴƴhi).
La plupart de ces fractions ont été données ou citées antérieurement. Leur classification méthodique reste encore à faire, non seulement pour le Fouta-Diallon, mais encore pour les autres groupements Peul de l'A.O.F et de l'A.E.F. On pourra alors rapprocher et comparer ces groupements et tirer sans doute d'intéressantes
conclusions historiques.
On peut donner, à titre d'exemple, le fractionnement de tribu Dayeeɓe, très peu nombreuse au Fouta, raison qui, paraît-il, fit choisir Karamoko Alfa qui en était membre, comme chef de l'insurrection islamique et de l'indépendance foula. Il avait peu de partisans, unis à lui par les liens du sang, et on ne craignait pas qu'il s'imposât par la force et le nombre à l'ensemble de ses frères.
Dayeeɓe | Seeriyaaɓe |
Seediyaaɓe | |
Wolarɓe | |
Uyaaɓe |
La fraction ou lenyol se décompose en une multitude de familles: dambuɗe (au sing. dambugal), c'est-à-dire « qui sort de la même porte ». Ce sont des familles globales, composées des descendants d'un ancêtre commun, après trois, quatre ou cinq générations. Il se forme tous les jours de nouvelles familles.
13. Classes et Castes. La société foula est extrêmement hiérarchisée et, sur ce point, l'influence de l'Islam n'a jamais pu se faire sentir et l'influence européenne, malgré les diverses réformes administratives n'a encore produit que des résultats de surface.
On distingue trois grandes classes qui se subdivisent elles-mêmes en classes secondaires:
Sous le nom de Rimɓe, on désigne l'ensemble du peuple libre d'origine peule, tant foula que poulli. Jouissant de la plénitude des droits civils et politiques, ils sont tous égaux devant la loi religieuse comme dans la tradition sociale. Ils peuvent contracter des unions entre eux, encore que dans les premières classes, aristocratie du pouvoir, de la richesse et de la science, les parents donneront difficilement leur fille à un Buruure sauvage et inculte. Mais il n'y a là qu'une difficulté de convenance et non un empêchement de principes. Les Rimɓe sont les « honestiores » de la société foula.
Les classes rimɓe sont :
Les Nyeenyuɓe sont tous les gens de caste. Ils vivent groupés entre eux, soit par hameaux, soit par quartiers de villages. Toutes ces castes les humiliores de la société foula sont mises sur le même pied, sauf, toutefois, les griots qui constituent une caste inférieure. Chaque caste pratique une endogamie très fermée. De plus, les Rimɓe ne peuvent épouser en union légitime une fille de caste, et réciproquement. Ils ne peuvent pas non plus la prendre comme taraajo, ou concubine, parce qu'elle est une femme d'origine libre. Aujourd'hui, ces règles tendent à s'estomper, au moins entre gens de caste et on cite plusieurs unions entre individus d'une caste et filles d'une autre caste. Alors qu'ailleurs les femmes des gens de caste ont la réputation de fournir les éléments de la prostitution, ici, on ne dit rien de tel sur leur compte. Au contraire, les Foula eux-mêmes reconnaissent que les femmes des gens de caste se tiennent beaucoup mieux que leurs propres femmes.
Les castes nyeenyuɓe sont:
Les gens de caste étaient tenus à l'écart de toute éducation islamique. Ils ne la postulaient pas, d'ailleurs. Aussi, avaient-ils la réputation d'être de parfaits mécréants. Aujourd'hui où les prodromes de l'égalité sociale commencent à apparaître, les gens de caste envoient leurs enfants à l'école coranique. Ils y étudient, quelquefois avec goût, comme l'intelligence n'est pas la propriété des seuls Rimɓe, quelques-uns de ces enfants acquièrent un certain bagage de lettrés. Quelques parents eux-mêmes, assis par leur fortune ou leur réputation, fréquentent assidûment la mosquée. Il y aurait donc une tendance à l'islamisation des gens de caste.
