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Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


1. Les essais de la nouvelle structure politique : le bicéphalisme(1784-1837)

Que faut-il entendre par "bicéphalisme" ? Comment est né ce bicéphalisme ? Dans quel contexte politique ? Il s'agit du système politique qui consiste à élire deux souverains à la fois dont un seul règne 1, pendant ce temps l'autre s'efface, vit dans l'ombre 2 loin de la capitale.
Lorsque le premier souverain de Fuuta, Karamoko Alfa, fut écarté du pouvoir vers le milieu du siècle (vers 1751) pour raison de santé 3, il aurait dû être remplacé par son fils nommé Alfa Saalihu. Il n'en a rien été. L'Assemblée 4 fédérale (ou le Grand Conseil des Anciens) réunie à Fugumba estima qu'il était trop jeune pour régner et qu'il n'était pas en mesure de s'opposer efficacement à la menace constante des Jalonke (dyalonke) et des Pulli païens.
Ceux-ci continuaient à resister tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Fuuta. La guerre n'était pas finie malgré l'instauration du nouveau régime. C'est ainsi qu'un parent de Karamoko Alfa, nommé Ibrahima Sori Mawɗo 5 fut choisi pour sa bravoure militaire et pour sa popularité. Il s'était signalé dans de nombreuses batailles et jouait le rôle de chef suprême 6 des armées musulmanes. Cependant, il ne possédait pas toutes les qualités religieuses requises. Il était plus militaire que marabout (c'est-à-dire lettré). Le premier, il porta effectivement le titre de Almaami. A supposer qu'il fut attribué à Karamoko Alfa, et il le fut 7, celui-ci n'en fit jamais usage. Il se contenta de son titre de Alfa, soit par modestie, soit par calcul : il ne voulait être qu'un Alfa parmi ses pairs, les Alfa et Cerno des provinces (diiwe). Ibrâhima Sori qui n'était ni un fin lettré ni un savant théologien, comme Karamoko Alfa, avait d'autant plus besoin de ce titre que plus d'un de ses électeurs ne lui avait accordé son suffrage que contraint par les impératifs de la guerre menaçante.
Effectivement une fois le danger écarté, grâce aux victoires 8 du nouvel Almaami, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, les membres de l'Assemblée fédérale commencèrent à critiquer les méthodes brutales du souverain. lls mettaient en cause certaines de ses conquêtes et lui reprochaient ses initiatives personnelles. L'Almaami empiétait sur les prérogatives de l'Assemblée. Il fallait mettre fin à cette situation. Elle obligea l'Almaami devenu trop puissant à ses yeux, à céder le pouvoir à Alfa Saalihu, fils de Karamoko Alfa qui était l'héritier légitime.

