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Islam


Paul Marty
L'Islam en Guinée : Fouta-Djallon

Editions Ernest Leroux. Paris. 1921. 588 pages


Chapitre V
Les Tidiania Foula

La grande majorité des Foula est aujourd'hui affiliée de près ou de loin au Tidianisme Omari de Dinguiraye. Les antiques voies, soit Qadria que les premiers envahisseurs apportèrent avec eux du Macina, soit Chadelia que propagèrent des marabouts locaux, élèves de l'école de Fez, tendent aujourd'hui à disparaître. Elles ont dû céder le pas, dès 1850, à l'influence d'Al-Hadj Omar.
Installé dans sa principauté de Dinguiraye, taillée dans les domaines des fétichistes, le grand Toucouleur du Fouta Toro attira très vite l'attention des gens du Fouta-Diallon par l'éclat de sa sainteté, de sa science et de sa fortune politique. La communauté de langue et d'origine contribua aussi pour beaucoup évidemment au rapprochement sympathique. Al-Hadj Omar fit d'autre part, vers 1850, un séjour de plusieurs mois à Timbo et y déploya toute la force de sa séduction, de son savoir et de son éloquence.

Dès ce moment, les Karamoko Foula vinrent à lui; leurs disciples les suivirent, et quoi qu'en eurent les almamys, qui politiquement et par jalousie se mirent souvent en travers des projets des Toucouleurs de Dinguiraye, au point de nouer alliance avec Samory, ils durent aussi emboîter le pas. Le Fouta Diallon s'est trouvé, dès 1885, inféodé à la voie omarienne. Il l'est toujours.
Nous arrivons donc ici, si l'on peut dire, au coeur même de l'Islam Foula. Dégagé de l'étude des groupements Sadialia en voie de disparition et de l'étude des groupements qadrïa, toujours florissants, mais qui sont un peu un hors d'oeuvre dans la société foula, puisqu'ils sont immigrés et d'origine diakanke; éclairé par l'étude préliminaire du Tidianisme des maîtres de Dinguiraye, I'Islam tidiani du Fouta-Diallon peut être abordé et suivi pas à pas, c'est-à-dire cercle par cercle ou région par région.
Chemin faisant, les petites colonies étrangères de Malinké et de Sarakollé d'obédiences diverses y seront signalées. A leur place également, il sera fait mention des derniers survivants des Houbbou.
L'occasion semble opportune pour présenter ces révoltés politiques et traditionalistes religieux qu'on commence à voir aujourd'hui seulement sous leur vrai jour.
Les Houbbou, groupement tout à fait hétérogène de Qadrïa, qui ont tenu tête inlassablement aux almamys du Fouta, puis à Samory, dans les deux derniers tiers du dix-neuvième siècle, ont aujourd'hui à peu près disparu.

C'est de Tierno Mamadou Diouhé, fils de Modi Karimou, de la famille Nduyeɓe (tribu Uururɓe) qu'est parti le mouvement.
Mamadou Diouhé était un Karamoko d'une grande sainteté, habitant entre 1820 et 1840 Timbo, où il avait fait l'éducation d'un grand nombre d'enfants des meilleures familles Foula et notamment celle du fils de l'almamy Abdoul Qadir, Ibrahima Sori, celui-là même qui désirait devenir almamy en 1872, sous le nom d'Ibrahima Donghol Fella. Il était également en très bons termes avec l'almamy Oumarou, qui lui donna sa mère en mariage. Entre 1840 et 1850, il se retira à Lamina, village de la petite misiide de Kolako, dans le diiwal de Fodé Hadji (Timbo) où ses disciples vinrent le retrouver. Sa zaouïa fut bientôt extrêmement florissante; elle devint le refuge des voleurs, des faillis, des esclaves en fuite ou simplement des mécontents du régime, surtout Uururɓe et Feroɓɓe, et attira fâcheusement l'attention des Almamys. C'était le premier acte d'une pièce dont le dernier se jouait en 1911. Ils finirent de la même façon: l'Almamy Ibrahima Daara, voyait du plus mauvais oeil ce foyer d'intrigues, marcha contre les dissidents (Houbbou et Foula), et il fut tué, comme deux officiers français étaient tués en mars 1911 en voulant arrêter le chef des Houbbou, à Goumba.
La lutte se poursuivit féroce entre les rebelles, commandés d'abord par le marabout Mamadou Diouhé, puis par son fils Mamadou Abbal, et le pouvoir central de Timbo.
Elle prit bientôt une sorte de caractère religieux. Les Foula passent au Tidianisme des Toucouleurs de Dinguiraye. Les Houbbou restent attachés à la bannière qadria de leurs ancêtres et réclament du secours à Cheikh Sidia Al-Kabir. Déjà Modi Karimou, le père de Mamadou Diouhé, avait été en relations avec les marabouts du Sahel (Trarza et Kounta). Il leur avait rendu de nombreuses visites. Son fils continua la tradition. On cite encore les noms des deux ambassadeurs: Magariou et Tierno Sansi, qui vinrent à plusieurs reprises chercher des subsides et des encouragements auprès du grand pontife des Oulad Biri.
Les Houbbou n'eurent pas le dernier mot. Ils durent reculer devant les perpétuelles attaques des Almamys, évacuèrent le Fodé Hadji, le Baïlo et se réfugièrent dans le Yewrugal et les hauts monts qui l'entourent: province du Fitaba, et partiellement du Houré. Ils vécurent dans une paix relative dans les tours de commandement d'Ibrahima Donghol Fella, soit que cet Almamy eût conservé une certaine amitié pour ses anciens maîtres et condisciples, soit qu'il fût vraiment, comme nous le montrent certains récits du temps, un homme intelligent, ouvert, et jusqu'à un certain point libéral.
Toutefois la résistance se prolongea jusqu'à Samory, qui les fit écraser par son lieutenant Karamoko Bilali.

Des survivants, une partie se réfugia dans le Kébou et tenta de se reconstituer sous la baraka duOuali de Goumba. Ils eurent la fin malheureuse que l'on sait. Il est curieux de constater comment la duplicité foula sut faire marcher en l'occurrence l'administration française. Il ressort des pièces officielles, établies par ceux-là même qui détruisirent Goumba et dispersèrent les derniers Houbbou que le grand reproche qu'on adressa à ces malheureux fut surtout celui d'être... des Houbbou. Il était dit officiellement aux grands palabres d'avril-mai 1911 : « Nous ne faisons pas la guerre à l'Islam, ni aux marabouts. Nous recherchons seulement les Houbbou qui, de l'avis même des chefs indigènes, des marabouts sérieux et des vieillards sensés, sont néfastes pour une région. » Les almamys ne disaient pas mieux. Les derniers Houbbou ont perdu toute organisation politique et vivent clairsemés et soumis dans les provinces montagneuses du Fitaba et du Houré (Timbo) et du Mali (Labé).
Ils sont restés inféodés au Qaderisme traditionnel des vieux Foula.
Les quatre grandes tribus de la race peule, signalées pour la première fois par M A. Le Chatelier, se trouvent représentées dans le Fouta-Diallon. Il n'est pas de Peul ne se rattache à l'un quelconque de ces quatre groupements comme il n'est pas, même de nos jours, de Juif qui ne connaisse son affiliation à l'une des douze tribus d'lsraël. Il est utile de les donner ici, suivant la conception foula et sans vouloir établir de rapprochement avec les divisions similaires des autres grands groupements Peul de l'Afrique Occidentale:

Ces renseignements permettent de mieux saisir la filiation des personnalités maraboutiques dont mention est faite au cours du chapitre, avec l'indication de leur origines tribales
Les quatre grandes tribus classiques dés Peul sont au Fouta-Diallon:

Plur. Sing.
Uururɓe Uuruuro
Dialluɓe Dial-Diallo
Feroɓɓe Pereejo
Dayeeɓe Dayeejo

Les Uururɓe comprennent deux fractions très différentes par la date de l'invasion, les coutumes et la religion:

Les Uururɓe sont dispersés dans tout le Fouta, mais on les trouve principalement dans :

Les Dialluɓe sont dits aussi, au Fouta-Diallon, Yirlaaɓe (au singulier Girlaajo), soit que Yirlaaɓe soit synonyme de Dialluɓe, soit ou réciproquement que les Yirlaaɓe soient une des divisions des Dialluɓe et qu'ils constituent les seuls membres de la tribu représentée au Fouta.
Leur zone d'habitat est surtout le Labé avec ses annexes du Tougué et du Mali. Les familles les plus importantes y sont

On trouve encore des Dialluɓe dans le Timbi-Madina et le Kébou, du cercle de Pita; et plusieurs familles surtout Timbonke dans la région de Timbo, dans le Kollaɗe de Ditin et dans la région de Mamou.
Les Feroɓɓe sont relativement peu nombreux au Fouta. Ils sont en tout cas inférieurs en nombre aux trois autres tribus. On les trouve surtout dans le Kébali de Ditin, le Fodé Hadji et le Kolen de Timbo, le Ɓouria de Mamou. Ils ont en outre quelques représentants dans le Labé, surtout à Tunturun.

Les Dayeeɓe

Ils ont fourni les maisons princières de Timbo (Seediyanke) et pontificales de Fougoumba (Seeriyanke). Toujours dans la même région la famille Wolarɓe. En dehors de Timbo-Ditin, ils sont représentés par des Seediyanke à Mamou; des Seeriyaɓe à Bomboli, Bantiŋel et Buruwal-Tappe du cercle de Pita, et des Wolarɓe un peu dans toutes les provinces du Fouta.

I — Le Labé

A. Situation générale

C'est la tribu Dialluɓe, qui constitue la plus grande partie du peuplement du Labé.
Toutes les familles de cette tribu y sont représentées. En dehors de Dialluɓe, on y trouve aussi des Uururɓe surtout dans la région de Tougué et quelques Feroɓɓe L'ensemble de ces Fulɓe est évalué à 275.000 environ. A ce chiffre, il faut ajouter 13.000 Diakanké et, 5.000 Diallonké

Recensement demographique. 1907-1910
Recensement démographique de 1907-1910

Les premiers fortement islamisés, les seconds beaucoup moins, et enfin 120.000 captifs d'hier en grande majorité bambara et Malinké qui sont, ou fétichistes, ou si faiblement teintés d'Islam qu'on ne le voit guère.
L'ancien Labé était plus vaste que le cercle actuel du même nom. Il comprenait en outre la région de Touba, Koumbia et Kadé, dont l'administration française a fait le cerclé de Koumbia.
Le cercle du Labé se fractionne en trois territoires, dont les résidences chefs-lieux sont:

Le siège du cercle est Labé.
Au point de vue religieux, le Labé paraît être le diiwal le plus profondément islamisé de tout le Fouta. Il s'y est épanoui une magnifique efflorescence de mosquées, qui comptent parmi les plus belles du pays, d'écoles coraniques qui sont les plus fréquentées et les plus brillantes, de marabouts qui sont les plus considérés et les meilleurs éducateurs.
C'est en grande partie à quelques saints et lettrés marabouts du Labé que la Voie tidiania omarienne doit son succès dans le Fouta. Inféodés à l'obédience d'Al-Hadj Omar, dès la première heure, ils ont été des disciples fervents et les propagateurs de son wird chez les populations foula partagées entre le Qaderisme ancestral, et le Chadelisme d'importation plus récente.
Il faut citer parmi ces personnalités brillantes dont la trace est constatée non seulement dans le Labé proprement dit et ses anciennes dépendances politiques de Tougué (Koyin) Mali (Yambérin) et Kadé, mais encore dans les régions voisines de Timbo, Ditin, Pita et Télimélé:

A côté de ces marabouts de grande envergure, et de leurs disciples et élèves. Il y a quelques Karamoko de second plan, qui ont été formés par des marabouts toucouleurs, de passage, ou qui sont allés achever leur éducation auprès de Tierno toucouleurs du Fouta Toro. Un seul paraît quelque peu intéressant: Tierno Abdoul, à Dembahi par Sagalé, de la misiide de Diéri, jadis la plus grande « paroisse » du Labé. Né vers 1850, dans la région de Timbo, appartenant à la famille des Sediyanke, il a été très longtemps suivant (mbatula) de l'Almamy Ibrahima Doŋol Fella. Par la suite, il s'est retiré dans le Labé et a tourné au marabout. Il compte des talibés dans le canton, ainsi qu'à Porédaka (Mamou); Timbi-Madina (Pita); Timbo et Boké. Il est l'élève et le disciple d'Al-Hadj Omar Galoya Torodo du fleuve.
En dehors de cette influence prépondérante du Tidianisme, il faut citer:

  1. le groupement si fervent des Chadelia de Diawia, très florissant sous la direction spirituelle de Tierno Mamadou Chérif
  2. Plusieurs centres Diakanké, inféodés à leurs congénères de Touba et à leur bannière qadria. Les principaux de ces villages sont: Silla-Kounda, de la même famille, dans la Komba Occidentale, Fétoyembi, village important où on trouve des représentants des quatre grandes familles Cissé, Diawara, Gassama et Diakhabi (Komba orientale) Poro, famille des Diakhabi (Hoore-Dimma).
  3. Plusieurs centres Sarakollé, dont la plupart réunis dans la haute vallée de la Komba, forment une agglomération très florissante que coupe la limite administrative de Labé et de Mali.
    A citer dans le Labé:

Ces Sarakollé sont le plus généralement qadria et se rattachent par l'ancienne zaouïa de Bagdadia (Fodé Kadialiou) à l'obédience de Cheikh Sidïa Al-Kabir. Ils seront vus vu chapitre six.
Ici comme au Sénégal, et au Soudan, ils sont dioula et colporteurs d'Islam. Mollien avait bien reconnu leurs qualités, en passant en 1818, dans leurs villages de la Komba.

« Ce sont peut-être les nègres les plus intelligents et les plus adroits en affaires de commerce: leur passion pour le trafic est si grande que leurs voisins disent, par dérision, qu'ils aiment mieux acheter un âne pour transporter leurs marchandises que d'avoir une femme dont les dépenses diminueraient leurs revenus. »

B. Le Groupement d'Alfa Oumarou Rafiou

Alfa Oumarou Rafiou, Poullo des Feroɓɓe-Uyanke, était un marabout de valeur qui a vécu et a enseigné à Dara-Labé, au siècle dernier (1800-1885). Il était fils de Modi Salihou, chef de Dara-Labé. Modi Salihou était aussi le père de Diénaba, qui fut la mère d'Alfa Ibrahima, chef du Labé et père d'Alfa Yaya.
Alfa Oumarou Rafiou était ainsi apparenté aux chefs du Labé et mit son influence à leur disposition, en retirant à son tour des bénéfices de tout ordre.
Il a laissé un certain nombre de disciples, tant à Labé même que dans les régions voisines, qui envoyaient leurs enfants suivre ses cours.
Il avait reçu le wird tidiani d'Al-Hadj Omar lui-même, au cours d'un séjour que fit le grand marabout à Diégounko près Timbo où naquit Aguibou, et où Ahmadou Chaykou commença à épeler. Modi Salihou qui s'était attaché à la fortune d'Al-Hadj Omar, voulait le suivre par la suite jusqu'à Dinguiraye, mais son fils Oumarou refusa de le suivre, et s'étant retiré à Dara-Labé, sut contraindre son père à le rejoindre.
Parmi les petits groupements tidianes, laissés par Alfa Oumarou Rafiou, on peut citer ceux-ci :
Dans le Labé

C. Le groupement de Koula

Koula-Mawnde dans la province de la Kassa-Saala (Labé), est un village réputé dans tout le Fouta pour la science de ses marabouts et l'efficacité de leurs amulettes. « Elles sont toutes bonnes à Koula et à Karantagui », dit le Foula du Labé. Dans le domaine des études, c'est, paraît-il, la grammaire arabe, qui est l'objet d'un enseignement de choix à Koula. Cette renommée maraboutique parait remonter à Alfa Oumarou, de la famille des Nyogeyanke (Dialluɓe), Karamoko de grande valeur, qui s'est éteint vers 1875. Alfa Oumarou se rattachait au Chadelisme des premiers Foula. II laissa trois fils: Tierno Aliou, Tierno Madiou et Tierno Abdoul Rahimi.
Tierno Aliou a consacré définitivement la réputation des gens de Koula. C'était un marabout très savant, et qui s'était spécialisé dans le mysticisme des diarooje et dans les pratiques de magie. Koula devint un centre important de pèlerinages.
Il mourut en août 1910, laissant ses pouvoirs spirituels à son frère Tierno Madiou; celui-ci, plus effacé, mourut peu après, en janvier 1912, n'ayant pas eu le temps de donner sa mesure.
Le troisième fils de Alfa Oumarou hérita de la baraka paternelle, mais non de son wird. Jusqu'à lui, les gens de Koula sont sadialia. Tierno Abdoul-Rahimi est tidiani. Il fut en effet l'élève et le disciple religieux de Al-Hadji Lamine de Bantiŋel. Sous son pontificat, Koula abandonna le Chadelisme et se fait donner le wird de son nouveau marabout.
Né vers 1855 à Koula-Mawnde et y résidant toujours, Tierno Abdou Rahimi est aujourd'hui un grand et maigre vieillard, à la longue barbe blanche, aux grands yeux enfiévrés, à l'air profondément ascétique.
Il vit enfermé dans sa case et n'en sort que le vendredi pour aller présider les prières de la mosquée. Il évite le contact de ses semblables, à l'exemple de son frère aîné, Tierno Aliou, qui refusa un jour de voir l'Almamy de passage à Koula. Abdou Rahimi ne va pas si loin toutefois et se présente à Labé, quand il le faut. Il a continué à Koula la tradition des diarooje, institués par ses prédécesseurs, et les dirige lui-même. On voit que, bien que tidiani, le marabout de Koula a conservé les pratiques sadialia. Tierno Abdoul-Rahimi compte de nombreux disciples.
D'abord son père, Tierno Moktarou, qui, resté sadialia et émigré à Wendou Koula, reçoit ses instructions. Tierno Moktarou, né vers 1865, a été reçu avec les plus grands honneurs par les gens de Wendou qui lui ont construit une belle case, artistement travaillée. Il a ouvert une école coranique et préside les diarooje de Wendou.
Ensuite, les enfants de ses frères aînés ont abandonné la Voie chadelia de leur père pour venir au Tidianisme de leur oncle.
Enfin Abdou-Rahimi compte des talibés dans beaucoup de villages et foulasso du Labé: à Popodara, Tourabouya, Diountou, Buruwal-Kassa, Sempeten, Hooreyabi, Diari et Kissian; dans les foulasso Sambayaɓe, Ndantaari, Koragui, Pellel, Billi, Boukari et Pamoyi. Le chef et le marabout le plus influent de Kassian, Modi Billo, né vers 1860, et Tierno Abdoul, né vers 1860, et Tierno Abdoul, né vers 1840, sont ses disciples.
A Douka-Nyogeyaɓe, dans la province de la Kassa-Saala, Tierno Daara mérite une mention spéciale. Né vers 1867, il a fait ses études à Dara-Labé, auprès de son oncle le Karamoko fameux, Tierno Mamadou Dondé. Il se fit ensuite affilier au Tidianisme par Abdou Rahimi. C'est un marabout intelligent, assez instruit, exempt de tout fanatisme. Il dirige une école coranique d'une dizaine d'élèves et aide au recensement de son canton.
A signaler encore à Tunturun, dans la province de Hoore-Dimma, Mamadou Ɓoye, né vers 1862, et Amadou Tunturun, né vers 1865, de la famille Sansiliyanke (Feroɓɓe), chefs des principaux groupements tidiania du canton, Karamoko de valeur, et disciples d'Abdou Rahimi.