Les Maabo ou tisserands ne formaient pas une caste. C'était une profession que tous les captifs exerçaient.
Les Haaɓe englobaient tous les captifs : captifs de case ou Ndimaaɓe; captifs de traite ou Soodaaɓe.
Ndimaaɓe et Soodaaɓe n'exécutaient que fort mal les ordres qu'on leur donnait. Les maîtres se plaignent qu'avec plusieurs dizaines de captifs, ils n'arrivent pas à faire réparer une toiture de case, à faire restaurer une tapade qui s'effondre.
Au lieu d'aller travailler aux champs du maître, les captifs vont récolter le caoutchouc et le vendent aux Syriens ou aux traitants, en oubliant complètement de lui porter au moins une partie des bénéfices. Quand il désire prendre une de leurs filles comme concubine, on la lui refuse nettement et sans explications. On doit donc constater que, dès avant notre prise de possession effective de l'autorité, le sort des captifs s'était considérablement élargi et amélioré. C'était, en réalité, des serfs beaucoup plus que des esclaves, et ils avaient toutes les facilités d'échapper à la tyrannie, notamment par la fuite et la force d'inertie. D'ailleurs, les Foula de la basse extraction et les Pulli Buruure travaillent et vivent comme eux, sont pillés par les « neveux et fils d'almamys », au même titre qu'eux, et on ne voit pas ce qui, pratiquement, distingue les uns des autres. A signaler ici que la rapacité foula qui laissa les captifs payer eux-mêmes et sur leur bourse leur impôt, demandé par les Français, a fortement contribué à développer chez eux le sentiment de la liberté et de leur indépendance administrative, comme elle a permis à l'autorité française de se rendre compte du nombre et de l'emplacement des captifs, renseignements qui, par la suite, ont été utiles pour contrôler leur émancipation.
Ndimaaɓe et Soodaaɓe, sauf quelques uns d'entre eux attachés à la personne de leurs maîtres, et ne quittant pas, vivaient groupés dans des hameaux de cultures ou runde, à proximité des champs du maître. Le chef du runde, véritable patriarche et juge, était choisi parmi eux, mais était quelquefois d'origine Pulli. C'était le saatigi ou saatige. C'était lui qui fixait le travail, surveillait les récoltes et les faisait parvenir au maître, dirigeait la vie sociale et économique du groupement, etc. Il pouvait même louer ses hommes à autrui, et c'est ce qui se fit fréquemment au début de l'occupation. Les chefs de village, sommés à fournir des travailleurs salariés, transmettaient l'ordre à leur saatigi, et celui-ci faisait parvenir le nombre de captifs demandés. D'autres captifs étaient employés par leur maître à faire du commerce, à ramasser du caoutchouc et de la cire, à faire des terrassements au chemin de fer, etc. Mais le propre du travail servile était la mise en valeur des champs du maître, et c'est ce qui fait que le captif a beaucoup plus l'apparence et la réalité d'un serf agraire que d'un animal, comme le veut le droit musulman avec le droit romain.
