Payot, Paris, 1937
André Arcin dit (Histoire de la Guinée Française, 1911, p. 84 et suivantes) :
" A l'est du Fouta, ce fut la famille Bari qui prit la tête du mouvement des " Founangué " (gens de l'est).
" Nous avons vu que ses représentants étaient arrivés presque directement de la région de Tombouctou vers 1650. Ils étaient conduits par les deux frères Kikala et Foudouyé ayant même père et même mère. Ils furent accueillis avec empressement par le chef de Bouria, Karamokho Samba Dialo, chef des Dialo de l'est, qui leur donna les vallées de Timbo, au pied des monts Elaya, et de Foukoumba, au pied de la montagne du même nom. Les fils de Kikala, Ousmani Séri, l'aîné et Saïdi, le cadet, auraient fondé, le premier, la ville de Foukoumba, le second celle de Timbo 1. Près de Foukoumba jaillissait une source sacrée; près de Timbo s'élevait un arbre fétiche, un " timmé " (faux acajou). Les Bari se trouvèrent ainsi divisés en deux familles, les fils de Séri ou Serianké, les fils de Saïdi ou Sidianké. Les Sérianké se mélangèrent beaucoup plus que les Sidianké aux Dialonké environnants, notamment aux Dougayabe qui s'allièrent à eux, mais continuèrent à posséder le sol et aux Dibayabe. Les descendants et successeurs de Séri furent Ousmani, Maka, Mama Samba, Alfa Mamadou. Celui-ci fut le premier des Bari qui se convertit à l'Islam et fit construire une mosquée. Aussi Foukoumba resta-t-elle la métropole religieuse du Fouta en même temps que, comme fief du fils aîné des Bari, elle est restée le lieu de réunion du conseil des tribus Foula.
" Les successeurs de Saïdi de Timbo furent Sambégou, Madi, Alfa Kikala. Ce dernier se convertissait vers 1780, après Alfa Mamadou en même temps que son fils Alfa Nouhou. Ces conversions furent un nouveau prétexte de persécutions de la part des fétichistes dialonké qui reprochaient à ces néophytes leur zèle intempestif et leur arrogance.
" Un peu auparavant, certains Hirlabé (Foula-Diallo venus de Djimbala (Macina) en remontant le Tinkisso) arrivèrent sous la conduite de Kali, chef des Kaliabe pour s'établir a Kétiguia en face de Foukoumba, sous la protection des Sérianke qui les convertirent. Une partie de cette famille vint également s'établir a Timbo sur la demande des Sidianké et ils restèrent désormais les conseillers et les orateurs des Bari, sorte de bourgeoisie ayant des prérogatives politiques et judiciaires assez étendues.
" Bientôt les Dialonké, inquiets des progrès de la nouvelle religion et de l'ambition non dissimulée de ses adeptes, en butte dans le nord aux attaques des Dialo du Labé conduits par Kalidou et ses successeurs, interdirent aux Musulmans de faire le salam en public. La situation devenait si tendue qu'une étincelle devait provoquer l'explosion. Alfa Ibrahima Moussou (alias Alfa Ibrahima Sambé) fils de Nouhou surnommé Karamokho Alfa (le prince savant) prêcha alors ouvertement la révolte contre les suzerains Dialonké. Il était puissamment soutenu par l'Hirlabé Modi Maka Mahoudo, chef du Conseil des Anciens de Timbo, qui fit appel à ses frères du Nord au moment où eux-mêmes 2 se révoltaient contre les Dénianké!
" Karamokho Alfa avait reçu les leçons de Kadri Sanounou, marabout célèbre de Kankan. II s'était ensuite rendu chez Alfa Gourdo à Kolen et chez Tierno Samba de Foukoumba, marabouts vénérés. Le second a sa tombe à Bouria, ville dès lors sacrée, où l'on ne peut pénétrer à cheval et qui est un lieu de pélerinage. Leur élève n'était pas un guerrier, mais c'était un administrateur de premier ordre qui avait, en outre, le don de la parole. Très pieux, il exagéra les pratiques ascétiques et fut renommé pour sa science. Il venait de se marier à une jeune et belle fille. " Un jour, il annonça à sa femme que Mohammed lui était apparu et lui avait dit que, s'il priait longtemps, isolé de tous les siens, Dieu lui donnerait la gloire de convertir les infidèles et qu'il deviendrait le chef de son pays " (Bayol, loc. cit.).
" L'agitation intense qui régnait autour de lui, les conciliabules tenus par les Hal Poular à Foukoumba, foyer de la révolte, avaient fait naître dans son esprit l'idée de se mettre à leur tête. Il prêchait l'union de tous les chefs des familles musulmanes.
Enflammés de colère, ceux-ci décidèrent la guerre. Mais qui serait le chef suprême ? Ils s'en remirent au sort : Le futur général devait planter sa lance dans un doundouké (ou n'taba) en la lancant d'assez grande distance; aucun n'atteignit l'arbre (M. Leprince place cette histoire au moment du soulèvement général. Ils auraient bandé leur arc et tiré sur un n'taba qui fut traversé de part en part. Ce miracle étant de bon augure, ils se jetèrent sur les Dialonké qu'ils massacrèrent). Karamokho pria alors le ciel de lui accorder l'honneur de commander ces braves gens. La légende le montre enfermé dans sa case pendant sept ans, sept semaines et sept jours, ne cessant de demander à Dieu la conversion des idolâtres. Personne, pas même sa femme, ne pouvait l'approcher. Après le salam du soir, un captif lui faisait passer furtivement une maigre pitance.
" A la fin de cette période fatidique, sa femme lui cria: " Allah soit loué! tes prières sont entendues et le Fouta te réclame comme chef pour le conduire contre les infidèles. "
" Le bruit de la sainteté du Karamokho, l'histoire habilement répandue de sa vision et de la bienveillance du Prophète à son égard, la promesse faite aux chefs les plus influents de leur donner une part du pouvoir après la victoire, avaient assuré son élection. Dans la réunion des Hirlabé et des chefs Foula les plus puissants, les seuls opposants avaient été T. Kollade, chef de Kolladé et Mamadou Sellou, chef du Labé, descendant de Kalidou. L'Alfa-Mo-Labe surtout s'indignait que l'on préférat à un guerrier comme lui, qui avait donné des preuves de sa valeur dans la lutte contre les fétichistes du nord, un marmotteur de patenôtres, à demi-fou. Mais la bourgeoisie Hirlabé, bien qu'elle fût apparentée de très près aux Diallo du Labé, préférait un homme moins autoritaire. La motion de Modi Maka Mahoudo en faveur de Karamokho fut adoptée. (D'après la tradition rapportée par M. Guébhard, l'alfa Mo-Labé ne fit aucune difficulté).
D'après M. Leprince, ce fut en l'an 1184 de l'hégire (1726 ap. J.-C.) qu'eut lieu cette assemblée entre Boroual Tape et Bomboli sur les bords d'un ruisseau sacré 3. Il y fut décidé aussi de donner le nom de Fouta Dialo à tout le haut plateau pour indiquer l'union de l'ensemble des tribus d'origine Peuhl ou Dialonké converties à la foi islamique.
