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Islam


Paul Marty
L'Islam en Guinée : Fouta-Djallon

Editions Ernest Leroux. Paris. 1921. 588 pages


Chapitre VI
L'Influence Maure

De tout temps, le Fouta-Diallon a été un centre d'attraction pour les Maures. En parcourant les relations des voyageurs français et anglais qui depuis Houghton (1791) ont visité le pays, on y découvre déjà la trace d'aventuriers maures, rencontrés par eux au hasard de leurs pérégrinations et qui tous, sous un couvert ou sous un autre, se livrent au commerce des amulettes et à l'exploitation de leur baraka de prétendus Chorfa. Quelques-uns s'installaient à demeure et ouvraient une école coranique.
Le 1er janvier 1851, Hecquard trouvait à Madina Boowe une femme maure de Tichit, très blanche, se disant fille de chérif, et qui avait été abandonnée dans le village par son frère ou son mari.
Quelque temps après, il rencontrait un autre Maure à Fougoumba, et pour éviter de s'en faire un ennemi irréductible, il était contraint de faire le jeu du fourbe. Celui-ci en effet prit dans les mains du voyageur une Bible, écrite en français, et se mit à réciter des versets de Coran, comme s'il les lisait dans le texte français, priant Hecquard' à voix basse et en arabe, de ne pas le démentir. Cette ruse consacrait aussitôt sa science aux yeux des Foula émerveillés, et lui permettait de vendre au plus haut prix ses amulettes.
Trente ans plus tard, en octobre 1881, la mission Noirot en trouvait un autre à Médina-Kouta. Noirot le décrit ainsi. « Nous recevons la visite d'un personnage étrange, se disant chérif, natif de Bagdad. Ce saint homme, établit dans la ville depuis quelque temps, prêche le Coran et tient école. Il parait que les gris-gris qu'il confectionne sont payés très cher et lui rapportent beaucoup. »
Le succès d'un Maure, nécessairement chérif, est toujours assuré en pays noir. Il est arrivé pourtant que les almamys de Timbo et les grands chefs de diiwe, mieux à même d'enquêter, ou de par leurs fonctions plus portés à la méfiance, ont identifié certains des prétendus Chorfa qui pillaient pieusement le pays et les ont fait mettre mort, ou tout au moins fustiger jusqu'au sang. La tradition signale plusieurs de ces exécutions dans le demi-siècle qui a précédé notre occupation. Et Hecquard séjournant à Timbo en 1851 eut l'occasion de voir démasquer par l'Almamy Oumarou un Pullo du Fouta-Toro, qui se faisait passer pour un chérif des Darmankour-lda Ou Al-Hadj. Par son intervention et non sans peine, la condamnation mort fut commuée en une correction à coups de garcette. On voit donc que l'autorité française est tout à fait dans la tradition, quand elle enquête sur l'origine de ces Chorfa blancs, ambulants et quêtants, et qu'en cas d'imposture ou indigènes aux fins de répression.