La suppression de la captivité a amené un malaise général dans le Fouta. La vie économique a fortement baissé, au moins dans les premiers temps: les Foula, Toucouleurs et Diakanké, réduits au travail servile et à la misère, ont été très indisposés contre nous. Il a fallu remédier dans une certaine mesure à cette souffrance économique et sociale et à ce malaise politique. Les maîtres demandaient que, pour ménager la transition, les captifs, tout en recouvrant leur liberté de principe, fussent maintenus, pendant un certain nombre de jours par semaine, à leur disposition pour les travaux agricoles. Cette solution, qui n'était guère pratique, fut rejetée, et celle du métayage adoptée. De toutes parts, sous l'impulsion des autorités françaises, des contrats de métayage ont été conclus entre maîtres et captifs d'hier, devenus officiellement les serviteurs. Les modalités diffèrent suivant les réions. Le principe est que le maître reste le propriétaire des terrains et que le captif devient définitivement un homme de condition libre. L'ex-captif continuera à travailler les champs du maître moyennant une quote-part de récolte, ou moyennant 0 fr. 25, 0 fr. 30, 0 fr. 35 par jour de travail effectif, ou moyennant la cession d'une parcelle de terrain qu'il travaillera pour son compte, trois jours par semaine, les autres jours devant être consacrés aux champs du propriétaire. Chacun des intéressés fournit ses semences; chacun paye son impôt. Le captif tend à devenir l'associé (Ballo pl. Wallooɓe). Bien des difficultés ont été aplanies par ces accords de métayage; bien des conflits politiques ont été évités, encore que le système n'ait pas eu partout la même vogue et le même succès. C'est dans ce sens que les questions des captifs d'lbrahima Fougoumba, du Tierno de NDama, d'Alfa Yaya, du Ouali de Goumba, et des successions des chefs de diiwe ont été rapidement et facilement réglées. Les ex-captifs ont été groupés dans des villages de liberté, à proximité de leurs anciennes résidences.
L'élément captif n'a jamais été que très faiblement islamisé. Les Foula veillaient à ce que leur vie matérielle soit assurée, mais ne leur donnaient aucune éducation intellectuelle. Ils n'assistaient que très rarement aux prières de la mosquée et n'envoyaient pas leurs enfants à l'école du karamoko. La plupart conservaient intégralement leurs pratiques fétichistes; ils n'avaient d'ailleurs aucun intérêt à s'islamiser, puisque leur conversion ne leur assurait pas l'affranchissement. Au demeurant, les Foula ne tenaient pas du tout à les voir sortir de leur condition et de leur fétichisme. Aussi, abrutis par des siècles d'ignorance et de servitude, la plupart des serviteurs d'aujourd'hui sont-ils d'une infériorité intellectuelle navrante. Ils justifient amplement la maxime grecque :
« Quand Zeus fait tomber un homme en esclavage, il lui enlève la moitié de sa vertu. »
Il leur faudra plusieurs générations pour se mettre au niveau des autres noirs, et c'est pourquoi on pourrait voir sans trop de regrets, si elle ne devait pas les cristalliser, l'islamisation, très partielle d'ailleurs, vers laquelle ils semblent tendre. Ils copient leurs maîtres d'hier dans l'assistance à la mosquée, dans l'envoi des enfants aux écoles, dans les cadeaux aux marabouts, et paraissent ainsi vouloir se rehausser à leurs propres yeux. D'autre part, certains de nos procédés n'y sont pas étrangers. L'assistance de certains administrateurs aux grandes fêtes de l'Islam laisse croire aux captifs que celui-ci est l'objet de toutes nos faveurs. Les exécutions des grands seigneurs et marabouts foula, en semant l'effroi dans tout le Fouta, ont également rapproché maîtres et serviteurs, et incliné ceux-ci vers la religion. L'affaire du Ouali de Goumba, notamment, a fait tomber de multiples haines et de vieilles rancunes et remis en contact cordial par la communion d'une inquiétude partagée, nombre de Rimɓe et de Haaɓe, profondément divisés la veille.
D'autres captifs, au contraire, superficiellement islamisés par la volonté de leur maître ou le désir de leur plaire, reviennent peu à peu dans le régime de la liberté, à leur fétichisme traditionnel. C'est ainsi qu'on ne rencontre aucun karamoko chez les captifs de Foula, aujourd'hui réfugiés dans le Tinkisso, et que les derniers vestiges d'lslam disparaissent chez nombre d'autres.