Karamokho Alfa devint le président d'une sorte de comité exécutif de neuf membres, les neuf Karamokho, qui représentaient les grandes divisions du pays telles que les fixaient les révoltés. C'étaient :
Cependant, d'après M. Brière, ce comité ne comportait que sept membres et nous n'hésitons pas, étant données les traditions de ces tribus, à admettre de préference cette version. C'étaient:
Obligé plus tard de donner satisfaction aux ambitions de certaines familles le comité s'adjoignit deux autres membres et le chiffre de neuf fut adopté comme ayant été celui des compagnons du Prophète. "
M. Arcin ajoute en note (p. 87):
" M. Bayol indique un nombre de neuf Karamokho. Mais il semble que deux d'entre eux aient été ajoutés après coup : Mahou Tisatou et Yoro Bori. Cette division en sept provinces se retrouve chez beaucoup de peuples d'origine Lybienne: les Haoussa, les Soua du Gourara, etc. Le Pharaon Ousourtésen alla combattre " sept peuples noirs confédérés."
M. Arcin continue ainsi : " Inspirés par Allah les conjurés coururent aux armes. D'après la légende reproduite par M. Guébhard, ce serait Sori (Ibrahima Yoro Paté) Sidianké, disciple de Karamokho Alfa, qui aurait provoqué la guerre en crevant les tambours des Dialonké.Les conjurés n'auraient été que quatre-vingt-dix-neuf. Ce sont là des exagérations coutumières aux conteurs noirs. Il était matériellement impossible que Sori, qui mourut en 1813 4 fut déja un homme fait en 1726. En ce qui concerne le chiffre des guerriers, il est diminué a dessein pour démontrer leur valeur et la protection d'Allah.
" Karamokho Alfa avait su attirer près de lui, comme son maître vénéré Alfa Gourdo, de nombreux Dialonké ou Malinké jeunes gens vivant en marge de la coutume, captifs échappés ou, libérés, devenus arrogants, enclins au pillage et au meurtre. Cet élément malinké peuple encore la plus grande partie du Kolen à côté de quelques familles foula descendant de Bolaro, compagnon de Karamokho. Cette troupe fanatique attaqua par surprise les Dialonké fétichistes de Timbo et de Foukoumba et les massacra. Dian Yéro, chef du Foukoumba, tombait le premier sous ses coups.
" Tous les Dialonké fétichistes se levèrent en masse. Les Sankaranké 5 et Ouassoulonké mobilisèrent leurs forces à l'est, tandis qu'à l'ouest, les Soso-Baga et Foulacounda, déja battus par les Dialo du Labé, reprenaient les armes. Pouli Garmé commandait l'armée des Fouta Dialonké fétichistes, mais Karamokho avait eu l'habileté de s'allier aux Dialonké du Sud, les Solima, convertis superficiellement à l'Islamisme. Ils accoururent sous les ordres d'Ayina Yella, fils de Manson Dansa. Grâce à eux, le premier choc des Dialonké put être soutenu et, en reconnaissance du service rendu par les Solima, Karamokho les aida contre les fétichistes Timéné du Limban, sans grand succès d'ailleurs.
" Mais il allait bientôt montrer que, s'il était excellent organisateur et entraîneur d'hommes, il était médiocre tacticien. Une nouvelle vague de fétichistes monta de l'est à l'assaut des bastions du Fouta-Diallo. Il ne put empêcher les Sankharé, Dialo, Diakhité, Sidibé, sous les ordres de Pouli Garmé, soutenus par les Dialonké, Kondé, Kamara, Souma, de traverser le Bafing et enlever Timbo 6, malgré la supériorité de son armement. Il avait en effet pourvu son armée de fusils fournis sans aucun doute par les Marocains qui occupaient le Moyen-Niger. Mais, si les batailles rangées ne lui réussissaient pas, il comptait sur les surprises. En effet, peu de temps après, l'ennemi s'étant dispersé pour piller le pays, il attaqua brusquement Pouli à Talansan, près du Bafing, le battit et le tua. Un autre parti des Dialonké fut ensuite écrasé à Tiaye, grâce au pouvoir magique du chef Fodé Hadji; puis, uni de nouveau aux Soulima avec leur chef de guerre Tabaïré Kele Mansa, Karamokho alla saccager le Sanidougou, au nord du Labé, puis le Biroko (Birgo?).
" En 1754, Tabaïré était élu chef des Solima à la place d'Ayina Yella décédé (chronologie de Laing). Les alliés portèrent leurs armes jusqu'à Farabana, au sud du Boundou mais échouèrent dans le siège de cette ville. Il en fut de même en 1755 et, l'année suivante, une révolte des esclaves Pouli, Dialonké et Malinké, amena une émigration considerable du Fouta-Dialo vers le Boundou. Koundyé était fondé par ses fugitifs. Peu après, le roi Soba du Kouranko, converti par la force, ayant déclaré qu'il ne priait plus Allah et revenait à ses coutumes ancestrales, fut attaqué et son pays ravagé par Soulima et Foula alliés.
" Puis les Soulima attaquèrent seuls les tribus du Kissidougou. Battus en 1760, ils étaient plus heureux l'année suivante.
" Les musulmans fouta dialonké, malgré ces succès, vivaient sur un volcan. La lutte ne cessait pas un instant avec les fétichistes. Le pays était ravagé et peu sûr. Chaque chef bataillait dans son domaine. Tierno Samba Bouria était vainqueur à Sambala-Ko, T. Salifou Balla Koïn à Aïndé Balla, etc. De son côté, le chef des Timbi, Tierno Mahadiou, faillit succomber et ne triompha à Benténiel que grâce à l'appui de toute la confédération (M. Guébhard place cet evénement en 1775, mais ce fut certainement plus tôt). Il semble aussi que, peu à peu, nombre de Foula devinssent tièdes, aspirant à la tranquillité, et que tous les grands chefs Dialo de l'ouest, Alfa Mo Labé en particulier, ne soutinssent plus de tout leur pouvoir le chef de la confédération. Mais le coup le plus sensible fut la défection des Solima.
" Un chef de guerre de premier ordre venait de se révéler dans le Kouranko. C'était Kondé ou Konté Bourama, de Kélima Konde (Keïta ou Souma) par sa mère, il était en même temps Diakhité (Ba) par son père. Il réunit une armée puissante, formée de tous les éléments fétichistes du Sankharan, du Kouranko, du Ouassoulou, du Kissi, pour résister à une nouvelle attaque des Soulima-Fouta-Dialonkés. Il les atteignit à Ouassela dans le Sankharan et leur infligea une défaite complète. L'armée alliée battant en retraite fut encore écrasée à Balia sur les rives du Daïmouko. Cette suite de désastres découragea les Soulima dont l'islamisme était d'ailleurs assez tiède. Ils se retirèrent, abandonnant Karamokho Alfa à ses seules forces. Celui-ci dut battre en retraite précipitamment et Kondé Bourama fut bientot maître d'un grand empire, comprenant le Ouasoulou, le Sankharan, le Kouranko, jusqu'au bord du haut plateau Foutadialonké.
" Kankan, le grand centre musulman de la Haute Guinée, fut assiégé et détruit. Les Soninnké Sérifou et Sakho se dispersèrent, les uns se réfugièrent au Fouta Dialo dont beaucoup devaient revenir plus tard dans la ville reconstruite, les autres, remontant le Milo et arrivant jusque dans la vallée supérieure de la rivière Saint-Paul où ils fondèrent un établissement important. Cette région etait déjà bien connue de leurs marchands qui allaient y chercher les kolas de la forêt. Comme elle était presque déserte, ils s'y développèrent librement et reçurent d'ailleurs de nouveaux appoints par l'arrivée des Malinké musulmans du Borgou, de la région de Kong, et de Soussous musulmans du Solima chassés par Kondé Bourama " (M. Chatelier; Loc. cit.). C'est ainsi que se formèrent Beyla 7 près de Diakolidougou, Médina, Moussadougou, la première capitale du Konian, Dhakirallah, etc., dirigés par des cheiks Kadrya, au milieu de populations de Malinké fetichistes où dominaient les Diomandé et les Kamara.