I — Colonies Maures

C'est à partir de 1900, époque où le bruit se répandit dans les pays maures de la bordure soudanaise que les régions du Fouta et des rivières du sud étaient pacifiées par les Français, que les aventuriers des tribus sahariennes vinrent sous le couvert maraboutique, et en nombre croissant, chercher fortune en pays noir.
Les uns comme Mahfoud Younous, etc., s'établirent en Casamance; d'autres en Guinée portugaise, française ou anglaise.
D'autres enfin, séduits par la douceur du climat foutanien, s'installèrent sur les plateaux du Labé. L'accueil hospitalier des Foula et le prestige que leur qualité de Maures devenus inévitablement chérifs leur assurait en pays noir, les engagèrent à s'y fixer définitivement. Ils y épousèrent les femmes du pays, attirèrent quelques-uns de leurs faméliques cousins du Sahara, et en vertu de leur titre de blancs, représentants d'un Islam supérieur, tinrent boutique de gris-gris et de sortilèges. Quelques-uns faisaient en outre du commerce, et tous plus ou moins des cultures vivrières. Cette présence de Maures au milieu des Peul ne parait avoir apporté à ces derniers quelque avantage. Ces blancs se sont tout de suite accommodés de la vie facile du noir et n'ont montré aux naturels le chemin d'aucun progrès social ou économique.
L'exode qui les maintenait groupés et en relations avec leurs pays d'origine parait avoir cessé: aussitôt ces colonies tendent-elles à se fondre dans la masse de la population foula. Il n'en restera, dans une génération ou deux que le souvenir des origines « chérifiennes » de certaines familles peules et de beaux arbres généalogiques, plongeant authentiquement leurs racines en Ali et Fatima, fille du Prophète.
On peut distinguer deux colonies maures, toutes deux vivant dans le Labé: celle de Koubia et celle de Koula
Celle de Koubia (province de la Koila) rattache son origine à Abd Er-Rahman.
Abd Er-Rahman, de la fraction maure des Tagounant (Trarza), était venu dans le Labé vers 1900, en quête d'aventures. Il s'installa à Koubia, y ouvrit un petit commerce, s'adonna quelque peu à la culture et s'y maria. Lorsqu'il mourut, en 1912, à peine agé de trente-six ans, mais en paraissant cinquante, il laissait, tant de la femme maure amenée avec lui que de deux Peules prises sur place de nombreux enfants.
Abd Er-Rahman jouissait dans la région d'un certain prestige religieux. C'est ce qui engagea des Maures de passage à se fixer auprès de lui. Il a laissé plusieurs talibés locaux, notamment Fodé Youssoufou, né vers 1869, imam de la mosquée de Kéléta, à qui il conféra le wird qadria. Fodé Youssoufou dirige une des plus importantes écoles coraniques de la résidence Tougué.
Les plus notables d'entre les Maures fixés à Koubia aujourd'hui Chérif Sidi Mohammed Ould Mokhtar, des Oulad Bou Sba marocains. Jeune encore, il vint faire ses études à Smara, chez Ma al-Ainin, puis descendit vers la Mauritanie par la traînée des Oulad Bou Sba, répandus le long de la côte. A Touizikt, il fit la connaissance d'Abd Er Rahman précité. Venu le rejoindre dans le Labé vers 1906, il s'installa à ses côtes, comme commerçant et cultivateur, puis de ce point, rayonna dans toute la région, recueillant des boeufs et du grain, sous prétexte d'aumônes, exerçant la médecine et vendant au choix amulettes ou gris-gris.
Chérif Sidi Mohammed fut expulsé du Labé, à la suite de discours tendancieux. Il y est revenu par la suite et s'est cantonné à Koubia dans une attitude plus prudente.
Mohammed Ahmed, né à Nama, vers 1860. Il a fait ses études chez Saad Bouh, puis, par le Gabou et Kadé, est arrivé à Niagantou, où il habite le foulasso Médina depuis 1916. Il a épousé Mariama, fille de Modi Abdoul, ancien chef de Niagantou. Il est surtout cultivateur. Il vient, le vendredi, à la mosquée de Linsan-Foulbé, assiste aux palabres et y dirige parfois la prière.
Mohammed Ould Mokhtar, des Oulad Diman, né vers 1875; à Koubia depuis 1905. Il y fait le cultivateur.
Sidi Bayati Ould Moulay Hassan, né vers 1870, chef de famille laissée par un Marocain, Moulay Hassan, qui vécut quelques années dans le Labé, et y mourut vers 1885. Ses enfants sont devenus de véritables Peuls et ignorent complètement l'arabe.
La colonie de Koula a été créée par des Maures du Sahel originaires de la tribu des Oulad Bou Hijjar : Chérif Mokhtar et Amadou Haidara.