Ce n'est pas le lieu de discuter ici l'opportunité de la suppression de la captivité. Cette discussion serait vaine à l'heure actuelle, où la chose est un fait accompli sur lequel il n'y a plus à revenir. On peut remarquer toutefois qu'elle fut prématurée, et trop radicale. Beaucoup plus que par l'occupation du pays et la destruction de la suprématie politique des Foula, nous nous sommes aliénés tout le peuple du Fouta-Diallon. On a pu voir, dans les premiers chapitres, que la suppression de la captivité avait été une des causes essentielles de la plupart des troubles politiques et religieux qui se sont produits dans le Fouta depuis 1906, et que l'espoir de restaurer l'ancien régime avait attiré de nombreux partisans à tous les chefs des partis hostiles. Ce n'est plus une classe politique qui s'est trouvée atteinte dans son orgueil et dans sa domination. Ce sont toutes les classes que nous avons désorganisées socialement et économiquement. Il n'est pas jusqu'aux captifs libérés eux-mêmes qui ne nous fassent grief d'avoir affranchi leurs propres captifs, quand ils en avaient, ou de leur interdire aujourd'hui d'en acquérir. Beaucoup ont, d'ailleurs, très durement souffert du nouveau régime, soit qu'abandonnés à eux-mêmes et non dirigés, ils n'aient plus travaillé et se soient éteints de misère, soit que, traqués et maltraités par leurs anciens maîtres, qui gardaient forcément, sous nos ordres, l'autorité politique et judiciaire, ils aient été punis et emprisonnés pour des crimes imaginaires, chassés du pays, pillés jusqu'au sang, sous prétexte d'amendes, de dommages, intérêts et de composition pécuniaire, etc. Cette mesure hâtive a fait plus d'une fois le malheur de l'oiseau qu'on lâchait trop brutalement de sa cage. Heureusement que beaucoup d'entre eux ont trouvé spontanément le remède, soit en réintégrant eux-mêmes leur cage, soit en cherchant un refuge dans la clientèle des grands marabouts. Le Ouali de Goumba, notamment, possédait sous le nom de talibé, plusieurs centaines de captifs, libérés par nos soins, et qui, incapables de vivre sans maître, en avaient cherché un, d'ordre religieux.
Il semble qu'il aurait fallu procéder progressivement; la suppression de la traite des négriers s'imposait évidemment et elle était un fait acquis par notre seule présence. On ne s'est pas assez rendu compte que c'était déjà une mesure de réforme, indirecte il est vrai, mais des plus considérables.
Il fallait ensuite viser à la transformation des captifs de monnaie courante (sodaaɓe) en captifs domestiques (ndimaaɓe), ce qui leur eût assuré la stabilité familiale et la tranquillité personnelle dont ils manquaient, eût fait d'eux desenfants du galle, et eut été une première reconnaissance
officielle de la dignité humaine. A cette fin, il suffisait d'interdire simplement toute transaction, toute disposition bilatérale ou unipersonnelle où entrerait un captif à titre de monnaie. Et si l'on voulait aller plus loin encore, il suffisait, sans proclamer par une mesure générale la suppression de la captivité, de ne pas la reconnaître officiellement pour tous les cas individuels qui se poseraient. Il arrive, en effet, que les captifs intelligents, riches, actifs, visent à reconquérir leur liberté et s'émancipent moralement par leur attitude rebelle et leur refus d'obéissance, ou matériellement par la fuite. Ceux-là ont dignes de la liberté, car ils la souhaitent et en comprennent, avec l'honneur, les périls et les avantages. Toute plainte de maîtres foula venant réclamer l'arrestation de son captif et sa réintégration forcée à son domicile devait être rejetée, avec cette simple réponse que, si nous tolérions l'état de choses existant, nous ne reconnaissions pas l'esclavage et ne voulions pas prêter les mains à son maintien. Ces cas eussent été peu nombreux et n'auraient entraîné aucune perturbation générale. Avec le temps, cette attitude des Français se serait répandue dans les deux éléments, maîtres et captifs, et aurait provoqué la plupart du temps et sous la menace du captif de s'en aller, un adoucissement à son sort, quelquefois une séparation plus ou moins violente, dont, en tout cas, le loyalisme indigène à notre égard n'eut pas fait directement les frais.
