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Bibliothèque
Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle
Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
c. Les voies de communication.
Le commerce organisé par des jula professionnels ou des Peuls
amateurs exigeait une certaine infrastructure pour faciliter les liaisons.
Qui dit commerce, dit routes, or, au Fuuta il n'y avait pas de routes "commerciales"
proprement dites 1. C'est que le rôle
du commerce était si maigre qu'il serait plus juste de parler de
"routes administratives ou de conquêtes" servant de liaisons
interprovinciales. Mais comme les routes qui sillonnaient le Fuuta dans
tous les sens ne s'arrêtaient pas à l'intérieur du pays,
mais se prolongeaient bien loin au-delà des frontières soit
vers la côte atlantique soit vers la savane sénégalo-soudanienne,
elles ont pu servir au développement du commerce. Elles menaient
dans toutes les directions.
- Au Nord, une route (banlaŋal) reliait la Sénégambie
au Fuuta. A partir de Médine, elle traversait le Bambuk par Satadugu,
entrait dans le pays par le Koyin, le Kolen, et arrivait à Timbo
et se prolongeait vers la Sierra Leone ou "Guinée anglaise"
comme on disait alors. Cette route avait servi aux pasteurs et aux conquérants
peuls 2.
- Au nord-est, une autre venait des métropoles mandeng de l'ancien
Ghana, de Tombuctu, de Jenne (Djenné) passait par la vallée
du Tinkiso, affluent du Niger, le long de la Buku (Bouku), arrivait dans
le Kolen, passait près de Sokotoro (résidence des Soriya,
non loin de Timbo) (photo 5, planche II) et continuait près de la
source du Maayo Balewo (Bafing) ou Sénégal vers la Sierra
Leone. Ce fut l'une des plus fréquentées, et par elle arriva
la plus grande masse des Peuls conquérants, ainsi que les commerçants
mandeng installés au Fuula. Ces derniers y fondèrent de véritables
villages commerçants (juladugu) adossés aux cités
pastorales et religieuses des Peuls.
- Plus au sud, une autre route presque parallèle à la précédente
longeait les vallées du Niger et de son affluent le Milo, et se
dirigeait vers la Sierre Leone, avec un embranchement vers le Fuuta par
la vallée du Tinkiso.
- Du sud vers le nord, une route partait de la capitale du Fuuta, en
longeant la vallée du Sénégal (Balewo ou Bafing) ou
celle de son affluent la Falemé (Teene) et aboutissait à
l'Etat musulman du Bundu (Boundou).
- Un embranchement de cette route longeait la vallée de la Dimma
(le fleuve Gambie). Ce fut la route de la guerre sainte contre les Tanda,
les Konaaji, les Capi (Tyaaapi), les Balante et autres populations païennes.
Les Peuls se faisaient un droit de les combattre au nom de la religion
avec ou sans l'aide des Almaami du Buundu.
- A l'Ouest, une route partant de Timbo, passant par Fugumba, puis vers
le Timbi par Kusi, Hoore-Weendu, Bambaya arrivait à Kankandi (Boké)
3.
- Plus au sud, de Kusi, par Saaresene en suivant la vallée du
Badi et en contournant le petit massif du Labaya, une route aboutissait
à Dubréka (en peul Dobrika).
- De Kusi également une route traversait le Konkure à Kondaya,
se dirigeait vers la vallée de la Kolente, puis celle de la Melakore
(ou Melikaré) et vers la Sierra Leone. Les habitants de la province
de Labé l'utilisaient pour vendre les produits de leurs bestiaux
(peaux surtout).
Il existait bien d'autres routes dont la description est si vague qu'il
est difficile de repérer les points par lesquelles elles passaient
et souvent leur rôle était plutôt stratégique
que commercial 4.
Notes
1. Les routes dans le sens général
du terme n'existaient pas, il s'agissait plutôt de pistes et c'est
dans ce sens que ce terme est utilisé ici. Les "routes"
étaient aménagées pour le passage des hommes et des
animaux surtout de monture (chevaux), car il semble qu'il n'y ait eu ni
chars, ni charriots dans l'ancien Fuuta. Trois sortes de ponts étaient
construites sur les rivières selon leur importance :
- kolewal : un tronc d'arbre raboté
- yhangal : deux planches accolées
- ñenketen : des lianes tressées
2. C'est
elle que suivirent les deux explorateurs Bayol et Noirot pour aller de Timbo
à Médine après leur mission auprès des Souverains
du Fuuta, ils venaient de signer le premier traité de protectorat
de la France sur le Fuuta.
3. Ce fut par cette route
que Bayol et Noirot se rendirent à Timbo pour signer leur traité
avec les Almaami. Cf. note précédente.
4. Cf., P. Guébhard,
Au Fuuta Dialon. Paris, 1910, p. 78 et suivantes.