Tome 2. Conakry. 2003. 73 pages
Elhadj Bano Bah & Tierno S. Bah, eds.
Les choses en étaient là, lorsqu'on apprit à Timbo, que l'ami des Foulahs, le Dr Bayol venait d'être nommé Lieutenant-Gouverneur des Rivières du Sud. Ce haut fonctionnaire avait mérité cette place par ses qualités et le succès qu'il avait obtenu au cours des missions qui lui furent confiées.
Arrivant dans son nouveau poste, Bayol y trouva de très importantes affaires à régler. Des troubles suscités par les Anglais éclataient partout sur la côte. Il préféra les affronter de suite et remettre de l'ordre avant d'envisager l'envoi d'une mission dans le Fouta.
Mais, à l'est, Galliéni qui venait de traîter avec les chefs de Nioklo et du Dinguiraye, pensa que le moment était venu d'englober le Fouta-Dialô dans le rayon d'action du Soudan occupé par la France. Il chargea à cet effet, deux missions de se rendre auprès des Almamys pour négocier un nouveau traîté.
La première mission, conduite par le lieutenant Levasseur ne dépassa pas Labé, par suite du mauvais état de santé de son chef, et surtout de l'interdiction qui lui était faite d'atteindre Timbo.
La deuxième mission, partie de Kayes, en décembre 1887, sous les ordres du lieutenant Prat, ayant pour second le Dr Frass, put continuer son chemin et fut reçu par l'Almamy, à Fougoumba où il il se trouvait en tournée, au début de 1888.
Le traîté, préparé à l'avance par Galliéni, lui fut soumis par Prat. L'Almamy ne se décida pas avant réflexion. De Sanderval qui était également présent à Fougoumba amadoua le souverain en l''assurant, notamment, que la France n'apporterait que le bonheur au Fouta. Au cours de son entretien avec lui, l'Almamy lui dit en ironisant :
— Si je donnais un sac d'écus au Roi de France et lui disais : tiens voilà de l'argent, donne-moi ton royaume, le donnerait-il ?
Malgré tout, le 30 mars 1888, l'Almamy signa le traité qui lui était soumis par Prat et qui confirmait en substance, les avantages commerciaux de la France et le protectorat français sur le Fouta. Il supprimait, cependant, par maladresse, les rentes promises, en 1881, par le traîté du 5 juillet.
Cette suppresssion était regrettable et maladroite car elle dénonçait, en quelque sorte, le traité du 5 juillet et signifiait aux Almamys que, bon gré mal gré, ils se trouvaient, purement et simplement, sous la domination française. Pour les souverains du Fouta, cette idée était corroborée par le fait que le document qui venait d'être signé, était soumis par les forces militaires du Soudan dont les actes barbares étaient connus de tout le monde africain. D'autre part, les militaires étaient ceux-là même qui soutenaient Moussa Môlo, ennemi irréductible du Fouta. Demander un nouveau traité était inspiré par de mauvaises intentions. La suppression des rentes était un signe évident.
Galliéni avait commis une erreur politique. Mais il ne fut pas suivi par le Gouvernement français. En effet, le traité de mars 1888 ne fut jamais ratifié par le Parlement français.
Galliéni voulut alors faire la casse. Pour mettre le traité en application, il envoya à Siguiri, en mai 1888, sous les ordres du capitaine Audéoud, une compagnie de Tirailleurs avec des officiers. Audéoud rentra inopinément dans le Fouta.
L'Almamy Ibrahima Sory refusa de recevoir ces officiers qui venaient chez lui, disait-il, avec une prétention exagérée. Ces derniers, qui n'avaient pas l'habitude d'une telle réaction, se formalisèrent. Dans les deux camps l'émotion fut très vive et on faillit engager une violente bataille qui les mît à deux doigts de s'entretuer. L'effusion de sang ne fut évitée que grâce à l'intervention intelligente de Mamadou Pâté, neveu de l'Almamy. Le capitaine Audéoud fut obligé de quitter rapidement Timbo et rejoignit la côte atlantique car ses soldats avaient été acculés par les sofas de l'Almamy.
Après son départ, le Fouta resta sur le qui-vive, attendant d'un jour à l'autre, un contre coup de la part des Français. Mais les esprits surchauffés se refroidirent et le calme revint.