Le jour où la captivité n'eut plus existé que de nom, ou, tout au moins, le jour où des conflits entre maîtres et captifs moralement émancipés, eussent surgi un peu partout et justifié notre intervention, nous aurions pu décréter la suppression de la captivité. La mesure eût été comprise alors, sinon trouvée agréable. Aujourd'hui, nous paraissons avoir voulu porter atteinte délibérément à une loi de l'Islam, reconnaissant nettement la captivité, installer tyranniquement nos murs aux lieu et place des coutumes indigènes, et percevoir gratuitement des impôts au détriment des maîtres légitimes, frustrés dans leurs revenus, comme dans leur capital. Tous les efforts de notre politique d'apprivoisement sont butés, toutes nos explications restent incomprises, toutes nos déclarations d'amour paraissent insincères; et il est à croire que cet état d'esprit durera au moins autant que la génération actuelle.
En marge de la société régulièrement constituée des Foula, vivaient quelques Chorfa, en général, fils de Maures ou de Marocains et de femmes peul. Les pères, venus chercher fortune dans le Fouta, n'avaient pas manqué de se parer de cette qualité, que les Mélaniens (c'est-à-dire les Noirs) accordent facilement aux musulmans blancs, même quand ils ne s'en targuent pas ; et qui est une condition de réussite en pays noir. Depuis l'affaire de Goumba, la plupart des Chorfa ont disparu. Quant aux autres, ils tendent à se fondre dans la masse peule. Ils n'ont d'ailleurs jamais joui au Fouta d'une très grande considération. C'était leur science ou leur sainteté personnelle, plus que leurs origines chérifiennes, qui leur valait du prestige dans leur village, ou des cadeaux des chefs
L'influence de l'lslam dans le domaine agricole au Fouta-Diallon est nulle. En tout cas, elle n'a produit aucune amélioration dans le progrès agraire.
On ne voit pas qu'il ait introduit de nouvelles culture. Celles d'aujourd'hui sont celles des siècles passés et celles des voisins fétichistes :
L'Islam n'a pas perfectionné non plus les modes de culture Ce sont toujours les modes traditionnels : travail à la pioche, à la petite houe, à la serpette et à la main. Les véritables travailleurs de la terre sont les esclaves ou le bas peuple à peine islamisés. Le souci de la prière, des oraisons et des pieuses méditations semble, au contraire, avoir écarté le Foula instruit et religieux de tout travail servile, et il paraît bien qu'il y a presque une antinomie complète entre le labeur agricole, propre du captif et du fétichisme, et le service d'Allah, exclusivement réservé aux personnes libres et aux vrais musulmans. Il est à croire que la libération des captifs, en arrachant le Foula à ses interminables stations à la mosquée et en le contraignant à prendre lui-même l'outil agricole en main, le détachera quelque peu de sa religion, ou, tout au moins, de la forme mystique de sa pratique religieuse.
On ne voit pas enfin que le droit ait donné lieu à la constitution d'associations agricoles. On était resté jusqu'à ce jour à l'antique forme de l'esclave ou au travail collectif et amical entre parents, voisins et amis, et, sur ce point, c'est encore l'influence française qui se fait le plus sentir.
Dans le domaine de l'élevage, au contraire, les Foulas, pasteurs émérites, ont exercé la plus heureuse influence.
Ils ont développé au Fouta-Diallon, et très intensivement, l'élevage du cheptel bovin, et répandu, à travers les vallées et les boowe, d'innombrables troupeaux de boeufs et de vaches. Ils y ont ajouté d'ailleurs l'élevage de moutons et des chèvres.
