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Thierno Diallo
Institutions politiques du Fouta-Djallon au XIXè siècle

Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages


A. Les traits physiques

1. Structure et relief.

Le Fuuta Dyalon n'est qu'une partie, la plus originale sans doute, de la bande relevée qui borde l'Afrique occidentale sur mille (1.000) kilomètres de la Guinée Bisau jusqu'au sud-est en Côte d'Ivoire. Cette ligne de reliefs très jeunes paraît en bordure d'une immense plate-forme particulièrement monotone.
Plissé, puis complètement raboté par l'érosion dès l'aube des temps géologiques 1, le massif du Fuuta a été comparé aux "Boucliers" canadien et scandinavien. Les épais bancs de grès dominaient la montagne du Fuuta. Cette montagne s'est disloquée au tertiaire et certaines de ses parties semblent s'être plissées en ce temps-là, plus de 1000 ou 1.500 mètres et même au-delà.
Comme le soulèvement a été plus violent en direction du sud-est, le massif apparait actuellement dissymétrique, plongeant en pente douce vers le nord-ouest. L'érosion a attaqué de nouveau la partie la plus soulevée (sud-est), à cause de l'abondance des pluies sub-équatoriales. Les torrents ont arraché la couverture sédimentaire et le socle est dénudé, à tel point qu'on pourrait se demander s'il a jamais été recouvert de grès. Mais au centre, où le massif atteint 1.000 mètres (1.515 au Mont Lura/Louro (Fello Luura) près de Mali), il a pu conserver son manteau de grès, ses pitons de sombres dolérites, ses blocs uniformes, ses aiguilles, ses falaises, ses canons où s'opposent l'ocre, le gris, le rouge, et le noir.
Le paysage des plateaux de Labé et de Timbi, a la forme d'un relief en creux et sans les profondes entailles des ravins, on pourrait oublier que la pénéplaine a été soulevée. Ces hauts plateaux 2 allongés du nord au sud, de Mali à Dalaba, au-delà du douzième degré (12°) de méridien ouest, sont le cur du Fuuta, dont l'axe central sont ces vallons de Dalaba avec les chutes de Ditinn près de Kebaali, les chutes de Kin-Kon sur le Koodulo près de Pita, et le site grandiose de la Kakrima (ou Kaakirima) dominé par les falaises de Mali.
Par son relief même, par ses différents paysages végétaux, cette terre promise que fut le Fuuta, est compartimentée en une série de régions naturelles que l'histoire devait aisément contribuer à transformer en provinces.
Entre les plateaux occidental et oriental, s'étend une succession de hauts plateaux centraux qui sont les plus caractéristiques du paysage fuutanien.

Le plateau occidental : si l'on tient compte du découpage effectué par les cours d'eau, il s'agirait d'une série de plateaux de direction sud-ouest et nord-ouest marquant la limite entre le Fuuta et les contrées où se sont réfugiés les anciens occupants du pays ; au nord-ouest, les pays de la Gambie où expire le relief montagneux et le passage aux mornes surfaces sénégalaises et soudanaises. La chaleur y est torride. A l'ouest, les bas plateaux de Gaawal et de Télimelé ont des altitudes faibles compensées par une humidité plus grande, on trouve là d'immenses étendues de boowe propres à l'élevage et de nombreuses vallées qui se prétent aux cultures en saison pluvieuse et au parcours pastoral en saison sèche.
L'altitude moyenne de ces plateaux varie entre 700 et 800 mètres, mais ces plateaux d'altitude très faible, apparaissent, comme des murailles à cause des falaises et de la retombée brusque sur la côte.
Au sud, les montagnes de Kindia et le massif du Bena ont un relief caractérisé par des plateaux gréseux aux sommets élevés. C'est un véritable petit Fuuta en bordure du Fuuta proprement dit avec cette diflérence que l'agriculture est ici entre les mains populations autochtones, les Susu, les Peuls ne détenant que l'élevage. Ce plateau occidental renferme les régions agitées des deux importantes provinces de Timbi et de Labé.

Les hauts plateaux du centre

De Mamu au sud, à Mali au nord, les hauts plateaux forment l'ensemble le plus fortement individualisé du pays par suite de sédiments épais et de venues éruptives qui recouvrent le socle. De hautes falaises les délimitent à l'est, à l'ouest et au nord.
De puissants cours d'eau à l'allure torrentielle, ont creusé au coeur de ce massif jusqu'à 300 mètres et découpé l'ensemble des plateaux en compartiments bien délimités :

Cette trilogie n'est si bien différenciee que dans les hauts plateaux du centre. Ailleurs, il n'y a qu'un ou tout au plus deux de ces éléments. C'est cette région qui renferme les puissantes provinces de Timbi et surtout de Labé. Le pays de Labé fait à lui seul la moitié du Fuuta, la meilleure moitié sans doute, à voir la manière avec laquelle Labé se posait en rivale inquiétante de Timbo.

Le plateau oriental

L'altitude moyenne est de 750 mètres seulement, hormis quelques hauts boowe (sing. boowal). L'érosion a arraché la couverture sédimentaire, mettant à nu le socle cristallin. La fraicheur est moindre et le sol plus épuisé que partout ailleurs à l'exception de quelques rares vallons favorisés. Enfin la relative monotonie du relief rend beaucoup moins nette l'économie fondée sur l'exploitation combinée de la montagne, du plateau et de la vallée.
L'intérêt de ce plateau oriental tient à des faits historiques ; c'est par là qu'arrivèrent les premiers pâtres peuls à cause du boowal, ainsi que la dernière vague des Peuls musulmans par les allées du Balewo-Bafing et de la Teene. C'est là aussi que sont situées les prestigieuses provinces de Koyin, Fugumba, Buriya et Timbo, ainsi que la cité-relais 3 de Pooredaka à mi-chemin entre la capitale politique et la capitale religieuse du Fuuta.


Notes
1. J. Richard-Molard, Hommage. Ed. Présence africaine, Paris 1953. Une série d'articles sur la géographie et la vie paysanne au Fuuta-Dyalon, p. 83 à 251, p. 384. Toutes les références de ce chapitre se rapportentà ces pages.
2. Le géographe français E. F. Cautier s'étonnait de trouver là un relief si jeune et pour expliquer que le plateau de Labé soit intact, il émit l'idée que tel un Tassili, le Fuuta Dyalon aurait éte protégé contre l'érosion normale, par la sécheresse, Cf. J. Richard-Molard, o.c., p. 143.
3. Il faut entendre par cité-relais : tout candidat à l'Imaamat quittant Timbo pour aller recevoir les Turbans à Fugumba devait nécessairement passer par Pooredaaka soit à l'aller soit au retour.