Après une brève résistance, Almaami Ibrahima Sori, blessé dans son orgueil de soldat victorieux, ulcéré par les critiques dont il était l'objet, et conscient de la baisse de sa popularité, céda aux injonctions des Anciens 9. Et c'est alors que le fils de Karamoko Alfa devint Almaami (vers 1771-1775). Au moment où il allait commencer la cinquième année de son règne 10, une forte armée Wasulunke commandée par Kondé et Hawa 11 Burama envahit Timbo, brula sa mosquée, ses magasins contenant de nombreux manuscrits 12. Détruisant tout sur leur passage, ils se dirigèrent vers Fugumba, la ville Sainte du Fuuta. Almaami Alfa Saalihu ne put organiser la résistance. Il se retira avec une partie des habitants de la capitale vers l'intérieur du pays. Devant la fuite du Souverain, l'Assemblée fédérale organisa la résistance. Une délégation composée des représentants de chaque province 13 fut envoyée à l'ancien Almaami Sori Mawɗo. Celui-ci s'était retiré à Helaya, une petite montagne située à l'est de Timbo. Il se laissa difficilement convaincre, mais finit par accepter et recruta immédiatement une forte armée composée en majorité de ses partisans et des membres de sa famille 14. A cette armée personnelle, familiale, s'ajoutèrent les armées venues des neuf provinces et ce fut la plus forte armée que le Fuuta ait jamais réunie 15. L'ancien Almaami livra une bataille décisive à l'armée ennemie qui fut mise en déroute. Les deux chefs du Wasulu furent tués et le reste des envahisseurs prit la fuite. Ils furent poursuivis jusqu'au-delà des frontières vers Baliya (Kurusa) 16.
Redevenu populaire, grâce à cette victoire, Ibrahim Sori Mawɗo fut sacré Almaami de nouveau. Il règna sur le Fuuta sans contestation 17 jusqu'à sa mort vers 1784.
Son fils Saadu fut élu Almaami sans difficulté malgré le refus de Alfa Saalihu de reconnaitre le nouveau souverain.
A la sixième année du règne de Almaami Saadu, Alfa Saalihu se présenta devant lui pour dire qu'il désirait le pouvoir, héritage de son père. Almaami Saadu lui fit comprendre qu'il avait autant de droit que lui à cet héritage. Alfa Saalihu quitta Timbo fort mécontent de son entretien avec l'Almaami. Ses partisans 18 le poussèrent à se révolter contre l'Almaami règnant. Ils organisèrent un véritable complot à la suite duquel Almami Saadu fut assassiné et sa main droite lui fut rapportée. A la vue du sang de son rival, Alfa Saalihu fut saisi de remords : ils étaient tous les deux des cousins, presque des frères de même âge 19. Il fut tellement impresionné par son crime dont les véritables instigateurs étaient les Anciens de Timbo, qu'il leur adressa des imprécations acerbes 20.
Aussitôt que son discours fut terminé, Alfa Saalihu quitta définitivement Timbo pour se retirer dans son hameau privé (marga). Il exprima le souhait que ni ses enfants, ni ceux de Saadu ne fussent jamais élus Almaami du Fuuta 21.
Plus d'une année s'écoula sans que personne ne se présentât pour briguer le pouvoir suprême. Ce fut une des rares fois où la vacance du pouvoir fut assurée par le président ou le porte-parole de l'Assemblée Fédérale. Mais dans chacune des deux familles, celle de Karamoko Alfa et celle de Ibrahima Sori Mawɗo, un candidat se présenta et fut élu et le Fuuta se retrouva en présence de deux souverains : deux almaami. Fallait-il les laisser régner tous les deux à la fois ? Une solution ingénieuse voire subtile fut trouvée. Il fut entendu que chacun des deux Almaami régnerait deux années (jombenteeje ɗiɗi) et qu'il en serait toujours ainsi jusqu'à la fin des temps 22.