D. Le Groupement de Tierno Doura Sombili

Tierno Abdourrahman, du village de Sombili et de la famille khaliduyanke (Dialluɓe), plus connu sous le nom de Tierno Doura Sombili, est né au début du siècle dernier et est mort à un âge très avancé, vers 1895. Il avait fait ses premières études dans le Labé, et était allé les compléter à Golléré, dans le Fouta Toro, où il resta vingt ans. Revenu à Sombili, il y fonda une sorte de Zaouïa, où il distribua par lui-même ou par ses fils et grands talibés l'enseignement musulman à de nombreux enfants. Il prit part à de nombreux épisodes de la guerre sainte dirigée par l'Almamy Oumarou contre le Gabou. Il a laissé la réputation d'un saint et d'un savant.
Il a fait l'éducation d'un grand nombre de Karamoko foula de cette partie du Labé, et les a affiliés à la voie tidiania. Il avait personnellement reçu le wird tidiani de Chekou Mamadou Yéro, grand marabout de Golléré, disciple doublement tidiani de Mouloud Fal, des Ida Ou Ali du Trarza, et d'Al-Hadj Omar, le conquérant toucouleur.
Il exerça, sous la domination d'Alfa Aguibou, chef du diiwal, le commandement de Kinsi jusqu'à sa mort.
Son fils Tierno Mamadou Cellou, plus connu sous le nom de Modi Cellou Kinsi, est né vers 1855. Elève et disciple de son père, il a été un marabout réputé dont la réputation a commencé dans l'entourage d'Alfa Yaya, où il a vécu plusieurs années. Nommé chef de la province du Kinsi, par Alfa Yaya et maintenu par nous en fonctions, il s'y est quelque peu brûlé, et a dû vider la place (1913). Il avait eu toutes sortes de démêlés avec son ancien Manga ou chef de ses captifs, et finit, par une singulière aberration de notre politique démocratique en pays noir, par en être la victime. lI fut condamné à des peines diverses d'emprisonnement et d'amende, puis contraint à une résidence obligatoire d'un an à Yukunkun. Il est redevenu Karamoko et marabout et continue à résider à Péti (Kinsi, Cercle de Koumbia). Ses femmes sont Malinke du Gabou et Foula Khalidiyaɓe. Il a de nombreux enfants.
Parmi les nombreux petits-fils de Tierno Doura Sombili deux méritent une mention particulière Modi Aliou, chef du Kinsi et Tierno Abdourahman, tous deux fils de Modi Cellou Kinsi.

  1. Modi Aliou, né vers 1880, a remplacé son père à la tête du Kinsi lors de la révocation de son père en 1911. C'est un lettré arabe de valeur, beaucoup plus chef politique que marabout.
  2. Tierno Abdourahman est né, vers 1882, à Sombili. Il a fait de bonnes études islamiques auprès des professeurs laissés par son grand-père, qui est revenu suivre quelques années les cours de l'école française de Labé (1905-19088). Il y est revenu quelques mois, en 1912, pour se perfectionner. Il parle, lit et écrit assez bien le français. Intelligent et ouvert, quoique peu énergique, il paraît acquis aux sympathies françaises. Il est riche de femmes, d'enfants et de captifs.
    Tierno Abdourahman a été nommé chef du district de Sombili en mai 1905. Il vécut en assez mauvais termes avec Alfa Alimou, ancien chef du Labé. Celui-ci l'impliqua même dans une affaire de vol pour le faire emprisonner, mais l'intervention de l'Administrateur sauva le jeune homme, qui paraît en avoir gardé une certaine reconnaissance.
    Il est assez mal vu par les Karamoko de la région, qui lui reprochent de ne pas suivre les traditions ancestrales et de s'entourer, non de clercs pieux et lettrés, mais de jeunes gens peu recommandables.

Parmi les nombreux Karamoko formés par Tierno Doura Sombili, et chef de petits groupements religieux, on peut citer :

E. Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan

Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan est né vers 1850, à Labé même; c'est un Foula de la tribu Uururɓe, fraction Nduyeeɓe. Tierno Aliou est d'ailleurs l'héritier des chefs de cette fraction. Il a étudié le Coran avec son père Tierno Mamadou, fils de Mamadou; la théologie dogmatique, la grammaire et le droit chez Tierno Bokar Poti, à Labé. Il a complété ses études supérieures près de Labé, chez Tierno Doura Sombili, le marabout tidiani le plus réputé du Labé, à la fin du siècle dernier.
Tierno Aliou est remarquablement instruit ès sciences arabes et islamiques, avait déjà conquis la première place parmi les Karamoko du Labé, vers 1895, sous le règne d'Alfa Yaya. Il était très apprécié par ce chef, qui, utilisant sa science juridique, l'avait peu à peu transformé en grand Cadi du Labé.

Tierno Aliyyu bhuubha-Ndiyan
Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan

Sa réputation n'a fait que s'accroître avec le temps, et lors de la réorganisation judiciaire de l'Afrique Occidentale (novembre 1903), il était tout désigné pour entrer dans les nouveaux cadres. Il fut nommé assesseur du tribunal de Labé par l'arrêté du 30 décembre 1905, et l'est resté jusqu'à 1912, date où il a pris la présidence du Tribunal du Labé. Il est toujours quelque peu, comme jadis, le conseiller islamique des Commandants du Labé.
Si Tierno Aliou donne toute satisfaction dans le domaine judiciaire, où il s'impose à tous par sa science, sa piété et son prestige, il est moins apprécié comme chef administratif. Il fut d'abord chef du district de Labé-Nduyeeɓe de 1901 à fin 1912. Le 1er janvier 1913, il a été nommé chef de la province de la Doŋora. Apathique et négligent dans ce service, il n'apporte qu'un soin mitigé au recouvrement de l'impôt et aux multiples détails de l'administration indigène. lI n'a manifestement que peu d'aptitude pour ces fonctions. Elles lui sont maintenues toutefois, car elles l'obligent à rester en contact immédiat avec le poste et permettent d'exercer sur lui une action continuelle

Tierno Aliou est aujourd'hui un grand et svelte vieillard de soixante-cinq ans, à figure régulière, teint foncé, à la barbiche blanche. Sa figure intelligente et rusée frappe par des yeux malicieux qu'agite un continuel clignement de paupières. Il est quelque peu, dans ses manières le Foula « précieux », type qu'on rencontre souvent chez les Peul de pure origine.

Il a quatre femmes et de nombreux enfants. Parmi ses dix garçons, il convient de citer

Parmi sa douzaine de filles, il faut citer

Il a de nombreux frères, installés en divers points du Labé:

Il jouit d'une belle fortune : troupeaux de boeufs, de chevaux, lougans de mil, de riz et de légumes; nombreux captifs-serviteurs ; il a des carrés dans les principaux centres de dispersion des Nduyeeɓe:

Les Nduyeeɓe sont groupés en grande majorité dans les régions de Koubia et de Manda.
Tierno Aliou visite assez fréquemment ses foulasso, mais son domicile est en principe à Labé même.
Tierno Aliou a toujours fait preuve de sympathies françaises. Attaché dans sa jeunesse aux bandes du chef du Labé qui opéraient chez les Tenda ou chez les peuplades de la Haute-Casamance et de la Haute-Gambie, grand-cadi du diiwal, pontife écouté par le chef, vénéré par la foule, il avait, c'est indéniable, toute ses sympathies pour l'ancien régime. Il était particulièrement l'ami d'Alfa Yaya et regretta vivement sa chute (1905). Il s'efforça néanmoins de vivre en bons termes avec son successeur, Alfa Alimou, nommé par les Français, se fit donner par lui de nombreux cadeaux et finalement, s'étant brouillé avec lui, contribua fortement à sa chute.
Entre temps, il faisait montre de sa bonne volonté en envoyant son fils aîné, Siradiou, à l'école française. Siradiou devint même moniteur; il le resta fort peu de temps, il est vrai.
Lors du retour d'exil d'Alfa Yaya (fin 1910), Tierno Aliou crut, comme tous les Khalidiyaɓe et comme tous leurs partisans, à la prochaine restauration du chef du Labé. Il la désira certainement et en parla avec sympathie, mais prudent et réservé, il fit une campagne beaucoup moins apparente, attira peu l'attention sur lui, et finalement échappa aux mesures rigoureuses qui s'abattirent sur le Ouali de Goumba et sur Karamoko Sankoun.
Ses craintes furent d'ailleurs très vives pendant plusieurs mois, car il avait formé le projet de quitter le Fouta pour aller s'installer d'abord en Guinée portugaise, puis en Haute-Gambie, vers Asseri (Kedougou)
Aujourd'hui, l'apaisement est complètement revenu.
Tierno Aliou a reçu d'abord le wird tidiani du dernier de ses professeurs, Tierno Doura Sombili, et se rattache ainsi à Cheikh Mouloud Fal, et Mohammed El-Hafed des Ida Ou Ali de Mauritanie (Trarza). Par la suite, il se fit confirmer cette initiation par Alfa Oumarou Rafiou de Dara-Labé, et par ce Cheikh se rattache au Tidianisme d'Al-Hadj Omar.
Ses disciples se sont accrus avec le temps et il est devenu lui-même un grand Cheikh tidiani, distribuant à la fois le wird et le pouvoir de le conférer. Il est certainement un des dirigeants de l'esprit public dans le Fouta.
C'est un lettré arabe de toute première valeur. A défaut de la langue vulgaire, il possède assez la langue littéraire pour soutenir une conversation variée. Il a composé deux ouvrages en vers consacrés à la vie et au panégyrique du Prophète:

Mais c'est surtout comme juriste que sa réputation est consacrée.
Tierno Aliou dirige fréquemment les cérémonies de la prière, le vendredi et les fêtes islamiques, à la grande mosquée de Labé.
C'est à lui que revient le devoir et l'honneur dans les grandes circonstances où les chefs et les notables du Labé sont réunis. C'est lui également qui prend le premier la parole dans les palabres importants. On dit qu'il jeûne quatre mois par an (Redjeb, Moharrem, Chaban, Ramadan) et qu'il se livre souvent à la pieuse pratique de lire le Coran en sept jours. Il fait par piété l'école coranique à un petit nombre d'enfants et des cours de droit, de littérature arabe (Séances de Hariri) et de mystique tidiani à une dizaine d'étudiants. En un mot, il est en passe de devenir le Ouali du Labé.
Quoique étant très peu sorti (un voyage à Kouroussa, quelques promenades dans le Gabou), il jouit d'une considération universelle dans le Fouta Diallon et son influence y rayonne dans tous les groupements tidianias. Il est en relations épistolaires avec les principaux marabouts de la Guinée. S'il ne connaît pas personnellement les grands chefs religieux du Sénégal et du Soudan, il en a entendu parler et ceux-ci le connaissent également de réputation.
L'influence de Tierno Aliou est considérable.
Les différentes familles Nduyeeɓe de la tribu peule des Uururɓe sont toutes soumises à son obédience religieuse et à son autorité de chef de maison.
Dans le seul Labé, il y a plusieurs centaines de Karamoko qui ont passé dans leur jeune âge par ses mains, ont reçu de lui le wird tidiani, et le transmettent en son nom à leur jeune Karanden 3. Ce sont en général les Karamoko les plus instruits. Tierno Aliou paraît avoir visé à sortir quelque peu des méthodes pédagogiques routinières des Foula et à donner à ses élèves des rudiments arabes. Cette influence du marabout date de loin. Alfa Alimou disait, dans sa prison, en 1909, que s'il avait su se conserver les sympathies du marabout par de plus riches cadeaux, il serait encore le chef du Labé.
Les principaux personnages, tous plus ou moins maîtres d'école, chefs de petits groupements relevant de l'obédience tidiania de Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan, et ayant été pour la plupart ses élèves, sont:

  1. Dans le Labé.
    1. Province de la Komba
      • à Manda Fulɓe, Mamadou Ouri, né vers 1855.
      • A Linsan Sarakollé, Fodé Ma Gassiré, né vers 1858.
    2. Province de la Komba occidentale:
      • à Bassania, Tierno Saadou, né vers 1855.
      • A Tinédima, Mamadou Salifou, né vers 1855.
    3. Province de la Komba orientale:
      • à Toumti, Tierno Ougaïlou né vers 1855.
      • A Kinsi, Mamadou Baïlo, né vers 1873, et Tierno Amadou, né vers 1840.
      • A Ɓouɓa Ndiyan, Tierno Abdoulaye, né vers 1870. C'est le grand frère de Tierno Aliou et un marabout lettré et fort considéré; après avoir effectué quelques voyages commerciaux dans le Fouta, il est devenu Karamoko sédentaire.
      • A Koubi-Bullehi, Seïdi, né vers 1870.
    4. Province de la Dimma: à Sourouma, Tierno ɓuri Sourou, né vers 1904. A Niakaya, Samba Sourou, né vers 1850.
    5. Province de la Ousséguélé; à Dena, Tierno Abdoulaye, né vers 1844.
    6. Province de Hoore-Dimma:
      • A Bibéli, Oumarou Ibrahima, né vers 1850.
      • A Gaɗa-Tunni, Mamadou Siré, né vers 1850. A Tunturun, Mamadou Dian, né vers 1850.
    7. Province de la Kiyoma:
      • à Sannou, Tierno Abdoulaye, né vers 1845, et Tierno Ismaïla, famille Diloyanke, né vers 1871. Tierno Ismaïla habitant le village de Ley-Yaali, est un disciple de Karamoko Alfa de Kaalan, aujourd'hui décédé, lequel avait reçu l'affiliation tidiani de Tierno Aliou. Depuis la mort de Modi Hamidou, grand marabout du Sannou et disciple aussi de Tierno Aliou, Tierno Ismaïla est considéré comme le Karamoko le plus instruit de la province. Il dirige à côté de son école coranique, une dizaine de jeunes gens qui veulent se perfectionner dans la théologie et la grammaire. Intrigant et ambitieux, il a pris l'office d'écrivain pour le recensement et l'impôt du Sannou, et sert de conseiller au chef de la province. Il est riche de femmes, d'enfants, de serviteurs et de troupeaux de boeufs.
    8. Province de la Doŋora:
      • à Saala Nduyeeɓe, Mamadou Moktarou, né vers 1850.
      • A Boleya, Karamoko Alfa, né vers 1845.
      • A Doŋol, Mamadou Moktar, frère cadet du Cheikh, très instruit, né vers 1884.
      • A Labé, Tierno Saliou Bolaaro, né vers 1850. Celui-ci est un marabout fort instruit.
    9. Province de la Dombélé:
      • A Tarambali, Tierno Amirou et Tierno Mamadou Saliou, nés vers 1850.
      • A Kaalan, Mamadou Kali, né vers 1860; Mamadou Alfa, né vers 1855; Mamadou Yero, né vers 1872 et Mamadou Salif, né vers 1875.
    10. Province de Sempeten:
      • à Hansaŋere, Tierno Aliou, né vers 1850.
    11. Province de Dara-Labé
      • à Dara-Labé, Tierno Koulabiou, né vers 1855.
      • A Dara-Kettyun, Tierno Oumarou, né vers 1872, marabout lettré.
    12. Province de la Kolla:
      • à Souloundé, Tierno Ibrahima Nduyeedio, né vers 1876, instruit et aisé. Il aspire à jouer un rôle plus politique que religieux. Depuis le règne de Modi Aguibou, il assiste le chef de Koubia dans les opérations du recensement et de l'administration. Il lui sert en outre de secrétaire d'arabe.
  2. Dans la résidence de Ditin — Tierno Abou Derdari, maître d'école réputé à Dalaba. Né vers 1855, il appartient la tribu Uururɓe, famille Ludaaɓe.
  3. Dans la résidence de Timbo. — Tierno Ibrahima Diallo, connu sous le nom de Karamoko Dalen. Ibrahima Boubakar, à Téré, né vers 1888.
  4. Dans le cercle de Mamou. — Brahima Sori So, né vers 1888, chef du village de Kankou-Saréa. Il possède une instruction islamique et arabe très développée, acquise auprès de son père, Modi Bakar, et d'un Karamoko de Téliko, Alfa Issaka. Il a reçu le wird d'un missionnaire de Tierno Aliou, de passage dans la région, Tierno Mamadou Ouri.
  5. Dans le cercle de Koumbia. — Résidence de Koumbia même, à Salli Karamoko, Amadou Bano, né vers 1840, élève de Tierno Aliou, à Labé, et qui y a pris le wird à la fin de ses études. Bano jouit d'une certaine influence à Salli, où sa famille exerce le commandement depuis trois générations. Il a succédé lui-même à son père Tierno Souleymana comme chef du village. Il a été membre du tribunal de province de Touba, jusqu'à la suppression de cette juridiction.

