Conakry : Société africaine d'édition et de communication. 1999. 182 p. : ill.
Préface et notes de Djibril Tamsir Niane
Après l'adoption de la constitution, la société foula fut hiérarchisée.
A l'intérieur des quatre grandes familles : Bah, Diallo, Sow et Barry, dont chacune formait un Gorol. Des fractions furent établies. Le Suudu (case) comprend les individus ayant eu le même ancêtre depuis deux ou trois siècles. Le Dambugal (porte) est formé des descendants d'un même ancêtre depuis une génération seulement.
Les groupes sociaux furent les suivants :
La classe des Rimɓe se fractionne comme suit :
En ce qui concerne les Haaɓe (esclaves), il y a les Ndimâɓe (esclaves de case), très anciens dans la famille du maître. Ceux-ci ne sont jamais vendus. Le maître et ses enfants ont la faculté de contracter mariage avec eux. Les Sôdâɓe sont ceux dont l'existence n'est pas stable et qui sont bons pour la vente ou pour toutes les corvées du maître. Leurs habitations (runde) sont toujours à part.
Dès l'occupation française, la question de l'esclavage se posa avec acuité. Sa suppression ayant été décidée dès les premières années, un malaise général plana sur le Fouta-Djallon. La vie économique fut fortement perturbée. Des familles entières, de Foula, de Toucouleurs, de Diakankés, de Sarakolés furent réduites à la misère. Les libérés eux-mêmes, malgré leur joie d'être indépendants, se sentirent abandonnés. Ne pouvant rejoindre leur ancienne patrie qu'ils ne reconnaissaient plus, ils restèrent dans l'embarras, car livrés à eux-mêmes, ils ne savaient où aller. Devant cette situation, maîtres et anciens esclaves s'arrangèrent, d'un commun accord, pour trouver une solution équitable dans le métayage. Le maître restant propriétaire du sol, le libéré occupe une parcelle de terrain de cette propriété moyennant un certain nombre de jours de travail pour le maître dans son champ. Cette solution, très pratique, fut appliquée correctement dans plusieurs régions. Dans des cas très rares, les libérés préfèrent l'indépendance sans conditions, quittèrent le village du maître et s'installèrent dans des villages de « Liberté » offerts par les Français.
Il fallut reconnaître bien vite que dans les deux cas, les affranchis éprouvaient d'énormes ennuis car l'indépendance octroyée n'était que fictive. Illettrés et non islamisés, leur situation sociale ne changea pas pour autant. Au contraire, des charges nouvelles qu'ils ignoraient jusque-là, instituées par le libérateur, leur incombèrent. L'impôt de capitation, le travail forcé dans les chantiers administratifs, les fournitures de toutes sortes, le transport des hamacs des blancs en voyage, etc., furent leurs parts dans la répartition des charges imposées par le colonisateur. Bientôt aussi le recrutement de l'armée, les visa spécialement car étant bien bâtis et forts, ils furent le bon choix des militaires. En un mot, ils restèrent aptes à tout et, comme par un ressentiment, l'ancien maître fut toujours prêt à les présenter les premiers. Le changement ne fut donc pas très heureux pour ces affranchis. Les Français avaient brutalement agi contre les Foula, notamment contre les familles régnantes, mais le résulta ne tarda pas à se faire sentir au détriment du libéré.
La bonne politique eut été la libération par étape, avec aide matérielle en
faveur des bénéficiaires de cette libération. Ce procédé ayant été sciemment négligé, le résultat immédiat fut négatif et ne put que disqualifier le libérateur.
La Femme.
Elle fut condamnée à subir une discrimination spectaculaire. Son rôle dans la société fut celui de mère et gardienne de foyer.
Basée sur la loi coranique, la constitution obligea la femme à se cloîtrer dans sa case, ne pouvant voir le dehors qu'à l'occasion des rares cérémonies familiales ou des fêtes ou pour aller au marigot pour le puisage de l'eau du ménage et le lavage du linge de la maison. Le verset du Coran qui prescrit le voile lui est appliqué strictement. Même à l'occasion des fêtes et des cérémonies familiales, elle n'a pas le droit de s'exhiber ou d'exhiber ses parures aux hommes. Les conditions de vie de la femme foula furent telles que celleci est restée tout le temps ignorante des beautés ou des joies de ce monde.
Les Jeunes.
Ils étaient libres. Les parents avaient, bien sûr, la charge de leur éducation. A partir de sept ans, l'enfant est envoye a un marabout qui lui apprend à lire et à écrire le Coran. Dès sept ans, les premiers rudiments de la prière lui sont inculqués pour qu'à dix ans il prie régulièrement. A cet âge, une contrainte stricte pèse sur lui.
Après la classe du maître, l'enfant se distrait par la pratique des jeux et du sport individuels ou collectifs.
Les diverses catégories de jeu et de sport autorisés à cette époque étaient :
Les Jeux
La jeunesse était organisée en groupes d'âge. Ces groupes avaient le droit d'organiser des rencontres sportives entre villages voisins ou même entre régions voisines. Pour éviter des disputes, des aînés assistaient comme arbitres en cas de besoin ; l'invitation était faite sur autorisation du chef du territoire sur lequel la rencontre a lieu.
Des groupements de jeunes des deux sexes (yirde) pouvaient également organiser des réunions et des soirées. Ces rencontres donnaient souvent lieu à des festivités, notamment à l'occasion des fêtes musulmanes. Les parents avaient la faculté et même, parfois, le devoir de soutenir leurs enfants en leur fournissant les denrées nécessaires.
Des bals pouvaient être organisés en plein air, le soir au clair de lune où garçons et filles rivalisent à la danse (sula).
Les soirées de hirde avec les chants au son du kérôna (guitare) étaient également organisées à des moments espacés par des Nyamakala (chansonniers). Mais ces soirées, prohibées par la loi coranique, se passaient loin des notables qui les condamnaient 3.
Notes
1. Nyenyuɓe = les gens habiles = les artisans
2. Se considérant comme un peuple blanc, les Foula rangent les étrangers, les non-Peuls dans la catégorie des Noirs (Ɓaleeɓe).
3. Note de l'éditeur. Il est reconnu que la jeunesse peule a un goût prononcé pour les festivités ; peut être à cause du « puritanisme » excessif des Anciens.