webFuuta
Bibliothèque


Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


0 0

3. Les gens de métier ou hommes de "castes".

En marge de cette hiérarchie sociale, il convient de placer les gens de métiers: ñeeño, forgerons, bijoutiers, potiers, tisserands, sculpteurs sur bois, teinturiers et griots; ... tous ceux qu'on désignait par le terme impropre de gens castés, car en fait il ne s'agissait pas de castes véritables, mais seulement d'une division du travail. Pratiquant un métier qui exige une certaine technicité, les gens de castes étaient craints et méprisés à la fois. Il fallait être initié pour exercer un métier, or toute initiation impliquait communication d'un secret et communion, sans doute, avec des puissances surnaturelles. Voilà tout le mystère qui rendait les gens de castes différents des autres. Pour toutes ces raisons, les Peuls ne les intégraient même pas dans leur hiérarchie sociale ils vivaient en marge de la société, malgré tous les services qu'ils étaient susceptibles de leur rendre. Une telle attitude s'expliquerait-elle par le fait que les esclaves des Peuls étaient à même de remplir toutes les fonctions des gens de castes et qu'ils pouvaient donc se passer de leurs services ? La plupart d'entre eux n'étaient-ils pas d'origine servile ? En tout cas, ils appartenaient à des ethnies différentes de celle des Peuls. Ceux-ci s'interdisaient d'avoir des liens matrimoniaux avec les femmes castées, alors que ces liens avec des femmes esclaves étaient fréquents voire recherchés ; ceci ne suffirait-il pas à illustrer tout le mépris dont étaient victimes les gens de castes ?
Ils étaient à tel point mis à l'index que toute hièrarchisation entre leurs différentes professions, s'avère impossible.
De l'extérieur, il n'y avait que mépris ou crainte et de l'intérieur, mutisme ou refus, refus de se livrer ou de se considérer comme inférieur à l'autre 1.
Qu'ils fussent d'origine libre ou servile, les gens de castes étaient plus près des esclaves que des hommes libres. Certains plus tolérés que d'autres, pouvaient élire domicile en bordure des villages peuls, mais la plupart d'entre eux partageaient avec les esclaves, les habitations de culture réservées à ces derniers.
Telles étaient les principales couches sociales dans l'ancien Fuuta, couches sociales fondées sur la division du travail.


Notes
1. De nos jours encore, le même mutisme persiste, malgré la désagrégation du système de castes. Si le système est mort ou condamné par l'évolution moderne, les préjugés sont encore vivants de part et d'autre.

0 0