II — Région de Tougué (Labé).

A. Généralités

La région de Tougué, qui constitue la résidence administrative du même nom, et qui entre dans la composition du cercle de Labé, comprend aujourd'hui les deux grandes provinces du Koyin et de la Kolle
La province du Koyin n'est pas autre chose que l'ancien diiwal du même nom; constitué aux temps héroïques de Karamoko Alfa par la valeur de Tierno Saliou Balla des Kulunanke-Balla, qui installé à Koyin-Fella faisait conversions et razzias, chez ses voisins dialonké fétichistes, et devint rapidement un centre d'attraction pour ses frères. Un de ses meilleurs lieutenants lui succéda, Tierno Ousman, des Kulunanke-Sempi. Les deux familles rivales, facteurs inévitables de l'organisation peule, étaient ainsi constituées. Modi Yaya, fils de Tierno Saliou Balla, succéda à Ousman, et il en a été ainsi jusqu'à nos jours.
Ce diiwal comprenait cinq sous-diiwe:

La province est administrée depuis 1905 par Alfa Ammarou, descendant des anciens chefs, les Lamɓe diiwal Koyin. Cette famille de Kulunanke s'est d'ailleurs franchement rallié à l'autorité française, ce qui a permis d'utiliser la plupart de ses membres dans le commandement indigène. On peut citer parmi les cousins du chef du diiwal :

Un certain nombre d'autres se sont consacrés à la carrière maraboutique et s'y sont acquis une belle réputation, tel Mamadou Ouri, frère d'Alfa Ammarou, que M. A. Le Chatelier 1 signalait déjà en 1888 comme un docteur de renom. Il est mort en 1914.
La province de Koole constituait jadis sous le nom de Gaɗa-Koole une dépendance de Koyin, plus vaste, mais beaucoup moins peuplée que lui. Elle en a été détachée, le 15 janvier 1912, et confiée sous le nom de Koole et avec son autonomie à Amadou Baïlo
Toute cette région de Tougué, passée dans le Dar el-Islam par la conquête et le prosélytisme, s'est franchement islamisée, pendant les deux siècles de domination foula, encore que de nombre de Diallonké aient conservé dans leurs nouvelles croyances des rites et des pratiques du fétichisme traditionnel. On peut citer en outre trois groupements diallonké qui ne se sont pas laissés entamer par l'Islam:

Trois centres d'attraction religieuse existaient dans le Koyin:

La proximité du Dinguiraye a apporté au Koyin un renouveau de vie religieuse, à l'époque d'Al-Hadj Omar, et cette ferveur s'est en partie maintenue jusqu'à nos jours par la piété et la prédication de plusieurs marabouts foula, disciples du grand conquérant tidiani, ou inféodés à sa voie par ses successeurs de Dinguiraye. Le plus en vueKoin de ces personnages est Tierno Alimou, de Koyin, car par son affiliation, il se rattache au toucouleur Tierno Boubou, de Gali. En outre, beaucoup de jeunes Karamoko de Tougué n'hésitent pas à aller chercher à Dinguiraye, éloigné dedeux ou trois jours de marche seulement, un complément d'études islamiques et un wird d'autant plus pur qu'il se rattache de plus près au fondateur de la voie.
Le plus notoire de ces marabouts, mort ces temps derniers seulement, est Amadou Dondé, du KoubiaUnecentaine des Karamoko de la région ont reçu le wird et la formation cléricale de ce disciple immédiat d'Al-Hadj Omar.
Après lui, vient le Sékou de Koyin Fello.
D'autres dépendent directement de marabouts toucouleurs, installés à Dinguiraye et qui furent leurs maîtres, notamment Tafsirou Aliou et son fils Alfa Mamadou Thiam, chef de la province de Tamba.
Mais il y a lieu de signaler ici l'influence acquise par un de ces Toucouleurs, Tierno Mamoudou Birita, venu s'installer dans la Kolle et récemment décédé. Il a laissé plusieurs disciples, notamment :

D'autres enfin, mais en très petit nombre, et habitant surtout Parawi sont Sadiouliya, fils spirituels de la Zaouïa du Ouali de Diawia.
Les centres maraboutiques les plus importants du pays sont: la misiide de Koyin même, et Kona. Dans cette dernière ville, un marabout d'une certaine envergure, Tierno Falilou, mort vers 1895, y a laissé un souvenir encore vivace Il a distribué successivement, et probablement simultanément, les wird sadialia, tidiania, qadria. Son fils Ibrahima, paralytique, est sans influence; mais plusieurs de ses disciples sont réputés Karamoko de valeur, tels Tierno Alhamdou, à Buruwal, et Karamoko Bobo, à Kona. Ce dernier, marabout instruit, a composé divers opuscules dont l'un, le « Djannat al-Mouridin », est un petit poème loyaliste, remarquable par ses qualités littéraires et ses excellents sentiments.
On rencontre en outre dans le Tougué quelques groupements diakanké, fortement attachés à la voie qadria. Ces colonies diakanké seraient, d'après leur tradition, venus des Diakhaba (Macina), en même temps que les premières migrations peules, ou tout au moins peu après. Elles se seraient prudemment abstenues de toutes luttes avec les indigènes Diallonké, et auraient eu la sagesse de ne pas s'entre-déchirer, comme le faisaient les Foula à peine vainqueurs. Marabouts cultivateurs et commerçants, ils se consacrèrent à l'éducation des enfants et à l'établissement de leurs fortunes. Aussi les trois villages de Balagan (Koole) de Kéléla et de Kessébé (Koyin), qui constituent les trois centres les plus importants des Diakanké du Tougué, comptent-ils parmi les plus riches et les plus florissants.
La population n'en est d'ailleurs que plus difficile à manier, même pour ses propres chefs. Ce petit monde de Karamoko, prétentieux dans leur vanité de lettrés, est assez indocile.
Les plus notoires sont:

Quelques-uns, toutefois, se sont laissés inféoder au Tidianisme ambiant. A citer notamment: Fodé Youssoufou, de Kessébé, né vers 1844, élève et disciple de Karamoko Alfa Souma, de Labé, un des premiers talibés d'Al-Hadj Omar. Fodé Youssoufou, de la famille Diabi possède plusieurs disciples à Kessébé et jouit d'une certaine influence par suite de ses liens de parenté avec le chef du village.

B. Tierno Amadou Dondé

Tierno Amadou, de la famille peule Guirladio-Nyoguyanke, est la personnalité maraboutique la plus notoire de la région de Tougué, pendant ce dernier quart de siècle. Il était né vers 1830, dans le Koyin, avait fait de fortes études auprès des marabouts locaux et se trouvait petit Karamoko à Diamiou (Koyin), lors du passage dans le pays d'Al-Hadj Omar (vers 1855). Le grand marabout lui conféra lui-même le wird tidiani, faveur qui produisit un double effet:

Dès lors uniquement consacré aux choses saintes, il se voua à l'enseignement. Pendant plus de cinquante ans, il inculque les notions coraniques aux jeunes karanden 3 [élèves] de sa province, et à nombre d'enfants des provinces voisines. Il a ainsi formé la plupart des Karamoko actuels du Koyin et de la Koole.
Il fit à plusieurs reprises des voyages et des séjours à Dinguiraye et y épousa une fille de l'almamy Aguibou Tall. Il en eu un enfant, Aguibou, qui habite Dinguiraye et fait le dioula dans tout le Fouta.
Il est mort en 1908, au village de Dondé (près de Koubia), qu'il avait créé, et dont le nom est resté attaché au sien, suivant la coutume locale. Dondé a été peuplée par des migrations de gens de Douka, près de Popodara (Labé) qui se trouvaient à l'étroit dans leur village, et qui furent incités par Tierno Amadou, leur contribule, à venir se grouper autour de lui.
Les principaux de ces disciples, notables et Karamoko, répandus dans la région de Tougué, et directeurs spirituels de petits groupements tidianes sont :

En dehors du Tougué, à Diawia du Dinguiraye, Tierno Ismaïla, né vers 1846, maître d'école.

C. Sékou Yaya

Sékou Yaya, dit le Sékou de Koyin-Fella, est né dans cette misiide vers 1859 et y réside encore. Il appartient à la famille Kulunanke-Balla, qui a exercé le commandement du diiwal. Un accident de jeunesse l'a rendu borgne.
Il a fait ses premières études à Koyin-Fello avec son père Mamadou Billo, puis les a continuées dans les centres intellectuels les plus réputés du Fouta : Dinguiraye, Bodié (Kollaɗe, de Ditin), Balafoya (Koyin de Tougué). Après avoir, comme un bon musulman, fait campagne contre les infidèles du Gabou portugais, aux côtés d'Alfa Ibrahima, chef du Labé, il revint s'installer à Koyin-misiide, et y exerça t tout dr suite une influence considérable en rapport avec sa fortune, sa science et ses relations de parenté avec les chefs du pays. Il est en effet un cousin d'Alfa Oumarou, chef du Koyin, et l'oncle d'Amadou Bailo, chef de la Koole.
Sekou Yaya est un des marabouts les plus lettrés de la région; il possède une excellente bibliothèque touchant aux sciences islamiques.
Il est actuellement premier assesseur du tribunal de cercle, et rend en cette qualité par son intelligence, son. savoir et ses facultés d'adaptation, de précieux services à l'administration.
Il a reçu le wird tidiani de son grand-oncle, Tierno Abdoulaye Balima, qui était un des premiers disciples foula d'Al-Hadj Omar.

III — Région de Mali. (Labé)

A. Généralités

Les plateaux du Mali, d'où émergent les monts de Tangué, renferment les plus hautes altitudes du Fouta-Diallon. Au nord et au nord-ouest, la chute est brusque, et le Foute boisé montagneux et fleuri se termine en quelques heures d'étape et sans transition dans l'arrière pays sénégalais sec, sablonneux et plat.
La résidence comprend cinq provinces importantes:

Elles se partagent les neuf dixièmes du territoire et de la population. En dehors de ces provinces, on compte quelques villages indépendants dont les principaux sont :

Aux Foula de la tribu Dialluɓe, et quelque peu de la tribu Uururɓe, qui peuplent le Mali, il faut ajouter plusieurs colonies diakanké (Médina-Kouta) et Sarakollé (Badougonla). Il y a en outre surtout dans la province de Sangalan, de nombreux autochtones diallonké, demeurés fétichistes. Ce sont ceux-là mêmes que signalait Mollien en 1818 :

« Le fanatisme des sectateurs de Mahomet a obligé les hommes qu'il poursuivait à y chercher (dans les montagnes du Niokolo et du Dandeya) un asile. Des Diallonké qui n'ont pas encore renoncé ouvertement au fétichisme, s'y sont retirés et ont conservé la liberté de ne pas penser comme leurs maîtres. »

Les Foula du Mali sont très attachés à l'Islam et se partagent entre la bannière tidiania d'Al-Hadj Omar, le Chadelisme d'importation, et le Qaderisme de leurs ancêtres. Mais aucune personnalité religieuse n'a su s'imposer jusqu'ici et la poussière de Karamoko, dispersés dans les vallées adjacentes au bassin de la Dimma ou Haute-Gambie ou dans ces contreforts du Fouta, les derniers et les plus élevés, ne présente que l'intérêt relatif d'une sèche nomenclature.
De rares noms paraissent retentir quelque peu l'attention: Tierno Sadou et Tierno Macina

Le groupement de Tidiania le plus en vue est celui de Tinkéta, dérivé de l'obédience de Tierno Doura Sombili, et celui de Tierno Mamoudou. Celui-ci, né à Bouroudji vers 1854, Poullo Ngeriyanke, cousin du chef de Leysaare (Labé) vient de mourir en octobre 1915. Il avait commencé ses études dans le Bas-Fouta Toro et avait reçu le wird qadria de Cheikh Sidïa. Venu les compléter chez Tierno Hamidou, de Gollére, il ne tarda pas à passer sous sa bannière tidiania. Revenu dans le Fouta-Diallon, il professa le Coran et les rudiments des sciences islamiques à Toulel, jusqu'en 1910, date à laquelle il fut nommé chef de ce centre, sur la proposition des notables. Ses sympathies religieuses pour Al-Hadji Kébé, dont on verra plus loin (Ditin) les aventures, et qu'il cacha pendant plusieurs mois, faillirent lui attirer des malheurs. Il est remplacé aujourd'hui à la tête de son groupement de talibés par son fils aîné Abdoul-Qadiri, né vers 1890.
Les Sadialia de misiide-Yambérin relèvent de Diawia (Labé)
A côté des groupements de Foula tidiania, qadria et sadoulia, le village de Médida-Kouta (la nouvelle Médina), peuplé de Diakanké qadria, fils spirituel de Cheikh Sidïa Al-Kabir, est réputé depuis plusieurs générations comme un centre islamique important. Il est étudié à sa place naturelle,au mémoire qui traite de l'influence des Cheikhs maures. Médina-Kouta renferme au surplus quelques Baidanes, prétendus chorfa, qui se sont installés là depuis un demi-siècle et y professent le Coran et la cryptographie.

Le centre sarakollé le plus important est Badougoula, dans la haute vallée de la Komba,proche de Linsan et de Manda, qui dépendent du Labé. Ces Sarakollé se rattachent aussi à la voie qadria de Cheikh Sidïa Al-Kabir, mais par l'intermédiaire de la Zaouïa de Fodé Kadialiou, à Bagdadïa.
Les écoles coraniques fleurissent sur le territoire du Mali. On peut en évaluer le nombre à 150 environ, dans la plupart desquelles on n'enseigne que le Coran et qui ne comprennent guère que 4, 6 ou 8 élèves. Les centres intellectuels les plus réputés sont:

B. Tierno Sadou

Tierno Sadou, des Dialluɓe Iloyaaɓe, a été un savant réputé de Hoore Liti. Il a formé de nombreux Karamoko qui subsistent encore aujourd'hui dans le Yambérin, sans toutefois que tous aient pris son wird qadria. Il est mort vers 1900.
A citer parmi ses élèves: Tierno Ibrahima Kindi, des Iloyaaɓe, et parmi ses disciples Mamadou Alfa, tous des Karamoko instruits et considérés de Hoore Liti.

C. Tierno Macina

Tierno Abdoulaye était un Pullo né en 1840 et originaire de Hamdallaye, dans le Macina nigérien, ce qui lui a voulu son surnom de Tierno Macina. Il vint dans le Fouta vers 1870. Il s'installa d'abord à Kérouané, chez Alfa Oumarou Danjian, puis à Médina-Kouta, et enfin à Dali Hoore-Wendou. Son prosélytisme lui attira un certain nombre de disciples auxquels il conféra le wird qadria des Kounta. C'est chez eux, en effet, qu'il avait terminé ses études entre 1860 et 1865. Au début du siècle, il forma le projet de retourner dans le Macina et partit à petites journées, accompagné de quelques talibés de choix. La petite troupe dut faire un séjour prolongé à Sigon, dans le Yambérin, à cause de la maladie de son chef. Elle en profita pour y faire un prosélytisme efficace. On repartit, mais Tierno Macina ne tarda pas à retomber malade et expira au village de Kolobia, dans le district de Koussan (Bakel).
Ses principaux disciples se trouvent à Paré, dernier village foula d'où gens et bêtes dévalent, à toute vitesse, des hauts plateaux du Fouta dans les basses plaines du Niokolo. A citer: Tierno Amadou, né en 1875, et Tierno Salam né vers 1878, petits Karamoko sans grande envergure. On en trouve encore à Kérouané, Medina-Kouta et Sigon. Tierno Macina a laissé la réputation d'un savant et d'un maître émérite et beaucoup de Foula du Mali et des régions environnantes ont fait, sans prendre son affiliation, des stages d'études chez lui.

