Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
Les vrais éleveurs, ceux qui consacraient toute leur existence
à l'élevage d'immenses troupeaux de bovins qui, aux yeux d'un
profane, ne leur servaient à rien, appartenaient à une ethnie
différente de la plupart des ethnies de l'Ouest africain. On les
a désignés sous plusieurs noms (peul, poel, ful,
fula, fellata, fulakunda, fulaani, fulga,
fulle ...) mais eux-mêmes se disaient pullo (plur. fulɓe)
1. Population à
vocation essentiellement pastorale, les Peuls ont suscité un intérêt
certain dans le milieu savant au cours de ces cents dernières années,
surtout depuis que l'intérieur de l'Afrique est connu.
Leur origine demeure encore énigmatique et leurs migrations incertaines.
Qui étaient-ils ? D'où venaient-ils ? Maints anthropologues,
géographes, ethnologues, historiens et explorateurs, ont tenté
de donner une réponse à ces questions. Ils ont ainsi donné
aux Peuls, toutes les origines imaginables. Pour certains d'entre eux, ils
seraient descendants d'Arabes de de Berbères ; pour d'autres des
Juifs de la fuite d'Egypte: les Hyksos ou des Judéo-Syriens, des
Yéménites ; pour d'autres enfin, les Peuls ne seraient rien
d'autre que des Malayo-polynésiens, des Pelasges, des Tziganes, des
Gaulois, des Bretons, des Basques ou des descendants d'une légion
romaine perdue dans le désert 2.
De toutes ces hypothèses, les plus sérieuses, les plus cohérentes
semblent être celles qui font venir les Peuls de la vallée
du Nil. D'après elles, ils seraient des descendants d'anciens Egyptiens,
Nubiens, Kouchites (du royaume de Kouch-Meroe) et de certaines tribus ou
nations éthiopiennes, c'est-à-dire, issus des populations
de l'ancienne Abyssinie. C'est sans doute dans cette direction qu'il convient
d'orienter les recherches sur l'origine des Peuls nomades dispersés
dans tout l'Ouest africain, de la vallée du Sénégal
au bord du lac Tchad, présentant partout les mêmes traits,
les mêmes caractères et le même genre de vie 3.
Quant à leurs migrations 4, elles ont dû
se produire à des époques différentes On pourrait les
diviser en deux phases :
C'est au cours de leurs pérégrinations "historiques", véritable odyssée, que les Peuls seraient arrivés dans le massif montagneux habité par les Jalonke. Peut-être que les premiers d'entre eux seraient venus en même temps que les Jalonke et constitueraient ainsi la plus ancienne vague de pénétration peul ? En tous cas les Jalonke ne semblent pas s'être trompés en les appelant pulli (ou puuli) 7.
Notes
1 . Cf. ci-dessus: les traits humains, note no. 2, p. 26, sur les différents noms donnés aux Peuls. Dans cette étude le mot Wolof (poel) francisé en peul a été utilisé de préférence à tous les autres avec même l'accord
en nombre (peuls) et en genre (peule) parfois.
2. L.Tauxier dans
"Moeurs et Histoires des Peuls",
Paris 1937, a donné un bon résumé de toutes ces hypothèses
avec la liste des principaux auteurs qui les ont formulées (p. 13
à 30). Cf. aussi Fonds Vieillard, docum. hist. cahiers nos. 3, 4,
5, 6, 9, 20, 35.
3. Bayol (J.), Voyage
en Sénégambie. Paris 1888, p. 79 et suiv. et surtout Tauxier 1932, p. 13 et suiv. et aussi notre Mémoire
de D.E.S. (Mémoire principal) sur l'Origine et la dispersion du
peuple peul avant le XIXè siècle. Paris, Sorbonne (dactylographié
p. 14 à 59).
4. Carte no. 2.
5. Lhote (H.), Les Peuls.
Encyclopédie coloniale et maritime, Paris 1951, mars p. 66-69 et
L'aventure extraordinaire des Peuls Présence africaine, Paris
1959, oct.-nov. no. 22, p. 48 à 57.
6. Cf. Tauxier, 1937, p. 13 à 30 et notre Mémoire
de D.E.S. 1964, p. 60 à 92.
7. puuli (puuliijo,
pl. puuliiɓe) en peul signifie : albinos. Le mot jalonke
pulli serait une deformation du mot pulli ? ou bien du mot
pullo (par lequel les peuls se désignent) à la suite
d'un simple changement de voyelle de (O) à (I) d'une langue à
l'autre ?