Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
L'élevage peul consiste essentiellement en bovins d'où
le surnom de l'homme à la vache ou "peul vacher" selon
l'expression de Gilbert Vieillard.
L'importance du troupeau bovin au Fuuta est très difficile à
apprécier dans le temps et dans l'espace.
Avant la conquête coloniale, les recensements étaient inexistants
sinon rares et l'impôt de caractère religieux ne portait pas
que sur les bêtes ; ainsi les propriétaires de bétail
ne se souciaient guère de connaître le nombre exact de leur
troupeau, du reste, assez disséminé à travers le pays,
pour éviter le vol ou le ravage des maladies.
Pendant la colonisation, le troupeau était souvent divisé
en petits groupes pour échapper aux agents du fisc. Jamais à
aucun moment de son histoire, le peul n'a autant utilisé toutes les
ressources de son intelligence, que durant cette période : ruse,
diplomatie, fuite d'un village à l'autre, d'un canton à l'autre
(division coloniale après 1896) et de cercle en cercle parfois jusqu'aux
frontières de la Sierra-Leone ou de la Guinée "Portugaise".
Et le mouvement de retour s'amorçait dès que le recensement
était achevé au Fuuta ou dés qu'il commençait
dans les pays de refuge.
Après l'époque coloniale, la situation demeura la même
que précédemment avec cette différence toutefois que
le peul commence à entrer dans le circuit commercial pour s'acquitter
de l'impôt en espèce institué lors de la colonisation.
Les recensements faits durant la période coloniale ne tenaient compte
que du Fuuta découpé après l'occupation. Pour ce Fuuta
recensé en Guinée l'estimation du troupeau a souvent été
liée à celle de la population1.
Or il se trouve que l'ancien Fuuta, celui d'avant la colonisation était
beaucoup plus vaste et plus peuplé que l'actuel. Etendu de la Casamance
à Kurusa (Saareya en Peul) et de Kaakandi (Boké) au Niokolo,
le Fuuta a été amputé de morceaux entiers de son territoire
national, du nord au sud et de l'est à l'ouest :
En effet si les morceaux retranchés ne comportaient qu'une faible
population peule, en revanche, ils contenaient les troupeaux les plus importants
2.
Les ovins et les caprins constituaient un élevage substantiel à
côté de celui des bovins. On estime que le petit bétail
représentait un peu plus de la moitié du gros bétail,
avec une légère supériorité numérique
des caprins sur les ovins. Il est facile de comprendre la raison, car la
chèvre a toujours été la vache du pauvre, comme dit
le proverbe, et faut-il rappeler qu'au Fuuta le lait de brebis n'est pas
consommé.
La volaille faisait et fait encore l'objet d'un élevage très
répandu, car c'est lui en réalité qui constituait le
seul élément carné complété par le petit
bétail (ovin surtout) à certaines occasions.
Quant à l'élevage des équidés (le cheval et
l'âne) il a de tout temps été très limité
: le premier (le cheval) n'était destiné qu'à la guerre
ou comme monture de parade, et le second (l'âne) sans être inconnu
n'était pas répandu pour des raisons sociales, sans doute
?
Comme dans la plupart des familles du Fuuta on ne trouvait souvent que deux
ou trois vaches, chaque village rassemblait tous les animaux de ses habitants
pour les confier à un ou deux gardiens choisis indifféremment
dans chaque famille à tour de rôle.
Seules les régions périphériques devaient mobiliser
beaucoup de jeunes gens pour le gardiennage. Là en effet, n'importe
quelle famille avait ou pouvait avoir un immense troupeau de plusieurs centaines
de têtes de bétail.
Partout ailleurs, le regroupement des bêtes s'imposait afin de libérer
le maximum de bras pour l'agriculture.
Notes
1. Paul Guébhard donne pour 771.352 hab., 365.000
têtes de bétail en 1904, 1910, p. 89. Gilbert Vieillard, 700.000
habitants, estime qu'il y a un boeuf pour deux habitants environ, 1939,
p. 89. J. Richard-Molard, 700.000 habitants donnent un bovin pour 2 habitants
dans le Mali et les régions montagneuses et un pour trois dans le
Labé, le Timbi et les régions de culture, 1958, p. 205.
2. Si dans le Fuuta "colonial" amputé de
toutes parts il n'y a qu'un boeuf pour 2 ou 3 habitants suivant les régions
(cf. note précédente il est facile de rencontrer des peuls qui
détiennent 200 à 300 voire 400 à 500 têtes de
bétail. Ici ceux qui en ont le moins possèdent entre 50 et
100 têtes surtout en Guinée Bissau et à Kabala (nord-ouest
de la Sierra Leone). Du reste, même en Guinée dans les sous-provinces
limitrophes du Timbi (à Boowe et à Keebu) et du Labé
(à Kinsi, à Kaade et à Daama), nombreux étaient
et sont encore les troupeaux de bovins qui atteignent 200 à 300 têtes.
Ainsi, il ne nous semble pas exagéré d'estimer à près
d'un million de têtes, le cheptel de l'ancien Fuuta. A titre de comparaison,
en 1962 on estime à :
Cf. A. Seck et A. Mondjannagni, Afrique occidentale, Collect. Magellan: La géographie et ses problèmes, Paris, P.U.F. 1967, aux pages 114 et suiv. (Guinée) 113 et suiv. (Sénégal) 121 (Gambie) et 131 (Guinée Bissau). Dans l'ensemble cet élevage malgré sa diversité n'occupait pas beaucoup de monde.