Chérif Mokhtar s'est installé à Koula, vers 1903. Il acquit rapidement une grande influence dans la région, et par ses nombreuses tournées l'étendit aux Timbi et Gabou portugais. En 1910, il ramenait de la Guinée voisine les fils des chefs de Dandoum et de Koyada pour leur donner une éducation islamique. La crainte qu'il inspirait aux indigènes les avait toujours empêchés de porter plainte contre lui. L'autorité du cercle finit pourtant par apprendre ses agissements: l'enquête démontra qu'il terrorisait les chefs et les gens de Koula, en les menaçant des châtiments éternels et de catastrophes épouvantables, en leur imposant des gris-gris tout-puissants avec lesquels il leur faisait faire ses volontés et même ses fantaisies. C'est ainsi qu'il s'était fait construire des cases d'une parfaite architecture, dont au surplus les Foula auraient pu, pour leur bien, emprunter le modèle; elles étaient meublées de lits et de sièges sculptés, de fenêtres très finement ouvragées, de moucharabich de fort bon goût, de portes en bois plaquées de colonnes, d'arcs et chapiteaux, de vérandas qui démontraient les goûts artistiques du maître et les talents naturels des artisans foula, quand ils sont vigoureusement commandés et intelligemment dressés; il faisait en outre cultiver ses lougans par le peuple, à certains jours qu'il fixait lui-même; il contraignait les notables à lui prêter leurs captifs qu'il employait à ses travaux agricoles ou en courses commerciales, etc.
Le tribunal de province de Labé a mis bon ordre à ces agissements, enfin dévoilés par les chefs des familles de Koula-Tokosere, par quatre ans de prison, cinq ans d'interdiction de séjour et 500 fr. de dommages-intérêts envers les habitants de Koula (1911). Sorti de prison, il est venu faire du commerce à Conakry.
Chérif Mokhtar fut rejoint vers 1900 par son neveu Ahmed (Amadou Haïdara) né à Tichit, celui-ci fit ses études à Oualata auprès de son oncle, puis commença à son tour son exode. Il vit successivement Nioro, Siguiri, vécut dans le Labé quelques années, séjourna à Kankan, puis à Kissidougou et finalement s'est établi à Kollangel, dans le Koyin (Tougué). Il y a fait le commerçant, le cultivateur, et quelque peu le marchand d'amulettes. ll reste à signaler pour mémoire la famille de Chérif Ibrahima à Popako (cercle de Koubia) et Sidi Ahmed de Kollangui (Tougué).
Chérif Ibrahima, originaire du Houz de Marrakech s'établit vers 1880 à Touba, à la suite de diverses pérégrinations, dans le Labé et le Kadé; il transporta, successivement ses pénates à Toubandé et Woora et s'installa définitivement à Popako, dans la province dc Kinsi, vers 1890.
Cultivateur et commerçant, il ne tarda pas à devenir un notable de la région, épousa plusieurs femmes peules et laissa à sa mort, en 1905, de nombreux enfants. Son frère, Mohammed, dit Mama Salli, était venu le rejoindre, il y a une vingtaine d'années. Marié aussi dans le pays, il fut un commerçant notable. Devenu presque aveugle et boiteux, il s'est retiré des affaires. Leurs enfants se fondent parmi leurs congénères peuls. Leur instruction arabe, leurs moeurs, leur teint clair ne les en différencient en rien. Ils conserveront de cette origine marocaine la seule tradition d'être des Haidara (Chorfa).
Sidi Ahmed Ould Mokhtar appartient à la tribu des Ida Ou Ali, de l'Adrar, et est né à Chinguetti, vers 1885. Le désir de pousser ses études l'amena à Saint-Louis, où il fut accepté comme commis et élève par le commerçant marocain Moulay Ahmed Bou Chaleb. Après deux ans d'études et de travail auprès de son maître; soit à Saint (Louis, soit à Dakar, et après en avoir reçu le wird qadria, il s'en vint à Conakry, puis alla chercher fortune dans le Fouta. Après quelques pérégrinations dans le Labé, il s'installa à Koïn Ndantari, auprès du chef de province Alfa Oumarou vers 1900. ll y a ouvert un commerce qui parait assez florissant et nécessite de fréquents déplacements sur Labé. Il entretient les meilleures relations avec Alfa Oumarou, et parait exercer quelque influence sur son esprit.
Il est à peine besoin de dire que tous ces marabouts maures ne sont affiliés à aucune confrérie spéciale, mais prétendent posséder tous la plénitude des baraka et des wird. Ils délivrent donc, au choix des impétrants, des initiations qadria ou tidiania des Voies de Saad Bouh, d'Al-Hadj Omar ou des Chadelia du Hodh.
Sidi Ahmed a épousé des femmes peules et en a de nombreux enfants.

