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Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


3. La végétation.

Sous la latitude où est situé le Fuuta, un seul obstacle eût annulé la marche en avant des Peuls : la forêt tropicale, en effet, est hostile au parcours des nomades et comment les Peuls, pasionnés de bétail renonceraient-ils à leurs vaches sans renoncer à la vie ? Or, il n'y a pas un seul lambeau de forêt digne de ce nom dans ce massif et l'on est même en droit de se demander s'il n'y en a jamais eu ? Le climat actuel, avec sa longue saison sèche est celui qui caractérise la savane arborée. Cette longue sécheresse est inconnue dans la forêt dense des régions côtières de la Guinée forestière, du Libéria et de la basse Côte d'Ivoire.
A cette constatation, les défenseurs de la forét rétorquent que la destruction de la forêt par l'homme est la cause de cette péjoration climatique. La preuve que le Fuuta fut jadis le domaine de la grande forêt ? Ils les voient dans les essences des galeries forestières, le long des cours d'eau permanents d'une part, les ilôts de forêt conservés çà et là pour des raisons de culte ancien, ou reconstitués après de nombreuses années de jachère d'autre part, et enfin dans les couches les plus dénudées du pays comme les plateaux de Timbi, la coupe du sol révèle des horizons superposés, sont les témoins irrécusables de l'existence de la forêt disparue.
A l'époque étudiée, trois types essentiels de paysages végétaux subsistent :

Pour Gilbert Vieillard qui plaida avec passion la cause des Peuls, il n'y a même pas de problème; il est clair selon lui, que les Peuls ne seraient pas venus sur ces boowe s'ils les avaient trouvés couverts de la grande forèt, infestés de mouches tsé-tsé (du genre glossine propageant la trypanosomiase) et impraticables au parcours. Ils ne sont donc pas responsables de la déforestation du massif. C'est le boowal et sa lande qui, au contraire, ont attiré les Peuls. Ces immensités désolantes décourageaient le cultivateur, le Peul pour sa part, y trouvait un domaine de meilleur choix qu'au Sahel ou au Soudan, qu'il venait de quitter. Autre différence avec le Sahel soudanien il règne ici un climat délicieux et l'eau existe en toute saison grâce aux énormes précipitations. Le Fuuta Dyalon, pays de montagnes et découvert, où il pleut le plus en Afrique occidentale, est la terre enviable entre toutes pour un peuple qui attache passionnément sa destinée aux bovins.

Les éleveurs peuls pouvaient-ils rêver un meilleur endroit pour leur troupeau: les graminées y abondent et l'espace est dégagé. Ici les rencontres et les frictions avec les sédentaires farouchement attachés à leur lopin de terre souvent improductif sont sinon inexistantes, du moins assez rares.

A cette dégradation de la forêt par l'homme, il faut ajouter l'action de l'érosion. Le soleil intense en saison sèche a certainement une action destructive surtout dans les régions intertropicales : il brûle et appauvrit. La violence des tornades hivernales provoque un ruissellement intense. Le sol subit une double attaque, chimique, par l'eau des pluies tièdes, acide, corrosive et physique surtout par l'eau des pluies de ravinement par arrachage. Après une averse, de nombreuses rigoles éventrent la surface du sol.

Quoiqu'il en soit, les Peuls à leur arrivée ont trouvé ce type de végétation où la forét n'était presque plus qu'un souvenir. Que les premiers d'entre eux, aient alors accentué ou achevé la destruction de ce qui en restait au profit de leur troupeau, nul ne se risquerait à le nier et leur genre de vie méme permet de le penser.