" La réputation de Kondé Bourarna lui attira de toutes parts des adeptes. A côté de lui, se distinguait sa soeur Aoua (Eve) qui menait au combat les guerriers avec une héroique intrépidité. La légende, par un singulier rappel de celle des Amazones, prétend qu'elle s'était coupée un sein pour mieux combattre. Les Solima, pourchassés par les Sankharanké, pensèrent alors plus profitable de s'associer avec eux contre Karamokho Alfa. Les nouveaux alliés entrèrent alors au Fouta, et après avoir battu les Fouta Dialonké, s'emparèrent de Timbo qu'ils détruisirent 8.
Ayant, en 1764, pris et incendié Saka, ils furent ensuite battus à Sahelia mais prirent une revanche complète dans la campagne de 1765. Enfin, en 1766, ils s'emparaient de Mondaï, Foutaba, Toumania, Harnaya, Bokaria. Réduit à ses seuls talibés, Karamokho Alfa fut rejeté sur Téliko et Dembo Déperré, puis au delà du plateau central, dans les vallées occidentales. La vaillance de son jeune fils Alfa Salifou ne put sauver la situation. Fugitif, pris entre ses ennemis Dialonké et les Dialo-Hirlabé du Nord qui ne cachaient pas leur hostilité, il vint se réfugier dans les montagnes qui bordent à l'ouest la vallée de la Kakrima. Là, le désespoir que lui causaient ses revers et la vue de la muraille bleue du plateau abandonné, les fatigues et les privations, les exercices religieux répétes, mêlés d'ascétisme; le rendirent fou de cette folie spéciale que les musulmans dénomment " touhidisme ". Kondé Bourama, pendant ce temps, organisait ses conquêtes, adjoignant à son empire la region de Labé commandée par Koumbourou venu du Boundou, et celle de Foukoumba, ayant comme chef Koumba Sango, originaire de Bouré.
" Les Foutadialonké se réunirent alors sur la montagne qui a gardé depuis ce temps le nom de " Fello Dantégué " (la montagne de l'assemblée). Dans cette situation désespérée, il fallait un chef énergique, en même temps qu'un homme politique. L'assemblée n'accueillit pas la candidature d'Alfa Salifou, fils de Karomokho, qui, bien que très brave, fut trouvé trop jeune. Ibrahima Yoro Paté, Sidianké, petit-fils de Kikala et fils de Malic-Si, cousin et disciple de Karamokho, fut élu par l'assistance. Beaucoup plus actif et remuant que son maître, il était renommé pour l'audace de ses attaques, marchant la nuit pour tomber au petit jour sur l'ennemi qui le croyait bien loin. C'est de là, prétend-on, que lui serait venu le nom de Sori qui signifierait " le matinal ". Par ses frères descendants de mères malinke, par des alliances avec des familles Dialonké de l'est, telles que les Boua-Si, Boubou-Si, Karandé, qui comptent encore parmi les Sidianke, il reforma une petite armée grossie par tous les chefs de bandes qui erraient sur les bowals solitaires de l'ouest, vivant du pillage des caravanes. Bientôt, son renom de grand guerrier lui amenait de partout des gredins en quête de vols et de meurtres. Il secoua l'apathie des chefs qui s'étaient soumis aux Dialonké et promit aux Dialo, Si et Ba qu'ils ne seraient pas inquiétés dans la possession des terres qu'ils avaient conquises jadis. Il put ainsi, ayant fait la main de ses gens par quelques fructueuses expéditions, réunir une armée importante avec laquelle il gravit les flancs du plateau, après l'avoir remplie d'enthousiasme dans l'assemblée générale du bowal Sori Ouaguino (bowal de la réunion de guerre ou du pronunciamento de Sori, Madrolle, p. 302) 9.
" Tout favorisait le jeune général : Kondé Bourama, chef d'un vaste empire, avait abusé de son pouvoir. Près du Foukoumba, à Soli, il avait élevé son tata et, en signe de soumission, avait obligé les musulmans restés dans le pays à apporter chacun une pierre près de son habitation de Timbo. La légende veut que ce soit lui qui ait introduit au Fouta le " nété " 10 arbre que l'on y trouve en abondance. Son ambition commencait à porter ombrage à ses voisins Solima. Une dernière provocation à ses ennemis acheva de préparer sa ruine. Ayant appris la mort de Karamokho Alfa, il fit quelque temps après violer la sépulture du marabout. Le corps était miraculeusement intact sans trace d'altération. Kondé lui fit couper la main, conservant ce trophée en signe de victoire définitive. " Maintenant, c'est moi le maître! J'ai la force et si les Poulo ne travaillent pas bien les lougans, je leur couperai le cou! (Noirot, loc. cit.). " Sori arriva en ouragan sur le plateau. Ses exploits, au dire des Foulahs, sont inimaginables et font songer à ceux de Roland ou d'Amadis. Dans plus de cent rencontres, rapporte Lambert, il tua 174 rois ou chefs de tribus 11. Toujours est-il qu'en 1767 (chronologie de Laing) il battait complètement à Foukoumba les Dialonké, Solima et Ouasoulonké réunis. A la suite de ces revers, les Solima, en se retirant, se vengèrent sur le Limba où ils firent plus de 3.500 prisonniers qu'ils envoyèrent au Pongo. " Sori les ayant menacés, ils élevèrent la place d'arrêt de Falaba (1768) puis ils vinrent de nouveau incursionner au Fouta. Avec son audace habituelle, Sori leur abandonna le pays et vint enlever Falaba restée presque sans défenseurs (1776). Les Solima durent rentrer précipitamment et délivrèrent la ville. Ils décidèrent alors avec Kondé Bourama de frapper un grand coup et d'anéantir à jamais Sori et ses partisans. La rencontre des deux armées eut lieu près de Hériko sur les bords du tiangol Sira-Kouré. Sori resta vainqueur. Tabaïré et Kondé Bourama furent tués ainsi que la guerrière Aoua que d'autres traditions montrent réduite en esclavage. D'après une légende faite de jactance, Mamadou Ouleng, fils de Sori avait juré de se sacrifier pour sauver le Fouta. Se jetant seul sur l'armée ennemie épouvantée, il tua lui-même Kondé et Aoua. Otant alors ses gris-gris protecteurs, il se voua à la mort et tomba criblé de coups. A ce moment, Sountou, le génie de Sori, lui inspira de crier et aussitôt, dans le lit desséché du Sira-Kouré où campait l'armée fétichiste, une trombe d'eau descendit, anéantissant l'ennemi (Guébhard, loc. cit. Cette légende est intéressante par l'idée du sacrifice propitiatoire qui la domine). Enfin, au combat de Donholl Fella, il rejetait vers le Sankaran et le Firia ce qui restait des fidèles de Kondé Bourama. Diatabira, grande agglomération Dialonké, était détruite et remplacée par le village de Dara-Labé. Djinkonon, près de Kokoun, dans le Koïn, était également réduit en cendres... Koumba Sango, chef des Souma et Bangoura du Foukoumba, fut chassé vers l'ouest ob il se réfugia auprès de ses frères du Goumba, du Kinsam et du Barign. Dans le nord, Koumbourou, atteint à son tour, fut expulsé du Labé où il dominait dans la province de Sanou. Ses sujets se réfugièrent à Babaya et Lambagni dans le Sanou soso. Cependant, un certain nombre se convertit à l'islamisme et reçut l'autorisation de demeurer dans le Sangala, sous la dépendance du chef du Labé. (En note : M. Brière pense que l'expulsion de Koumbourou et de Koumba Sango eut lieu vers 1785, et non en même temps que celle de Kondé Bourama, ce qui est possible). Il en fut de même dans les autres régions pour tous les Dialonké qui se laissèrent raser la tête et firent salam.
