1160 Hégire/1747 Talansan. Non loin des rivages du Bâfing, à Talansan, eut lieu la première bataille des régions du Sud-Est du Foûta-Djalon, en 1160 de l'Hégire (H) (1747) selon ces annales tirées du Fonds Gilbert Vieillard2. Cette bataille opposa les musulmans et les Pouls païens appelés Poulli. Le chef des croyants, lbrâhîma Sambêgou connu sous le nom de Karamoko-Alfâ-Mo-Timbo (plus tard almâmi Ibrâhîma Sambêgou, premier almâmi du Foûta-Djalon) descendait d'une vieille famille musulmane établie dans le Timbo depuis plus d'un siècle et jouissait déjà d'une grande réputation de sainteté. Après Talansan qui fut une victoire pour les musulmans, il y eut de, nombreux autres combats contre les fétichistes poulli et dialounké coalisés, qui devaient consacrer le triomphe définitif de l'Islam dans cette région 3.
1180 H/1766 Folie de Karamoko-Alfâ.
1184 H/1770 &Election de Ibrâhima-Yéro-Pâté,
cousin de Karamoko-Alfâ, comme deuxième almâmi du Foûta-Djalon
en remplacement de son oncle frappé de folie. Célèbre sous
le nom de Ibrâhîma-Sori-Mawdho, le nouvel almâmi était
un remarquable chef de guerre.
1195 H/1781 Déposition de l'almâmi Ibrâhîma-Sori-Mawdho, élection
de Alfâ Sâlihou, fils de Karamoko-Alfâ, pour le remplacer. Voici
comment Paul Guebhard, qui interrogea des lettrés de Timbo et de Fougoumbâ aux
premières heures de la colonisation française au Foûta-Djalon,
rapporte les faits dans son a Histoire du Foûta-Djalon et des almâmis » :
« Revenu de ses guerres avec un butin considérable et avec des fractions
importantes de peuples soumis dont les chefs vinrent chercher l'investiture à Timbo,
l'almâmi Sori, frère de Karamoko-Alfâ, fit construire un grand
tata pour sa famille et pour lui. Les grands vassaux du Foûta trouvèrent
qu'il avait mangé jusqu'aux limites du possible ; ils firent détruire
le tata qu'ils remplacèrent par des fortifications peules [canhe]
et dirent à l'almâmi de passer le pouvoir à un autre. Devant
ce désir exprimé à l'unanimité, l'almâmi déposé se
résigna, ses guerriers et les membres mêmes de sa famille étaient
contre lui ».
C'est dans ces circonstances que fut élu Alfâ Sâlihou,
fils de Karamoko-Alfâ, qui n'avait alors que quinze ans à peine. Cet état
de chose ouvrit une période d'anarchie dont les chefs fétichistes
et païens des pays voisins profitèrent pour envahir la Foûta.
1199 H/1785 Invasion de Kondé Bourâma, chef
du Wâçoulou, qui envahit le Foûta par les provinces de Koyin
et des Kollâdhe et qui vint bivouaquer à Fougoumbâ.
1203 H/1788 Invasion de Takou-Bâyéro.
1207 H/1792 Mort de l'alfâ Mammadou-Dian à Timbo
d'une flèche reçue dans la guerre du Sangalâ. Mort de l'almâmi
Ibrâhîma Sori-Mawdho à Labé.
« Profitant de ses victoires récentes contre les envahisseurs, écrit
Guébhard, l'almâmi Ibrâhîma-Sori-Mawdho organisa le pays
et convoqua à Timbo Alfâ Mammadou-Dian, fils de Alfa Mammadou-Sellou
qui venait de lui succéder à la tête du Labé. Pendant
qu'Alfâ Mammadou-Dian était à Timbo, il tomba gravement malade.
Il fit appeler l'almâmi à son chevet et lui demanda quel endroit il
avait choisi pour être enterré, car il est d'usage que les vieillards
et les chefs désignent à l'avance l'endroit où ils désirent
reposer ; quelquefois ces désignations se font au lit de mort, lors des
dernières recommandations. L'almâmi lui indiqua la place qu'il avait
choisie et Alfâ Mammadou-Dian lui demanda de la lui céder parce qu'il
sentait qu'il allait mourir ; lui-même donna à l'almâmi la place
qu'il avait choisie dans sa cité de Labé, pour le cas où l'almâmi
viendrait à y mourir. Peu de jours après, Alfâ Mammadou-Dian
mourait, l'almâmi lui rendait les honneurs funèbres et le faisait
enterrer dans l'endroit qu'il s'était jusqu'alors réservé pour
lui-même. Or il advint que l'année suivante, l'almâmi partait
pour la guerre dans le Ngâbou, lorsqu'il tomba malade à Labé et
mourut presque subitement non sans avoir témoigné le désir
d'être enterré à la place cédée par Alfâ Mammadou-Dian
en échange de la sienne ». (Guébhard, art. cit. p. 55-56).
