Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
En marge de cette hiérarchie sociale, il convient de placer les gens de
métiers: ñeeño, forgerons, bijoutiers, potiers, tisserands,
sculpteurs sur bois, teinturiers et griots; ... tous ceux qu'on désignait
par le terme impropre de gens castés, car en fait il ne s'agissait pas de
castes véritables, mais seulement d'une division du travail. Pratiquant un
métier qui exige une certaine technicité, les gens de castes étaient
craints et méprisés
à la fois. Il fallait être initié pour exercer un métier,
or toute initiation impliquait communication d'un secret et communion, sans doute,
avec des puissances surnaturelles. Voilà tout le mystère qui rendait
les gens de castes différents des autres. Pour toutes ces raisons, les Peuls
ne les intégraient même pas dans leur hiérarchie sociale ils
vivaient en marge de la société, malgré tous les services qu'ils étaient
susceptibles de leur rendre. Une telle attitude s'expliquerait-elle par le fait
que les esclaves des Peuls étaient à même de remplir toutes
les fonctions des gens de castes et qu'ils pouvaient donc se passer de leurs services
? La plupart d'entre eux n'étaient-ils pas d'origine servile ? En tout cas,
ils appartenaient à des ethnies différentes de celle des Peuls. Ceux-ci
s'interdisaient d'avoir des liens matrimoniaux avec les femmes castées, alors
que ces liens avec des femmes esclaves étaient fréquents voire recherchés
; ceci ne suffirait-il pas à
illustrer tout le mépris dont étaient victimes les gens de castes
?
Ils étaient à tel point mis à l'index que toute hièrarchisation
entre leurs différentes professions, s'avère impossible.
De l'extérieur, il n'y avait que mépris ou crainte et de l'intérieur,
mutisme ou refus, refus de se livrer ou de se considérer comme inférieur
à l'autre 1.
Qu'ils fussent d'origine libre ou servile, les gens de castes étaient plus
près des esclaves que des hommes libres. Certains plus tolérés
que d'autres, pouvaient élire domicile en bordure des villages peuls, mais
la plupart d'entre eux partageaient avec les esclaves, les habitations de culture
réservées à ces derniers.
Telles étaient les principales couches sociales dans l'ancien Fuuta, couches
sociales fondées sur la division du travail.
Notes
1. De nos jours encore,
le même mutisme persiste, malgré la désagrégation du système
de castes. Si le système est mort ou condamné par l'évolution
moderne, les préjugés sont encore vivants de part et d'autre.