IV — Cercle de Koumbia

A. Généralités

La dénomination administrative de cercle de Koumbia comprend les territoires, géographiquement divers, et les éléments ethniques mêlés, qui s'étendent entre les derniers contreforts du Fouta Occidental et la frontière portugaise.
Il se fractionne en trois résidences administratives :

Koumbia, village Tyapi, sis au centre de la province principale du Boowe Ley-maayo, et peuplé de Foula et Diakanké musulmans (200.000 environ), de Mandingues, à peine teintés d'Islam (16.000 environ) et d'un millier de Foulakounda et Tenda fétichistes.
Dans la résidence de Koumbia, inaugurée le 1er janvier 1913 et aujourd'hui chef-lieu du cercle, se trouve le groupement diakanké de Touba et dépendances. Le poste administratif, qui existait à Touba, a été supprimé en 1913. Il comprenait les deux provinces du Binani et du Kinsi.
Il s'y trouve encore l'ancienne résidence de Ndama peuplé de Foula musulmans.

Kadé, ancien chef-lieu du cercle, qui porta de 1906 à 1913, le nom de Kadé-Touba. La résidence de Kadé est peuplée de :

Youkounkoun, résidence des pays Coniagui et Bassari fétichistes. On y trouve aussi quelques îlots de Tenda fétichistes ou Tenda Dounka.
L'élément musulman n'y est représenté que par quelques Dioula, d'origine sarakollé ou malinké, immigrants ou de passage, et par quelques Tenda Boéni ou Tenda habillés, dont la zone d'habitat s'étend sur les rives de la Haute-Koulountou ou rivière Grey (affluent de la Gambie). En s'islamisant, les Tenda prennent l'usage des habits. Ils deviennent Boéni, laissant l'affiliation de Dounka (nom du petit fourreau à verge qui constitue le seul vêtement des Tenda) à leurs frères fétichistes.

L'ancien poste militaire de Boussourah dans la province du même nom a été supprimé.
En résumé, toute cette région qui s'étend à l'ouest du Fouta-Diallon jusqu'à la frontière portugaise et qui est bornée au nord par l'élément Foula-Kounda fétichiste, de Casamance, et au sud par les peuples Tenda, Landouman et Baga, également fétichistes, n'est islamisée que très partiellement:

  1. islamisation partielle dans l'espace: le Nord, Coniagui Bassari, et certains îlots du Centre et du Sud, Foula kounda, Tyapi, étant fétichistes;
  2. islamisation partielle dans la qualité: les Mandingues et même les Foula et les Diakanké ayant conservé un grand nombre de leurs rites coutumiers et pratiques traditionnelles.

Trois centres de rayonnement islamiques très importants se détachent avec netteté dans le cercle de Koumbia:

Touba, centre des Qadria diakanké, et Ndama, Zaouïa déchue du Chadelisme de Tierno Ibrahima, ont fait l'objet d'une étude antérieure.

Kadé a dû à sa qualité de deuxième capitale de l'ancien diiwal du Labé, et de résidence favorite d'Alfa Yaya, de se voir transformer de petit village tyapi en un groupement de plusieurs agglomérations musulmanes, dont les principales sont :

Aux Foula islamisés, mais assez tièdes, qui formaient les bandes des chefs du Labé ct de Kadé, sont venus se joindre des marabouts Toroɓɓe, Tidianïa émigrés du Fouta-Toro et de Dinguiraye, résidu de la dispersion toucouleure, marabouts aventuriers en quête d'un casuel et d'une situation confortable.
Le premier et principal d'entre eux fut Tierno Ciré qui conféra le wird tidiania à Alfa Yaya et fut de longues années, son conseiller et son secrétaire. Il était né dans le Fouta-Toro vers 1800, avait suivi la fortune d'Al-Hadj Omar et, après un séjour de quelque durée à Dinguiraye était venu s'installer à Kadé, de là son influence s'étendait au-delà des limites de la province et rayonnait sur la plus grande partie des islamisés de la Guinée Portugaise et de la Casamance. Il est mort à Kadé, vers 1908.
Il a laissé plusieurs disciples, notables, Karamoko et marabouts de Kadé; tels Ali Sankolla qui, est mort en 1909; Tierno Modesa, Foula né vers 1872, à Coubambélé; Tierno Yaya et Tierno Diedié, Foula, nés vers 1875, à Foula-Mori.
Les autres principaux marabouts toucouleurs de Kadé sont : Tafsirou Baba, Tafsirou Malik ou Tierno Malik et Al-Hadj Mamoudou et enfin Alfa Mamadou Baba Li, né dans le cercle de Matam, à Doumga Ɓouro Alfa, et domicilié à Kadé depuis le temps d'Alfa Yaya, ancien assesseur du Tribunal de province, aujourd'hui maître d'école et fabricant d'amulettes.
Il reste à signaler dans l'élément islamisé de Kade quelques Karamoko foula, relevant de leurs congénères du Labé, et un petit groupement de Diakanké qadria relevant de l'obédience de Touba.

Parmi les Karamoko foula, le plus en vedette est Tierno Moktar, auquel on accole le nom de son village natal Labé-Ɗeppere [Labe-la-Plate], né vers 1860, il a fait ses études auprès de Tierno Mamadou et Modi Aliou, marabouts réputés de Labé-ɗeppere, et a reçu le wird tidiani du premier.
Dans le Badiar, de Kadé, les Karamoko, en général originaires du Fouta, relèvent de l'obédience de Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan ou de Tierno Doura Sombili.
Les écoles coraniques fleurissent à Touba et dans les colonies diakanké; dans le Kinsi et le Binani, dans le Boowe-Ley-maayo, dans le Ndama, à Kadé enfin.

B. Tafsirou-Baba

Baba Mamadou, dit Tafsirou Baba, est né vers 1860, dans le cercle de Matam (Fouta-Toro). Il est donc d'origine toucouleure. Il fit ses premières études auprès de son père, Tierno Mamadou Sanoun, puis les compléta auprès des grands Cheikhs toucouleurs du Fouta-Toro. Vers 1885, il vint chercher fortune dans le Fouta-Diallon, et ne tarda pas à lier son sort aux ambitions d'Alfa Yaya. Il s'installa, dès lors, vers 1890, à Kadé, qu'il n'a pas quitté depuis, et fut pour le chef du diiwal un conseiller islamique éclairé et un juge tout dévoué. La confiance d'Alfa Yaya pour son marabout fut telle, qu'il lui confia l'éducation et l'instruction de son fils Modi Aguibou, l'hôte actuel du Port-Etienne.
L'occupation française ne modifia en rien ses sentiments.
Son attitude fut toujours correcte et loyaliste, même aux mauvais jours de 1905 et de 1911 où les Français faisaient disparaître Alfa Yaya de la scène politique. Il resta néanmoins fidèle à son ancien protecteur, et aujourd'hui encore ne cache pas qu'il lui a conservé un souvenir d'affection.
Il passa à ce moment au service des Français, fut secrétaire, puis assesseur, au Tribunal de province et enfin assesseur au Tribunal de cercle. Il s'y est rendu fort utile par son excellente instruction, par sa connaissance des coutumes locales, par son esprit de justice et d'intégrité et enfin par son adaptation intelligente à la présence des Français et aux nécessités de la situation nouvelle.
Tafsirou Baba n'a pris aucune part aux événements de 1911. Il s'est au contraire activement employé à l'apaisement des esprits, a enrayé nombre d'exodes en Guinée portugaise et a ramené des dissidents; très populaire et très aimé à Foula-Mori, il a été présenté par les indigènes de ce village comme chef local, et nommé à ce commandement par l'autorité française. Ses fonctions, son âge, sa santé ébranlée l'ont contraint à fermer l'école coranique, où il distribuait les rudiments d'Islam et quelque peu l'enseignement supérieur. Il donne néanmoins, à l'occasion, des consultations scientifiques aux lettrés de la région.
Tafsirou Baba a reçu le wird tidiani de Seïdou Rahim. marabout toucouleur de Séɗo, disciple d'Al-Hadj Omar.

C. Tierno Malik

Tierno Malik Kane est né vers 1865 dans le Kabada (cercle de la moyenne Casamance). Son père faisait partie de ces petits groupements immigrés que la diaspora toucouleure a amené dans le Saloum, la moyenne Gambie et le Kabada casamançais. Il fit ses études chez les principaux marabouts du Bas-Sénégal (Saloum, Niani, Cayor) et notamment à la Zaouïa d'Al-Hadj Malik Si, de Tivaouane. Vers 1890, il vint chercher fortune, comme beaucoup de ses congénères, dans le Fouta-Diallon, il se fixa auprès d'Alfa Yaya qui l'employa d'abord à Kadé, après la disparition d'Alfa Yaya et de son fils de l'horizon politique (début 1911), et y ouvrit une école, qui fut bientôt florissante.
Peu après, Tierno Malik qui, malgré ses sympathies pour les Khalidiyaɓe, avait toujours eu vis-à-vis des Français une attitude correcte était nommé assesseur et secrétaire près le Tribunal de Kadé.
C'est aujourd'hui un marabout considéré, maître d'école et cultivateur, installé en principe à Kadé, mais qui passe de longs mois en Guinée portugaise, à Bapata.
Il a reçu le wird tidiani d'Al-Hadj Malik Si, de Tivaouane, et se rattache ainsi aux deux branches du Tidianisme de l'Ouest africain: omarien et alaoui.
Il a plusieurs talibés, en général Karamoko, dans la région de Kadé.

D. Al-Hadj Mamoudou

Al-Hadji Mamoudou, fils de Tierno Saidou, est né à Séɗo, dans le Ɓoundou, vers 1835. Il fit ses études dans son pays, puis dans le Fouta-Toro , et vint les compléter à Dinguiraye, la florissante capitale toucouleure vers 1860. Venu dans le Fouta-Diallon vers 1880, il habita longtemps Koumbia, puis se fixa auprès des chefs de Kadé, prit sur leur esprit une grande influence et fut utilisé par eux dans diverses missions dans le Fouta et en Guinée portugaise. Il vivait dans l'entourage même d'Alfa Yaya, et l'accompagna dans la plupart de ses voyages.
Entre temps, ayant acquis une certaine fortune, il fit le pèlerinage de la Mecque (vers 1890).
Al-Hadji Mamoudou se rattache au Tidianisme Omari par Tierno Saïdou, talibé du grand marabout et qui a vécu dans le Ɓoundou, dans la deuxième partie du siècle dernier. Al-Hadji a conféré le wird tidiani à plusieurs personnes du Kadé et dirige encore aujourd'hui à Foula-Mori, malgré son grand âge, une école coranique florissante, doublée d'une section d'enseignement supérieur.

V — Région de Pita

A. Généralités

La région de Pita qui forme avec la résidence de Télimélé le cercle de Pita, comprend sept provinces foula :

Ces provinces sont peuplés par des représentants de toutes les tribus fulɓe, mais surtout par les tribus Dialluɓe et Uururɓe. Elle comprend en outre un district soussou: Sokili-Soussou.
Très attachée à l'Islam, elle est inféodée à peu près complètement au Tidianisme Omari. Elle a vu naître et fleurir de très importantes personnalités maraboutiques: Tierno Dayeejo, et Tierno Maroufou, au siècle dernier: Tierno Moawiatou Maci et Alfa Ibrahima en ces temps-ci, qui ont été des professeurs renommés, entre les mains desquels plusieurs milliers de Karamoko ont passé. Ils ont été en outre des directeurs de consciences et des pôles d'Islam très écoutés. Comme ces grands marabouts se rattachaient au grand pontife toucouleur de Dinguiraye, soit directement soit par l'intermédiaire de ses disciples immédiats, ils ont distribué son wird tidiania dans toute la région.
En dehors du rayonnement de ces marabouts en vedette et de leurs affiliés, on ne trouve plus guère que de la poussière de Karamoko, dépendant des Cheikhs voisins du Labé.
Il reste à signaler l'influence que le Ouali de Goumba voisin avait acquise, dans ce dernier quart de siècle, parmi les populations islamisées du Timbi et du Maci. Un certain nombre d'individus avait embrassé son Chadelisme, et les derniers Houbbou de la région étaient allés se réfugier à la misiide. Les événements de 1911 ont ramené ces transfuges au tidianisme. Il y a pourtant encore quelques Sadialiya irréductibles, petites communautés que la persécution a trouvées fidèles, qui se rattachent tant bien que mal à la Zaouïa de Tierno Mamadou Chérif Diawia, ou aux membres épars de la Zaouïa de Ndama, victime elle-même de son exubérance mystique et des craintes d'une administration qui entend fixer les règles du soufisme musulman.
Les centres islamiques les plus réputés soit par la ferveur et l'abondance des fidèles, soit par le nombre et l'excellence des écoles coraniques sont:

B. Tierno Moawiatou (Pita)

Tierno Moawiatou, fils de Karamoko Mamadou Saliou, de la famille peule des Surgayanke (tribu Uururɓe), est né vers 1832, dans le Maci, à la misiide même, Maci. Il a fait ses premières études auprès de son père, qui jouissait de la réputation d'un marabout lettré et qui, ayant traduit le Coran en poul-poule [Pular], l'enseignait aussi à ses élèves, conjointement avec le texte arabe.
Le jeune Moawiatou commença aussi la théologie, à l'école de son père, dans les ouvrages de Sanoussi et de Maqaari. Après quoi, il s'en alla compléter sou instruction supérieure auprès des docteurs en renom du Fouta: Karamoko Bakel, marabout sarakollé ambulant; Tierno Amadou Dondé, dans le Labé; Tierno Mostafa Kolen, à Sombili; Karamoko HérIko, à Timbo.
C'est par ce dernier, Tierno Hamidou de Hériko (Timbo), qu'il se fit initier à la Voie tidiania et, quelque temps après, confirmer dans les pouvoirs demoqaddem consécrateur.
Revenu dans le Maci, il y ouvrit une école coranique, qui fut bientôt très florissante, et ne tarda pas à y annexer une école supérieure. Il n'est plus guère sorti depuis cette date; on signale seulement un voyage en Guinée portugaise, ces dernières années, à la recherche de son fils aîné, Tierno Saliou, qui s'y était installé et n'en voulait plus revenir.
Ce professorat interrompu de soixante ans lui donne un aspect tout particulier; il s'étend abondamment en explications sur les moindres propositions qu'il avance; il émaille sa conversation de citations, de versets et de fables; il l'égaye même depetits chants arabes, ce qui donne aux entretiens qu'on a avec lui une allure tout à fait réjouissante. Il ne faudrait pas croire pour si peu qu'il soit ridicule. Ses disciples sont en adoration devant ses faits et gestes; et au surplus, ce sont là des libertés qu'autorise son grand âge, qu'explique sa longue vie de pédagogue et qu'on souhaiterait rencontrer plus souvent chez ses interlocuteurs foula, toujours si méfiants et si fermés.
Chaikou Moawiatou possède une bonne instruction arabe et s'exprime avec assez de facilité dans la langue littéraire. Sa bibliothèque est assez bien garnie; elle ne présente d'ailleurs que les ouvrages classiques du droit, de la théorie et de la littérature arabes.
Il connaît fort bien les principaux Cheikhs du Sénégal et de la Mauritanie, Sidïa, Saad Bouh, Hadj Malik, Amadou Bamba, reçoit leurs envoyés et entretient à l'occasion, avec eux, une petite correspondance.
Son grand âge ne lui permet plus de professer aujourd'hui d'une façon régulière. Il est suppléé par quelques uns de ses nombreux fils: Alfa Salihou, né vers 1860; Diakariaou, né vers 1885; Boussouriou, né vers 1878; Badamassiou, né vers 1875; Souaibou, né vers 1875; Moktarou, né vers 1877; Modi Dian, né vers 1880; Billo, né vers 1882; Modi Moulay, né vers 1885; Gandou, né vers 1885; Mamadou Al-Khali et Souragata, nés vers 1890, etc.
Le plus intéressant paraît être l'aîné, Alfa Salihou, intelligent, instruit, et qui cherche dans le commerce un supplément de ressources. Il a été quelque temps, jadis, par suite des bonnes relations de son père avecl'almamy Ahmadou, suivant d'Alfa Oumarou, fils de l'Almamy et aujourd'hui chef de la province de Timbo.
Lui-même fait à l'occasion le mufti et le docteur de la loi. Il donne avec bonne grâce les consultations juridiques ou théologiques que viennent lui demander les Karamoko du voisinage.
Sa fortune passe pour être considérable.
Tierno Moawiatou parait animéde sentiments loyalistes vis-à-vis des Français. On lui a reproché, comme d'ailleurs à tous les marabouts foula, d'avoir entretenu d'excellentes relations avec le Ouali de Goumba. Il ne pouvait en être autrement, et le Ouali a été pour nous-mêmes notre meilleur ami et auxiliaire, jusqu'au revirement subit de notre politique.
En tout cas, lors des opérations de la colonne de police dans la Fouta, en avril-mai 1911, Tierno Moawiatou fut un des rares Karamoko à ne pas prendre la fuite. Il reçut à la misiide de Maci, avec sa courtoisie peule, administrateurs et officiers, ne témoigna nullement de son effroi, examina avec intérêt les canons et obus, assista aux tirs, se fit donner des explications.
Dans les palabres qui suivirent, il parla au nom des populations, excusa leurs craintes, reconnut que l'autorité des Français s'exerçant régulièrement, ne pouvait être mise en doute et qu'au surplus Allah avait recommandé l'obéissance aux maîtres du moment.
Ces paroles, prononcées devant une grande foule, ainsi que l'attitude tout à fait correcte dont le marabout fit montre par la suite, contribuèrent puissamment à l'apaisement.
C'est donc avec peine que l'on voit, quelque temps après, ce vieillard de quatre-vingts ans, condamné à 50 francs d'amende pour ne pas avoir répondu à la convocation du juge d'instruction à Conakry. Il y avait certainement d'autres moyens de recueillir sa déposition, si tant que cette déposition fût susceptible d'apporter quelque lumière dans l'affaire de Goumba. En tout cas, la pénalité était de trop. Ce ne sont pas de telles sanctions, piqûres d'épingle inutiles, qu'on prend contre des marabouts de l'envergure du Karamoko de Maci.
Chaikou Moawiatou jouit d'une influence considérable dans le Maci, où on le considère comme un ouali, un prophète, un homme de Dieu. C'est le saint par excellence de la province. On le nomme même généralement « Tierno Maci ». Il a été un grand éducateur populaire. Il a formé coraniquement et a affilié à sa Voie tidiania plus de deux cents Karamoko, répandus à l'heure actuelle, surtout dans les régions de Pita et de Télimélé, mais aussi dans les cercles voisins de Mamou, Timbo-Ditin et Koumbia. Ils y donnent l'instruction catéchistique et les rudiments d'Islam à 1.500 enfants environ. C'est dire que tous les indigènes du Fouta occidental, Foula et Diallonké, ont pour lui une grande vénération.
Il importe de citer les principaux de ces disciples qui ont souvent acquis eux-mêmes par leur enseignement ou leurs vertus un prestige local et dont plusieurs sont des personnages d'importance, chefs religieux de groupements tidiania.

