Paris. Librairie Marpon et Flammarion. 1882. 248 p.
Accompagnés par les souhaits de la population de Mamakono et munis des recommandations de Kié-Kié-Mahadi pour son frère Sambo, nous quittons la capitale du Bélédougou le 31 octobre.
Kaza nous fait la conduite jusqu'à une grande distance de la ville et, en nous quittant, il est ému. Encore un peu, il pleurerait.
Après une étape de quarante-deux kilomètres à travers un pays plat, boisé et coupé de quelques ruisseaux, j'arrive à sept heures du soir sur le bord du Diali-Kobé, cours d'eau rapide de quarante mètres de largeur qui baigne les jardins du village de Marogou et dont les eaux miroitent sous un clair de lune magnifique. Un homme laissé par le docteur, pour guetter mon arrivée, me prend sur ses épaules et, entrant dans l'eau jusqu'à la ceinture, va me déposer sur la rive opposée.
Marogou, dont le nom signifie pays du riz, est un village de six à sept cents habitants, tous Malinké. C'est la capitale d'une petite république, appelée le Sirimana. De belles cultures de riz couvrent les environs et de grands bœufs pâturent autour du village.
L'or y est aussi commun qu'à Mamakono et le Diali-Kobé, qui porte ses eaux à la Falémée, en charrie des paillettes.
Ce village n'a pas de tata général, mais plusieurs propriétés sont entourées de hautes murailles en terre. La jeunesse y est très gaie ; tous les soirs il y a tam-tam. Le fils du chef, Mahka, jeune homme de dix-sept ans, est le boute-en-train de toutes les fêtes. Il se multiplie, il fait la cour à toutes les jeunes filles, qu'il cherche à captiver par l'élégance affectée de son costume... C'est un gommeux. Il danse, bat du tam-tam, joue du kora, et dirige les musiciens. Il est le chef de la fanfare de Marogou.
Les habitants ont de belles coquilles qui servent à ramasser le sable d'or qu'ils trouvent en grande quantité dans le Diali-Kobé. On nous rapporte, prises dans ce ruisseau, des moules vivantes, aux coquilles nacrées, qui ont de huit à dix centimètres de longueur.
Après trois jours de négociations, le chef, Moury-Moussa, son frère, Salomon Moussa et son fils, Mahka, signent avec nous un traité par lequel le pays est ouvert aux Français et placé sous notre protectorat.
Pendant notre séjour, la température a varié entre 34 et 26 degrés.
Nous quittons Marogou, le 3 novembre, le jour de la Tabasquie, grande tête musulmane. Pour complaire à notre escorte, nous faisons halte sur le bord d'un ruisseau. Les croyants font de grandes ablutions, se rangent en triple ligne, la face tournée du côté de l'Orient, et Gibril Sangomar N'Dyaie entonne le grand Salam. Quelques-uns de nos hommes, sceptiques en matière religieuse, regardent leurs camarades d'un air goguenard et l'un d'eux même me dit :
« Tout ça, c'est des bêtises. »
A onze heures, nous atteignons la rive gauche de la Falémée, magnifique rivière de cent cinquante mètres de largeur, le plus grand affluent du fleuve Sénégal. Cinq petites pirogues servent au passage, qui est terminé à une heure, et, bientôt après, nous arrivons à Guéséba, village bâti sur le bord de la rivière.
Mahadi Tambo, chef de Guéséba, est très heureux de nous recevoir : il espère que nous engagerons les marchands blancs à porter du sel dans son pays. En revanche, il leur donnera de l'or ; on en trouve partout dans les environs.
Les abords de Guéséba sont couverts de belles plantations de riz, de maïs, de mil et d'arachides.
La Falémée, très large devant le village, est obstruée par quelques roches qui ne gênent pourtant pas la navigation des pirogues.
Nous rencontrons à Guéséba une troupe d'artistes ambulants, des griots, composée de deux hommes, trois femmes et deux enfants. Ces musiciens vont de village en village et chantent les louanges des grands, en échange de quelques cadeaux.
Nous finissons de souper, lorsque tout à coup les tams-tams résonnent et les femmes font entendre une sorte de mélopée triste et lente, qui appelle la jeunesse à la danse.
Les griots, sous la conduite de Dyaly-Siréman, profitent de la présence du chef parmi nous pour nous donner un concert. Nous ne comprenons rien à leurs paroles, bien entendu, mais les habitants semblent émerveillés des chants de la troupe. Le son des guitares attire l'attention des danseurs et la place du tam-tam est bientôt déserte.