Le système d'alternance commença à fonctionner entre les descendants de Karamoko Alfa et les descendants de l'Almaami Ibrahima Sori Mawɗo. Les premiers prirent le nom de Alfaya et les seconds celui de Soriya. Alfaya et Soriya étaient des cousins issus de la même famille : celle de Seydi 23 et de là : Sediyanke 24 descendant de Seydi. Ainsi Alfaya et Soriya sont les branches d'une même famille. Ils devinrent très rapidement deux partis politiques rivalisant dans leur lutte pour la conquête du pouvoir. Leur opposition n'était pas tellement doctrinale 25, car chacun d'eux se posait en défenseur de la foi et des traditions, elle était plutôt une simple querelle de famille ou de branches de famille.
Pour le parti alfaya fut élu Almaami Abdulaahi Bademba, fils de Karamoko Alfa et pour le parti soriya, Almaami Abdul Qaadiri. Chacun devait régner deux ans et se retirer.
Au début les changements se révélèrent difficiles. Il arrivait souvent que l'Almaami régnant refusa de céder le pouvoir à son rival. Devant l'impuissance du conseil permanent de Timbo à résoudre diplomatiquement le problème de l'alternance, les deux almaami en venaient aux mains et le plus fort remportait la victoire et avec elle le pouvoir. Ce fut le cas lorsque Almaami Abdulaahi Bademba (alfaya) refusa de céder le pouvoir à Almaami Abdul Qaadiri (soriya). Ce dernier prit les armes et obligea le premier à quitter la capitale. Par la suite, le système d'alternance entra dans les habitudes et la passation du pouvoir s'effectua sans heurts violents.
C'est ce système d'alternance au pouvoir qui est désigné ici par le terme de "bicéphalisme".
Sur le début de ce système de gouvernement bicéphale, les auteurs ne sont pas d'accord. Pour les uns le "bicéphalisme" aurait commencé vers la fin du règne de Almaami Ibrahim Sori Mawɗo. D'après ces auteurs l'Assemblée fedérale aurait obligé l'Almaami à céder le pouvoir à Alfa Saalihu qu'il remplacerait au bout de deux ans. Cette version des faits est celle que la plupart des auteurs européens ont adoptée 26. Pour les autres, le principe de l'alternance ne s'est posé qu'après la mort du grand Almaami. De nombreuses chroniques semblent concorder pour l'attester. Mieux encore, cette alternance n'a pas eu lieu entre Almaami Saadu et Alfa Saalihu , et c'est l'assassinat du premier dans les conditions rapportées ci-dessus, qui semble avoir incité le grand conseil des Anciens à proposer ce système d'alternance ; chaque souverain élu exerce le pouvoir alternativement avec l'autre, de deux ans en deux ans. Lorsqu'il finit ses deux ans, il se retirait dans ses marga (hameaux résidentiels) et ne revenait à Timbo que pour assister à la prière commune de vendredi et aux grandes fêtes religieuses. Plus d'une fois, l'Almaami qui ne régnait pas s'en est abstenu, pour éviter que des troubles n'éclatent du seul fait de sa présence dans la capitale.
L'une et l'autre version sont possibles, chacune a ses partisans et ses adversaires. Mais en examinant les faits et en comparant les sources écrites et orales, il semble difficile d'admettre que le principe de l'alternance ait été admis du vivant même de Almaami Ibrahima Sori Mawɗo.
S'il est vrai que l'Assemblée fédérale de Fugumba l'a obligé à céder le pouvoir au fils de Karamoko Alfa à un moment où il apparaissait dans toute sa gloire, il n'est pas possible de parler d'alternance entre eux. En effet, après le règne de Alfa Saalihu, interrompu lors de l'invasion de Konde Burama, Almaami Ibrahima Sori rappelé par les Anciens, garda le pouvoir jusqu'à sa mort. Il n'était pas de caractère à accepter un tel marchandage. Un seul fait le confirme : le sort qu'il réserva à ses adversaires lorsqu'il fut cité devant le tribunal fédéral 27.

Si le principe n'était pas acquis du vivant de l'Almaami Sori Mawɗo, il semble, dans l'esprit des membres du Grand Conseil, que l'on s'acheminait vers cette solution. C'est elle qui fut adoptée non pas à la mort de cet Almaami, mais à la mort de son fils Almaami Saadu vers (1790-91) 28.
C'est à partir de cette date que le principe d'alternance fut appliqué réellement. Pour étre élu Almaami, il fallait accepter de se soumettre à cette nouvelle condition. Ainsi entre 1784 et 1837 trois Almaami alfaya ont régné en alternance avec deux Almaami soriya. Pour les alfaya il y eut successivement :

Pour le parti soriya, les Almaami se succédérent dans l'ordre :

Si au cours de cette première expérience de gouvernement bicéphale, les Almaami une fois au pouvoir acceptaient difficilement de se retirer, il en fut tout autrement à la période suivante. Mais quelle était la situation intérieure et extérieure à la fin de cette première phase 33.