  1. Dans le cercle de Pita, Province du Maci même:
  2. Dans la province de Buruwal-Tappe :
  3. Dans la province de Timbi-Médina :
  4. Dans la province de Bantiŋel:
  5. Dans la province de Bomboli:
  6. Dans la province de Timbi-Tunni:

    Dans la région de Télimélé, province de Touroukoun :

C. Alfa Ibrahima (Pita)

Alfa Ibrahima, dit Modi Sori, Karamoko, né vers 1845 à Kalilamban, dans la misiide de Donghol-Ubbere, province de Timbi-Tunni (Tribu Uururɓe). Il a fait ses premières études auprès de son père Mamadou Sanoussi, et est allé les compléter par la suite auprès des docteurs en renom du Fouta, notamment auprès de Tierno Ouri, dePopodara (Labé).
Rentré chez lui, il ouvrit une école, et continua à s'instruire, tout en correspondant avec les principaux Karamoko de la région. Son école est toujours florissante: il une trentaine d'élèves, dont vingt apprennent le Coran sous la direction d'un de ses talibés, et les autres étudient les rudiments du droit et de la théologie islamique sous sa propre direction. Il est fort instruit de tout ce qui touche aux sciences islamiques de l'instruction arabe, et en possède bien la langue.
C'est un homme riche et très considéré, certainement le marabout le plus en vue de la province de Timbi-Tunni, et après Tierno Maci, le Karamoko le plus respecté de la région de Pita. Chef de la misiide de Doŋol-Ubbere, et cousin germain de Tierno Oumar Silla, chef de province, il entretient les meilleures relations avec tous les chefs du voisinage. Il venait jadis faire régulièrement sa cour, chaque année, aux Almamys du Fouta et ceux-ci profitaient de son séjour à Timbo pour lui faire trancher des cas épineux [de justice]. Depuis plusieurs années, il n'est plus sorti de sa province.
L'attitude d'Alfa Ibrahima vis-à-vis des Français a toujours été des plus correctes. Il est noté tranquille, obéissant et plein de bonne volonté. Sa conduite à la suite des événements de Goumba a été digne de louanges. Il s'est employé de lui-même à ramener le calme dans le pays, et a été, peu après, employé avec succès par l'administration dans sa tâche d'apaisement.
Parmi les nombreux talibés que le Karamoko de Doŋol-Ubbere compte dans la région de Pita, il faut citer les suivants, qui sont des chefs de petits groupements religieux, et pour la plupart maîtres d'écoles :

  1. Dans la province de Timbi-Tunni:
  2. Dans le Maci à Pété, Karamoko Souleymana, né vers 1875.
  3. Dans la province de Bantiŋel: à Bantiŋel-Mawnde, Tierno Ismaila, né vers 1870; son disciple Mamadou Billo, né vers 1872; Tierno Amadou Sana, né vers 1850 et Alibou, né vers 1855.
  4. Dans la région de Télimélé, province de Mamou: à Yambérin, Karamoko Mamadou, né vers 1872, un des marabouts les plus influents de la province. Originaire de Timbi-Tunni, il a quitté son pays pour venir s'installer dans le Monoma. Il avait séjourné plusieurs années dans le Koyin, suivant les leçons de son maître Abdoulaye Bademba, qu'il accompagna par la suite à Conakry.
  5. A Hollaande, Karamoko Amadou Tiawlo, né vers 1864 et son disciple Baba Amadou Samsouna, né vers 1883, tous maîtres d'écoles.

Alfa Ibrahima Karamoko se rattache par son wird personnel à la chaîne des Tidiania algériens. Il a, en effet, été affilié à la voie par un « Chérif » du Touat, de passage dans les Timbi, il y a une cinquantaine d'années, Amadou Moktarou, disciple de Hamidou Ibnou Lamin. Ce Hamidou comptait parmi les Télamides du Cheikh Mokhtar, l'Alaoui, qui par Ali Harazin, se rattachait au fondateur de l'ordre.
Par ses pouvoirs de Cheikh consécrateur (Moqaddem) il appartient au contraire à la chaîne d'Alfa Oumarou Rafiou, de Labé, et par ce marabout à Al-Hadj Omar lui-même.

D. Les talibés de Tierno Dayeejo (Pita)

Tierno Dayeejo, de Timbi-Tunni (Pita), fut un des disciples les plus réputés d'Al-Hadj Omar dans le Fouta. Il était né vers 1850 et appartenait à la tribu Dayeeɓe. Après avoir passé quelque temps à Dinguiraye, où il reçut le wird et les pouvoirs de moqaddem, il revint dans les Timbi, y ouvrit une école, et affilia un grand nombre de Foula à la voie omarienne. Il fut réputé le plus grand et le plus savant marabout de son temps. Il est mort vers 1880. Il a laissé plusieurs enfants qui n'ont hérité ni de sa science, ni de son prestige.
Parmi les disciples qu'il a formés, plusieurs sont devenus à leur tour des Cheikhs de renom et ont fait école. Il faut citer:

  1. Karamoko Ibrahima Bemba, de la famille Diakanké, à Madina-Tokosere (Timbi-Madina) mort en 1912, laissant dans la région des talibés dont les plus connus sont Tierno Ismaila, Karamoko Alfa, né vers 1858, Amadou Bobo, né vers 1865.
  2. Tierno Mahadiou, de Timbi-Tunni, dont les principaux talibés maîtres d'écoles, sont Alfa Oumarou, né vers 1855, à Ninkan et Mamadou Alfa, né vers 1870, à Buruure (Timbi-Madina). Tierno Mahadiou de la famille Seriyanke (Dayeeɓe), né vers 1840 à Parawi (Timbo), et qui vient de mourir à Malouko (Timbo). Instruit, âgé, pourvu d'une grande aisance, il était très respecté, dans la région de Timbo. Il dirigeait une école assez fréquentée; il a laissé plusieurs fils, dont son fils aîné, Modi Amadou, né vers 1885, maître d'école, et Tierno Ahmadou, de Harounaya (Kaba), d'origine toucouleure
  3. Dans le Labé, Tierno Mamadou, de la famille Njobboyanke (Yirlaɓe), à Labé-ɗeppere (Labé), maître d'école réputé qui compte une centaine de disciples, tous plus ou moins Karamoko dans le Labé, le Pita et le Timbo. Lui-même est mort vers 1900. Les principaux de ses disciples sont :
  4. Province de Hériko, au village de Komadantan Tierno Mamadou Aliou, né vers 1858, de la famille Yirlaaɓe. Il possède des talibés dans toute la province, et notamment à la misiide Hériko, à Mangakouloum, au foulasoo Dogué, au foulasoo Kouradante, au foulasso Doŋel, et à Ley Ndantaari. Désireux de prendre la place du chef de province, il suscita contre lui des plaintes injustifiées, qui lui valurent une condamnation à un mois d'emprisonnement.
  5. Province de la Kassa-Saala, à Diari, Tierno Ibrahima, né vers 1850, de la famille des Ngeriyanke (Yirlaɓe), imam de la mosquée de Diari. Il dirige une école coranique florissante, et compte de nombreux talibés dans la province, où on le considère comme un éducateur de choix et comme un saint marabout. Ses principaux disciples sont à Diari même, à Gaɗa-Diase, à Gete, à Hollaande et à Hoore-Tyangii.

E. Tierno Maroufou (Pita)

Tierno Maroufou était un Foula que l'éclat des succès guerriers et le prestige religieux d'Al-Hadj Omar attirèrent à Dinguiraye vers 1850. Il y reçut un complément d'instruction islamique et le wird tidiani.
Rentré dans le Timbi-Médina, il y professa de longues années, et mourut vers 1880.
Son fils, Alfa Oumarou, installé à Niali (Timbi-Madina) le remplaça; il est mort, il y a quelques années, laissant un petit nombre de talibés. Les deux principaux groupements sont :

  1. celui de Mali, dirigé par le Karamoko Mamadou Bobo, né vers 1870, dont l'école coranique est très fréquentée;
  2. Celui de Hoore-Wendu (région de Télimélé), dont le chef est Mamadou Mango, né vers 1867, maître d'école. Sur la foi des accusations des chefs Soussou de Kébou, on a reproché à ce Karamoko une attitude anti-française, lorsdes événements de Goumba. Sa conduite est, en tout cas irréprochable depuis cette date.

VI — Région de Télimélé.

A. Généralités .

La région de Télimélé a été inféodée en grande partie à l'obédience du Ouali de Goumba. La plupart des marabouts locaux (province de Télimélé, du Mamou, de Hoore-Wendu, de Konsotami, du Kébou, etc.), se réclamaient directement de son Tidianisme ou de son Chadelisme et en observaient les pratiques. Ils assistaient d'ailleurs, à dates fixes, sur ou sans convocation, aux cérémonies présidées par le Ouali, à la misiide.
La tension aiguë qui se fait sentir dans nos relations avec leOuali, entre 1909 et 1911, échauffe les têtes exaltées de
ces fils de Houbbou. Certains d'entre eux ont pris nettement part à la lutte finale. Les autres se tinrent prudemment dans l'ombre complice. Tous ont conservé un assez mauvais esprit, que l'on sent fermé et hostile, et qui ne se modifiera pas avant quelques années.
A la suite de ces événements, ces fidèles des pratiques mystiques de Goumba n'ont plus osé en observer ouvertement les règles, ni porter le nom de leur maître. Ils ont passé soit au Tidianisme déjà connu et pratiqué à la misiide, soit au Qaderisme, qui, comme on le sait, est la voie-mère du Chadelisme. Cette conversion paraît fictive et uniquement destinée à attendre des jours meilleurs. Quelques-uns pourtant sembleraient l'avoir fait sincèrement, car ils se sont inféodés aux Diakanke, de Touba.
D'autres enfin, plus méfiants encore, ne veulent pas prendre parti et déclarent, chose rare chez les noirs, être sans wird. Ce sont tous d'anciens Chadelia, ce qui explique leur silence.
On peut citer parmi les principaux chefs de petits groupements:

  1. A Kafima, province de Singuéléma, Abdoulaye Boïba, né vers 1835, petit-fils du Karamoko Kolo, originaire du Haci, et fils du Karamoko Kalidou. Tous les trois ont pris part aux nombreuses luttes des Foula contre les infidèles noirs. Abdoulaye notamment a fait les campagnes du Gabou, du Kanada et du Baléya. Très écouté à Kéfima, il n'hésita à provoquer une sédition en 1911, parce que le chef de district voulait l'empêcherde construire une mosquée sans autorisation. Il a été condamné pour ces faits à un an de prison par le tribunal de Pita.
    Parmi sa douzaine de fils, l'aîné, Amadou Silla, né vers 1875, est le plus notoire. Il l'a suivi dans sa rébellion et a été condamné à la même peine,
    Cette famille est riche, et influente dans le Singuéléma.
    Elle fait le commerce de bétail avec Kindia et Conakry.
  2. A Konsotami, Tierno Alseyni, né vers 1852, neveu de Tierno Oumarou, chef de Timbi-Tunni. C'est un Karamoko influent de sa province; il dirige une école coranique de dix élèves.
  3. A Hollaande, les deux frères Tierno Ousoumane, né vers 1860, et Amadou Ouri, né vers 1868, tous deux maîtres d'école.

L 'émotion, consécutive auxincidents de Goumba, semble toucher à sa fin dans la région de Télimélé. Les personnages qui avaient été interdits de séjour en 1911 rentrent, les uns après les autres, et assagis, dans leurs villages. Les derniers voient leur peine expirer à la fin de 1919.
Quant aux dissidents, une généreuse politique les a ramenés dans le Télimélé, dès 1913. Leur situation en Guinée portugaise était des plus précaires, et ils ne demandaient qu'à revenir, pourvu qu'on leur assurât l'impunité. Quandla leçon de l'exil fut jugée suffisante, on leur fit connaitre, en janvier 1913, qu'ils pouvaient individuellement demander l'aman et que ces demandes seraient examinées avec bienveillance. Dès février 1913, tous rentraient, même ceux dont la demande n'avait pas été accueillie.
En dehors des Sadialia, des Qadria et des autres musulmans sans affiliation, on rencontre dans la région de Télimélé beaucoup d'individualités relevant de la voie classique chez les Foula, des Tidiania.
Beaucoup relèvent des marabouts voisins de Pita, ou de Labé, déjà étudiés: Alfa Ibrahima de Kalilamban, Tierno Moawiatou de Maci, Tierno Maroufou, etc.
Quelques-uns, comme Modi Abdoul Karimou, de Téliko, Karamoko lettré et influent, ont reçu le wird de marabouts toucouleurs de passage.
Les autres sont des Karamoko de villages, sans grande considération, tels Karimou, de Songue Kourou; Bakari, de Balifotou; Tierno Aliou et Ousman Tanou, de Bambaya; Karamoko Ndane et Karamoko Mamadou, de Télimélé; Tierno Ibrahima Touppe, de Santou.
Une seule personnalité locale importante se dégage; Tierno Diouhe, de Guémé; elle est ci-après l'objet d'une notice.
Les centres plus spécialement musulmans de la région sont: Télimélé, Monoma, Singuéléma, Santou, Bambaya, célèbres par leurs écoles maraboutiques, et enfin Démokoulima. Démokoulima était un centre commercial important, situé sur la grande route caravanière du siècle dernier, de la côte à Pita-Labé, Goumba et Timbo. L'afflux des dioula et la présence d'un florissant quartier malinké en firent le théâtre d'un perpétuel apostolat islamique. Elle est aujourd'hui partiellement déchue et, à côté d'éléments disparates et turbulents, on y trouve un important noyau de Diallonké. Elle a pourtant conservé le prestige d'une ville religieuse et lettrée.
L'Islam semble stationnaire dans la région de Télimélé. On n y constate aucun progrès dans l'élément captif resté souvent fétichiste. L'exaltation religieuse croissante que M. A. Le Chatelier signalait, en 1888, dans les provinces de Konsotami et de Bambaya et qui était due aux émissaires omariens de la génération précédente, paraît graduellement s'estomper. Quant à l'instruction religieuse, elle semblerait plutôt en régression. Le nombre des écoles coraniques n'a pas augmenté depuis plusieurs années, et les chiffres des élèves, si l'on peut s'en rapporter aux statistiques, tendraient à diminuer.