Les procédés d'élevage sont toujours rudimentaires. Il n'a pas d'étable, mais un enclos bien fermé, à côté de la case, où les bêtes sont à l'abri des fauves et des voleurs. Ils ne savent pas emmagasiner leur foin ou construire des meules, de sorte qu'à la fin de la saison sèche, le bétail souffre. Peu de gens lui donnent des branchages comestibles (nonko, keri...), du son de riz ou de maïs, ou des tranches de tubercules. Ils soignent très empiriquement les maladies de leurs troupeaux et en perdent beaucoup. Tous les trimestres pourtant, on leur fait prendre du sel, mêlé à la boue d'une case spéciale (ou de termitière active), et que les bêtes viennent lécher. Enfin, dans une région où manquent le cheval et le chameau, ils n'ont pas su faire subir à leurs boeufs un dressage approprié, comme la chose est courante en pays maure, et faire d'eux des montures et des bêtes de portage. Ici encore, c'est l'influence française qui provoquera le progrès ; les tentatives de portage, suivies avec quelque étonnement, sont déjà imitées. Quant aux essais d'attelage, déjà tentés alors que les routes ne sont pas encore achevées, ils produiront certainement le meilleur effet sur les populations. On voit déjà partiellement sur les routes de Mamou à Pita et Labé, de Dalaba à Ditin, de Dinguiraye à Bissikrima, de petites charrettes, traînées par deux boeufs foula et on peut espérer que ce développement pratique des relations sera peu à peu imité de toutes parts par l'élément indigène et entraînera un progrès économique sérieux.
Le boeuf est, depuis la suppression de la captivité. La monnaie d'échange courante au Fouta-Diallon: monnaie réelle pour les payements et les trocs; monnaie fiduciaire pour les contrats.
On ne fait que peu l'élevage du boeuf pour la boucherie, et on ne garde que le nombre indispensable de taureaux, mais on castre et on engraisse des moutons pour les jours de fête.
Les pâturages sont abondants: ils sont surtout constitués par les boowe (au sing. boowal), ou hauts plateaux à base de latérite et qui constituent la plus grande partie de l'année de magnifiques et immenses prairies naturelles. Là, les troupeaux peuvent circuler librement, sans avoir à craindre les mouches ttsé-tsé mortelles. Les plaines, plus ou moins étendues, qu'arrosent certaines rivières, restent plus longtemps verdoyantes, mais elles sont redoutées par les Foula à cause de la présence de la tsé-tsé.
L'heureuse influence que l'Islam aurait pu exercer dans le domaine industriel s'est heurtée aux préjugés plus forts de la coutume et de la hiérarchisation des castes. Elle n'a pas pu les vaincre, et dans cette société qui se dit et est en réalité fermement attachée à la loi du Prophète, le travail servile, toujours dégradant, est le propre des castes spécialisées et inférieures et des captifs.
Le travail du fer et particulièrement du bois est le domaine de la caste des forgerons (wayluɓe). Ils creusent de petites mines, sortes d'excavation de deux à quatre mètres de profondeur, ou de galeries à ciel ouvert, et à l'aide d'un petit pic spécial (subiire) détachent des blocs de latérite. Cette latérite est jetée dans des hauts fourneaux rudimentaires, à bâtis en terre réfractaire et qui n'ont guère plus de 1 m 50 mètres de hauteur. On y entremêle les couches de pierre et les couches de charbon de bois. Ce charbon est fait par les forgerons eux-mêmes. Un soufflet en peau de boeuf ou de mouton, ou même de panthère, y est adapté. Il est muni d'un chalumeau généralement double, et les tuyaux sont réunis par un anneau. Le forgeron, ordinairement seul, quelquefois aidé d'un enfant, extrait de son haut-fourneau, suivant des procédés qui rappellent ceux de l'Andalousie, ou de la Sicile, un métal plus ou moins pur qui lui servira à forger des armes, des étriers, des éperons, des clefs et cadenas, des instruments agricoles, etc.
Le travail de l'or appartient aussi aux wayluɓe, mais ce métal n'existe pas au Fouta. Il est apporté en lingots par les dioula Sarakollé et Malinké des mines de la région de Siguiri.
Les Foula le leur achètent directement et le font travailler par leurs artisans locaux.
Le travail du bois est le domaine des Lawɓe, encore que les wayluɓe façonnent les coffres et les portes.
