Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
La relation de l'orographie et de l'élevage, le relief de montagne dominant au Fuuta, joue sur les conditions d'élevage en même temps que le changement de climat. L'orographie se caractérise par l'aspect massif d'une bonne partie des rivières du sud en général et de la Guinée en particulier. Il existe au Fuata, trois zones bien définies :
C'est dans ces zones (des vallées et des montagnes surtout) que se pratiquent
les seuls déplacements qui pourraient se rapprocher de ce qu'on appelle la "transhumance".
Si l'on admet qu'elle n'est qu'un vestige, un reflet ou mieux une forme abâtardie
du nomadisme pastoral, il faut dire qu'elle se maintient surtout comme une nécessité
due aux conditions climatiques. Dans les pays tempérés, la transhumance
consiste à déplacer des bêtes des plaines desséchées
par la chaleur de l'été, vers les montagnes couvertes de neige. Dans
les pays tropicaux les conditions climatiques soumettant au même rythme pluviométrique,
montagnes, plateaux et vallées ne favorisent guére la transhumance 1. Cependant elle existe quoique limitée. Le déplacement
s'opère de haut en bas : c'est-à-dire de la montagne vers la vallée
(les plaines desséchées sont remplacées par les vallées
humides).
Dans les pays tempérés, l'habitat principal se trouve sur la plaine
et le chalet d'estivage en altitude, dans les pays tropicaux, l'habitat principal
et permanent se situe en hauteur sur la montagne et la "hutte pastorale" (togooru)
dans la vallée.
La zone des vallées : c'est une zone humide toute l'année, ce qui
devait en faire le meilleur pâturage. Seulement de tout temps, ces vallées
furent habitées par les Jalonke qui y cultivaient les parties non susceptibles
d'être submergées par les crues des fleuves en saison des pluies (ndungu).
De plus il règne dans ces vallées insalubres, une chaleur humide,
et les rayons du soleil réfractés par les falaises en font des fournaises
en saison sèche ceeɗu). Pour ces raisons le bétail descendu de
la montagne n'y séjourne que quelques mois. Dès le début des
premières pluies, il remonte à la seconde zone pour transiter seulernent.
La zone des plateaux : cette zone se présente sous l'aspect de vastes plaines
sans beaucoup de végétation. Elle est sans cailloux et peu propice à l'élevage
qui y est pourtant pratiqué
assez abondamment à côté d'une agriculture médiocre,
non rentable à cause de la nature du sol. Mais la densité
de la population est telle que cette agriculture s'avère une nécessité
vitale, ce qui élimine la pratique de la transhumance dans cette zone : le
troupeau fait un simple transit avant de se diriger vers les régions plus élevées
et moins peuplées.
La zone de montagne surplomblant des falaises impressionnantes, a un sol granitique
gréseux en plusieurs endroits. Elle se caractérise par la succession
fréquente de plateaux de latérite appelés boowal, sur lesquels
le bétail passe la période de l'humidité
de l'hivernage. Cette zone est arrosée par de si nombreux ruisseaux qu'elle
présente des pâturages suffisants même en saison sèche.
Si la transhumance se pratique de la montagne vers la vallée, elle ne s'impose
en fait que pour les très grands troupeaux, pour les autres, de simples déplacements à l'intérieur
de la zone montagneuse suffisent.
La transhumance n'est donc pas obligatoire pour tout le bétail. Cette zone
est la zone d'élevage par excellence, elle est également celle où l'agriculture
peut compter ses meilleurs rendements. La nécessaire collaboration entre
l'agriculture et l'élevage n'existe pas toujours parce que l'une et l'autre
sont pratiquées par des ethnies sinon différentes, du moins aux intérêts
divergents, ce qui rend leur antagonisme plus radical et plus aigu. Ainsi il apparaît
que le lien qui devrait exister entre l'agriculture et l'élevage pose le
problème des pâturages dans des zones différentes de celles
des cultures:
Note
1. Cf. P. Veyret, Géographie de l'élevage, Gallimard, 1951, p. 186 et
suiv.