B. Tierno Diouhé (Télimélé)

Tierno Diouhe 2 est né à Guémé, province de Boowe-Gueme, résidence de Télimélé (Pita), vers 1845. Il y est mort à la fin de 1914.
C'était un marabout fort lettré, très riche en bétail, et qui jouissait dans la région de Télimélé d'une influence considérable. Sa réputation avait même débordé le pays, et il était très vénéré dans le Labé et dans le Rio Nunez et le Rio Pongo. Il était le conseiller officiel du chef de la province, Alfa Saliou.
Il avait toujours été un chaud partisan d'Alfa Yaya; aussi, lors des événements qui amenèrent la chute définitive de ce dernier en 1910-1911, se compromit-il si ouvertement qu'il attira sur lui fâcheusement l'attention de l'Administration. Il fut poursuivi pour escroqueries et condamné par le tribunal de province de Télimélé à un an de prison et cinq ans d'interdiction de séjour. Il les a passés à Conakry sans incident, et a bénéficié d'une mesure de clémence. Ces agissements l'avaient fait représenter comme fanatique et hostile à la cause française.
Tierno Diouhe a été jusqu'à la dernière heure un maître d'école recherché. Il présidait régulièrement les cérémonies religieuses de la misiide de Guemé.
Il avait été initié à la Voie qadria par le marabout Tierno Aliou, de Médina-Ley-Mayo (Boowe).
Tierno Diouhé a laissé de nombreux disciples dans la résidence de Télimélé et dans la région côtière correspondante. Depuis la condamnation de leur maître, plusieurs d'entre eux d'ailleurs n'osent plus se réclamer de son affiliation.
Les plus importants d'entre eux sont:

VII
Timbo

A. Généralités

La région de Timbo est aujourd'hui peuplée par des représentants des quatre tribus peules: Dialluɓe (Yirlaaɓe); Feroɓɓe, dans le Fodé Hadji, Uururɓe, dans le Bokeeto, et surtout Dayeeɓe. C'est cette dernière tribu qui constitue par ses familles Seeriyanke, Seediyanke et Wolarɓe, le fond même de la population.
A côté de l'élément Foula vivent quelques groupements d'origine diallonké.
Les uns et les autres sont entièrement islamisés, et attachés, comme la grande majorité des habitants du Fouta-Diallon, à la bannière tidianïa d'Al-Hadj Omar.
Deux grands noms émergent, qui ont été les pasteurs, les éducateurs et les directeurs de conscience de la foule islamisée de la région de Timbo, dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle: Tierno Hamidou de Heeriko , et Tierno Mostafa de Kolen. Ils sont disparus aujourd'hui; et on ne trouve plus dans la résidence qu'un nom islamique de grande envergure: Karamoko Dalen.
En dehors de ces trois chefs de groupements, on rencontre dans la région de Timbo, un certain nombre de petits Karamoko et notables relevant de l'obédience des cheikhs tidiania des cercles voisins, et notamment Tierno Doura Sombili et Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan, de Labé. Les Cheikhs toucouleurs de Dinguiraye y comptent aussi des adeptes, surtout dans les familles des almamys.
Enfin, en dehors de ces obédiences foula, il n'y a guère à signaler qu'une personnalité notoire d'origine toucouleure, se rattachant à Al-Hadj Omar par un Chékou Mamadou, disciple du grand conquérant, et mort récemment dans le Fouta Toro. C'est Tierno Mamadou Baïlo, né à Diaba (Saldé), vers 1870, et qui débuta dans l'entourage accueillantd'Alfa Yaya. D'abord petit karamoko ambulant, il a parcouru en cette qualité la plus grande partie du Fouta méridional (Timbo, Ditin, Mamou) et s'y est fait une réputation de savant. Il s'est élevé peu à peu à la dignité de conférencier et ne professe plus que pour les Karamoko ou pour les notables. Installé pour quelques mois dans un centre intellectuel, il donne des leçons de littérature, de grammaire aux lettrés du lieu. C'est ainsi que pour Timbo il a parfait l'éducation de Karamoko Dalen et celle d'Alfa Oumarou, chef de la ville fils de l'Almamy Ahmadou, alors que ces deux personnages étaient à Conakry. Dans les dernières années, il a étendu les champs de ses opérations à la Basse-Guinée (Kindia, Conakry et Mellacorée).
Il passe pour un marabout pédant et orgueilleux de sa science, et cette vanité déplacée lui a valu des désagréments. C'est lui qui répondait un jour à un inspecteur qui, le rencontrant dans un village du Timbo, lui demandait son nom: « Fils d'Adam ». Il affecte d'ailleurs de fuir tout contact avec les Français.
Il est marié avec Soufa, la veuve de Tierno Hassana, chef de Sankarela, et avec Souadou, soeur du chef de Timbo, et a ainsi pris pied dans la société foula; depuis 1912, il paraît se circonscrire à la Guinée portugaise. Son centre d'opérations est auprès d'Abdou Ndiaye, chef des partisans utilisés par les Portugais. Il en sort quelquefois pourtant pour faire des apparitions dans le Fouta-Diallon ou dans son village natal de Diaba (Sallé).
La région de Timbo renferme un fort contingent de Malinké, surtout répartis dans les provinces du Kolen et du Houré.
Dans le Kolen, les principaux villages Malinké sont : Foniekonko, Tanouya, Finala, Toguin, Barondoko, Babila, Ndiré, Kérouané, Diawaréla, Koukoutamba, Tarankola, Madéla, Ɓoubé et Fela. Finala et Koukoutamba sont renommés comme des centres intellectuels islamiques. D'autres ont une population mixte où dominent les Malinké, tels Diegounko, Bambara Ali, Kimpako Kourou, Sansen et Garankela, qui est un village de cordonniers. Les nécessités du commandement imposèrent, en 1912, le partage de la province en deux cantons: Kolen Foula, dont Alfa Oumarou Diddi fut fait chef, et Kolen Malinké, dont le commandement fut donné à Ibrahima Bolaro.
Alfa Oumarou Diddi, des Dayeeɓe-Wolarɓe, est né vers 1862 et relève du Tidianisme omari par les cheikhs de Dinguiraye.
Ibrahima Bolaro est aussi un Foula, mais agréé par les Malinké dont il est parent par les femmes. Il put exercer son commandement jusqu'à sa mort (1914), date où, de nouveau, la province de Kolen a recouvré son unité sous l'autorité d'Alfa Bagou, frère de l'Almamy Bokar Biro. Un grand nombre de Malinké ont émigré vers le Dinguiraye à la suite de cette mesure.
Au point de vue religieux, les Malinké du Kolen se signalent par leur attachement au Qaderisme. Ils relèvent des obédiences les plus diverses:Diakanké de Touba, et surtout Malinké de l'ouest (Dar es Salam de Kindia) et de l'est (Kouroussa et Kankan). Les plus en vue sont dans le village de Fodé Laminaya: Alfa Ibrahima, dont le grand-père Fodé Lamina est le créateur du village, et Tierno Al-Kali, tous deux maîtres d'école, cultivateurs et notables.
Un certain nombre sont sans wird, ce qui est interprété comme une marque de tiédeur religieuse chez ce groupe.
Quelques-uns sont enfin tidianes, notamment Alfa Hadi Bodia, né vers 1855, oncle maternel et conseiller de l'Almamy Bokar Biro.Il jouit d'une réputation de sorcier et de jeteur de sorts émérite. Tierno Siré, né vers 1850, maître d'une école florissante. Alfa Ibrahima Kané, à Saare-Boowal (Saïn) dont le grand-père, Al-Hadji Kané, fut un des compagnons d'Al-Hadj Omar.
Le Houré est aussi peuplé en grande partie de Malinké. Kaba, le chef-lieu de la province, est un village purement malinké. Comme tous leurs congénères, ces indigènes sont surtout qadria. Leurs principaux marabouts, résidant à Kaba même, sont: Alfa Mansaré, né vers 1860, maîtres d'école, et disciples des Karamoko de la génération précédente: Alfa Oumarou de Kaba, et Alfa Ousman de Dalaba.
Il reste à donner une mention au Fitaba, qui est le refuge des derniers Houbbou. Foula appartenant surtout à la tribu Uururɓe du Labé, et dans cette tribu, principalement à la famille Nduyeeɓe, leur dissidence politique les a conduits au séparatisme religieux. Ils sont tous qadria et les principaux marabouts d'aujourd'hui se rattachent, par leurs maîtres de la génération précédente, à Abbal et à son maître, le fameux disciple de Cheikh Sidia Al-Kabir.
Ces notables Karamoko sont:

Les chefs du Fitaba ont été des personnages imprégnés de maraboutisme. Le plus grand de tous, Karamoko Tidia, mêlé aux luttes de Samory, est mort en 1907. Il a été remplacé par Tierno Moktar son cousin. A la suite de cette nomination, le frère de Tidia, Abbal Kaba, dit Karamoko Abbal Diakité, a quitté le Fitaba et s'est retiré à Hamdalaye dans le Timbo. Abbal fait exception à la règle du Qaderisme des Houbbou. Il a pris part à toutes les luttes des Toucouleurs contre Samory, et reçu le wird tidianid'Ahmadou Chékou, à Ségou, et fait prisonnier par le terrible potentat malinké, a été incorporé dans ses sofas. Il fait aujourd'hui pour vivre le cultivateur, et le petit Karamoko.
Il est intéressant de signaler en passant que Timbo est la création de Karamoko Alfa, le grand marabout légendaire du début du dix-huitième siècle, le promoteur de l'islamisation du Fouta. Auparavant, il y avait à cet endroit un petit village poulli du nom de Gongowi. Karamoko vint s'y établir, obtint la permission du chef local, Dian Yéro d'établir d'abord une petite mosquée ngeru, puis dix ans plus tard, d'y construire une mosquée en chaume. Quand, les Poulli et Diallonké furent vaincus, il prit lui-même le commandement du pays et en fit le siège de l'une des nouvelles divisions administratives, à forme musulmane, la misiide de Timbo.

B.Tierno Hamidou Hériko

Tierno Hamidou, fils d'un marabout de valeur, Alfa Mamadou Dioudia, fils lui-même de l'Almamy du Fouta, Bakar-Zikrou, était de la famille Sediyanke (tribu Dayeeɓe). Il était né vers 1823, et mourut, vers 1903, à Hériko, où il avait toujours habité.
Il fit ses premières études chez son père, et reçut le wird tidiani, à l'âge de sept ans seulement, de la main même d'Al-Hadj Omar. Celui-ci de passage à Timbo, conféra l'affiliation à sa voie à un grand nombre de Foula. Alfa Mamadou Dioudia était venu le chercher pour son compte, et avait amené avec lui son jeune fils Hamidou, Al-Hadj Omar sut discerner dans cet enfant, que personne ne regardait, un grand marabout de l'avenir, et tint à honneur de lui conférer le wird.
Hamidou poursuivit par la suite ses études chez les grands marabouts du Labé.
Il entretint les meilleures relations avec les Almamys de Timbo, qui étaient d'ailleurs ses cousins peu éloignés.
Il fut un homme très charitable, qui distribua de son vivant tout son bien aux pauvres. C'était un savant de première valeur et un grand marabout.
Tierno Hamidou Hériko a laissé de nombreux disciples, qui ont essaimé à leur tour et formé des Karamoko dans plusieurs régions foula; Pita, Ditin, Mamou, Labé.
Les plus importants, généralement maîtres d'école et chefs de petits groupements, sont:

  1. Cercle de Pita. —
  2. Résidence de Ditin (Timbo). —
  3. Cercle de Mamou. —
  4. Cercle de Labé. Résidence de Tougué. — A Wulenko (Koole), Tierno Hamidou, né vers 1860, et qui a fait la plus grande partie de ses études à Timbo. C'est un Karamoko de valeur.
  5. Dans le Timbo même parmi la foule des petits Karamoko qui se réclament actuellement de son initiation, un seul nom émerge: Al-Hadj Abdoulaye, né vers 1855.Pleins de zèle, quoique sans ressources, Abdoulaye, son frère aîné Ibrahima et Tierno Abdoulaye du Koyin partirent, vers 1875, à pied, de Timbo pour faire le pèlerinage de la Mecque. Leurs pérégrinations les amenèrent la ville sainte par Kouroussa, Kankan, Diaka, Bandiagara, Liptako, Saye, Sokoto, Kano, le Bornu et Koukaoua, Fitiri, le Ouadaï, le Tama, le Darfour, le Kordofan, Khartoum, Berbéra et Souakim. Ils s'embarquèrent là pour Djedda, et après avoir visité la Mecque et Medine, revinrent à Alexandrie, d'où ils rentrèrent à Conakry par la voie de mer. Le voyage avait duré dix ans. Tierno Abdoulaye était mort à la Mecque et Tierno Ibrahim mourut le lendemain de son arrivée à Timbo. Al-Hadji Abdoulaye, sur qui son difficile pèlerinage a jeté un lustre, fait le maître d'école à Hériko et entre temps effectue des voyages commerciaux à Sierra-Leone. Il compte plusieurs talibés dans la région, dont le plus en vue est Alfa Oumarou, à Hériko même.

C. Tierno Mostafa Kolen

Tierno Mostafa, qui a pris de sa province le surnom de Kolen, appartient à la famille Wolarɓe de la tribu Dayeeɓe. Né vers 130, il est mort vers 1830, et avait habité toute sa vie aux villages de Ndantari et de Fitakoto. ll fit ses études chez Tierno Doura Sombili, qui lui conféra le wird tidiani et le retint, de longues anées, comme professeur à sa Zaouïa. Revenu dans le Kolen, il y ouvrit une école et fut bientôt un maître renommé dans toute la région.
Il entretenait les meilleures relations avec les différents almamys de Timbo: Ahmadou, Ibrahima Donghol Fella, et Bokar Biro. Il leur rendait souvent visite à Timbo, etceux-ci profitaient de son passage pour lui soumettre les procès délicats.
Il a laissé de nombreux enfants, dont aucun n'a hérité de sa science et de son prestige.
A sa mort (vers 1906), il fut remplacé par son disciple, Alfa Ibrahima Niagamala, qui est mort vers 1908, laissant la primauté spirituelle du Kolen à Karamoko Badara, neveu maternel et disciple de Tierno Mostafa, né vers 1860, et habitant Hériko-Diomal. Intelligent, instruit, cultivateur aisé il a été secrétaire du Tribunal de province de Kolen, avant la suppression de cette juridiction.
Tierno Mostafa Kolen a formé de nombreuses générations de Karamoko et de notables. Le Ouali de Maci, Tierno Moawiatou, notamment, se glorifie d'avoir été son élève.
Il a laissé en outre de nombreux disciples de sa Voie. Les plus importants sont :

D. Karamoko Dalen

Tierno Ibrahima Diallo, plus connu sous le nom de Karamoko Dalen, est né en 1871 à Satina, dans la misiide du même nom (Labé). Il appartient à la famille aristocratique des Seeleyanke-Yirlaaɓe. Il est fils de Modi Mamoudou, fils de Talhatou, fils de Modi Karimou, fils de Mamoudou Yéro, fils de Boubakar. Yéro avait épousé Aïssata, fille du grand Alfa, chef et créateur du Labé, Alfa Mamadou Cellou. Boubakar était fils de Souaré, fils lui-même de Diankanka, l'ancêtre qui vint le premier du Macina dans le Fouta, et fut le père de tous les Seeleyanke locaux.
Karamoko Dalen a fait ses études complètes auprès de Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan, à Labé, et en a reçu le wird tidiani, se rattachant ainsi à la fois au double courant tidiani des pays noirs: Ida Ou Ali par Mouloud Fal, et omarien. Il a conservé pour son maître la plus grande vénération.
Vers 1894, plein de projets ambitieux et se rendant compte qu'il avait intêrét, pour les réaliser, à quitter le Labé pour un centre d'opérations plus important, il vint à Timbo, y ouvrit une école coranique, et prit place dans l'entourage de l'Almamy Boubakar Biro, premier du nom. Les intrigues et les profits de ce makhzen Peul lui souriaient tout à fait. Malheureusement il touchait à son déclin. Dès 1896, l'almamy, en lutte contre les Français et abandonné par la plupart des siens, est battu et tué.
Tierno Ibrahima sut traverser cette phase dangereuse.
Bien mieux, il comprit, dès le premier jour, les transformations politiques qui s'annonçaient. Ce n'était plus Timbo qui était la capitale de la Guinée; c'était Conakry où résidait l'autorité française.
Il avait une égale sympathie pour l'Almamy du Fouta ou pour le Gouverneur de la Guinée, pour l'émir des Musulmans ou pour le chef des Chrétiens, la réduction de toutes les opérations se faisant toujours au même dénominateur; celui de ses intérêts.
Attaché depuis la mort de Boubakar Biro à la fortune de Modi Aliou, son frère, que, pour des raisons politiques, on internait quelque temps à Conakry, il déclara vouloir rester fidèle jusqu'au bout à son suzerain et vint résider avec lui. Il était là dans les meilleures conditions pour approcher les autorités françaises.
Au cours de nombreux entretiens que le Gouverneur Ballay eut avec ces Foula qu'il voulait apprivoiser, Tierno Ibrahima sut se faire valoir, et ne tarda pas à devenir son agent de renseignements et son secrétaire d'arabe. Il est avéré que de 1897 à 1900, il a rendu, à Conakry, des services notoires.
En 1900, l'administrateur Maclaud, qui montait à Timbo pour prendre le commandement du pays, l'emmena avec lui. De 1900 à 1905, Karamoko Dalen rendit à Timbo, dans une situation mal définie, mais officielle, les meilleurs offices pour l'installation pacifique de notre domination dans le Fouta.
Entre temps, il s'attachait d'abord à l'almamy nommé par les Français, Baba Alimou, fils de l'almamy Sori Yilili, puis à la mort de Baba (1906), à son frère et successeur Bokar Biro, deuxième de nom.
Bakar Biro II était un illettré. Karamoko Dalen lui inculqua à la fois rudiments d'arabe, instruction islamique, wird tidiani, et notions de français, et devint très vite son éminence grise. De 1906 à 1912, le sort qui voulait faire goûter aux Foula de Timbo les dernières douceurs de l'ancien régime leur octroya le commandement de l'almamy Bokar Biro II et de son vizir et conseiller, Karamoko Dalen.
Pour comble de bonheur, la surveillance française paraît avoir fait quelque peu défaut. Bref, il y eut une telle pléthore de brigandages, crimes et pillages, qu'on dut se résigner à supprimer, en 1922, la charge d'almamy et diviser le commandement dans la région de Timbo.
Karamoko Dalen y perdit ses fonctions lucratives de secrétaire tout-puissant du Tribunal. Il fut néanmoins conservé au siège du cercle comme écrivain d'arabe

Tierno Ibrahima Diallo dit Karamoko Dalen
Karamoko Dalen

Il exerce toujours ces fonctions et, bien employé, se rend parfaitement utile, en dehors des travaux d'ordre administratif (vaccinations, recensements, etc.), par son abondante et sûre documentation locale, par son intelligence souple et avisée, par son dévouement, d'autant plus entier qu'il cadre pour l'heure avec ses rêves et ses intérêts.