Dyali-Siréman s'accompagne sur le kora et chante un solo, puis les femmes, d'une voix sonore entremêlée de cris, reprennent en choeur. Nous tenons évidemment une large place dans ces récits chantés. A chaque instant le mot Tibabo (chef blanc) revient sur les lèvres des chanteurs. A onze heures du soir, cette fête de famille dure encore et, encouragés par nos libéralités, les griots se proposent de nous suivre le lendemain.
Le 4 novembre, nous arrivons à Farenkounda.
La guerre a ravagé la contrée, Farenkounda n'est plus qu'une ruine. Ça et là quelques pans de mur, à moitié cachés par les hautes herbes, attestent que ce village a été important. A voir nos hommes étendus au pied de ces ruines, on pourrait croire que nous venons de donner l'assaut et que nous campons sur la position conquise.
La présence de Sambo parmi notre escorte jette la consternation chez les rares habitants du village. Le chef, un vieillard aveugle, fait observer au docteur que des hommes qui ont avec eux un sauvage tel que Sambo, ne peuvent être animés de bonnes intentions.
« L'année dernière, dit-il, Farenkounda était un grand village ; de belles récoltes couvraient les environs. Ce gros figuier, maintenant isolé, abritait nos danses tous les jours. Aujourd'hui on pleure ! J'étais un chef respecté et, aimé de tous ; aujourd'hui, je n'ai plus que quelques enfants pour m'aider à passer les jours que j'ai encore à vivre, car depuis longtemps déjà mes yeux ne voient plus le soleil.
Qui donc a jeté la désolation dans mon village? Qui donc a brûlé les lougans, cassé le tata, égorgé tout le monde ? Les hommes du Bélédougou ! Les frères de Sambo !
Un matin, avant que le soleil eût éclairé la campagne, ils sont venus piller, brûler et, comme des tigres, ils ont emporté nos enfants ! Tu me dis que tu ne viens ici que pour le bien de ton pays ; je pourrais te croire ; mais, en voyant avec toi un sauvage comme Sambo, permets-moi d'en douter.»
Longuement, le docteur combat les appréhensions du vieillard, le rassure sur nos intentions et termine en disant :
Sois tranquille, vieillard ; tant que tes enfants seront les amis des Français, ni les hommes du Bélédougou, ni d'autres, ne leur feront la guerre.
Le lendemain, Salouma, le vieux chef, complètement édifié à notre égard, place le pays de Kama sous notre protectorat. Ses fils, émerveillés du présent que nous faisons à leur père, envoient chercher de l'argile aurifère, qui est lavée devant nous. La battée est d'une richesse extrême. Je me fais conduire à l'endroit où cette terre a été prise et j'en remplis une caisse en fer ; il y en a vingt-cinq kilogrammes.
Les divers échantillons de minerai aurifère que nous avons recueillis dans le Bambouc, ont été remis à l'EcoIe des mines. L'analyse a donné des résultats surprenants.
Lorsque nous arrivons en vue de Kérékoto, des femmes et des enfants qui travaillent dans les champs se sauvent en poussant de grands cris et vont donner l'alarme au village. Tous les hommes, armés jusqu'aux dents, viennent à notre rencontre et, craignant une attaque, font mine de nous barrer le passage. Mais la vue de deux visages blancs les rassure. Nous parlementons et ces farouches guerriers nous prient d'attendre, avant de pénétrer dans le tata, que le chef soit prévenu. Une demi-heure après, nous entrons dans le village, précédés des griots qui chantent pendant que Dyali Siréman joue sur son kora une marche brillante.
Ce premier jour, nous soupons d'une excellente friture de petits poissons qui nous semble d'autant meilleure que c'est la première fois que nous en mangeons.
Mais le tam-tam commence. Toutes les beautés de la ville, en toilettes aussi brillantes que possible, y assistent. Deux jeunes filles dansent avec une grâce parfaite un pas de deux rappelant le boléro ; leurs petits pieds touchent à peine le sol et s'agitent, imprimant au torse des mouvements charmants. Leurs mouvements deviennent de plus en plus rapides, l'orchestre précipite sa cadence, les danseuses détachent les écharpes qui garnissent leur poitrine et les agitent au-dessus de leur tête en prenant des poses gracieuses. Leur torse de bronze, brillant de sueur, reflète la flamme d'un grand feu de paille, dont la lumière donne encore plus de relief à leurs formes, qui sont d'une remarquable pureté.