Le travail du cuir appartient aux cordonniers ou garanke. Ils tannent et teignent les peaux et les transforment en matériel de sellerie, fourreaux d'armes et de livres, sacs à linge, ornements de cuir colorié, babouches, etc.
Le tissage se fait dans toutes les cases. C'est le domaine des femmes et des captifs. Les longues et étroites bandes sont cousues les unes aux autres et constituent les pièces de guinée où on taille boubous et pagnes. Ces pièces sont chez les Foula, soit toutes blanches, soit toutes bleues , contra irement à l'usage des Sarakollé et Malinké locaux, qui aiment les tissus bariolés. Elles sont teintes par les femmes en un bleu, extrait de la plante ngara, sorte d'indigo commun au Fouta. La préparation de la teinture est longue, minutieuse et compliquée. L'occupation européenne a introduit à profusion la cotonnade à bon marché, et celle-ci fait quelque peu tort à l'industrie indigène. Pour le prix d'un boubou local, beaucoup plus solide, on a deux boubous d'étoffe européenne, et on préfère généralement cette seconde solution qui constitue au vaniteux Foula une garde-robe plus somptueuse.
Le travail de l'argile, de la poterie, de la vannerie et de la sparterie n'est pas spécialisé. Dans toutes les cases, les femmes et les captifs s'y emploient suivant les besoins du moment. La présence de gisements de terre ad hoc a amené I'installation d'ateliers de poterie sur certains points, et l'immigration des colonies Baga, fétichistes spécialisés dans cette industrie. La plus connue est celle des rives de la Kakrima, dans le cercle de Pita. Les canaris de terre sont mis en vente par les femmes et échangés ordinairement contre leur contenu de grain.
Le Foula n'est pas un commerçant encore qu'il en ait plusieurs qualités : duplicité toujours éveillée, toujours agissante, rapacité qui va de la mendicité raffinée au vol sous toutes ses formes; mais sa méfiance invétérée l'écarte de toute initiative et de toute nouveauté, et alors que la route et la voie ferrée peuplent les régions qu'elles traversent, au Fouta, les villages s'en écartent. Il a laissé chez lui cette branche de l'activité économique aux dioula Sarakollé et Malinké, dont beaucoup viennent de l'extérieur et dont un très grand nombre finissent par s'établir au Fouta et y constituent même des villages entiers. Ils y enlèvent les graines, les peaux et le caoutchouc, et laissent en échange les cotonnades, les bougies, le sucre, le thé, etc.
On trouve cependant des Foula, décidés à faire leurs affaires eux-mêmes et qui conduisent leurs convois de boeufs à la côte, notamment à Conakry, à Benty et à Sierra-Leone et en rapportent des marchandises européennes. Des relations semblables avec les factoreries de la ligne tendent à se créer depuis quelques années.
Cependant, le Foula ne sera jamais l'homme de transactions lointaines. Un petit fait le démontre surabondamment. Les porteurs réquisitionnés au Fouta par l'administration ou le commerce sont généralement Soussou ou Malinke. Il arrive pourtant que, à leur défaut, on prend des porteurs foula. Or, si le chemin du retour ramène ces derniers, leur travail effectué, par leur village, ils ne veulent plus se donner la peine de pousser jusqu'au poste ou à la factorerie pour toucher le montant de leur salaire; ils ne le réclament que plusieurs mois plus tard, ou en font même abandon.
L'influence de l'Islam est, dans ce domaine encore, assez peu sensible. S'il parait évident que c'est la communauté de religion et le double désir de prosélytisme et de lucre qui a amené le dioula Sarakollé et Malinke dans le Fouta-Diallon, il est indéniable d'autre part que ces pieux motifs ne l'ont pas empêché d'être jadis pillé par les « fils et neveux d'almamys » et rançonnés par tous les chefs et karamoko influents, de même qu'ils n'attirent pas aujourd'hui à sa petite boutique le chaland Foula qui trouve au comptoir européen des marchandises plus variées et de meilleur prix.