Karamoko Dalen n'a pas manqué d'être soupçonné de complicité dans le prétendu complot islamique de Guinée de 1910. Il entretenait, c'est certain, et il ne le nie pas, de cordiales relations avecle pontife de Goumba; il était même, pourrait on dire, en coquetterie avec lui, car le Ouali était un homme puissant, riche, considéré, dont l'amitié pouvait servir un jeune ambitieux. Et c'est là sûrement toute la participation de Tierno Ibrahima à l'effervescence de Goumba. Mis au courant des soupçons qui pesaient sur lui, il demanda spontanément à se disculper auprès du Gouverneur, vint à Conakry, fut reçu par le chef de la Colonie, et, comme le publicain, s'en retourna justifié. Les événements de 1911 l'ont désolé, et il ne cache pas qu'à son avis le diable a brouillé les choses.
Karamoko Dalen est proposé aujourd'hui pour occuper la charge de conseiller islamique du Gouvernement français dans la Commission Interministérielle des Affaires musulmanes. Il est hors de doute qu'il y réussira parfaitement.
Karamoko Dalen est universellement connu dans le Fouta-Diallon, où il passe pour un des marabouts les plus instruits et pour le représentant le plus autorisé de l'Islam foula. A ce titre, il y jouit d'une grande considération. Mais ce n'est pas à dire qu'il y ait une influence réelle. Il n'a jamais poussé ses efforts dans la voie de l'apostolat militant, ni dans le sens d'une constitution de groupement religieux. Il a peu distribué d'affiliations tidianes; il n'a donc que quelques talibés directs et inféodés à sa direction spirituelle. Il parait surtout avoir visé à atteindre une haute situation politique, en restant dans le sillage des chefs du pays.
Rien n'indique au surplus que, s'il ne l'atteignait pas, il perdrait son temps et ses efforts à poursuivre ce but. Il a toute l'étoffe qu'il faut pour faire un parfait marabout, chef de groupement et directeur d'âmes.
Son influence est localisée surtout, à l'heure actuelle, sur l'aristocratie et sur la famille des almamys foula.
Il a employé avec succès ses efforts à seconder l'habile politique de certains commandants de cercle,en décidant plusieurs fils, petits-fils et neveux d'almamys du Fouta des anciens temps à contracter des engagements aux tirailleurs. A citer par exemple Abdoulaye Bari, fils du chef de Timbo; Bassirou Bari, neveu, et Mamadou Cellou, fils du chef de la Kaba; Aliou Diallo, son propre frère. La première conséquence est de débarrasser le pays des jeunes déclassés, intrigants, ambitieux, oisifs et réfractaires à toute idée de travail, agricole ou commercial. L'éducation militaire sera le meilleur dressage pour ces jeunes gens qui ont les qualités de leurs défauts: intelligence, aptitude au commandement, facilité d'assimilation, opiniâtreté sans bornes, quand leurs ambitions sont en jeu.
C'est une force à capter. Le régiment sans doute les formera virilement; et peut-être pourrons nous plus tard puiser, dans ce contingent d'anciens soldats, des chefs, de race authentique. En deuxième lieu, ces engagements ont constitué pour l'aristocratie foula l'exemple le plus salutaire.
D'autres engagements ont suivi, et il semble qu'on est ici sur le chemin d'un succès que, malgré tous ses efforts, l'Administration algérienne n'a pas pu obtenir, à savoir le recrutement des cadres militaires dans l'aristocratie indigéne locale.
Ils ont été suivis, et veillés, sont devenus rapidement caporaux au peloton de Dakar, et sous-officiers sur la ligne de feu. Ils ont fait brillamment leur devoir en Artois, en Champagne, aux Dardanelles et au Cameroun. Plusieurs sont tombés : tels Abdoulaye Bari, Aliou Diallo, frère de Karamoko Dalen, etc. De la plupart on est sans nouvelles depuis plus d'un an.
En dehors de son élève et de son ami, l'almamy Bokar Biro II, il n'y a guère à citer, parmi les talibés de Karamoko Dalen que :

  1. Alfa Mamadou Nafadié (Téré), de la famille Nduyeeɓe (tribu Uururɓe), né vers 1875, maître d'une petite école de six élèves
  2. Alfa Oumarou Bagou, fils de l'Almamy Sori Yilili, né dans les personnalités soriya, à Timbo; Karamoko Ɓoye, fils de Tierno Ibrahima, Toucouleurs installés à Timbo depuis plusieurs générations
  3. Mamadou Telli, des Khaliduyanke, fils de Modi Bakar, de Sombili. Jadis représentant, à Koumbia, du chef du Kinsi, il y est aujourd'hui secrétaire du tribunal de province
  4. Modi Maka, fils de Modi Yahia, fils d'Alfa Ibrahima Diogo, ex-grand vizir des derniers almamys du Fouta. Modi Maka est représentant à Timbo de son oncle Alfa Aliou, chef de Niagara
  5. Tierno Amadou Boto-Mangii, chef du groupe des Yirlaaɓe (Teekun Tierno Amadou) de Timbo, et son fils Alfa Bakar
  6. Tierno Mostafa, de Ley-Seere, près de Timbo, commerçant et maître d'une école florissante de quinze à vingt élèves;
  7. Alfa Ibrahima de Nafadié, cousin de l'almamy Bokar Biro, chef de village (Téré)
  8. Mamadou Alfade Dalen (Labé), habitant Timbo, maître d'école
  9. Tierno Nouhou Démouko, chef du Teekun de Tierno Malal à Timbo, décédé ces temps derniers;
  10. Modi Mamadou des Yirlaaɓe, suivant d'Alfa Oumarou, chef de Timbo
  11. Tierno Ousmani, de Kémouya (Mamou), chef de groupe et suivant de Modi Sori, fils de l'almamy Oumarou Bademba
  12. Modi Sori Singa, de Kolo, cousin de l'almamy Bokar Biro
  13. Tierno Amadou Kassa, de Kolen, maître d'une école florissante de vingt élèves.

En outre, les cours actuels de Karamoko Dalen sont suivis à Timbo par une élite, et réputés pour leur science et leur solidité.
Karamoko Dalen est aujourd'hui un homme de quarante-trois ans, de race peule à peu près pure, d'une constitution délicate, au maintien réservé, attentif, discret, parfaitement poli. Son instruction arabe est vraiment développée : il a étudié à peu près tous les ouvrages de la civilisation classique, et vise à se tenir tant bien que mal au courant de l'évolution moderne des faits contemporains qui agitent l'Islam. Il passe pour être un docteur musulman des plus remarquables.

Cachet de Karamoko Dalen
Cachet de Karamoko Dalen

Il a appris tout seul les rudiments du français, s'y est perfectionné en suivant les cours d'adultes de l'école de Timbo, et continue à le travailler avec ardeur. Il s'exprime très suffisamment, tant en français qu'en arabe littéraire.
Il possède une certaine fortune: deux chevaux, plusieurs troupeaux de boeufs, dont un notamment à Sokotoro, qui comprend une centaine de têtes; des lougans, des serviteurs.
En vue du pèlerinage à la Mecque, il s'était constitué en 1914-1914 un dépôt de plusieurs milliers de francs à la Banque de l'AOF, à Conakry. La guerre [mondiale 1914-1918] survenant, il a eu une utilisation plus pratique de son dépôt de fonds, et l'a transformé en bons et obligations de la Défense nationale. C'est double profit : pécuniaire et moral.

VIII
Région de Ditin

A. Généralités

La région de Ditin est peuplée par des représentants des quatre tribus peules: Dayeeɓe (famille Seriyanke de Fougoumba); Feroɓɓe (dans le Keebali), Dialluɓe (dans le Kollaɗe), Uururɓe (Dalaba et Kaala), et profondément islamisée et très pratiquante. En totalisant le nombre de tous les Karamoko, importants ou non, qui font peu ou prou l'école coranique, on arrive pour cette seule résidence à plus de cent écoles et à cinq ou six cents élèves environ.
Fougoumba, l'ancienne métropole religieuse du Fouta, ne se signale pas particulièrement par une plus grande intensité de vie spirituelle. Alfa Ousman, chef de la province, en est aussi le marabout le plus en vue.
C'est l'ancien diiwal du Kollaɗe, aujourd'hui divisé en les quatre provinces de Kankalabé, Gali, Boodye et Mombeya, qui paraît être le centre de rayonnement religieux le plus actif de la région. Elles comprennent ensemble une cinquantaine d'écoles coraniques et plus de cinq cents jeunes karanden 3. On y rencontre presque autant de fillettes que de garçons, et en plusieurs points les études sont poussées assez sérieusement jusqu'au droit et à la théologie.
Cette vie religieuse paraît avoir eu pour origine la présence et les exemples des deux très grands marabouts, à Seefuure, dans la province de Boodye: Tierno Maadiou et son fils Hadji Bademba.
L'importance islamique de Seefuure était déjà constatée par Hecquard en 1850.

« Seefuure est célèbre dans le pays par le nombre et l'excellence de ses écoles , et, quoiqu'il ne soit pas la résidence du chef de Kollaɗe, c'est de la mosquée de Seefuure que dépendent toutes celles de la province. »

Le voyageur signale l'hospitalité que lui donne Tierno Moësi (Tierno Maadiou). Les quatre mosquées du chef-lieu de chaque province et, en plus, celle de Seefuure, comptent parmi les plus belles et les plus fréquentées du Fouta.
La province de Diangolo est réputée aussi par l'abondance et le savoir de ses marabouts. Il est avéré que c'est elle qui, avec ses trente écoles et ses deux cents élèves, vient pour l'enseignement coranique en tête des provinces du Ditin.
Il reste à signaler l'influence des Karamoko de Kala dans plusieurs villages du Mamou, et notamment à Bounaya.
L'ensemble de la population de Ditin est tidiani, de la Voie omarienne; ces affiliations relèvent de trois courants :

En dehors de ces centres de rayonnement, on rencontre un certain nombre de marabouts et petits groupements locaux, relevant d'obédiences étrangères au cercle, tels Alfa Oumarou Rafiou, Tierno Doura Sombili, Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan de Labé ; Tierno Moawiatou de Pita.
Trois groupements malinké sont à signaler: Botobofel, Kourou malinké, et Dalato. Ils sont affiliés partie auTidianisme omari, partie et surtout auQaderisme Diakanké de Touba Les personnages les plus en vue sont: Alfa Ibrahima, chef du village de Walato depuis 1898. C'est un qadria, riche de femmes, d'enfants et de bœufs; Tierno Lassarïou (Al-Achari), né vers 1860, chef de Kourou Malinké, relativement instruit, très respecté de l'élément malinké. C'est un Qadria de l'obédience d'Al-Hadji Bademba.
Un certain nombre de notables musulmans sont sans affiliations, chose assez rare en pays noir. Ils professent que la chose n'est pas indispensable. Le wird est considéré comme un supplément d'Islam, inutile au commun des fidèles, et ce sont surtout les Karamoko, maîtres d'école, qui se font initier à l'une des branches du Tidianisme local. Le plus en vue de ces personnages non affiliés à une confrérie religieuse, et même fort peu pratiquants, puisqu'ils boivent de l'alcool et négligent facilement le salam, est Alfa Mamadou Paran, chef de la province de Diangolo. Né à Fougoumba vers 1879, de la famille des Seriyanke, actif, intelligent, énergique, il a rendu des services éminents, dont l'arrestation des assassins de Bastié; malgré sa tiédeur islamique, il lui arrive encore d'être la dupe des marabouts foula. A citer encore Alfa Ousman, chef de la province de Keebali, né vers 1850 et nommé jadis par l'almamy Ahmadou.
Un centre musulman important est celui du village sarakollé de Baliboko (province de Keebali) qui participe, comme tous les groupements de cette race, d'une exaltation religieuse parfois inquiétante. Village commercial important, dont la création remonte à plus d'un siècle et qui a toujours été signalé comme un centre d'affaires, Baliboko reçoit périodiquement des marabouts du pays d'origine (Bakel), qui viennent réchauffer le zèle de leurs frères; et cette effervescence mystique se fait toujours quelque peu sentir, dans l'élément foula voisin.
La dernière de ces crises religieuses remonte à 1910-1914 et est due au Karamoko Al-Hadji Kébé. Né à Bakel vers 1855, d'où son surnom de Karamoko Bakel, ce Sarakollé quitta le Ɓoundou pour venir s'installer à Saint-Louis, où il resta une dizaine d'années. Il n'alla chercher fortune dans le Fouta-Diallon que vers 19044. On l'appelait Al-Hadji en l'honneur de son grand-père qui portait ce nom, mais lui-même n'avait pas fait le pèlerinage. Il s'appelait en réalité Oumarou et avait reçu ce nom en l'honneur d'Al-Hadj Omar, de passage à Bakel, l'année même de sa naissance. Il resta quelque temps chezAlfa Yaya, chef du Labé, puis chez Tierno Oumarou, chef de Timbi Tunni. Il leur servit de chapelain et de conseiller, et mit à leur disposition toutes les ressources de la science islamique et de la magie foula. On attribue notamment à ses sortilèges l'heureuse et longue présence de Tierno Oumarou à la tête de l'importante province de Timbi-Tunni, en dépit, disent les indigènes, de ses malversations connues et malgré les perpétuelles transformations et les découpages administratif des Français.
Vers 1906, Al-Hadji Kébé étendit le champ de ses opérations au Ditin.
A cette époque, Mamadou Paran, simple mbatula (suivant de chef, courtisan), habitait Barkiwel pour servir de courrier entre le poste et le chef de Fougoumba, Alfa Ibrahima Kilé. En cet homme, vigoureux à l'heure actuelle encore, et remarquable par une vivacité juvénile, rare chez les Fulɓe de tout âge, Karamoko Bakel sut discerner l'intelligence, l'énergie et la volonté d'arriver à une situation. Il demanda un cadeau à Mamadou Paran en échange de ses sortilèges. L'autre n'hésita pas à lui donner une vache. C'était l'unique bien de la mère du mbatula La vieille femme, qui habitait une case de Fougoumba, pleura beaucoup, mais les Foula pensent que ce don fut l'origine de la fortune du chef actuel de Diangolo.
C'est à ce moment en effet que Karamoko Bakel munit Mamadou Paran de la petite tabala miraculeuse qu'on peut voir sous le lit du chef, et du cadenas-fétiche, également célèbre dans le pays. Les deux hommes lièrent partie, et peu après Mamadou Paran fut nommé chef de Diangolo. Par la suite, à diverses reprises, il fit agrandir sa province, et c'est aux maraboutages du puissant Al-Hadji Kébé que furent attribués tous ses bonheurs et par le bénéficiaire et par les autres Foula, associés, rivaux ou victimes.
A la nomination de Mamadou Paran à Diangolo, Karamoko Bakel quitta Ditin pour retourner à Timbi, d'où, après quelques mois, il vint se fixer à Baloboko, près de Diangolo .
Mamadou Paran ne craignait pas de dire que toute force lui venait d'Al-Hadji Kébé et proclamait qu'il était, grâce au marabout, le seul chef que nous ne puissions atteindre.
Sa reconnaissance égale sa foi. Quand Al-Hadji vient à Diangolo visiter l'ancien mbatula, c'est toujours un cadeau d'un cheval d'un cheval ou de deux boeufs qu'il reçoit.
L'impôt personnel de 1913 ayant été fixé, d'une manière imprévue, à un taux qui n'était ni 3 francs, ni 4 francs,
Mamadou Paran, qui avait perçu la capitation à raison de 4 francs, se trouva, son versement à l'agence opéré, avec un reliquat de plusieurs milliers de francs entre les mains.
De cette somme, Karamoko Bakel eut la moitié; l'interprète du poste, un quart; et, modestement, le chef garda pour lui le dernier quart.
Al-Hadji Kébé fut bientôt très considéré à Balibok où il fut porté d'office à la présidence de la prière. Ses agissements, ses propos tendancieux, ses prônes enflammés, ses quêtes arbitraires finirent par créer une certaine effervescence locale. Traduit devant le tribunal de Ditin, il fut condamné à dix mois d'emprisonnement et à dix ans d'interdiction de séjour. Reconduit à Bakel, à l'expiration de sa peine, il vint presque aussitôt à Dakar, pour demander à être envoyé en possession de ses biens restés dans le Fouta. Il est mort à Dakar à la fin de 1914.
Il reste .à signaler que c'est la région de Ditin qui a fourni la plus grande partie de ces émigrants qu'on a vus installés dans le Dinguiraye et particulièrement dans la province de Loufa. Les causes et diverses contingences de cette émigration, plus proprement religieuse, économique et traditionnelle que politique, ont été étudiées auchapitre de Dinguiraye.

