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Taariika / Histoire


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Thierno Mamadou Bah
Histoire du Fouta-Djallon.
La pénétration européenne et l'occupation française.

Tome 2. Conakry. 2003. 73 pages
Elhadj Bano Bah & Tierno S. Bah, eds.


VII - Mission du Capitaine Briquelot

En juillet 1889, le colonel Archinard ordonna au capitaine Briquelot de se rendre à Timbo. Cet officier eut grand'peine à traverser le Fouta où tout lui était refusé. A son arrivée, l'Almamy Ibrahima Donghol Fêla refusa tous les cadeaux qu'il lui présenta. Les Anglais, par leurs intrigues, devaient être certainement à la base d cette situation. Ainsi, l'officier français rejoignit sa base sans aucun résultat de sa mission.

Toutes ces missions militaires donnaient aux Almamys l'impression que quelque chose se préparait contre leur souveraineté. Ils furent dominés par cette appréhension.

C'est sur ces entrefaits que fut signé, le 10 avril 1889, à Paris, l'arrangement franco-anglais reconnaissant le protectorat du Fouta-Dialô à la France.

Un décret en date du 1er août 1889, réorganisa aussitôt la colonie des Rivières du Sud et stipula que le Lieutenant-Gouverneur était chargé, en même temps, de l'exercice du protectorat à partir du 1er janvier 1890.

Bayol, l'ami du Fouya, malade, devait rentrer en France pour se soigner. Or le Fouta attendait beaucoup de lui car il était compréhensif et conciliant.

A la place de Bayol, le Docteur Ballay fut nommé Lt-Gouverneur des Rivières du Sud. Avant que ce dernier fût mis en route pour son poste, il reçut des instructions très précises du Sécrétaire d'Etat aux Colonies.

Il devait, notamment, exercer le protectorat au Fouta-Dialo en observant une attitude « toute de conciliation et d'apaisement ». Il devait également travailler, dans l'étendue de sa juridiction, en étroite concertation avec son collègue et voisin, le Gouverneur du Sénégal. Il devait, enfin, veiller aux intérêts civils et administratifs dont il a la garde et tenir le Gouvernement informé par l'intermédiaire du Sécrétaire d'Etat aux colonies.

Le Gouverneur Ballay arriva à Conakry le 25 juillet 1890. Une rude besogne s'imposait à lui. Très actif et ne reculant jamais devant un travail, il avait de grandes qualités d'homme politique et de fonctionnaire. Il disait souvent qu'il préfère se démettre que se soumettre lorsqu'il jugeait une mesure qu'on veut lui imposer, contraire aux intérêts de la Colonie.

Dès qu'il prit service, il envoya des émissaires auprès des Almamys et de Samory qui considéraient la France comme un ennemi commun. Samory était attaqué de toutes parts par les troupes du Soudan à l'est. A la suite du traité qu'il signa avec le Gouvernement militaire du Soudan, il avait abandonné la rive gauche du Niger jusqu'au Tinkisso. Il était donc, de ce fait, isolé du Fouta qui le ravitaillait en bétail, ainsi que de la Sierra-Leone qui lui fournissait des armes. Les Almamys, coupés de leur allié, avaient des inquiétudes car ils constataient de plus en plus que l'avance ainsi opérée par les Français contre Samory, ce grand conquérant, les menaçait aussi.

Ballay ne menagea aucun effort pour gagner la confiance des Chefs. Il ordonna formellement à ses administrateurs de verser les rentes qui leur étaient dues et dont le paiement avait été suspendu par le gouvernement du Sénégal.
Pour faire marcher son Administration il s'entoura de vieux Administrateurs expérimentés, énergiques. C'est ainsi qu'il plaça à Dubréka, territoire voisin du Fouta-Dialô, l'Administrateur principal De Beckmann qui, plus tard, eut la charge de traiter avec les Almamys.

Cependant, malgré l'arrangement de Paris entre la France et l'Angleterre, les Anglais ne cessaient leur intrigue avec le Fouta. Pendant que le Gouverneur Ballay essayait d'arranger la situation assez détériorée, ils rendaient visite à Almamy Ahmadou qui les soutenait contre la France. Ils obtinrent de lui la promesse de détourner toutes les caravanes ainsi que la fourniture d'un troupeau considérable de bétail à la colonie de Sierra-Leone. L'Almamy Ibrahima Sory Donghol Fêla, Soriya, plus doux et ami des Français, venait de mourir. Aussi, de Beckmann ecrivit-il à Ballay pour attirer son attention sur l'état des relations avec les Almamys et l'intérêt qu'il y avait à ce qu'une mission fût envoyée au Fouta pour négocier l'installation d'un Résident sur place à Timbo où l'influence anglaise ne cessait de grandir.

Dans le Fouta même, la situation politique était troublée. Almamy Ahmadou était aux prises avec le Wali de Gomba qui s'était créé une principauté distincte dans le Tamisso dépendant de Timbo. Le parti Soriya était divisé depuis le décès de Almamy Ibrahima Donghol Fêla. Mamadou Pâté et Boubacar Biro, tous deux prétendants au trône, se disputaient le titre. Le Fouta était, d'autre part, encerclé. Le gouvernement militaire du Soudan avait créé des postes à Kouroussa, Dinguiraye et Faranah. Toute la basse côte était déjà occupée soit par la France soit par l'Angleterre. Au nord, des ennemis irréductibles étaient à la tête des pays limitrophes du Fouta : Moussa Môlo et l'almamy du Ɓundu.