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Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


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4. Les associations par classe d'âge.

A la répartition des couches sociales d'après la fonction, il y a lieu d'ajouter celle d'aprés la génération les groupes d'âge ou classes d'âge. Les groupes d'âge ou mieux les associations d'âge n'étaient pas propres aux sociétés peules, mais communes à toute l'Afrique noire. Tous les hommes entre sept et soixante-dix ans, faisaient partie d'une association d'âge. Etaient considérés comme formant le même groupe, la même association, les hommes dont l'âge variait entre deux et trois ans, voire quatre ans. Chaque association devait du respect à l'association immédiatement au-dessus d'elle, autrement dit, entre les cadets et les aînés, il existait un certain respect et une certaine hiérarchie. Plus la différence d'âge était grande, plus grand devait être le respect qui est fonction de l'âge ; ce qui explique la vénération des vieillards dans ce type de société. Une association d'âge était avant tout un groupement d'enfants sensiblement de méme âge, organisé à l'image de la société civile de grandes personnes. C'était là que les enfants apprenaient la vie en société et le rôle politique, économique et socia1 qu'ils devaient jouer plus tard.

a. Organisation politique

Au Fuuta, chaque génération connaissait quatre associations (gire, plur. de yirde) deux chez les Peuls (Fulɓe) et deux chez les serviteurs (jiyaaɓe) dont une pour les garçons et une pour les filles. Chaque association avait ses statuts et son règlement intérieur Elle élisait son organisme dirigeant composé comme suit :

Telle était l'équipe dirigeante qui avait la charge de défendre les intéréts de l'association devant les aînés, les cadets, les parents et le village tout entier. Des réunions fréquentes rythmaient la vie politique de l'association. Ses membres se rassemblaient dans une maison appelée waaleeru, sorte de siège social ou permanence.

b. Rôle économique et social

Ces associations qui groupaient en général, les éléments les plus jeunes, donc les plus actifs de la société, constituaient une main-d'oeuvre, sinon de qualité, du moins de quantité. Les autres groupes de toutes les générations formaient des équipes de travail: culture, chasse ou recherche du bétail égaré. Elles réparaient les clôtures de chaque carré familial et construisaient ou reconstruisaient les maisons d'habitation. Au début de chaque saison pluvieuse, ces équipes recensaient toutes les vieilles personnes sans enfants ou sans secours, pour cultiver leurs champs et chercher du bois mort pour leur cuisine, pendant que les équipes féminines leur pilaient les grains et parfois même se chargeaient de leur préparer les repas quotidiens.
De plus, tout membre d'une association avait droit au travail collectif, à la seule condition que l'intéressé ait participé réqulièrement aux travaux organisés chez les autres membres.
Ainsi ces associations d'âge, constituaient de véritables organismes d'entraide, une sorte d'assistance sociale destinée aux vieillards et à toutes les personnes qui en avaient besoin.
Mais elles ne duraient pas longtemps. Si, en principe, elles s'échelonnaient de sept à soixante-dix ans, en fait, au Fuuta, elles tombaient en veilleuse très tôt : à vingt-cinq ans chez les femmes (après le mariage de tout le groupe et la naissance de leur premier enfant) et à trente-cinq ans ou quarante ans chez les hommes (à l'âge mûr: mokobaaku, moment où on commence la retraite religieuse). Cependant une fiction était maintenue et une certaine solidarité continuait à exister entre les différents membres d'une association pendant toute leur vie. C'est qu'au départ, ces associations n'étaient que récréatives et ludiques. Par la suite seulement, à un âge plus avancé, elles se transformaient en écoles du courage et de formation civique L'enfant y apprenait à devenir un homme trempé, pratiquant la chasse, la nage, la course, il s'entraînait à manier les armes et à braver la peur. L'abstinence, la sobriété et la modestie étaient cultivées à tel point chez l'enfant Peul qu'elles devinrent un des traits marquants de son caractère.
Parallèlement à ce stage de la vie, le jeune enfant s'initiait à sa formation intellectuelle grâce aux écoles coraniques répandues dans tout le pays et ouvertes à toutes les catégories sociales sans distinction d'âge, de sexe ou de condition 2.


Notes
1. Mot à mot : pilier du roi, du chef.
2. Chaikhou Balde, Les associations d'Age chez les Foulbé du Fouta Djalon, Bull. de l'IFAN, tome 1, no 1, janvier 1939, p. 89 à 109. Cf. aussi Fonds Vieillard, docum. ethno-sociologique, Cahier no 89, et documents divers, Cahier n° 109.