1208 H/1793 Élection de l'almâmi Sâdou,
fils de l'almâmi Ibrâhîma-Sori-Mawdho.
« Lorsque mourut l'almâmi Sori-Mawdho à Labé, écrit
Guebhard, son fils Sâdou appela les sofas de son père dans sa case
et, essayant sous leurs yeux le turban du défunt, il demanda s'il lui allait
bien.
Comme à lui-même, répondirent-ils.
Sur ces entre-faites, ils partirent pour les funérailles et Sâdou,
par inadvertance ou volontairement, sortit avec le turban de son père sur
la tête et avec son bâton. A l'enterrement, tous les gens de Sâdou
s'étonnèrent et, voyant Sâdou dont la ressemblance avec l'almâmi était
frappante, ils ne voulaient pas croire que l'almâmi fût mort ; ignorant
des circonstances, ils rendirent à Sâdou les honneurs royaux. Lorsqu'ils
apprirent la vérité, ce fut pour l'unanimité à le reconnaître
comme almâmi et Alfâ Abdoullâhi, chef du Labé,
lui mit le turban sur la tête selon les rites. Le nouvel almâmi voulait
partir, mais les vieux du Labé lui dirent :
Attends quelques jours ; le Foûta ignore ta nomination ; si nous nous
passons de lui, il se fâchera. Nous allons le convoquer à Fougoumbâ sans
rien lui dire et, lorsqu'il sera réuni, nous nous arrangerons pour faire
sanctionner ta nomination.
Ainsi fut fait et lorsque l'assemblée se réunit, l'almâmi Sâdou
s'y rendit turban en tête et le bâton de son père à la
main. Alfâ Abdoullâhi le présenta au Foûta comme almâmi
en lui demandant de ratifier cette nomination. Toute l'assemblée fut d'accord
; seul Alfâ Ousmâne, qui ( ... ) avait sacré Karamoko-Alfâ,
se leva et déclara qu'il n'acceptait pas de voir violer son privilège,
car seul il pouvait sacrer l'almâmi. Alfâ Abdoullâhi s'adressant à l'assemblée,
interrogea individuellement les notables et leur demanda s'ils acceptaient. Tous
répondirent selon la formule foulah :
Men nanii men jaßii ; « nous avons entendu, nous avons accepté ».
Mais Alfâ Ousmâne dit encore :
Mi nanii mi jaßaali ; « J'ai entendu, mais je n'ai pas accepté ».
On ne tint pas compte de ses protestations et l'assemblée se dispersa, tandis
que le nouvel almâmi s'en allait à Timbo où il entra selon
le cérémonial d'usage.
Le soir même, Alfâ Sâlihou, fils de Karamoko-Alfâ,
qui ne s'était pas rendu à Fougoumbâ, comptant y être
convoqué par le Fouta réuni, furieux de l'échec de ses espérances,
alla trouver son rival et lui dit :
Tu m'as pris l'héritage de mon père, car c'est lui et non
le tien que le Foûta a nommé almâmi à Timbo ; ton père
n'a été couronné que parce que j'étais trop jeune ;
mais maintenant que j'ai l'âge, je ne puis admettre que tu prennes ainsi
ma place !
Accepte ou n'accepte pas, lui répondit l'almâmi Sâdou,
peu m'importe! Les services que mon père a rendus lui ont créé des
droits que le pays a sanctionnés en le nommant almâmi par deux fois
et les droits de ton père ont été déclarés déchus
dans ta personne lorsque le Foûta, après t'avoir nommé, t'a
révoqué. Fais ce que tu veux, je serai toujours chef que tu le veuilles
ou non !
Alfâ Sâlihou lui répondit :
J'ai compris et, comme Alfâ Ousmâne, il ajouta, « Je n'ai
pas accepté ».