II — L'Influence des Cheikhs Sahariens.

1. Saad Bouh

Il est connu dans le Fouta-Diallon. Ses fils et ses disciples ont fait d'ailleurs quelques fugitives apparitions, ces dernières années. Un de ses neveux, Mohammed Fadel, fils de Hadrami, du Hodh 1. Il y fit en particulier une tournée pastorale, vers 1908, et y laissa, tant chez les almamys de Timbo que chez Tierno Atigou, à Kindia, et que chez le Ouali de Goumba où il séjourna plusieurs jours, la réputation d'un « parfait Chérif », d'un Chérif sans reproche et sans suspicion, « d'un Chérif qui possédait vraiment le nom de Dieu ».
On peut citer, parmi les petits groupements qadria relevant de l'obédience de Saad Bouh:

Dans le Labé

A Kompanya (province de Donhora), celui de Tierno Malik

Né vers 1860, fils et disciple de Diakaria, qui avait reçu le wird de Tierno Abdoul Torodo, missionnaire de Saad Bouh, de passage dans le Labé vers 1880.

A Linsan (province de la Komba), Marafou

Né vers 1855, d'origine sarakollé, disciple de Fodé Hamadou de Bathurst. Celui-ci avait reçu le wird de Saad Bouh, au cours d'un voyage du Cheikh en Gambie. Maroufou est imam de la mosquée de Linsan-Sarakollé. C'est un Karamoko impotent et de peu de valeur.

Dans la résidence de Tougué

A Tougué même, où il est en résidence obligatoire, le Diakanké Sékou Mamadou Konté, de Késsébé (Kollé). Né vers 1870, il fit ses premières études avec son père Kounsania Konté (id est: celui dont la tête n'est pas rasée), puis les continua à Médina Kouta, centre diakanké, auprès du groupement de Fodé Lamin, élève et disciple de Saad Bouh, et périodiquement visité par ses missionnaires. Il alla enfin les compléter auprès de Saad Bouh lui-même, et passa plusieurs années dans ses campements, entre Khroufa et Nouakchott.
A son retour, il parcourut le Sénégal et la Guinée, chercha le grand chef auprès duquel il édifierait sa fortune. Il crut l'avoir trouvé à Hérémakono (Farana) en la personne de Kémokho Bilali, l'ex-lieutenant de Samory. Il reconnut son erreur vers 1904, vint s'installer quelque temps dans le Koyin, et finalement prit pied dans l'entourage d'Alfa Alimou, chef du Labé. Le zèle apparent qu'il déploya au service de son maître devait lui être nuisible, car il attira sur lui l'attention de l'autorité du Labé; lors de la disgrâce et de l'arrestation d'Alfa Alimou. Sékou Konta subit son infortune et fut envoyé en résidence obligatoire à Tougué (mai 1909).
Il y est toujours et vit des ressources que lui procure l'école coranique qu'il a ouverte. Son influence locale dans l'élément foula est nulle, encore qu'il vienne de donner sa fille en mariage au chef Mamadou Baïlo.
C'est toutefois un lettré des plus distingués, en qui l'on reconnaît l'éducation des Cheikhs maures, et ce savoir lui vaut une certaine considération dans la région.