" Poursuivant ses exploits, Sori attaquait les Foulakounda de l'ouest et les battait à Horé Bougou. Nombre d'entre eux, Ourouro ou Diakhite (Ba), de la famille des Elayabé, firent leur soumission après avoir été chassés de Kankalabé. Ils s'établirent dans le pays de Timbi, sous la protection de Sori, et donnèrent à cette province, dont le nom signifie " pays noir " (tin-bi) le qualificatif de " Touni " qui voudrait dire " converti ". Ces Ouroubes allaient faire contrepoids, au profit des Foutadialonké de l'est, aux Dialo du Labé. Ceux-ci se dédommagèrent en soumettant définitivement une partie des Foulacounda au nord et à l'ouest du Labé.
" Les Dialonké convertis furent autorisés, suivant l'importance de leurs villages, à élever des " missikouns " petites mosquées, ou des " tipura " simulacres de mosquées, la grande mosquée ou " missidi " demeurant réservée aux villages des Foutadialonké. Ils s'y réunissaient tous les vendredis avec leurs vassaux, abandonnant ce jour-là leurs foulaso ou marga.
" C'était à la fois la paroisse et le chef-lieu du canton où étaient jugées toutes les affaires litigieuses. Chacune de ces missidi était rattachée soit à l'un des neuf diwals ou provinces du Fouta, dont les chefs, assistés de leurs conseils, dépendaient directement de l'almamy:
soit aux huit diwals secondaires créés plus tard pour les besoins de l'administration :
" Les Fouta-Dialonké triomphants acclamèrent alors Sori comme l'Emir-el-Moumenim, commandeur des croyants ou almamy. Les Hirlabés de Timbo confirmèrent cette proclamation, le reconnaissant comme chef temporel et spirituel de tout le Fouta (vers 1780) 12 (En note: M. Noirot, d'après Mamadou Saïdou, place cet événement vers 1753) 13. A trente ans de distance, M. Guébhard, qui paraît s'être renseigné auprès du même personnage, lui assigne la date de 1791). Mais le grand conseil de Foukoumba, composé de treize membres élus à deux degrés par les chefs de villages devenait de plus en plus despote et décida de perdre l'almamy, jalousant sa grande popularité. " Il s'était érigé en tribunal suprême pour juger et punir les prévarications contre la loi de Mahomet. Il fit tomber les têtes des chefs les plus renommés lorsqu'ils ne lui étaient pas aveuglément dévoués. Il confisqua leurs biens et disposa de leurs femmes. " (Guébhard, loc. cit.) 14.
L'oppression était devenue intolérable. Sori ayant été soumettre les Landouma fut cité à son retour devant le redoutable conseil. L'accusation lui reprochait d'avoir détourné des sommes considérables et d'avoir mangé des viandes impures. Il se rendit à l'invitation de ce tribunal inquisiteur, mais entouré de tous ses partisans. Les membres du conseil furent saisis et exécutés sur le champ. Puis, ayant fait élire un nouveau comité qui vint résider auprès de lui, il fit approuver son élection et se fit couronner. Il choisit alors Timbo comme missidi et comme capitale du Fouta, Foukoumba restant le siège de l'assemblée générale en même temps que la capitale spirituelle. Le chef de cette ville demeurait une sorte de Cheik-ul-Islam.
" Sori le batailleur ne se contenta pas de ces triomphes, il poursuivit l'ennemi héréditaire 15 dans le Sankaran et le Ouasoulou jusque sur les bords du Mafou 16. Le Kollade et le Labe s'étant déclarés indépendants, il réussit à les soumettre. Moins heureux dans le Sérimma 17 son armée fut décimée par la variole et il dut la licencier.
" Il envahit ensuite le Boundou où dominaient encore les Dénianké et obligea le chef Makha à se convertir et à lui payer tribu. La tradition veut même qu'il ait porté ses armées jusqu'à Koniakari au cur du Karta (Lambert démenti par Bayol 18). Toujours est-il qu'il aida puissamment Malic-Si et Maka Djiba contre les Oualiabé et les Badiaranké fétichistes du Bambouk). Dans le Koin, les Dialonké fétichistes furent rejetés dans les vallées du nord, au delà des bowals 19 qui de tous côtés servent de remparts au Fouta (vallées de Kounda, Kouloum, Goumbou). Ils y fondèrent les grands villages de Sankaran, Mélia, Kounda, Firignia. D'autres, rejetés vers l'est, se retranchèrent dans Toumania et Sambatignan. Sori, devenu l'idole du Fouta, reçut le titre de " Mahoudo " le Grand. Mais s'il était homme d'action et ambitieux, la justice était cependant en son cur. Il conservait une reconnaissance éternelle à la famille de son maître vénéré, Karamokho Alfa. C'est du moins ce qu'il disait. Il est permis de supposer toutefois que s'il abandonna une partie de son autorité à Salifou ou Salihou, fils aîné des cent enfants du pieux Karamokho, il fut quelque peu forcé par le conseil des anciens. On lui rappela que s'il avait été nommé, c'est parce que Saliou était trop jeune lorsque Karamokho fut frappé de folie. En outre, on lui reprochait de trop s'appuyer sur l'élément Malinké et Bambara et sur les nouveaux convertis au détriment des intérêts foula. Il eut l'habileté d'écarter l'orage qui se préparait en partageant le pouvoir avec Saliou. Celui-ci prit à son tour le titre d'almamy. Le pouvoir se trouva ainsi partagé entre les deux familles. A cette dualité dans le gouvernement répondit l'organisation de deux partis qui reçurent les noms de Soria et d'Alphaya, représentant le premier le parti libéral, le second le parti musulman intransigeant. C'était une réminiscence des Cof berbères. Chacun des almamys devait régner à tour de rôle et le même roulement devait avoir lieu entre leurs partisans dans l'administration des provinces. Au-dessous de l'aristocratie, représentée par les familles des conquérants, il existait des hommes libres, sans aucun droit politique, les " bouroure " ou paysans et des esclaves. Enfin les gens de caste, griots, forgerons, cordonniers, etc., vivaient à la solde des chefs.
Cette organisation politique fonctionna sans trop de heurts pendant le règne de Sori. Alfa Saliou était d'ailleurs peu redoutable. Malgré de nombreuses campagnes dans le Ouasoulou, il dut, après plusieurs défaites, abandonner l'espoir de soumettre ce pays. Il ne fut pas plus heureux contre les Solima, dont le chef Donka, mort en 1800, le battit complètement devant Falaba 20 . " Alfa Saliou mourut lui-même peu après cette expédition, assassiné par l'alfaya Ali Bilma. Abdoulaye Bademba le remplaça comme almamy. Il fit saisir Ali Bilma et l'envoya enchaîné dans le Bondou (Dochard). Enfin, vers 1813, Sori ayant été dans le Labé pour assurer la succession du chef Modi Mamadou Sellou, tomba malade et mourut. Avec lui disparaissait une des plus grandes figures du Fouta-Dialo 21.
