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Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


b. Les Musulmans : Julɓe.

Les XVIè et XVIIIè siècles correspondent en effet à l'arrivée massive des musulmans. Qui étaient-ils ? Des Peuls en majorité et des Mandeng (surtout Soninké ou Sarakollé), Khaasonké, Jaakhanké et Malinké. D'où venaient-ils ? D'après les chroniques traditionnelles 1 et d'après les noms de familles, de lignages ou clans et de tribus, il semble qu'ils venaient du Maasina au moins pour les trois quarts et du Bundu, du Ferlo et du Fuuta Tooro environ pour un quart. Il est difficile de préciser les dates exactes de leur arrivée. Beaucoup d'entre eux s'étaient infiltrés par petits groupes accompagnés de leurs taalibe (disciples). D'autres étaient même arrivés seuls avec ou sans troupeau de bovins.
Prudents, discrets et méfiants, ces Peuls musulmans et leurs compagnons Mandeng obligés d'accomplir leurs devoirs religieux en cachette, préféraient passer inaperçus au milieu de leurs ennemis Jalonke et Pulli. Ils tentaient de convertir les uns et les autres par la persuasion en attendant de pouvoir le faire par la force. Comme leur nombre augmentait sans cesse et qu'ils se sentaient de plus en plus forts, ils commencèrent à enseigner publiquement le Coran et à prier devant tout le monde. Surpris et indignés, les animistes Jalonke et Pulli, réagirent différemment à la vue de ces nouveaux adorateurs d'un "Dieu" invisible et immatériel. Certains, scandalisés par une telle audace, obligèrent les musulmans à ramasser la terre sur laquelle ils avaient prié. D'autres pleins d'admiration se mirent à les imiter, d'autres encore se contentérent de garder leur distance avec une méfiance mêlée de crainte. D'autres enfin, arrogants et méprisants, les accablèrent de leurs sarcasmes, mais leur arrogance railleuse trahissait leur peur.
Et un jour, les Peuls musulmans lassés de subir des vexations et des humiliations de plus en plus insupportables, fatigués d'attendre en vain un changement d'attitude à leur égard de la part des Jalonke, finirent par perdre patience. Mis sans doute devant l'impossibilité de pratiquer librement leur culte et réussissant de moins en moins à convertir par la seule persuasion, ils se trouvèrent devant la nécessité d'employer d'autres méthodes et ce fut la guerre sainte (jihaadi).
Et celle-ci dura de la fin du XVIIè au début du XVIIIè siècle, entre 1694 et 1725/26, semble-t-ill. Grâce à elle, un nouveau régime naquit au cours de cette période sur les ruines du pouvoir : jalonke et pulli. Les musulmans devenus maîtres du pays, par leur victoire sur les païens, obligèrent ceux-ci à se convertir à l'Islam. Trois solutions furent laissées au choix des vaincus: la conversion, l'exil ou la servitude 2.
Tout le XVIIIè siècle (1726 à 1784 ?) fut consacré à la consolidation du nouveau régime par la lutte contre les dernières résistances paiennes des Jalonke et des Pulli coalisés 3.


Notes
1. Fonds Vieillard, docum. hist., Cahiers n° 6, 12, 21, 31, 32, 33 et 34.
2. Fonds Vieillard, docum, hist., Cahiers n° 6, 10, 15, 37 et docum. ethno-sociologiques, Cahiers n° 92.
3. Tauxier, o. c. et Fonds Vieillard, docum. hist., Cahiers n° 1, 2, 3, 4, 6 ot 36.