Dans le Ditin, Al-Hadji Bademba Séfouré

Pullo. Abdoulaye Bademba, fils de Madiou, descendait de captifs.
Madiou, savant renommé du milieu du dix-neuvième siècle, avait sorti la famille de l'ornière et par les hautes fonctions de cadi qu'il exerça successivement à la cour de l'almamy Oumarou et de celle de l'almamy Ibrahima Daara, à Timbo, s'introduisit dans l'aristocratie Uururbhe. Hecquard passant à Séfouré, en 1851, le vit et en reçut une généreuse hospitalité. « Tierno Moësi, comme il l'appelle, était renommé dans tout le Fouta-Diallon pour sa piété et son savoir. » Il habitait Sefouré,dans le Kollaaɗe de Ditin.
Abdoulaye, son fils, était né vers 1835, à Séfouré. Il fit ses premières études auprès de son père, les continue auprès de Tierno Hamidou de Gollere (Fouta-Toro), y épousa une femme toucouleure qu'il devait ramener dans le Fouta-Diallon, et alla achever son éducation à Saint-Louis. Il resta vingt ans à Saint-Louis, professant et spéculant, et assisté de son disciple et ami Al-Hadji Amadou, Toucouleur de Dinguiraye. Leur but était le pelerinage à la Mecque.
Ils confiaient leurs économies successives à une femme Diallonké, maîtresse d'école renommée à Saint-Louis. Quand ils crurent avoir ramassé la somme nécessaire, ils la demandèrent à leur amie, mais celle-ci eut le bon esprit de mourir sur ces entrefaites, et on s'aperçut qu'elle avait dissipé les dépôts qu'on lui avait confiés.
Il fallut recommencer, et après plusieurs années de labeur, la somme, étant de nouveau acquise, les deux marabouts gagnèrent la Mecque (1890).
A leur retour, le maître et le disciple se séparèrent.
Hadji Bademba revint au Fouta et, après une visite aux Amamys de Timbo, vint s'installer à Séfouré où il ouvrit une école et conféra des affiliations qadria. Il s'était fait en effet initié à cette Voie, lors de son séjour à Saint-Louis, par Saad Bouh lui-même, et en avait reçu les pouvoirs de moqaddem.
Hadji Bademba a laissé ainsi de nombreux talibés dans la région. Il est mort vers 1905, et a été enterré à Séfouré.
Les petits groupements relevant de son obédience et méritant d'être signalés sont :

Un petit groupement assez compact à Wonson Bandiaya, dont les personnalités en vue sont: Tierno Amadou Sintiou né vers 187o et Tierno Amadou Houn, né vers 1887, maîtres d'école du village.
Hors du Dinguiraye, ses principaux disciples, chefs de groupements tidiania, sont :

2. Cheikh Sidia

Parmi les Cheikhs maures, il jouit de la considération la plus remarquable dans le Fouta-Diallon.
Cette considération est localisée aux seuls groupement diakanké de Touba et colonies, de Bagdadïa et de Médina-Kouta; mais elle y est très vivace.
Celui de Touba dérive de l'affiliation que Cheikh Sidïa Al-Kabir conféra à Karamoko Qoutoubo, et de l'affiliation que son petit-fils, Cheikh Sidïa Baba, a conférée, en 1909, à Karamoko Sankoun (fils de Qoutoubo).
Celui de Bagdadïa (Fodé Kadialiou) et celui de Médina-Kouta font l'objet des notices ci-après.