" A la mort de Sori, la paix régnait sur tout le haut plateau et la sagesse de la constitution semblait devoir mettre ce pays à l'abri de l'ambition des grands chefs 22 . Leur pouvoir était en effet réfréné par un conseil des anciens de sept membres dont la puissance était considérable. Cette assemblée avait seule le droit, en principe, de déclarer la guerre et de faire la paix. Elle pouvait même destituer l'almamy et ne mettait aucun ménagement dans les remontrances qu'elle lui adressait. Les Hirlabé étaient les représentants et porte-paroles de chaque province 23 , et, au début, leur président était Modi Maka qui, par sa sagesse, sa finesse et son éloquence, mérita le titre de Mahoudo, le grand. Il représentait Koïn Kébalé. Les membres du conseil étaient : Tierno Yousoufou pour Labé-Foukoumba, Tierno-Samba pour Timbi-Touni, Baye-Si pour Timbi-Médina, Bayero Talato pour Benteniel et Kolladé-Bomboli, Tierno Mallal pour Timbo-Massi, Tierno-Ahmadou pour Bouria (Guébhard, loc. cit.). Les almamys, comme les chefs de diwal, avaient intérêt à être toujours en bons termes avec ces personnages qui devinrent bientôt les chefs de famille les plus riches de l'Est. Leur président qui portait le titre de " grand porte-parole des Poul-Poular " fut une sorte de maire du palais dont les avis avaient un poids extraordinaire. Noirot décrivait ainsi le petit-fils de Modi Maka le Grand, Modi Dioko (1881). " Il a dépassé la soixantaine. Sa figure est fine et bienveillante, son regard doux et pénétrant. Sa toilette est soignée et simple à la fois. Outre la belle vallée d'Hériko, il possède des " roundé " sur toutes les montagnes du voisinage et dans plusieurs contrées du pays. Il aurait, dit-on, cinq mille captifs. Jamais il ne manque de riz, et comme il est très genéreux, il secourt ceux dont les récoltes sont mauvaises. " " Ce seront ces notables, a écrit M. Guébhard, se transmettant de père en fils leurs charges, les véritables maîtres du pays, élisant et révoquant les chefs, les affaiblissant en leur suscitant des compétiteurs pour ouvrir à nouveau les vacances, dont leur appui intéressé faisait pour eux la source de fructueux bénéfices. Gorgés de la richesse du pays, de butin pris à la guerre, ils useront de toutes les armes de la diplomatie et leur rôle, s'il est souvent odieux, n'en demeure pas moins comme un curieux exemple de ruse intelligente qui dompte la force et l'asservit à ses desseins. "
" Chaque province avait, elle aussi, son conseil des anciens. En outre, chaque chef de l'un des " çof " Soria et Alfaya avait près de lui son collègue de l'autre çof qui le surveillait et était appelé lui succéder. " Les Poul, qui ont de la tête, disait Mamadou Saïdou à Noirot, auront toujours deux chefs, parce que si l'un est mauvais et garde tout pour lui, on va chez l'autre. " L'insigne du chef en exercice était le " tabala " ou " tabaldé ", le tambour donneur d'ordres, accroché à un petit tronc d'arbre ébranché, à la tête de son lit.
" Une autre particularité de l'organisation du Fouta-Dialo était la neutralité absolue en cas de guerre civile dont jouissait la province de Foukoumba où il était interdit, non seulement de se battre, mais même de préparer les hostilités... 24 Après la mort de Sori, Abdoulaye Bademba, Alfaya, ayant appris la nomination de Saïdou, fils de Sori, comme almamy Soria et croyant avoir bon marché du parti adverse dont le fondateur avait disparu, l'attaqua par surprise près de Timbo et le massacra avec quelques-uns de ses partisans 25.
Au dire de certaines légendes, après Saïdou, fut elevé sur le pavois un certain Alfa Bakar Dikourou qui aurait régné trois ans et aurait tué le frère de Saïdou, Ahmadou Fella. Il serait mort lui-même peu après, à Hériko-Kompon. C'est alors seulement qu'aurait été élu Abdoulaye Bademba 26.
" A peine était-il couronné qu'une nouvelle armée fétichiste du Ouassoulou entra au Fouta. Il fut assez heureux pour pouvoir la détruire dans les défilés qui avoisinent Tsaïn. Il avait auparavant conquis le Koli avec le chef du Labé. Enhardi par ces succès, il réunit toutes ses forces disponibles et alla attaquer les Solima comme son prédecesseur Alfaya 27. Or, les Soria avaient de nombreuses attaches parmi les Solima. Le nouvel almamy Soria, élu au moment du départ d'Abdoulaye, Abdoul Gadiri (Abd-el-Kader) arrivait de l'ouest, réfugié pendant la guerre civile chez le chef du Pakessi. Le chef du Kadé, Abdoulaye, ayant mis ses richesses à sa disposition, il put, grâce à sa générosité, épouser la fille de son hôte, descendant de Koli. Pour reconnaître le dévouement du chef du Kadé, il autorisa Abdoulaye, lors de son couronnement, à percevoir un pagne par personne qui traverserait le Koli (plus tard, ce chef ayant abusé de son pouvoir fut appelé à Timbo et condamné à mort. Voir à ce sujet Hecquard). Il était donc très bien vu des gens du Labé chez lesquels il avait été élevé. Le chef du Solima, Assana Ayira, surnommé Yorédi, avait été son condisciple chez un célèbre marabout du Labé, Salem Guirladjio. Les deux anciens camarades firent secrètement cause commune. Yorédi battit complètement les Alfaya qui étaient venus l'attaquer et beaucoup de Solima revinrent à ce moment au fétichisme, au dire de Laing, en haine de l'intolérance Alfaya. De son côté, Abdoul-Gadiri profita du désordre causé par cette campagne désastreuse pour venger l'assassinat de son frère. Abdoulaye, ayant perdu ses plus fidèles partisans, essaya de s'enfuir dans le Labé. Mais il fut rejoint dans le Kolladé par les Soria et tué à Kétignia, au bord de la Téné, de la propre main d'Abdoul-Gadiri. Son fils périt également dans cette échauffourée (1819) 28.
" Abdoul-Gadiri passa en jugement pour meurtre, mais réussit à se tirer d'affaire, grâce aux nombreux cadeaux qu'il distribua 29. Il conserva ensuite le pouvoir jusqu'à sa mort survenue vers 1830 30, Les premières années de son règne 31 furent ensanglantées par des luttes civiles. Bakari, fils d'Abdoulaye Bademba, conduisait les Alfaya. Un moment, l'almamy Soria dut abandonner Timbo et se fixer à Hériko (1822) (En note, d'après Gray) 32. Les Soria finirent cependant par triompher et la paix fut rétablie, au moins en apparence. Abdoul Gadiri en profita pour aller razzier et soumettre les fétichistes voisins. Il étendit l'empire Fouta-Dialonké sur le Niocolo et le N'Gabou qu'il plaça sous la surveillance du puissant chef du Labé, son ami dévoué. Son règne fut des plus brillants. Hecquard, passant plus tard à Timbo, y contempla les ruines d'un palais de trois étages en pierre qu'il aurait fait construire. Il est probable qu'il s'agissait d'une maison dans le style de celles de Djenné, lieu de passage de ses ancêtres. Il fut moins heureux à la fin de son règne, contre le Sankharan, l'ennemi héréditaire des premiers Sidianké. Son attaque fut complètement repoussée. Il en fut de même dans le Solima, contre lequel il fit une expédition malheureuse 33 oubliant les services que ces Dialonké avaient rendu à la cause des Soria. Cette campagne fut marquée par la défaite de Songoya.
