Tome 2. Conakry. 2003. 73 pages
Elhadj Bano Bah & Tierno S. Bah, eds.
A la suite du succès de de Sanderval auprès de l'Almamy de Timbo qui lui accorda l'autorisation de construire un chemin de fer vers le Fouta, le Ministre de la Marine du Gouvernement français, chargea le Dr Bayol de s'y rendre afin de tenter d'établir les droits de la France sur le pays.
Parti de Paris, Bayol arrivait à Boké courant mai 1881. Sans tarder, il se mit en route, accompagné de Noirot et de deux fonctionnaires subalternes. Mais par suite de maladie, ces deux derniers ne purent continuer le voyage jusquà destination. La mission arriva à Timbo le 23 juin 1881. Elle fut reçue par le chef des Yillâbe qui lui apprit que l'Almamy Ibrahima Donghol Fêlâ (Soriya) venait de céder le pouvoir à Almamy Ahmadou (Alfaya).
Gaboriaud qui travaillait pour le compte de de Sanderval, se trouvait également à Timbo.
Bayol ne put être reçu par l'Almamy en fonction, en même temps que ce dernier. Il se rendit donc à Donghol Fêlâ, résidence de l'Almamy Soriya, où il fut reçu avec un cérémonial pompeux. Il présenta à son hôte les lettres du Président de la République française, du Gouverneur du Sénégal et du Grand Marabout maure Cheikh Saad Bouh qui recommandait le porteur à l'attention des autorités de Timbo. Ces correspondances firent bonne impression.
Les négociations d'un traîté de protectorat rencontrèrent beaucoup de difficultés, car l'Almamy estimait que le projet qui lui était soumis l'obligeait à prendre un engagement qui dépassait le cadre des accords d'amitié qu'il acceptait de signer.
L'Almamy se souvint du traité dejà signé avec les Anglais, et déclara à Bayol :
— Le Fouta appartient aux Foulahs et la France aux Français. J'accède aux propositions qui me sont soumises. Ainsi la France et le Fouta seront deux pays unis par l'amitié et le plus fort soutiendra le plus faible. Mon pays sera le protectorat de la France. Les Anglais sont venus chez moi avec des armes et tout un appareil menaçant. Nous ne pouvons croire être liés par une signature obtenue par la force ».
Après ces paroles, l'Almamy reçoit, immédiatement, des mains de Bayol, un drapeau tricolore français.
La mission revint ensuite à Timbo pour remettre à l'Almamy Ahmadou, en fonction, les documents signés, le 5 juillet 1881, par son collègue Soriya. Celui-ci ratifie les documents le 14 juillet, après une entrevue en deux séances.
Le premier document qui est le traité de protectorat, place le Fouta sous le protectorat de la France. Et autorise les Français, à l'exlusion des autres nations, d'établir des maisons de commerce dans tout le Fouta-Dialô. La France s'engage de son côté a verser annuellement à chacun des Almamys une rente de 3 000 Francs, et aux chefs du diiwal de Timbi et du diiwal de Labé, une rente de 1 500 Francs.
Le deuxième document donne aux Français, en toute possession, des territoires où ils pourront construire des postes Ces territoires sont les suivants :
A son départ de Timbo, le 6 septembre 1881, Bayol fut accompagné d'une ambassade de quatre notables sous la conduite de Mamadou Saidou Sy. Cette délégation avait pour mission de présenter au Président de la République française, le traité signé des Almamys et qui était un témoignage sincère des bonnes intentions du peuple foulah dans ses relations amicales avec le Gouvernement français.
Malgré le traité de protectorat signé avec la France par les Almamys, les Anglais n'arrètèrent pas leur visée sur le Fouta-Dialô. Bien au contraire, ce traité suscita chez eux l'organisation d'une campagne très vive. A partir de ce moment, les Almamys recevaient des Anglais comme des Français, et régulièrement, une rente importante.
De nommbreux émissaires, envoyés de Sierra-Leone, conseillaient que les caravanes foulahs soient dirigées sur Freetown. Dans le même but, les commerçants anglais comblaient les Almamys de cadeaux. Les dirigeants anglais de Freetown propageaient, d'autre part, le bruit que l'Angleterre était prête à conquérir le Fouta par la force et à destituer les Almamys. Ceux-ci, par la peur de subir une telle sanction, commencèrent à regretter d'avoir signé à la hâte, les deux traités conclus avec ces deux pays adversaires.
Le pays commença alors à réagir contre les Français. C'est à cette époque, en effet, qu'un voyageur français, le Dr Fouque fut attaqué par des pillards, dans le Bambaya (diiwal de Timbi). Ses bagages furent pillés et lui-même fut arrèté et attaché nu à un arbre. Grâce à l'intervention du notable, Alfa Saliou de Fougoumba, il échappa à la mort et rejoignit Boké à grand'peine. En reconnaissance pour cet acte, Alfa Saliou sera nommé interprète à Boké, et plus tard, chef du canton de Madina, dans le cercle de Pita.
Un certain nombre de faits et de circonstances contribuèrent à aggraver l'amertume des Almamys. Ce fut d'abord la lutte acharnée engagée contre Samory, leur allié qui les avait débarrassé des Houbbous.
Ce fut ensuite l'avance des troupes françaises dans le Soudan, avance qui coupait aux Foulahs toute relation avec l'est. En troisième lieu il faut citer le soutien apporté , au nord, à Moussa Môlo, ennemi redoutable des Almamys . Enfin, à l'ouest, la protection des Etats païens, limitrophes du Fouta, s'opposant ainsi à la progression de l'Islam. Partout, sur le littoral où les Almamys avaient des droits, la France s'était installée en maîtresse. De ce fait, les souverains de Timbo estimaient qu'ils ne pouvaient chercher d'appui que chez les Anglais. Et dans cet esprit, ils tinrent bon tout en évitant la rupture.
Ainsi, Almamy Ahmadou, en fonction en 1886, écrivit à l'Administrateur de Boké, pour lui rappeler les termes du traité signé avec Lambert qui disposait que les commerçants français et le poste de Boké devaient verser l'impôt au Fouta. Il demanda les causes du retard enregistré. Or du côté français, on considérait que ce traité avait été rendu caduc par celui du 5 juillet 1881, signé avec Bayol.