3. Fodé Kadialiou

De son nom islamique Mohammed Al-Razali, était Diakanké, de la famille des Gassama. Son grand-père, Karamoko Ousmani Kaba, était originaire du Boundou-Diakhaba. Il vint, vers 1825, s'établir à Dounkita, dans le Koyin, avec son jeune fils, Mamadou Diahabi.
Ce Mamadou Diahabi fut un grand marabout et a laissé une réputation de savant dans la région, où on l'appelait le Karamoko de Dounkita.
Il eut une nombreuse postérité. Ses principaux fils sont par ordre chronologique : Kadialou, Ibrahima, Bekkaï, Baraki, Mostafa, Qoutoubo, Maroufou, et Sidïa.
Kadialiou était né vers 1850, à Dounkita. Il fit ses premières études auprès de son père, puis alla les compléter vers 1880, auprès de Cheikh Sidïa, qui lui conféra le wird qadria, ou plutôt qui le lui renouvela, car Kadialiou l'avait déjà reçcu de son père et par lui se rattachait à la bannière du Cheikh Abdd El-Latif, des Kounta. Cheikh Sidïa lui conféra aussi le pouvoir de moqaddem.
A son retour de Mauritanie, Kadialiou résolut de s'installer pour son compte, et plein de piété envers le fondateur de son ordre, Abd-El-Qader le Djilani, enterré à Bagdad, il fonda, vers 1885, non loin des sources de la Kounda, le village de Bardadïa (ou Bagadadïa). L'emplacement était dans la tradition des grandes zaouïas islamiques : lieu désertique de la province de Missirah, point très éloigné de toutes autorités administratives, se trouvant à l'intersection des limites des cercles de Dinguiraye, Tougué et Satadougou, sur la frontière même des deux colonies de Guinée et du Soudan; et dans la zone de dégradation de l'Islam, à la bordure des Diallonké fétichistes, de conversion relativement facile. Fodé Kadialiou, instruit, pieux, adroit, eut tout de suite un succès considérable. De nombreux enfants de la région, toucouleurs, foula, et surtout dinkanke, sarakollé et malinké, vinrent suivre les cours qu'il professait lui-même ou faisait professer par ses frères. Il distribua le wird qadria à nombre de Karamoko et notables de la région. Il construisit sa grande mosquée de Bagadadïa, en 1894-1895, et fut, dix ans, le marabout le plus reputé des confins du Koyin et du Dinguiraye.
Tous ses frères relevaient de son obédience, sauf Bekkaï, qui avait été affilic au Qaderisme par Karamoko Sankoun, de Touba.
Sa richesse, son éloignement, sa renommée de grand marabout devaient lui être funestes La visite qu'il fit en 1904, à la suite d'Alfa Abd Er-Rahman, chef du Koyin, au Gouverneur genéral Roume de passage à Timbo, ne le sauva pas des foudres de l'administration.
Mis en suspicion, sur les rapports des chefs Foula avec lesquels, malgré sa souplesse Diakanke, il ne sut pas s'entendre, tracassé, invité à regagner son lieu d'origine, il finit par reprendre le chemin du Diakhaba (1905). Accompagné d'une suite de 400 personnes, il erra dans le cercle de Satadougou, tenta une installation à Fellahounda, pres de Ouontofo, puis s'en vint dans la province de Bamdougou (Bafoulabé) et finalement s'arrêta à Nanifara. Il commençait sur le champ l'édification d'un nouveau village et d'une mosquée. Il y mourut sur ces entrefaites (16 février 1906). Ses frères, ses nombreux enfants, et un grand nombre de ses talibés l'avaient accompagné dans son exode. Ils sont encore dans le cercle de Bafoulabé, au village familial de Maradina, adonnés à la culture et à l'élevage. Ils font peu parler d'eux. Ils avaient essayé de convertir le chef de canton de Bandougou, ainsi que les indigènes placés sous son autorité, mais n'y ont pas réussi. Leurs écoles sont florissantes, mais paraissent réservées aux enfants de leur seul groupement
Le chef du village, Sidia Diabi, s'est refugié en 1914, à Samaya, en Gambie anglaise, faisant dire qu'il abandonnait parents et biens.
Un autre frère de Fodé Kadialiou, Ibrahima, est mort vers 1910, à son retour de pèlerinage à la Mecque. Un troisième, Mostafa Diabi, marabout vagabond, a été puni disciplinairement pour avoir erré et quêté sans autorisation. On l'a rencontré plusieurs fois en Guinée.
Un certain nombre de Karamoko Foula des provinces de Koyin, Labé proprement dit et Kollaadhe de Ditin, sont restés attachés au Qaderisme de ce rameau diakanké. Les plus importants, chefs de petits groupements religieux, sont :

