Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
Cette période qui couvre cent douze années correspond au dernier
siècle de l'histoire de l'Etat du Fuuta Dyalon. Elle va de la mort du deuxième
souverain, Almaami Ibrahim Sori Mawɗo à
la bataille de Pooredeaka. L'Etat du Fuuta Dyalon constitué à
la fin du XVIIè siècle et au début du XVIIIè
siècle a déjà un passé long d'un siècle environ.
Ces deux siècles d'histoire du Fuuta nyalon peuvent être divisés
en deux parties presque égales : la première commence avec la couquête
et va jusqu'à la mort du deuxième souverain, la seconde de cette date
jusqu'à la perte de l'indépendance (1896) à Pooredaaka.
La première n'entre pas dans le cadre de cette étude 1.
Cependant, il convient de savoir que l'Etat peul dont il est question a vu le jour à la
suite d'une conquete précédée d'une longue période de
pénétration pacifique. La victoire sur les anciens occupants a été obtenue
grâce à
l'arrivée massive des Peuls is!amisés qui se sont mis en contact avec
leurs frères musulmans vivant au milieu d'une population animiste souvent
hostile, mais quelquefois tolérante malgré une certaine méfiance.
Cette population composée de plusieurs ethnies aux activités et aux
genres de vie différents, n'était, du reste, nullement homogène.
Après la conquête, une conversion systématique a été entreprise
et le pays a été doté
d'une nouvelle organisation politique, économique et sociale. Ce fut l'uvre
des deux premiers Almaami du Fuuta.
La seconde, qui commence à la mort de l'Almaami Sori Mawɗo, se caractérise
par un changement d'orientation de la guerre sainte et par une nouvelle conception
de l'organisation politique. La guerre sainte, de défensive qu'elle était à la
dernière décennie, devient offensive. Elle se fait, non plus à l'intérieur,
mais à
l'extérieur du massif montagneux du Fuula Dyalon. Vers 1776, après
la défaite du roi du Wasulu 2, Konde Burama et sa femme
Hawa, le Fuuta ne connaitra plus d'invasion jusqu'à la conquête coloniale 3.
A cette date, on estimait que les païens de l'intérieur ne constituaient
plus un danger. La guerre menée au nom de la religion ne pouvait pas s'arrêter
pour autant. Elle devait être poursuivie tant qu'il subsisterait au voisinage
du Fuuta "des ennemis de Dieu" 4. Ce qui signifie
que l'occupation du massif montagneux par les musulmans n'achève pas leur
mission. Bien au contraire, le Fuuta ne constituait qu'une base pour la conquête.
C'est en vue de mener à bien cette tâche qu'une réorganisation
institutionnelle s'est posée. Son application permet de diviser en trois
périodes inégales les cent douze années qui vont de 1784 (?) à 1896
:
Notes
1. Elle fera l'objet
d'une étude ultérieure.
2. Le Wasulu (ou
Wasoulou)
était un royaume mandeng, en fait peuple de métis malinke et peuls.
Il comprenait toute la région de Kankan, de Sigiri (Siguiri) et le sud-ouest
de Bamako. Il est situé à l'est du Fuuta Dyalon Le deuxième
Almaami avait envahi ce pays lors d'une de ses nombreuses expéditions militaires
contre les païens. Il avait réduit en esclevage les femmes et les enfants.
Le Wasulu pose un problème de recherche historique : ses souverains, Konde
(nom de famille mande) Burama : contraction mandeng de Ibrahima, alias Abrabam,
prénom musulman et Hawa (Eve), prénom de femme, également musulman.
Konde Burama est qualifée par toutes les sources de païen et d'ennemi
de Dieu. Faut-il croire que ce prince et son épouse amazone étaient
musulmans, mais que leur peuple ne l'était pas ou bien qu'eux-mêmes
de musulmans qu'ils furent, ils étaient redevenus païens ? Ce qui expliquerait
dans un cas comme dans l'autre, l'expédition de guerre sainte contre eux
par l'Almaami du Fuuta. Son comportement à
Timbo après la prise de la capitale (date ? voir Tauxier) laisserait incliner
pour la seconde hypothèse. En effet s'il était un prince musulman,
aurait-il brûlé une mosquée ? Aurait-il détruit des livres
saints et aurait-il enfin déterré
le cadavre de Karamoko Alfa considéré de son vivant comme un saint,
par simple esprit de vengeance ? Quoiqu il en soit, il est difficile de connaitre
d'une manière objective le personnage de Konde Burama et son rôle exact
au cours de son invasion. Toutes les sources actuellement disponibles sont d'origine
ou d'inspiration peule (Cf. Fonds Vieillard, docum. hist., Cahiers nos. 6,
7, 10, 13, 36 et 50).
3. Fonds Vieillard, docum.
hist., Cahier no. 10 : Les invasions de Bukari Tamba (dans le Koyin : la mosquée et la ville brûlées), de Kumba Sanga (à
Toolu dans le Labé), de Tuku Baayero (dans le Fugumba) et de Komboro (à Sannun
dans le Labé) n'eurent pas l'importance de l'invasion de Konde Burema.
4. Fonds Vieillard,
docum. hist., Cahiers nos. 1 et 10. C'est cette expression qui revient le
plus fréquemment dans les manuscrits pour désigner les "infidèles",
les "non-musulmans".