Notes
1. Ce régime est différent de celui de Sparte avec ses deux rois qui régnent à la fois, différent aussi du consulat romain sous la République. Ce n'est pas un duumvirat, car les duumviri exercent leur charge de magistrat en même temps.
2. Traduction de l'expression peule : himo suuɗii, himo ka niwre : il est caché ; il est dans l'obscurité. Cf. plusieurs cahiers du F.V. : 1, 2, 6, 10, 21, 31, 34.
3. Il avait perdu la raison en traversant le Jaaliba (Niger). Docum. hist., F.V., cahier n° 6.
4. Le terme "assemblée" est employé ici dans un sens très large comme synonyme de Conseil, voire de Sénat ; ce dernier serait plus correct ici puisqu'il s'agit d'une assemblée des vieillards.
5. Ibrahima (Ibraahiima) était son nom : Sori et Mawɗo deux de ses surnoms. Mawɗo veut dire le Grand. Il fut le plus grand Almaami du Fuuta après Karamoko Alfa. Sori signifierait, d'aprés Bayol, Noirot, Tauxier : "matinal" parce qu'il avait l'habitude de surprendre ses ennemis (les infidèles) au point du jour. Il semble que leurs informateurs les ont induits en erreur. Sori ne signifie en fait rien du tout, c'est un simple pseudonyme commode, un "petit nom" donné à tous les Ibrahima. Ils en ont un autre: Kanja (Kandia). Le même processus se retrouve avec d'autres noms :

Pour les prénoms de femmes, il s'agit d'une simple abbréviation :

C'est une réaction du système de la langue en face des noms de personnes empruntés à l'arabe qui ne s'intègrent que difficilement dans le type canon des mots peuls, généralement dissyllabiques.
6. C'est par délégation que Sori Mawɗo était le chef des armées, car le véritable chef suprême des armées, c'est l'Almaami en personne. Il peut déléguer ses pouvoirs, soit à son fils aîné, soit à un de ses frères, soit à toute autre personne de confiance. Sori était le cousin de Karamoko Alfa.
7. De nombreuses chroniques l'attestent, cf. en particulier le Fonds Vieillard, docum. hist., Cahiers nos. 1, 2, 6, 8, 10, 21, 34.
8. Comme il ne s'agit pas de faire l'historique du règne de cet Almaami il n'est pas nécessaire de préciser les noms, les lieux et les dates de ses victoires contre les peuples païens du voisinage du Fuuta. Ici, il n'est question que de montrer son différend avec le Grand Conseil des Anciens de Fugumba et dire pourquoi il a été déposé, remplacé et rappelé de nouveau.
9. Anciens : traduction. Les termes peuls : mawɗo, mawɓe ou arabes Shaykh, Shuyukh plus fréquents dans les manuscrits que le ma'ib. Anciens : équlvaut ici à représentant ou délegué d'une province, député ou sénateur.
10. Il avait mené plusieurs campagnes contre les infidèles durant ses quatre années de règne, dont Bajar, Bajarakoro, Sarardugu, Mamuduya, Hasanakoli. Kondo, et Wasulu entre autres.
11. Hawa était l'épouse de Konde Burama : elle fait partie de cette lignée d'amazones dont l'histoire africaine est jalonnée. D'après la légende, ces amazones étaient souvent plus courageuses devant le danger et se montraient plus braves que les hommes durant les combats.
12. Dont les textes constitutionnels de la fédération du Fuuta Dyalon de 1725-26.
13. Guébhard, Au Fuuta Dyalon : cent vingt ans d'histoire. Comité de l'Afrique Française, Paris, 1910, 104 p., cf. p. 21.
14. Il avait eu plus de 30 enfants et plus d'une dizaine d'entre eux participèrent cette guerre.
15. La plupart des sources donnent quarante à cinquante mille (40 à 50.000) combattants. F. V., docum. hist., Cahier n° 6, IFAN.
16. F. V., document historique, Cahier no. 6.
17. Une seule fois de retour d'une de ses expéditions contre les païens, quelques membres de l'Assemblée Fédérale accusèrent l'Almaami d'avoir consommé de la viande impure (d'un animal non égorgé). Convoqué à Fugumba pour répondre de ce crime devant le tribunal fedéral il se présenta avec la troupe : il saisit ses ennemis qui furent mis à mort et remplacés par des élus plus dociles. Cf. Tauxier et Guébhard, o.c.
18. Parmi eux, le chef de la province de Fugumba : Alfa Usman. C'est sa famille qui a l'honneur de mettre les turbans aux Almaami du Fuuta. Ce qui correspond à leur mettre la couronne. Or il n'avait pas couronné Almaami Saadu celui-ci l'avait été par le chef de la province de Labé où il se trouvait à la mort de son père. Lorsque Almaami Saadu apprit que Alfa Usman s'était rallié à Alfa Saalihu, il alla à Fugumba, il le conduisit à Timbo où il fut mis aux fers (o dumbi mo) ; ce qui correspondait à la prison de l'époque. Tout le Fuuta s'en émut et des messagers furent envoyés de toutes les provinces pour demander la libération de l'Alfa de Fugumba. Almaami Saadu se laissa fléchir et relâcha Alfa Usman. Celui-ci, mécontent d'avoir été ainsi humilié, jura la perte de l'Almaami. Il fut l'âme du complot visant à assassiner Almaami Saadu pour le remplacer par Alfa Saalihu. Cf, Guébhard, o.c., 25 à 28.
19. Dans la société peule, deux jeunes gens issus de deux frères ou de deux cousins mâles se disent en général frères parce qu'ils ont le même sang mais ils se disent cousins quand ils descendent d'un frère et d'une sur ou d'un cousin et d'une cousine. C'est ainsi que Alfa Saalihu et Almaami Saadu dont les grands parents paternels avaient le même père, sont des cousins au sens occidental du terme, mais des frères d'après le système peul de la parenté.
20. Guébhard se référant à des chroniques de l'époque, cite le discours qu'aurait prononcé Alfa Saalihu après le meurtre de l'Almaami Saadu : "Il ramassa la main tranchée et couvert de sang, Alfa Saalihu se rendit à la mosquée où les vieux (les Anciens) étaient réunis, attendant le résultat du crime qu'ils avaient inspiré et dont ils espéraient récolter les fruits. Alfa Saalihu arriva, et mettant devant eux la main sanglante, il leur dit :