" A sa mort qui survint à Kounta, des compétitions éclatèrent. Yaya, frère d'Abdoul Gadiri, acclamé par les anciens, vit s'élever contre lui un autre Soria, son neveu Ahmadou, fils d'Ahmidou et petit-fils d'Ibrahima Sori Mahoudo. Yaya fut probablement tué car il disparut l'année même de son avènement d'après certaines légendes (Madrolle, Bayol).
" Caillié raconte que les troupes de Boubakar, almamy alfaya, et de Yaya, étaient aux prises au début de 1827 34. A la fin de mai, à Gambaya, il mentionne assez longuement que Yaya, battu, a été déposé par les anciens. Son adversaire Ahmadou qui, d'après le même témoignage, était aidé par les Alfaya, se fit alors proclamer almamy Soria vers 1831. Mais les Hirlabé de Timbo déclarèrent illégale son élection : Ahmidou, son père, n'ayant jamais été almamy, le fils ne pouvait prétendre à ce titre. Refusant de se démettre, il vit se renouveler contre lui la coalition des Sorya et Alfaya qu'il avait suscitée jadis contre Yaya : l'almamy Alfaya Boubakar, fils d'Abdoulaye Bademba, le battit et le tua près de Donhol Fella sur les bords du Tiangol-Fella (1831) 35. Son règne aurait duré, disent les chroniqueurs, trois mois et trois jours. Boubakar l'Alfaya régna ensuite seul jusqu'à sa mort (1838 ou 1840) 36. Mais cette période ne fut pas une ère de paix, car les Soria ne cessaient de se rebeller. Omar (fils d'Abdoul Gadiri) était leur chef. (En note : D'après M. Guébhard, il serait fils de Yaya 37. Cet auteur ne fait aucune mention d'Ahmidou). Né vers 1814, il avait dû, à la mort de son père 38, s'enfuir chez son cousin, l'almamy du Boundou, Boubakar Saada, l'ami des Français de Saint-Louis, qu'Omar apprit à apprécier. Il lui dicta comme un devoir essentiel du souverain de renvoyer toujours le visiteur les mains pleines. Vers 1835, appelé par tous les Soria, Omar put rentrer au Fouta, et prendre possession de la grande fortune laissée par son père. Il se retira à Sokotoro, une de ses marga, où, par sa générosité, il attira toute la jeunesse ambitieuse et remuante du pays. Il la tint en haleine par des expéditions fructueuses contre les infidèles, abandonnant à ses troupes la plus grande part de son butin et même de sa fortune personnelle. Il devint l'idole de cette armée et le parti Soria, depuis longtemps éloigné du pouvoir, se groupa autour de ce chef énergique et bon. Sans avoir été sacré almamy, il était aussi puissant que Boubakar.
" C'est à ce moment que le pélerin El-Hadj-Omar arriva pour la première fois au Fouta-Dialo, venant de la Mecque. On s'explique la rapidité avec laquelle il recruta des adeptes par l'état d'instabilité politique du pays, par les haines de parti et de race qui s'y faisaient jour.
" Le grand conquérant toucouleur de la famille des Tall était né à Haloar, village du Dimar, près de Podor, en 1797. (Voir à son sujet Faidherbe, passim; Mage, loc. cit.; Le Chatelier. loc. cit. Archives de Dinguiraye : lieutenant Daubreuil, commandant de Lartigue). (D'après M. Daubreuil, il serait venu au monde à Guédo, près de Dagana, en 1808. Son père, Omar Seïdou, marabout véneré, lui donna les premières leçons. Remarquablement doué, il fut confié vers 15 ou 16 ans à des marabouts plus instruits que ceux de Guédo. (En note : D'après les uns, il fut envoyé chez les Maures, puis vers Oualata où il passa deux ans chez le marabout Mabou-loud-Fall ayant pour condisciple le futur ennemi des français, le mahdi de Podor (M. Le Chatelier), d'autres, au contraire, le font séjourner au Boundou auprès du savant Omar Mabo, puis dans le Labé.) Venu ensuite dans le Labé, il fut nommé par les Hirlabé marabout de Satina. Bientôt son intelligence, son renom de sainteté, ses projets de départ pour La Mecque lui attirèrent, en même temps que de nombreux disciples la haine du chef du Labé. Il dut alors précipiter son départ et se mit en route pour la Terre Sainte. (En note : Il passa par Guédo, où il put rendre les derniers devoirs à ses parents et, après avoir réglé la succession, il partit, accompagné de son frère Aliou et de quelques suivants qui devaient presque tous mourir au retour, y compris Aliou, frappés du choléra. Il traversa le Ferlo, le Dialo, Siguiri, Kangaba où l'on conserve la case qu'il occupa. De là, il descend à Ségou, traverse le sud du Macina et arrive à Médina, village peuplé de Foulbé, dans le Haoussa. Le chef Mohammed-BaïloDemba, plein d'admiration pour lui, l'aurait retenu deux ans. Enfin, il reprend sa route, traverse le Bornou où il apaise un différend entre deux chefs qui allaient en venir aux mains et atteint Souakim par le Darfour et la Haute Egypte.) A La Mecque, il rencontra Mohammed-el-Ghâli, disciple de Si Ahmed Tidiani, qui allait devenir chef de la Zaouya Tidiane de Fez. Son influence sur Omar devait être prépondérante. Ils se rendirent de concert à Médine où ils restèrent deux ans, travaillant et catéchisant les enfants. Omar s'y maria avec une Arabe, Néné Aïssata Makha, qui mourut plus tard à Bandiagara. Vers 1831, d'après M. Le Chatelier, il se rendit au Caire, où il se créa de solides relations parmi les Cheiks d'El Azhar, université religieuse. Il s'affilia au Kheloutya, puis prit " l'Ouerd " des Tidianes. Il rentra ensuite par le Bornou où il arrivait vers 1833. La légende du Dinguiraye et les écrits qu'il aurait laissés dans ce pays (d'après le lieutenant Daubreuil) le montrent venant directement de Djeddah. C'est alors que commencent les miracles dont le bruit va le precéder au Soudan : une tempête s'élève dans la Mer Rouge; le boutre va sombrer... les passagers poussent des cris déchirants. Omar, très calme, ordonne le silence et se met en prière. A peine le salam est-il commencé que les flots s'apaissent.
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" Omar qui se présentait au Soudan comme Khalifat des Tidianes et qui fustigeait impitoyablement l'ignorance et la tiédeur des Musulmans Soudanais, prédit que de nombreuses plaies allaient frapper le Bornou. Le chef effrayé s'humilia, se repentit et lui fit de nombreux cadeaux. (Note : Le chef Sekho Ahmed Tidiani avait voulu le faire assassiner pendant la nuit. Mais un envoyé d'Allah gardait sa case, qu'il entoura d'un mur de 30 coudées de haut.) Accueilli en triomphateur chez les Haoussa, on lui offrit la succession de son ancien protecteur, Mamadou Baïlo Demba. Mais il voulait revenir dans cette Sénégambie où s'était écoulée sa jeunesse. Après s'être marié à une femme Haoussa de laquelle il eut ses fils Ahmadou et Habibou, il partit vers l'ouest avec son frère Alfa Ahmadou qui était venu à sa rencontre. Mais à Ségou, il fut en butte à la haine implacable des marabouts Kadrya qui ameutèrent contre lui leurs élèves et les fétichistes. Jeté en prison par le roi Bambara Tiéfolo, il échappa non sans peine à l'assassinat medité par les Kadrya Soninnké et le chef du Ségou,Toro-Koma-Diara.Les Bamana du Kaarta, les Malinké du Manding lui interdirent le passage vers le Toro. Il descendit alors sur Kankan et gagna le Oulada d'où il s'installa à Diegouko, non loin de Timbo.
