Tome 2. Conakry. 2003. 73 pages
Elhadj Bano Bah & Tierno S. Bah, eds.
Alfa Ibrahima Sory Yilili fut couronné almamy Soriya par de Beckmann, le 17 février 1897. Son rôle est connu dans la sécession et dans l'occupation du Fouta par la France.
Almamy Ibrahima Sory Yilili descend de la lignée d'Almamy Sadou, premier fils d'Almamy Sory Maoudo. Almamy Sadou usurpa le titre d'almamy dès le décès de son père à Labé. Revenu à Timbo après son couronnement à Fougoumba, il fut combattu par Alfa Saliou, premier fils de Karamoko Alfa, auquel la place devait normalement revenir. La lutte dura cinq ans sans que l'usurpateur ne renonçât au titre qu'il detenait. Un jour, Alfa Saliou le fit assassiner sur sa peau de prière. Pris de remords, Alfa Saliou maudit sa famille et celle de la victime, en demandant à Dieu d'éloigner leurs descendants de la chefferie. Depuis cette malédiction, aucun almamy ne sortit de l'une de ces deux familles.
Très intelligent et très actif, Almamy Ibrahima Sory Yilili vécut, dans ses débuts, à l'écart de la politique. Pauvre et sans influence, il préféra se retirer à Yilili, hameau situé dans la région de Téré et dont on lui donna le surnom pour le distinguer des nombreux Ibrahima Sory du pays. Mais, au fur et à mesure de son développement, il s'intègra dans la vie politique et on le vit bientôt prendre une part active au combat engagé contre son cousin Bocar Biro. C'est grâce à cette activité qu'il devint Almamy Soriya le 17 février 1897. Son règne fut de courte durée, car il provoqua lui-même l'acte qui devait lui être fatal.
Dès son couronnement à Timbo, il prit possession du pouvoir et s'empara d'une grande partie de la richesse de l'Almamy défunt. Tous les esclaves se soumirent à son autorité et leurs biens devinrent sa propriété.
Il poursuivit le combat contre ses adversaires, les partisans de Bocar Biro. Son fils aîné, Baba Alimou, engagea une chasse systématique contre ces derniers et en tua un nombre important. Dans toutes les régions le meurtre et le pillage se multiplièrent et tous ceux qui échappèrent à cette répression cherchèrent le salut à l'étranger.
Parmi ceux qui restèrent cachés dans le pays, Modi Iliassou frère de Bocar Biro, était l'un des plus dangereux. L'almamy Ibrahima Sory Yilili mit au point un plan pour l'assassiner. Pendant des mois, il ne put mettre ce plan à exécution. Il ne pouvait y parvenir que par Tierno Ciré, frère de Modi Iliassou, et ami à lui. Un jour, il lui demanda de lui présenter son frère. Tierno Ciré lui répondit qu'il ne le fera pas car, s'il le fait, l'Almamy lui ferait du mal. Cependant l'Almamy le mit en confiance. C'est ainsi que Tierno Ciré appela son frère pour le conduire devant celui-ci. Avant de partir, Modi Iliassou dit à son frère que l'Almamy le tuera. Tierno Ciré retorqua que s'il le tue, il l'abattra lui aussi malgré leurs relations amicales.
Par malheur ce que Modi Iliassou avait prévu se produisit. En effet, dès leur arrivée, l'Almamy donna l'ordre de le fusiller. Ce qui fut fait immédiatement malgré les supplications de Tierno Ciré. Surpris par ce geste criminel du souverain, Tierno Ciré jura publiquement de venger son frère, vaille que vaille.
Pendant ses préparatifs pour l'exécution de son plan de vengence, il informa toutes les autorités de sa décision. Le résident de France, notamment, l'encouragea. Ainsi, le 30 octobre 1897, alors qu'il revenait de son village de campagne dans le Téré, sans escorte, Almamy Ibrahima Sory Yilili s'arrêta à Fello-Garankéla. Tierno Ciré le guettait ; et c'est là qu'il le surprit, pendant la nuit, avec ses compagnons, bien armés.
Saisissant un fusil à portée de main, l'Almamy tira sur ses assaillants, mais ne réussit qu'à blesser un homme debout près de Tierno Ciré. On mit le feu sur la case qui flamba. Tierno Ciré profita de l'asphyxie de l'Almamy pour pénétrer dans la case et abattre le souverain d'un coup de fusil. Il l'acheva à coups de sabre. Il lui coupa les doigts de la main qu'il envoya à Timbo.
Le résident informé, envoya aussitôt sur les lieux, ses miliciens, pour protéger la famille du défunt. Une section de tirailleurs, sous le commandement du Lt. Lafitte, fut chargée de rechercher le meurtrier. Tierno Ciré s'était réfugié à Ségâyâ, chez Sâtigui Môdou. C'est là qu'il fut appréhendé sans résistance. Il était persuadé qu'en arrivant à Timbo, il recevrait les félicitations du résident, qu'il avait mis au courant de son projet. Interrogé, Tierno Ciré avoua qu'il avait vengé son frère. A la suite de cet aveu, il fut livré à Baba Alimou, fils aîné de l'Almamy, qui le fusilla, coupa sa tête et l'envoya au résident. Baba Alimou fut autorisé à poursuivre la recherche des complices de Tierno Ciré. A cette occasion il fit des massacres importants.
Avec l'assassinat d'Almamy Ibrahima Sory Yilili, le trône de Soriya devint vacant.
Le 20 novembre 1898, Baba Alimou fut choisi par l'administration française pour prendre la succession. Il fut couronné à Timbo par le président du Conseil des Anciens, Alfa Amadou Oury Sâma.
La disparution d'Almamy Ibrahima Sory Yilili permit à l'administration coloniale de procéder à une réorganisation du commandement indigène. L'Almamy n'eut, à partir de cette date, sous son autorité, que les anciennes provinces de Timbo et de Bouria. Chacune des autres passa sous le commandement direct d'un chef relevant directement du chef de la colonie.
L'alternance entre les deux parties Alfaya et Soriya continua jusqu'à la déposition de Almamy Oumarou Bademba, Alfaya. C'est alors que Baba Alimou exerça seul le commandement. Quand en 1904, Oumarou Bademba fut réintégré, chacun des Almamys prit seulement sa famille en main. Une violente opposition éclata, de ce fait, entre les deux souverains. Mais l'administration coloniale mit beaucoup de tact pour empêcher un conflit ouvert.
Baba Alimou mourut en 1906. Boubacar Biro, second fils d'Almamy Ibrahima Sory Yilili, fut nommé à sa place. Comme son frère, il assura ses fonctions dans les meilleures conditions.
En 1912, en application du principe « diviser pour régner », la région de Timbo fut découpée en petits cantons. Boubacar Biro fut rélégué à l'arrière plan et envoyé à l'extrémité orientale du pays, dans le Téré qui ne comptait pas plus de deux mille habitants. Ce fut avec amertume qu'il accepta ce poste. Avec courage, il put sauver son honneur en évitant un conflit avec les autorités françaises. Grâce à son esprit d'abnégation, il reconquit rapidement son prestige. En 1925, le Téré, fusionné avec d'autres petits cantons voisins détachés de Timbo, forma avec le Firia malinké, le canton et la subdivision de Dabola, et Boubacar Biro en fut le Chef supérieur. C'est à Dabola qu'il mourut en 1937.
Son frère Aguibou Barry prit sa succession en qualité de chef de canton de Dabola et, symboliquement, Almamy Soriya.