"Voyez, voilà l'uvre de vos lâches conseils et de vos intrigues, vieillards dont les dehors sont propres mais dont le coeur est sale. Regardez cette main, c'est la main d'un homme qui n'a jamais prêté de faux serments, qui n'a jamais pris le bien de personne, jamais touché la femme de son voisin, cette main a écrit sept Corans, jamais pour ses ablutions elle n'a employé le sable ou la terre, et c'est toujours avec de l' eau qu' elle se purifiait avant la prière . C'est vous, vieillards, qui lui serriez la main en l'appelant Almaami, qui avez comploté sa mort comme vous comploterez la mienne demain, car vous ne voulez pas de maître quoi qu'en disent vos bouches menteuses. Vous m'avez fait tuer mon frère, celui avec lequel j'ai été élevé, et tout cela pour commander à des traitres et des menteurs comme vous. Le pouvoir, je n'en veux pas, le prenne qui veut, maudits soyez-vous, qui avez suscité un frère contre son frère."

Après avoir ainsi parlé, Alfa Saalihu sortit de Timbo sans rien dire, quoiqu'il lui eût été facile de succéder à sa victime (P. Guébhard, o.c., p. 28 et 29) Dans les documents historiques du Fonds Vieillard, de nombreux passages font état du désarroi de Alfa Saalihu après la mort d'Almaami Saadu et de la plupart de ses partisans. Entre autres, dans le Cahier no. 6, Alla Saalihu aurait dit :

"Je ne régnerai plus sur personne après ceci (la mort de Saadu et de ses partisans) cet homme (Saadu) était pieux, savant et ascète."

Dans le Cahier n° 38, Alla Saalihu aurait dit encore :

"Ce bras coupé de Almaami Saadu, je l'atteste ne s'est jamais fermé au moment de la prière ; je l'atteste aussi ce bras a écrit sept (7) Corans ; je l'atteste ce bras ne s'est jamais posé sur le corps d'une femme d'autrui. C'est la lutte pour le pouvoir qui en est la cause. Dieu fasse que le pouvoir sorte de nos deux maisons. Je rentre à Daara pour toujours."