" Là, comme partout où il était passé, sa présence suscita des troubles. La légende raconte qu'il y resta six ans, que l'almamy Boubakar le reçut avec répugnance et que, au contraire, il fut bien accueilli d'Omar 39. On le montre même servant de mediateur entre l'almamy et le chef des Soria. On va jusqu'à dire qu'en signe de respect, Omar lui aurait remis son turban d'investiture. Mais ces racontars nous paraissent suspects. Qu'Omar, par ambition, l'ait bien accueilli, est assez plausible; mais nous savons par Hecquard, qu'il n'était pas tendre genéralement, pour les marabouts du Fouta Toro : " Il faut un exemple, disait-il, pour ces misérables qui, se faisant passer pour les descendants de Mahomet, viennent de tous côtés extorquer des cadeaux aux populations. " (Hecquard). " El Hadj Omar sentit très bien qu'avec un tel protecteur, il n'arriverait à rien et il chercha une terre infidèle où il pourrait sans remords se tailler une principauté. Ce fut au chef de Tamba qu'il s'adressa. "
André Arcin fait alors l'historique des premières années guerrières d'El-Hadj-Omar. Celui-ci conquiert le Dialonkadougou (au nord-est de l'Etat peuhl du Fouta-Djallon) sur les Dialonké. Ceux-ci n'avaient donc pas complètement abandonné le Fouta. Ils tenaient encore le Dialonkadougou au nord-est des Peuhls, le Soliman au sud de ceux-ci et la côte de Guinée au sud-ouest.
Il y a du reste des erreurs de chronologie dans le récit d'André Arcin concernant El-Hadj-Omar comme il y en a dans son histoire du Fouta-Djallon.
Disons seulement que quand El-Hadj-Omar eut conquis le Dialonkadougou et le Bouré, province de l'or, il eut, d'après Arcin, une entrevue avec l'almamy Omar, du Fouta-Djallon, son ancien protecteur. El Hadj aurait juré à ce dernier de ne pas inquiéter le Fouta et de respecter la frontière fixée au Bafing et à la chaine des monts Mokonyi. En note, Arcin ajoute que la limite fut en réalité fixée au ruisseau Kounsili (tête rasée). Quant aux monts Mokonyi, ils signifient les monts du petit homme.
Notes
1. Cette tradition rapportée par André Arcin, est suspecte, car Timbo semble avoir été d'abord un établissement Dialonké, devenu un établissement peuhl ensuite. En 1763, ce village peuhl fut pillé par la coalition Ouassoulonké-Dialonké.
2. Ceci est une erreur. La révolte contre les Dénianké dans le Fouta-Toron et l'arrivée au pouvoir d'Abd-el-Kader sont de 1774 !
3. Cette date de 1726, fixée par M. Leprince, un des historiens de Fouta-Diallon, dont André Arcin a utilisé les notes, est précieuse car elle nous permet de fixer le commencement du règne resté jusque-là un peu flottant de Karamokho Alfa. Nous savons par Gordon Laing qu'il mourut, en 1761. Il fut donc almamy de 1726 à 1761.
4. Ibrahima Sori ne mourut pas du tout en 1818, mais en 1784. D'autre part, il est souvent présenté comme le cousin et non le disciple de Karamokho Alfa. Avec tout cela, il n'était pas évidemment un homme fait en 1726, mais Guébhard ne le présente pas comme tel, mais comme un jeune homme ou un adolescent téméraire. Il n'est pas impossible qu'il ait provoqué la guerre en 1726, ayant alors quinze ou vingt ans.
5. Les Sankaranké étaient des Malinké fétichistes (et non des Dialonké) pénétrés de quelques eléments peuhls venus du Ouassoulou.
6. Cette première prise de Timbo n'est pas celle que Gordon Laing place en 1763.
7. Ces détails sont intéressants pour l'histoire de Kankan, au XVIè siècle, et pour l'histoire de Beyla. C'est donc vers 1763 que Beyla fut fondée au sud par les mêmes Soninnké qui avaient fondé Kankan auparavant et qui furent chassés, au moins momentanément, par Kondé Birama.
8. Cette prise de Timbo par la coalition des Ouassoulonké, Sankharanké et Soulimananke est celle que Gordon Laing signale et place en 1763.
9. Il doit y avoir ici une erreur de M. Andre Arcin car Madrolle (p. 302) ne dit rien de tel. Il dit simplement que Ibrahima Sori battit tour à tour les bandes ennemies puis remporta une victoire décisive (qui est celle de 1776, voir Gordon Laing) et que Madrolle place par erreur en 1780.
10. Ou néré (Parkia Biglobosa).
11. Cela veut dire 174 chefs de villages, probablement. D'autre part on voit qu'André Arcin fait=mourir Karamokho Alfa en 1766 approximativement et non en 1751, comme je=l'ai fait moi-même, d'après une indication de Gordon Laing.=La question est douteuse et serait à reprendre de plus près.
12. C'est plutôt vers 1778, après la victoire décisive d'Ibrahima Sori qu'il faut placer cet évènement.
13. Il doit y avoir ici, chez Arcin, une erreur d'impression ou une erreur proprement dite. En effet, Noirot qui met la fondation de Timbo (du village peuhl) par Karamokho Alfa on 1754, ne peut pas mettre l'avènement à l'almamirat de son successeur Ibrahima Sori, après ses grands triomphes, en 1753 ! C'est sans doute 1783 qu'il faut lire, ce qui est une date en relation avec la chronologie de Noirot. Quant à la date de 1791 de Guébhard, elle fait partie de cette chronologie complètement fausse qui dépare le travail de celui-ci.
14. Ceci, emprunté par Arcin à Guébhard (qui est sans critique), est bien exagéré, puisque ce fut au contraire Ibrahima Sori qui fit tuer les treize membres du grand conseil de Foukoumba. En fait, ce grand conseil musulman voulait avoir la réalité du pouvoir, mais il se heurta souvent à des almamys énergiques.
15. Il s'agit des Ouassoulonké
ou des Sankaranké.
16. Le Mafou est un affluent de gauche du Haut Niger situé dans le Sankaran. Le Ouassoulou proprement dit est plus à l'est, au delà du Niger.
17. Le Sérimma est probablement le Soliman. Ces renseignements sont empruntés à Guébhard qui se soucie peu de voir clair dans ce qu'on lui a rapporté.
18. C'est Bayol qui a raison, car Koniakari, à la fin du XVIIIè siècle, était la capitale du Khasso et n'appartenait pas encore aux Bambara du Kaarta, qui ne la conquirent qu'au commencement du XIXè siècle. Lambert est un assez mauvais observateur dont les renseignements doivent être contrôlés de près.