La langue commerciale est le poul-poullé [Pular], parlé partout au Fouta-Diallon, tant par les Foula que par les captifs et par les colonies étrangères de Toucouleurs, Sarakollé et Malinké. Ceux-ci ont d'ailleurs conservé, la plupart du temps, l'usage de leur idiome originel.
Le poul poullé [Pular] des captifs se mélange de nombreux mots étrangers: malinké, dans le nord-est, soussou-diallonké, un peu partout.
L'écriture n'existe pas. C'est à la langue arabe que le poul-poullé [Pular] a emprunte ses caractères. Les Foula les ont assez bien adaptés à leurs sons, en les munissant de points diacritiques spéciaux. Les caractères français, sous l'heureuse impulsion de l'administration, tendent à se répandre non seulement pour l'écriture de notre langue, mais même pour l'écriture du poul-poullé [Pular], et un syllabaire spécial et adapté aux sons de la langue locale est actuellement répandu à profusion dans le Fouta-Diallon.
La religion islamique et la langue arabe ont exercé une sensible influence dans l'onomastique foula. On a déjà vu qu'elle s'exerçait dans la collation du nom à l'enfant. On peut encore la signaler dans la désignation des noms de lieu, de jours, de mois et dans l'introduction dans le poul-poullé [Pular] d'un certain nombre de vocables, d'origine arabe, touchant surtout la vie ct les choses religieuses.
Parmi les noms de lieux, les Maka, Medina (Timbi Médina, Medina Boowe; Médina Kouta), Touba, Darou-Salam, Hamdallaye, Taïbata et Dabatou (celui-ci, nom islamique donné par Al-Hadj Omar à la province de Tamba, du Dinguiraye), Taïfa, Saroudia, Bagdadia, Boussoura, abondent et rappellent les villes et souvenirs d'Orient. Timbi-Médina est une filiale de la misiide Timbi-Touni; elle fut construite sur un emplacement où un pèlerin, Alfa Yéro, sema une poignée de terre qu'il avait apportée de Médine c'est pourquoi elle prit le double nom qui rappelait son origine ethnique et sa bénédiction religieuse. Maci est une abréviation de Macina. Il fut ainsi nommé en l'honneur de Souleymana Sourga, un des chefs de l'invasion foula, dont c'était le pays d'origine, Kairouané, Singueti, ville et province, Tounsi, Missira..., rappellent des villes saintes d'Afrique. D'autres noms ont une signification plus générale: Diawia, la zaouïa; Karantagui, le lieu de la lecture pieuse; Bouroudja, la forteresse; Salma, la sauvée; Mouminia, la croyante; et enfin les innombrables Daara, suivis ou non du nom de leur misiide ou de leur diiwal, du nom d'un marabout vénéré, ou de la désignation d'un accident géographique voisin.
Les jours de la semaine sont tous d'origine islamique :
Dimanche | Alat |
Lundi | Tenen |
Mardi | Talata |
Mercredi | Alarba |
Jeudi | Al-Kamisa |
Vendredi | Juma |
Samedi | Asewe |
Parmi les noms de mois, quatre seulement ont, dans la langue parlée, subi l'influence arabe. Ce sont:
Tous les mois de l'année arabe sont évidemment connus des karamoko et usités même dans leur langage ordinaire. Il reste enfin à citer un certain nombre de vocables, qui sont passés dans le poul-poullé [Pular] et en font aujourd'hui partie intégrante et dont l'origine arabe et islamique ne saurait être mise en doute.
Et enfin plusieurs noms de la prière:
Foula et Toucouleurs | Diakanké de Touba et dépendances | |
Prière de l'aurore | Julde Subaha | Néyatou Sokhoma |
Prière du midi | Julde Fanaa | Sallifana |
Prière de la mi-soirée | Julde Alansaraa | Khansara |
Prière du crépuscule | Julde Futuroo | Fitiri |
Prière du soir | Julde Geeyhe | Sakhafou |