Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
Aux XIVè et XVIè siècles, ce fut la grande période de l'invasion peule correspondant à la deuxième vague (la première, qui eut lieu vers le IXè ou XIè, n'avait consisté qu'en une simple infiltration peu étendue, semble-t-il). Alors que pour cette fois, il y avait même un conquérant, conducteur de tribus : arɗo : le célèbre Tenhelaa (ou Tenheela) venu de Tishit (Tichit) par le Kaarta. Il aurait pénétré dans le Jalonkodugu par les vallées des fleuves, se serait dirigé vers le sud-ouest et aurait installé l'une de ses capitales à Geme Sangan dans le Telimele 1.
Partant de là, le fils de Tenheela, Koli qui portait aussi le titre mandeng de Saatigi (ou Silatigi, Saltigi, équivalent de celui de Arɗo chez les Peuls) se dirigea vers le nord, en longeant les vallées de la Falémé, du Bafing (Sénégal) et peut-être de la nimma (Gambie). Il fonda l'Empire ou le royaume de Deniyankooɓe au Fuuta Tooro avec une de ses capitales à Tambakunda. Son territoire était très vaste puisqu'il recouvrait tout le nord-ouest du massif du Fuuta Dyalon et une bonne partie du Fuuta Tooro. Cet empire trop vaste s'effrita très vite en petites principautés, et si son histoire au Jalonkadugu est peu connue, il laissa, en revanche, une grande innuence et surtout un grand nombre de peuls vachers ou pasteurs. Ceux-ci voyant là, de la verdure et de l'eau en abondance, hésitèrent à suivre leur Chef ou guide (arɗo) dans sa randonnée vers le nord. Sans doute se souvenaient-ils de la sécheresse sahélo-soudanienne qui régnait dans le Tishit, le Hodh et le Tagant ?
Ces Peuls de Koli demeurés dans le massif montagneux se répandirent un peu partout et vécurent en bonne intelligence, semble-t-il, avec les Jalonke qui les appelaient (Pulli). Les heurts étaient assez rares puisque les Peuls se cantonnaient sur les hauteurs latéritiques (boowe) qui n'intéressaient pas les cultures des Jalonke. Les peuls vivaient essentiellement de leur élevage de bovins sur les montagnes et sur les plateaux, et les Jalonke de leur agriculture dans les vallées et sur les pentes des coteaux. Les premiers étaient des pasteurs nomades et les seconds des paysans sédentaires. Entre eux, il n'y avait pas concurrence, mais complémentarité. Ils devaient échanger produits laitiers et viandes contre grains, et l'autorisation de faire paître le troupeau dans les vallées après les récoltes était obtenue sans difficulté puisque le bétail y laissait sa fumure, véritable engrais.
Leurs rapports étaient encore facilités par la simplicité
de leur commune croyance : un animisme idolâtrique symbolisé
par les arbres, les bois, les bosquets, les pierres et la terre (pour les Jalonke)
et par la vache, le feu, le soleil et les astres (pour les peuls-Pulli). Pour les
uns, un culte chthonien ou agraire et pour les autres un culte ouranien (uranien)
céleste ou sidéral : c'était peut-être les mêmes
cultes dont les pratiques seules étaient différentes mais non diergentes.
Cet animisme vulgairernent appelé "fétichisme",
était en réalité très peu connu 2.
Jalonke et Pulli avaient encore ceci de commun: leur amour effréné
de la musique (gimi), de la danse (gami) et de l'alcool (sangara :
vin de palme). Mais déja à cette époque, commençait
à apparaître une autre catégorie de Peuls qui n'acceptaient
pas de prendre part à leurs orgies dionysiaques.
Notes
1. Djibril
Tamsir Niane. Fouilles archéologiques à Guemé Sangan, Recherches
africaines, Conakry, n° 3 et 4, 1960.
2. G.
Vieillard. Les Peuls dans notre Afrique Le monde colonial illustré,
no. 174 de 1937, Paris, p. 288-289.