Ce point de l'histoire du Foûta est intéressant à noter, car
de là date la scission de la famille royale, désormais divisée
en deux partis : le parti des Alfâyâ qui reconnaît comme légitimes
les seules prétentions des descendants de Karamoko-Alfâ et les Soriyâ qui
appuient les prétentions des descendants de l'almâmi Sori. En plus
des discussions qu'ils élèvent contre la légitimité des
droits de la branche Soriyâ, les Alfâyâ prétendent en
outre que l'almâmi Ibrâhîma-Sori-Mawdho n'était pas le
cousin de Karamoko-Alfâ, mais simplement un de ses disciples, c'est-à-dire
un étranger. Ce point d'histoire n'est pas éclairci et est très
discuté de part et d'autre, et il faut dire que ceux qui admettent l'origine étrangère
des Soriyâ sont le petit nombre. D'ailleurs ceux qui contribuent à accréditer
l'hypothèse sont les descendants de ce même Alfâ Ousmâne
Fougoumbâ ( ... ). Quoi qu'il en soit, de la scission de la famille royale
naîtront tous les conflits et toutes les guerres civiles qui ensanglanteront
le pays, et plus particulièrement Timbo et ses environs, car si nombreuses
deviendront ces querelles pour le pouvoir, que le Foûta s'en désintéressera
et laissera aux membres de la famille royale, aux grands porte-paroles de Timbo,
le soin d'y prendre part, et il s'efforcera d'en éviter pour lui les conséquences ».
(Paul Guebhard, art. cit. p. 56).
1213 H/1798 Mort de l'almâmi Sâdou, assassiné à Timbo
par Alfâ Sâlihou dont la haine avait été attisée
par Alfâ Ousmâne et quelques conjurés. Ayant tranché la
main droite de l'almâmi d'un coup de sabre pendant le crime, Alfâ Sâlihou,
saisi de remords, ramassa la main tranchée, vint trouver les vieux conjurés à la
mosquée de Timbo et, mettant devant eux la main sanglante, il leur dit :
Voyez votre uvre, l'oeuvre de vos lâches conseils et de vos
intrigues, vieillards dont les dehors sont propres mais dont le coeur est sale.
Regardez cette main ; c'est la main d'un homme qui n'a jamais pris le bien de personne,
jamais touché la femme de son voisin ; cette main a écrit sept Corans,
jamais pour ses ablutions elle n'a employé le sable ou la terre et c'est
toujours avec de l'eau qu'elle se purifiait avant la prière. C'est vous,
vieillards, qui lui serriez la main en l'appelant almâmi qui avez comploté sa
mort comme vous comploterez la mienne demain ; car vous ne voulez pas de maîtres
quoi qu'en disent vos bouches menteuses. Vous m'avez fait tuer mon frère,
celui avec lequel j'ai été élevé, et tout cela pour
commander à des traîtres et des menteurs comme vous. Le pouvoir, je
n'en veux pas, le prenne qui le veut ; maudits soyez-vous qui avez suscité un
frère contre son frère 4.
Il y eut près d'une année d'interrègne. C'est alors que Alfâ Bâkar-Dikkourou,
membre de la famille alfâyâ, fut élu et couronné à Fougoumbâ.
Le Soriyâ Amadou Fêla, frère de l'almâmi Sâdou,
ayant tenté de faire un coup d'État qui ne réussit pas, fut
tué par l'almâmi Bâkar qui mourut la même année
que lui. Abdoullâhi-Bâdemba, du parti alfâyâ, fut alors nommé et
investi à Fougoumbâ. Il régna huit ans et les « vieux
du Foûta se fatiguèrent d'obéir toujours au même homme,
disant qu'à régner ainsi sans conteste, il finissait par les prendre
pour ses captifs ».
Après de nombreux combats entre l'almâmi Abdoullâhi-Bâdemba
et son concurrent soriyâ Abdoul-Gâdiri, Abdoullâhi suggéra
une entente entre eux, chacun devant exercer le pouvoir pendant deux ans tour à tour.
1229 H/1814 L'almâmi Abdoul-Gâdiri, poussé par
les anciens, reprend les hostilités contre l'almâmi Abdoullâhi-Bâdemba,
le tue à Kétiguiyâ et lui succède au pouvoir. Il régna
seul et mourut à Kounta d'où il fut porté à Timbo et
enterré près de la mosquée.