Daara était un hameau résidentiel de la famille de Karamoko Alfa. Ce texte est très proche de celui qui est cité par Guébhard.
21. Et d'après les sources disponibles, les descendants directs de l'un et de l'autre ne furent jamais choisis durant toute la période de l'indépendance.
22. Jombente plur. Jombenteeje, Ɓiɗi : Deux, c'est le nom du mois qui commence l'année lunaire en peul : les mois peuls sont calqués sur les mois arabes avec des noms typiquement peuls :

  1. Jombente (mot d'origine mande)
  2. Sabbordu paran
  3. Paran
  4. Minparan
  5. Bapparan
  6. Sabbordu raajibi
  7. Raajibi (mois arabe: rajab)
  8. Sabbordu suumayee
  9. Suumayee
  10. Juldaandu
  11. Sabbordu donkin
  12. Donkin

23. Seydi : déformation de l'arabe Saïd, prénom d'homme.
24. Cf. tableau généalogique des princes du Fuuta, Seydiyanke ou sediyanke (au plur. seediyaaɓe), nke : suffixe mande signifiant : homme, masculin, le nom de famille des Seydiyaaɓe est Bari, ou Barri (Barry usage courant).
25. Les points d' opposition seront donnés plus loin.
26. Cf. Bayol, Voyages en Sénégambie, Beaudoin, Paris 1888 ; “La France au Fuuta Dyalon”, Revue des Deux Mondes, déc. 1882, p. 902-903. Arcin, Histoire de la Guinée Française, Paris, 1911. Guébhard, Au Fouta Dialon; Cent vingt ans d'histoire, Paris 1910, p. 104. Tauxier : Moeurs et histoires des Peuls, Payot, Paris 1937, p. 424.
27. Il s'agit de l'accusation de consommation de viande impure.
28. Le chevauchement sur 2 années chrétiennes est dû à la non concordance parfaite entre l'année musulmane (lunaire) et l'année grégorienne (solaire).
29. Entre autres: Bani-Bamino, Bani Sango, Bajar, Solima, Kambareya Arano, Kambareya Ɓimmo, Niokolo Falba, etc.
30. Zikru ou Jikru veut dire chapelet. Comme cet Almaami passait tout son temps à égrener son chapelet, on le surnomma: Bubakar-au-chapelet (Bubakar Zikru). Il avait 80 ans lorsqu'il fut élu Almaami. Malgré ce grand âge, il dirigea l'expédition de Koranya.
31. Mawɗo signifie le Grand pour le différencier de Bubalar Zikru et ainsi parce qu'il fut un des plus grands Almaami de son parti depuis Karamoko Alfa son grand-père. Ses expéditions furent : Nesedenkude, Bani-Sango, Falba, Kutune et Kuranko.
32. Parmi elles, Biten Wali, Penda Sabba (ou Samba) Sangarari, Banton, Tanda Konya et Tanda Ɓimmo.
33. Ce sont : Berisa Sangaran, Bonko, Jimara Koro. C'est au cours de son règne que le voyageur français René Caillié passa au sud du Fuuta Dyalon. Il s'arrêta dans un village-paroisse (ou village-mosquée) nommé Kambaya non loin de Timbo. Il appelle Almaami Yaya : Yayaye. René Caillié déguisé en maure musulman refusa de se rendre à Timbo de peur que les Peuls ne découvrent son subterfuge. Cf. son "Journal d'un voyage à Tombouctou et à Jenné dans l'Atrique centrale." Tome I, 467/477 p. Editions Anthropos, Paris, réimpression par photocopie 1965. Aux pages 327 à 332 il donne des indications sommaires sur les Peuls et leur gouvernement. Mais son intérêt essentiel c'est la date de son passage : 1826-27, ce qui fait qu'à cette date on sait que tel ou tel souverain régnait et que le nommé Almaami Abdul Qaadiri était décédé deux ans auparavant. Cf. Fonds Vieillard, docum. hist., Cahiers 6, 10, 12, 21.