19. Ou mieux baowal. Ce sont des plateaux ferrugineux et humides, couverts d'une herbe courte et grasse pendant la saison des pluies, où l'on peut mener paître les nombreux troupeaux du Fouta. D'autre part, les Badiaranké dont on vient de parler, ne sont pas des fétichistes du Bambouk, ils appartiennent au groupe des Koniagui et des Bassari qui sont au nord du Fouta-Djallon.
20. D'après Gordon Laing, cette défaite eut lieu en 1797.
21. Il est difficile d'admettre cette date de 1813 pour la mort d'Ibrahima Sori (qui n'aurait du reste, depuis longtemps, plus joué aucun rôle dans l'histoire .du Fouta). Elle n'est fondée que sur l'autorité très suspecte de Lambert. Ibrahima Soi doit être placé (il régna 33 ans) soit de 1751 à 1784, soit, si l'on admet avec André Arcin, que Karamoko Alfa n'est mort qu'en 1766, de 1767 à 1800. (Et encore, il y a ici des réserves à faire. Voir plus loin.) Quant à la version adoptée par André Arcin au sujet des évènements du Fouta-Diallon, de la fin du XVIIIè siècle, elle est démentie par Gray et Dochard, bien plus près des évènements (1821) qui disent : " Yoro Paddé surnommé Sourie... fut lui-même remplacé par l'almamy Sadou qui, détrôné par Ali Bilmah et Alfa Salihou tomba bientôt victime de leurs intrigues sanguinaires. Salihou, proclamé roi, signala son administration par des pillages et des incursions dans les Etats voisins " (Walckener t.VII, p.160).
André Arcin ne parle aucunement de Saadou qui fut tué par Ali Bilmah et Alfa Salihou. Comme on voit celui-ci devant Falaba en 1797 (date de G. Laing), il faut admettre qu'Ibrahima Sori est mort avant cette époque, soit en 1784, soit un peu plus tard, mais, en 1797, il n'était certainement plus là ni son successeur immédiat, Sadou ou Saadou.
22. La constitution qui remplaçait, tous les deux ans, un almamy Soria par un Alphaïa et vice-versa, n'était nullement sage, quoiqu'en dise Arcin, mais plutôt folle. Quant à la paix qui régnait soi-disant au Fouta-Djallon, elle régna jusqu'à la mort d'Ibrahima Sori, mais à partir du décès de ce grand homme, ce ne furent que guerres civiles et batailles.
23. On ne conçoit guère l'éloge de ce grand conseil par André Arcin quand l'on songe que quelques années auparavant (entre 1776 et 1780), Ibrahima Sori avait fail massacrer les membres du haut conseil de Foukoumba! Avec un almamy capable et énergique, ce grand conseil n'avait aucune autorité, avec des almamys brouillons et ambitieux, il ne servait qu'à susciter des troubles dans le Fouta, troubles éternels car l'on opposait toujours un almamy à un autre!
24. Suit une dissertation d'André Arcin sur la constitution du Fouta-Djallon que nous passerons sous silence.
25. En note, André Arcin dit que Guébhard fait tuer Saïdou par Alfa Salihou, fils de Karamoko Alfa, soutenu par Alfa Ousman, chef de Foukoumba. Mais ici, c'est Guébhard qui a raison contre André Arcin. Guébhard a beau avoir une chronologie déplorable, il n'empêche que Saïdou ou Sadou ou Saadou, fils et successeur d'Ibrahima Sori le Grand, fut bien tué par Alfa Salihou et Ali Bilmah (voir Gray et Dochard).
26. Nous avons vu plus haut qu'on peut mettre cet Alpha Bakar Dikourou de 1802 à 1805.
27. Cette expédition est en réalité de 1805, comme nous le savons par Gordon Laing.
25. Ce n'est pas en 1819, comme le pense André Arcin, qu'eut lieu cette mort, mais en 1813. D'autre part, d'après l'exposé de Gray et Dochard, il ne semble y avoir eu aucun rapport entre l'expédition malheureuse dans le Souliman (1805) et la mort d'Abdoulaye Bademba (1813). Au sujet de cette date de 1813, disons qu'elle n'est pas absolument sûre, car si la tradition, rapportée par Guébhard, que Bademba aurait régné de neuf à dix ans, est exacte, on peut mettre sa mort en 1814 ou 1815, aussi bien qu'en 1813. En fait, nous n'avons pas de dates fermes. Rappelons du reste qu'Abdel-Kadr attaqua lui-même Falaba en vain en 1820 (d'après G. Laing). Cette attaque montre comme assez suspecte la tradition d'une collusion en 1805 entre les gens du Soliman et les Soria du Fouta contre l'almamy Alphaïa Abdoulaye.
29. Nous ne reproduisons pas ici une note d'André Arcin où il dit que la chronologie de Guébhard qui fait régner Abdoulaye Bademba de 1823 à 1833 est fausse. Nous le savons, du reste, car Abdoulaye Bademba a régné de 1805 à 1813 ou de 1805 à 1815. Mais, si la chronologie de Guébhard est toujours inexacte, celle d'André Arcin, pour être meilleure, car lui, au moins, il a lu G. Laing et Gray et Dochard, n'est pas complètement exacte non plus.
30. Ceci est faux car René Caillié passa dans le pays en 1827. Or, Abd-el-Kader était mort depuis quelque temps à cette époque, mort qu'on peut mettre approximativement vers 1826.
31. Arcin met ce règne de 1819 à 1830. Il faut le mettre de 1813 (ou 1815).
32. Encore une erreur d'Arcin. Gray et Dochard, qui finirent leur expédition en 1821, ne peuvent pas donner la date de 1822 pour un fait qui s'est passé soit avant eux, soit pendant qu'ils étaient dans le pays. Il faut donc rajeunir cette date de quelques années. En réalité, ces évènements (lutte avec un fils d'Abdoulaye Babemba) doivent se placer entre 1813 et 1819 (ou 1815 et 1819). La razzia contre les fétichistes est l'expédition contre Falaba (1820) que nous rapporte Gordon Laing et qui échoua comme les précédentes.Andree Arcin en parle un peu après.
33. Celle de 1820 dont nous venons de parler. Arcin a peut-être renversé l'ordre des évènements (ou plutôt ses renseigneurs) car l'expédition contre les Solimanké (1820) n'est pas de la fin, mais du milieu de son règne.
34. Alors, comment André Arcin a-t-il pu dire un peu plus tôt qu'Abdoul Gadiri était mort en 1830? Ici, il mentionne, d'après Caillié, que ses successeurs étaient aux prises au commencement de 1827!!!
35. Pourquoi André Arcin met-il ces évènements (qui se sont passés en 1827) en 1831? Mystère. Pourtant, il sait bien qu'Ahmadou (ou Ahmidou) et il le dit lui-même, ne régna que trois mois et trois jours.
36. En réalité, Boubakar a régné, comme nous l'avons vu plus haut, de 1827 à 1837. Quelle difficulté pour établir une chronologie sérieuse!
37. Ce doit être une erreur de Guébhard.
38. Donc en 1825, s'il est le fils d'Abdoul-Gadiri, comme c'est très probable.
39. Ces faits se sont passés probablement entre 1835 et 1837, avant la mort de l'almamy Boubakar. Nous avons vu plus haut que Delafosse, dans son Haut-Sénégal-Niger, t. 11, p. 306, s'est trompé en plaçant la captivité d'El Hadj Omar à Ségou en 1838; en fait, il est arrivé au Fouta-Djallon avant la mort de Boubakar, c'est-à-dire avant 1837.