1238 H/1822 L'almâmi Bâkar-Zikrou, Alfâyâ, lui succède avec l'accord de l'almâmi Yâyâ, candidat du parti soriyâ. Bâkar évinça Yâyâ lorsque son temps de règne convenu (deux ans) fut terminé, refusant de céder
le pouvoir. Yâyâ dut s'exiler au Bhundu avec son fils Oumarou.
Il revint quelques années plus tard et, après de nombreux combats,
livra bataille et vainquit.
1253 H/1837 Eclipse de soleil.
1255 H/1839 Election de l'almâmi Yâyâ du parti
soriyâ qui règne un an et demi et meurt. Son fils Oumarou le
remplace.
1260 H/1844 Rezzou de l'almâmi Bâkar-Zikrou à Badon.
Tuerie à Timbo entre Alfâyâ et Soriyâ. Séjour d'El
Hadj Omar au Foûta-Djalon où il réconcilie les deux partis,
leur fait observer une trêve de six mois et leur fait promettre de respecter
désormais le pacte de deux ans.
1284 H/1867 Bataille de Tourouban dans le Ngâbou ;
victoire de l'almâmi
Oumarou et massacre de païens. (Cf. Tourouban, dans La Femme, la Vache,
la Foi, Julliard, 1966, pp. 230-233).
1287 H/1870 Mort de l'almâmi
Oumarou à Dombiyâdji dans le Tanda-Ley-Mâyo.
1288 H/1871 Bataille du Moûriya, Poton II.
L'almâmi Ibrâhîma Dognol-Fêla, du parti soriyâ,
reçut l'investiture à Fougoumbâ et régna seul sans que
le parti alfâyâ, éprouvé par la guerre des Houbbou, pût
lui susciter de concurrent.
1305 H/1887 L'almâmi Ibrâhîma Dognol-Fêla
conduit une expédition contre le Wontofâ.
1306 H/1888 Mort de l'almâmi Ibrâhîma Dognol-Féla
(voir « l'armée de pillage», infra).
1307 H/1889 Bôkar-Biro tue
son frère Mammadou-Pâté et reste almâmi (voir « l'almâmi Bôkar-Biro et
l'alfâ Mammadou-Pâté », infra).
1308 H/1891 Alfâ Yâyâ est nommé chef
du Labé par l'almâmi Bôkar-Biro.
1309 H/1892 Expédition contre les Tanda et les Bandafeng.
1311 H/1892 Expédition de Oubandji (Dognol-Tinka) et ceci
fut la dernière des expéditions.
1311 H/1894 A Bantinhel, défaite de l'almâmi Bôkar-Biro (Cf. « Bantinhel »,
infra).
1313 H/1895 A Petel-Dyiga, revanche et victoire de l'almâmi Bôkar-Biro (Cf. « Petel-Dyiga »,
infra). L'almâmi Amadou Dâra s'éteint la même année.
(Cf. « Bhuriyâ », infra).
1314 H/1896 Bataille de Pôrédâka, mort de l'almâmi Bôkar-Biro et conquête du Foûta-Djalon par la France. (Cf. « Pôrédâka », infra).
Notes 1. Cette chronologie a été rédigée à partir des notes de Gilbert Vieillard et d'après l'histoire du Foûta-Djalon et des almâmis par P. Guébhard, cf. Renseignements Coloniaux et Bull. du Com. de l'Afrique Franç,. 1909.
[voir aussi Tauxier. Histoire des Peuls du Fouta-Djalon] 2. Cela advint le lundi 30 juin 1064 H (1653) selon la chronique que nous avons publiée dans « la Femme, la Vache, la Foi », Julliard 1966, pp. 210-221. 3. On voudra bien consulter en annexe la « Formation du Conseil des Anciens ». 4. Comparer avec la version du crime et l'adresse de Alfâ Sâlihou recueillies par Saint-Père, dans « Formation du Royaume du Foûta-Djalon » in Bull. du Comité d'Études Hist. et Scient. de l'A.O.F., 2e semestre de 1929, pp. 484-555, cf. notamment p. 549-550. 5. On vendra bien se reporter à « Comment les Houbbous se manifestèrent au Foûta-Djalon » dans notre ouvrage La Femme, la Vache, la Foi, Paris, Julliard 1966, pp. 222-229. 6. Dans le texte « l'almâmi Bôkar-Birô et l'alfâ-Mammadou Pâté » infra, il est également question d'une bataille à Pitahoy-Tabalde.