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Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


C. Les résidence de l'Almaami

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Un almaami qui ne régnait pas devait quitter Timbo, la capitale, afin de s'effacer complètement de la vie publique active. Il se retirait dans ses hameaux spéciaux (marga ou fulaso) appartenant à sa famille. Chaque branche de la famille régnante avait ses hameaux 1.

Si dans leur retraite, les Almaami devaient, en principe, rester « en sommeil » en fait, ils ne dormaient pas. L'Almaami en résidence suivait de près la politique de son rival régnant à Timbo. Officiellement, il devait s'abstenir de toutes manifestations politiques de quelque nature que ce soit. Il « sommeillait ». Mettant à profit ses années de répit, il cultivait ses champs, augmentait son troupeau, et au besoin, menait une campagne de guerre sainte (avec l'autorisation de l'Almaami régnant) loin du Fuuta, dans l'espoir de se couvrir de gloire et de butin. L'un et l'autre étant des facteurs appréciables pour faciliter son retour au pouvoir, surtout en cas de résistance de son rival.

C'était au cours de leur « sommeil » que les Almaami préparaient politiquement et économiquement leur règne. Ils connaissaient les difficultés inhérentes à l'exercice de leur pouvoir: éviter de se laisser affamé par le jeu des intrigues de l'adversaire qui utilisait tous les moyens pour augmenter le nombre de ses partisans. Pour cela, il leur fallait «tenir table ouverte » à tout venant 2. Le plus sûr moyen de s'attacher le maximum de gens pour en faire des alliés ne consistait-il pas à les nourrir, en ce temps où l'économie de subsistance suffisait à peine au besoin de chacun ? Voilà pourquoi les Almaami s'efforçaient d'amasser des denrées alimentaires en grande quantité afin de préparer leur retour triomphal au pouvoir. Leurs hameaux résidentiels apparaissaient comme de véritables greniers. Chaque fois que l'un d'eux quittait sa retraite, il devait aller reprendre le pouvoir à Timbo pour une période égale à celle qu'il venait de passer dans ses hameaux.

Mais parler de « résidence de sommeil » n'est-ce pas poser le problème de l'alternance au pouvoir des deux Almaami ? En effet ces « résidences » n'ont eu cette importance que le jour où s'est établi le système des deux souverains régnant tour à tour. Auparavant elles n'étaient sans doute, que de calmes et paisibles hameaux où les Almaami pouvaient se retirer pour méditer ou pour finir leurs derniers jours.

Notes
1. Vieillard a appelé ces hameaux des « résidences des almaami en sommeil », expression que nous avons modifiée en « résidences de sommeil des Almaami ». Il y avait pour le parti alfaya :

Pour le parti soriya :

2. Selon l'expression de Paul Guébhard, 1910, p.85.