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Bibliothèque
Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle
Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
b. Les pâturages.
Il existe deux sortes de pâturages au Fuuta :
- les pâturages naturels et
- les pâturages artificiels
1. Les pâturages naturels
Les pâturages naturels, de loin les plus importants et les plus nombreux sont
constitués par un ensemble de terrains d'inégale valeur et qui portent
dans la langue du pays des noms différents liés
à la nature du relief :
- Le parawol (plur. paraaji)
est un terrain marécageux et épais. Il conserve la fraîcheur
de l'eau jusqu'en pleine saison sèche. En raison de l'abondance des pluies,
le marécage s'amollit et le séjour du bétail devient impossible.
Mais quand tout est desséché aux alentours, ce terrain abrite une
certaine végétation qui permet aux animaux de passer la "soudure" en
attendant le retour de la saison pluvieuse.
- Le boowal (plur. boowe) est un plateau de roche ferrugineuse appelée
latérite que recouvre une mince couche de terre. Désolé et
aride, en saison sèche, ce plateau se recouvre dès les premières
pluies (hoore setto) d'une herbe fine fort apprécice des animaux.
Lorsque cette herbe devient trop dure et se dessèche, les pasteurs la brûlent
(les premiers feux de brousse de l'hivernage), après avoir conduit les animaux
sur un autre terrain appelé donhol. La rosée nocturne mêlée à la
potasse fournie par la combustion, permet
à une nouvelle herbe de repousser et le troupeau peut de nouveau revenir
sur les boowe.
Certains de ces plateaux (boowe) se transforment en véritables lacs
durant la saison pluvieuse, mais après les feux de brousse, l'emplacement
de ces lacs devient vert et donne un excellent pâturage.
- Le Hollaande (plur. Kollaaɗe) ressemble au boowal mais
le sol est argileux et sablonneux. Il se dessèche plus rapidement que le boowal dont
la roche ferrugineuse conserve davantage la fraîcheur. Le hollaande est
cultivable. L'élevage s'y pratique en fait au détriment de l'agriculture.
Ainsi boowal et hollaande jouent le même rôle avec cette
différence que le premier n'est utilisé que pour l'élevage
tandis que le second sert pour les deux.
- Le Donhol (plur. doŋe) a la forme d'une petite montagne arrondie,
d'origine granitique - avec des roches latéritiques au sommet. Il y pousse
toutes sortes d'herbes qui nourrissent le bétail 1.
L'agriculture est possible avec des rendements substantiels. Ici encore l'élevage
est concurrencé par l'agriculture.
Ainsi l'importance de chacun de ces pâturages naturels varie en fonction
de la saison considérée et de l'altitude d'une part et du voisinage
ou non de l'agriculture d 'autre part.
2. Les pâturages artificiels
Ils ne sont pas aussi développés que les pâturages précédents.
Le fourrage, loin d'être inconnu n'existe pas dans toutes les régions
d'élevage. Il se compose de paille de différentes cultures : riz,
fonio, mais, mil et des jachères. Cependant ces pâturages ont une grande
importance sur les plateaux où les cultures sont étendues et groupées
et où
les pâturages naturels deviennent rares, voire inexistants. Mais ces pâturages
doivent être liés aux différents déplacements dont celui
de la transhumance. A côté de celle-ci en rapport avee la dénivellation
du relief dans les diflérents pâturages, il existe trois sortes de
déplacements liés aux saisons :
- Le ruumirgo : c'est l'endroit choisi pour le bétail au début
de l'hivernage; il est souvent sec et n'a jamais reçu de culture ou du moins
depuis longtemps (terre en friche). Le troupeau est confiné là où il
y a l'abondance de pâturage, afin d'éviter l'approche des cultures
(source de conflits).
- Le dabbirgo : c'est là où le bêtail est mené après
l'hivernage (dabbunde: saison des récoltes), non loin des champs de culture
principalement des rizières à
cause de la fraÎcheur des terrains. Après la moisson, les animaux
y paissent, l'herbe et la paille de riz sont abondants. A la rentrée des
récoltes, les dernières limites à leur vagabondage tombent,
et ils deviennent partout les maîtres du terrain.
- Le settirgo : c'est le campement où les animaux sont conduits
lors de la grande sécheresse jusqu'au début des premières
pluies (hoore-fello : période des premières pluies). Le sol
s'endurcit de toutes parts, le lieu choisi est un terrain humide, près des paraaji (terrains
marécageux). Les animaux laissés en toute liberté peuvent
errer partout en quête de pâture. Le settirgo est le type même
de ces oscillations saisonnières.
En fait ces oscillations font partie des soins que les Peuls donnent
à leurs animaux, en dehors des fêtes pastorales (monnugol na'i ou tuppal)
afin de leur éviter un stationnement prolongé
sur le même terrain, nuisible à leur santé.
Notes
1. La
taille des arbres ou arbustes de la famille des légumineuses les rend accessible à
la dent du bétail ! Mais il est difficile d'affirmer sans démontrer
comme le font certains auteurs, tels Guébhard que "c'est le boeuf
qui a détruit la forêt tropicale qui couvrait autrefois le Fouta",
1910, p. 17
Si les animaux sont sans doute friands de jeunes pousses, l'incendie si fréquemment
allumé n'est pas le fait des seuls pasteurs à bovidés à la
recherche de nouveaux pâturages, mais aussi et surtout le fait des cultivateurs
sédentaires, véritables bourreaux de la forêt. Il est
à remarquer que les pasteurs peuls n'allument jamais de feu dans la forêt-même,
mais toujours sur les parties dénudées de tout bois (sur les boowe,
prononcer: bôwé). Ils recherchent l'herbe des plateaux, tandis
que les agriculteurs détruisent le bois qui les gène dans leur labour.