B. Alfa Ousman de Fougoumba

Alfa Ousman, dit aussi Alfa Oussouman, chef et pontife de Fougoumba, a fait l'objet d'une notice antérieure.
Son influence religieuse personnelle doit être signalée ici. Elle est minime d'ailleurs et ne répond pas à ce qu'on attendait du chef de la capitale religieuse et de la famille des Lévites du Fouta. Mais, comme il a été dit, l'influence et l'action du Fougoumba étaient plus politiques que spirituelles.
Alfa Oussouman a étudié le Coran auprès de Tierno Mamadou, maître réputé de Dalaba, et conseiller de Tierno Hamidiata, chef de Kaala. Ses études n'ont guère été poussées plus loin .
Un grand nombre de frères, cousins et neveux d'Alfa Oussouman, domiciliés à Fougoumba même, sont soumis à son obédience. Ils n'ont pas d'autre prestige que d'appartenir à la famille des chefs du diiwal. Ce sont des notables de la misiide actuelle.
En dehors de ses parents, Alfa Oussouman compte divers talibés, dont le plus notoire est Tierno Mamadou Sarrari, de Fello-Pori, dans la province de Diangolo. De la famille des Uururɓe-Dokalɓe, il est né vers 1840 à Fello-Pori, où il fit ses premières études, et les a complétées à Fougoumba. Après avoir dirigé, toute sa vie, une école coranique de quinze à vingt élèves, il vient, fatigué par son grand âge de se retirer.
AIfa Ousman a reçu le wird tidiani de son maîtreTierno Mamadou Dalaba, et se rattache par lui à Al-Hadj Omar.

C. Karamoko Koulabiou

Karamoko Koulabiou, de la famille Dokalɓe (Uururɓe), était né vers 1830; il a toujours vécu à Hinde-Kaala, près de Ditin. Il fut un grand marabout, renommé par sa science et sa piété; la plupart des générations des Fougoumba ont passé par son école, et notamment Alfa Ibrahima, chef de Fougoumba, fusillé en 1900. Il était un des notables les plus en vue de la région et prenait la parole au couronnement des almamys a Fougoumba. Lors des événements de 1900, il faillit payer de sa vie sa renommée et ses relations avec les chefs incriminés; poursuivi, il se réfugia dans les montagnes et vécut caché pendant plusieurs mois. Il finit par rentrer en grâce sans autre incident. Il est mort vers 1903, à Ditin.
Il a laissé de nombreux talibés dans toute la région et notamment dans les provinces de Fougoumba et de Keebali. Parmi les personnalités les plus notoires, il convient de citer ceux de Keebali :
A la misiide même, Tierno Diallo, président du Tribunal de Ditin; Tierno Ibrahima Mbouro et Tierno Aliou Kébali, maîtres d'école.

D. Al-Hadji Mamadou Alimou

Mamadou Alimou, de la famille des Seriyanke, cousin éloigné d'Ousman et fils de Modi Abdoulaye, est né vers 1872. Il a fait ses études à Fougoumba auprès de son père et de son grand-père maternel, Karamoko Alfa, qui fut pendant quarante ans imam de la mosquée de Fougoumba et dont la réputation de savant était grande. Il vint compléter ses études au Sénégal, notamment dans le Fouta Toro, puis se livra au commerce des kolas entre le Sénégal et la Guinée en vue d'amasser des fonds pour un pèlerinage à la Mecque.
Pendant son séjour au Sénégal, il a connu la plupart des marabouts en vedette, et notamment Amadou Bamba, qui lui aurait confirmé le wird tidiani, déjà reçu précédemment chez les maîtres du Fouta Toro
Il a effectué ce pèlerinage en 1912, par la voie de mer, et, à son retour s'est fixé, définitivement à Nioro, près de Kétiguia où il fait le grand propriétaire agricole. Il passe pour être le meilleur cultivateur de la région.
Il distribue volontiers le wird tidiani autour de lui, dans le but de se constituer un groupement religieux. Il a déjà un nombre relativement élevé de disciples dans la région de Ditin-Timbo.
Un seul mérite une mention spéciale: à Fougoumba, Tierno Sanoussi, né vers 1842 à Nioro-Simpia, imam de la grande mosquée de Fougoumba, où il a succédé à Karamoko Alfa. Tierno Sanoussi jouit d'une grande considération dans tout le cercle. Il a formé de nombreux talibés, dont les plus remarquables sont les Karamoko lettrés Alfa Salifou et Tierno Mamadou Salifou, nés vers 1860; à Fougoumba encore, Mamadou Ɓoye et Tierno Ibrahima Modi Makka, nés vers 1865, membres de la famille des chefs de province, personnages notoires.
Dans le Labé, Karamoko Diogo, qui a joui quelque temps d'une certaine vogue, à la fin du siècle dernier, et a formé des talibés, dont les uns continuent sa tradition sur place, et les autres sont allés s'installer dans la région de Pita.

E. Tierno Ibrahima Gali

Tierno Ibrahima, qui a pris l'appellation de Odieye Ngel ou de Gali, du nom de son village ou de sa province, était né vers 1825, et est mort vers 1900. Il était le cadi officiel de l'Almaray Ibrahima Sori Daara. Il a laissé la réputation d'un grand savant, maintes fois consulté par les almamys de Timbo dans les contestations difficiles .
Il avait reçu le wird tidiani de son père Tierno Boubou, Toucouleur né dans le Fouta Toro, et installé jeune dans le Gali, après un passage à Dinguiraye, où il reçut le wird d'Al-Hadj Omar.
Tierno Ibrahima a laissé plusieurs enfants, dont le plus important est Tierno Mamadou, maître d'école à Mombeya.
La plupart des Karamoko du Kollaɗe, et spécialement du canton de Gali, relèvent de l'obédience de Tierno Ibrahima et ont été formés par lui. Les principaux sont :

En dehors du Ditin, Tierno Ibrahima Gali possède quelques talibés. Les plus notoires sont :

IX — Région de Mamou.

A. Généralités

Le cercle de Mamou, ainsi désigné du nom de la rivière qui le traverse, avant d'aller se joindre à la Kaba pour former la petite Scarcie, est peuplé, comme les autres régions du Fouta, de Foula et de Diallonké. Les Foula appartiennent aux trois tribus Dayeɓe (famille Sediyanke), Dialluɓe-Yirlaɓe (famille Timbonke) et Uururɓe (famille Diawɓe). Toutefois, territoire de transaction entre le Niger et la côte, il a vu augmenter sa population de nombreux représentants de la race Malinké des hautes vallées du Niger et du Milo. Ces trois éléments ethniques sont tous musulmans.
Le cercle est donc entièrement islamisé, à trois exceptions près:

Il n'y a aucun marabout de grande envergure dans la région.
On peut citer à Daara,Alfa Oumarou, qui n'est d'ailleurs qu'un Karamoko de second ordre, et Tierno Siré de Porédaka, des Dialluɓe Timbonké, né vers 1840, assez influent dans cette misiide où il compte divers talibés dont les plus remarquables : sont Tierno Abaasi, Tierno Haadi et Tierno Bakar. En dehors d'eux, l'ensemble des petits marabouts, maîtres d'école ou non, d'Alfaya, Daara, Billima, Boulliwel, Téliko, Nounkolo, Ɓouria, célèbre et par le magnifique oranger planté devant la mosquée et qui serait le père de tous les orangers du Fouta, et par le tombeau de Tierno Samba, maître d'école du grand Karamoko Alfa; Bounaya, Porédaka, qui sont les centres islamiques les plus réputés de la région, relèvent des personnalités religieuses en vedette des cercles voisins: Tierno Aliou Ɓouɓa Ndiyan etAlfa Oumarou Rafiou de Labé;
Tierno Hamidou Hériko, de Timbo; Alfa Ousman, de Fougoumba; Tierno Moawiatou, de Maci. Le fils de l'Almamy Oumarou Bademba, Modi Sori, chef de la province de Mamou, personnage aussi peu maraboutique que possible, quoique Alfaya, a toutefois reçu le wird tidiani d'un karamoko de Timbo, Al-Hadji Ibrahima, de Hériko, qui s'était fait affilier à cette Voie, à la Mecque, lors de son passage vers 1897, et dont le frère, Al-Hadji Abdoulaye, est toujours à Hériko. Il fait donner à ses enfants, Boubakar, né vers 1899, et Mamadou Dian, né vers 1906, une éducation plus franco-foula qu'arabe, et se réserve de les initier à son Tidianisme.
Si les Karamoko sont tous pourvus d'une affiliation tidiania, se rattachant à la voie d'Al-Hadj Omar, un bon nombre de notables se dispensent de recevoir le wird d'une confrérie officielle. Ils se contentent d'appartenir à un petit groupe de fidèles, sous la présidence d'un marabout pieux, savant, et détenteur d'une baraka reconnue. Ils s'en rapportent entièrement à lui pour tous les rites, touchant à la vie mystique. Agrégés à une société spirituelle, affiliés à un groupement qui est en somme une véritable confrérie, sans le nom et sans le wird, ils déclarent n'avoir nullement besoin d'une initiation au Tidianisme des Foula ou au Qaderisme des Malinké.
Le plus important de ces musulmans indépendants parait être Mamadou Salimou, de la Marga de Soumbalako-Tokosere (Gongowi); né vers 1845, fils de Tierno Moussa, il appartient à la descendance de l'Ardo Mama Samba, qui a fondé le village de Sumbalako, et a laissé à tous les siens une forte empreinte d'Islam. Mamadou Salimou a fait ses études, faibles d'ailleurs, chez son père, puis chez Tierno Abdoul, puis chez Tierno Lamarana de Boubouya (Bantiŋel) au groupe duquel il est affilié; il a favorisé en 1911 la fuite de son maître compromis dans les événements de Goumba. Très intrigant, il cherche à créer des difficultés au chef de province pour conquérir une importance politique. Il fait normalement le karamoko et, à l'occasion, le sorcier-magicien. Plusieurs de ses maraboutages sont connus. Il sacrifia un boeuf, lors de la fuite de son maître et se livra sur les quartiers de viande à des conjurations qui furent efficaces, puisque Tierno Lamarana put échapper aux poursuites . Ses sortilèges pour arrêter une épizootie qui sévissait sur le troupeau d'un indigène de Mamou, eurent moins de succès; il découvrit bien la cause du mal, qui était un petit diablotin nommé Sogolo, qui piquait, la nuit, les bœufs, à la suite de quoi ils mouraient, mais il ne trouva pas le remède et les boeufs périrent en très grand nombre.
Les écoles coraniques sont nombreuses et comptent une moyenne de 2 à 10 élèves. Les plus suivies sont celles de Tierno Souleyman, à Ɓouriya, qui compte une vingtaine d'élèves; celle d'Alfa Guilladio, à Daara, et celle de Karamoko Makka, à Téliko.
La petite colonie de Sarakollé, qui vit à Alfaya, sous la direction spirituelle d'Alfa Hamadou Soukouna, mérite une mention particulière par l'ardeur de sa piété. Son chef, Alfa Sankouna, fils de Modi Kabou, fils d'Ibrahima, est né vers 1850. Il prétend se rattacher aux Qadria de Birou (Walata) par la chaîne suivante, que lui a transmise Alfa Ibrahima, de Goundiourou (Ɓoundou), où il à fait ses études: Alfa Ibrahima, Alfa Bakari, Fodé Yara Makka, Mamadou Mostafa, Oualiou Eddine, de Birou.
Il reste à signaler enfin l'absence d'une mosquée à Mamou. Cette ville, jadis bourgade de second plan, aujourd'hui centre commercial important par le fait de notre occupation et de sa situation sur la voie ferrée, à mi-chemin de Conakry et du Niger, a grandi dans des proportions considérables. Les Foula n'y sont plus qu'une minorité Dans cette population hétéroclite, tous les éléments ethniques de la Guinée, et même du Soudan méridional, sont représentés.
Les musulmans de l'extérieur n'y manquent pas: Sarakollé, Toucouleurs et Ouolofs du Sénégal, Maures du Sahara, et surtout Syriens qui atteignirent vers 1910 le nombre de 500, dont un bon tiers des fils du Prophète. Quoique le plus nombreux, le plus riche et le plus considéré, l'élément musulman, absorbé par ses affaires et sans unité spirituelle, n'a pas encore trouvé le temps ni les moyens d'édifier une mosquée, et Mamou reste une ville de négoce, que sanctifient seules les prières individuelles de misikun, diaka et oratoires privés.

On ne peut, à propos de Mamou, ne pas parler de la question syrienne, encore que le coefficient d'influence islamique de cet élément oriental paraisse bien minime. Les deux modestes colporteurs de 1906 étaient devenus :

Le chemin de fer avait fait du nouveau centre une annexe de Bit Chebab, de Beyrouth. Femmes et enfants y grouillaient, vêtus à l'orientale; les boutiques s'alignaient et exposaient leurs devantures comme des bazars de certains quartiers de Beyrouth, et les collines de Mamou n'entendaient plus que les accents nasillards de cet arabe syrien que répètent les échos du Liban. Les roses de Jericho elles-mêmes, de contact peu farouche, fleurissaient dans les végétations tropicales et sur les rives verdoyantes de la rivière Mamou, et ouvraient aux volages époux foula des horizons nouveaux.
En 1912, on en comptait 800 qui avaient apporté avec eux toutes leurs querelles de Syrie et qui les réglaient à coups de couteau dans la rue. Leur âpreté commerciale bien connue et leur interconcurrence acharnée n'étaient pas faites pour adoucir les choses.
Depuis cette date, la population syrienne de Mamou s'est réduite dans de notables proportions. La plupart de ses éléments ont marché avec le chemin de fer et sont aujourd'hui à Kouroussa. Quelques uns se sont dispersés dans le Fouta: Labé, Pita, Ditin, Timbo, et même dans certains coins reculés, tel celui de Bokeeto, dans le Fitaba, qui se maria à l'indigène, fit salam à la mosquée et voulut jouer au marabout, en prenant la présidence de la prière de vendredi. Mais comme il fumait la pipe, il fut écarté de cet office. Dégoûté, il est revenu à Timbo, où il fait le boucher et ne pratique plus. En revanche, il boit de l'alcool et fume sa pipe. Il ne reste guère à Mamou plus de 200 Syriens, à l'heure actuelle.
Ils sont en partie musulmans et en partie catholiques. Les musulmans ne font pas montre de beaucoup de ferveur religieuse, et on ne saurait les accuser de chercher à faire du prosélytisme; mais musulmans comme catholiques s'entendent comme larrons en foire pour attirer le chaland à la faveur de leurs origines orientales et de leur bagout arabico-islamique. Ils vendent des ouvrages arabes, ainsi que des gravures et chromos divers représentant le Sultan, le cheval Bouraq, les villes de la Mecque et de Médine, etc.

B. Alfa Oumarou

Alfa Oumarou, fils de Tierno Abdoulaye, de la famille Nyogeyanke (tribu Dialluɓe-Yirlaɓe), est né à Daara (Mamou) vers 1850. Il a fait ses premières études auprès de son père, puis les a complétées chez Modi Saliou, de Dara-Labé, Tierno Ibrahima Bantiŋel (Pita).
C'est ce dernier qui lui a donné le wird tidiani, et il le tenait lui-même d'Alfa Oumarou, fils d'Alfa Salifou, de Labé, un des disciples d'Al-Hadj Omar.
Alfa Oumarou n'est pas très lettré et s'exprime difficilement en arabe littéraire. Mais il a une bonne réputation de maître, et son école jusqu'à ces derniers temps comprenait en permanence une trentaine d'élèves. Ce nombre s'est réduit de moitié aujourd'hui. Ses relations avec l'autorité française ont toujours été correctes.
Il jouit d'une grande réputation de vertu dans toute la province de Daara, et est avantageusement connu dans la région de Mamou.
Il y compte un certain nombre de disciples, en général Karamoko et cultivateurs comme lui, ou notables de leur village, et qui sont pour la plupart ses anciens karanden 3.
Jadis, quand la prière du vendredi se faisait solennellement à la misiide de Timbo et que de 20 kilomètres à la ronde les Foula accouraient pour y assister, le contingent des notables de Daara y prenait régulièrement part, sous la conduite d'Alfa Oumarou. Aujourd'hui, la décentralisation, même religieuse, s'est effectuée; les gens assistent à la prière solennelle des vendredis et des fêtes à leur mosquée locale, et pour Daara c'est Alfa Guilladio qui préside à cette cérémonie.


Notes
1. M. A. Le Chatelier, l'Islam dans l'Afrique Occidentale, p. 307.
2. « Diouhé » exclamation de surprise que poussent les Foula, en apprenant qu'un homme, resté longtemps sans enfant, vient d'en avoir un.
3. Karanden, mot maninka formé de Karan=lire et de Den= enfant.