Son père, Madiou, était un des plus riches commerçants et agriculteurs de Konkoro : lorsque ce village fut brûlé par Aguibou, fils de l'Almamy Bokar Biro au cours d'une de ses expéditions, où les fils et neveux d'Almamy montraient à bon compte leur valeur guerrière, il dut évacuer Konkoro, et se réfugier à Badougoula.
Fodé Moussa fit ses études sur place, auprès de son père et du maître Modi Ba. Il les acheva auprès de Fodé Kadialiou, qui lui donna le wird.
A cette date, il se livra au commerce et parcourut tout le pays de Kita à la côte. Il séjourna plusieurs années à Kita et à Kindia. Là, il se rapprocha du Ouali, et vécut en très bons termes avec lui.
Il devait finalement regagner les groupement sarakollé de la Koumba, et après avoir vécu quelque temps à Linsan, où il fut imam de la mosquée, il s'est établi définitivement à Badougoula; c'est-un des notables les plus considérés de ce groupement, et le maître d'une école florissante d'une vingtaine d'élèves, dont plusieurs ont achevé le Coran et pratiquent la Rissala.

4. Médina-Kouta

Medina-Kouta (la nouvelle Médine) est un village diakanke de la résidence de Mali, qui jouit depuis un demi-siècle de la réputation de centre islamique. Il est peuplé principalement par la famille Cissé.
C'est à un grand marabout qui a vécu dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et qui est mort vers 1890, Ousmani-Kaba, qu'est dû ce développement religieux. Ousmani Kaba était un Diakanké, originaire de Boundou. Au cours de ses voyages, il vint dans le Trarza et y fit ses études sous la direction du grand Cheikh Sidïa . Il en reçut aussi le wird qadria. Après maintes pérégrinations, il se fixa à Médina-Kouta et attira à lui tous ces dialianké du pays. Il devait finir ses jours dans le Pakao (Casamance), vers 1890
A son départ de Médina-Kouta, il laissait la direction spirituelle du groupement à son fils et disciple, Al-Khali Kaba, qui avait fait ses études chez les marabouts de Touba. Celui-ci vient à son tour de quitter la ville, ces dernières années, et de se retirer dans le Niani.
Le père et le fils ont laissé de nombreux disciples dans la région, pères spirituels à leur tour de talibés. Les plus imprtants sont :

5. Autres individualités, notables, maître d'école

On trouve enfin dispersés dans le Fouta des individualités, notables, maître d'école, relevant de l'obédience de marabouts maures de passage qu'ils ont hébergés quelque temps et dont ils ont reçu le wird. Ces individualités Foula ne sont pas assez versées dans la connaissance des tribus et confréries maures pour avoir pu identifier leurs auteurs. Les renseignement qu'ils fournissent sur eux sont donc incomplets.
Dans le Labé, province de la Kassa-Salla, à Diari, Tierno Mamadou, né vers 1875, disciple qadria de Cheikh Amadou Guiddo, missionnaire maure de Tombouctou, de passage dans le Fouta ces dernières années. Tierno Mamadou est un Karamoko peu instruit, qui dirige une école coranique d'une dizaine d'élèves.

Notes
1. Cf. Etudes sur l'Islam maure: Les Fadelïa, par Paul Marty.