A Kérékoto, nous faisons la rencontre d'un marchand noir qui arrive de Médine avec un âne et deux hommes chargés de sel qu'il vient échanger contre de l'or. En une après-midi, cet honnête commerçant, qui se contente d'un bénéfice de mille pour cent, a terminé son opération commerciale. Nous lui proposons de louer son âne pour aller jusqu'à Médine. Il y consent pour le prix de vingt francs, dix francs en pièces de cinquante centimes et dix francs représentés par un morceau de corail. Nous convenons que le bourricot sera déposé au poste de Médine et je prends immédiatement possession de cette nouvelle monture qui doit m'aider à faire, sans trop de fatigue, le reste de la route.
Kérékoto, capitale du district de Kofé, a une population de mille habitants et est entourée de hautes murailles en terre. Cette petite ville n'est pas très éloignée de la Falémée et ses habitants, qui ont beaucoup de goût pour la pêche, vont y chercher le poisson nécessaire à leurs besoins. Partout, dans la ville, on voit des engins de pêche, filets, nasses, en tout semblables aux nôtres, qui sèchent au soleil.
Le chef de Kérékoto provoque un palabre, où assistent les chefs des villages de sa juridiction, et on conclut un traité qui ouvre le pays de Kofé à notre commerce.
En quittant Kérékoto, je fais vraiment bonne figure, monte sur mon petit âne qui, sans le secours du bâton, marche d'un pas régulier. Nous couchons à Kounsiline, village de Niatiaga, où l'on cultive beaucoup le tabac. Nous recevons l'hospitalité chez un brave noir qui se trouve dans les champs au moment de notre arrivée. Lorsqu'il rentre chez lui et voit sa cour envahie par une troupe d'hommes étrangers, il manifeste un grand contentement et vient chaleureusement nous serrer la main, pendant que ses petits enfants grimpent sur ses épaules pour l'embrasser.
Kadè-Mahadi doit être un homme heureux, l'affection dont il est entouré l'indique suffisamment. Ce brave homme, toujours le sourire sur les lèvres, met tout sens dessus dessous pour nous recevoir. Toutes ses femmes sont occupées à surveiller les marmites où cuit la nourriture de notre suite.
Un griot, habitant d'un village où nous avons passé en venant à Kounsiline, vient réclamer contre nos hommes qui, dit-il, lui ont dérobé six pipes en terre inachevées et deux ébauchoirs en fer. Nous faisons une enquête et nous retrouvons les objets volés entre les mains de Jacques, notre cuisinier, et de son ami Souléman. Ces pipes étaient aussi élégantes de forme que celles qu'on appelle pipes du Levant et les ébauchoirs étaient en tout semblables à ceux dont se servent les modeleurs.
Nous n'avons pas volé, dit Jacques ; les pipes étaient toutes seules sur le bord du marigot : Souléman et moi, nous avons profité !
En quittant Kounsiline, nous avons, pour la première fois, à souffrir du vent d'Est ; ce vent chaud, particulier à l'Afrique, qui dessèche tout et qui, en deux jours, dépouille les arbres de leurs feuilles. Nous atteignons le village de Bourokonet, dont le chef insiste pour que nous n'allions pas plus loin ; nous cédons à ses désirs, mais nous ne tardons pas à le regretter.
Non seulement, ce chef ne nous offre pas même un verre d'eau, mais, le lendemain, à l'instant du départ, on nous vole un filtre à charbon, des ustensiles de cuisine et quelques objets appartenant à nos hommes. Le docteur se fâche et déclare au chef que, si le soir même les objets volés ne nous sont pas rapportés à Sadïola, où nous allons, nous retournerons sur nos pas pour brûler son village et ses cultures. Le chef, tremblant comme une feuille, s'excuse de son mieux et promet d'employer tous ses efforts pour nous faire rendre les objets dérobés.
Nous quittons immédiatement le tata et, après une demi-heure de marche a travers de fort belles cultures de mil, nous arrivons à Sadïola, capitale du pays de Niatiaga.
Le vol dont nous avions été victimes à Bouroukonet était déjà connu des habitants de Sadïola qui ont une peur atroce de nous voir arriver en ennemis.
Bourokonet déshonore le pays et gâte la route que vous avez faite, nous dit le chef de Sadïola ; si les hommes du village ne rendent pas ce qu'ils ont pris, nous vous aiderons à les battre, mais il ne faut pas se presser !
Chez le forgeron où nous logeons, nous sommes l'objet de toutes sortes de prévenances. On craint toujours de nous voir brûler les récoltes. Les palabres ne cessent pas. Nos hommes sont enchantés de la perspective d'attaquer le village et disent aux habitants :
Nous allons faire parler la poudre pour les gens de Bouroukonet !
Mais le soir, quelques-uns des objets volés sont apportés et l'on promet les autres pour le lendemain. Effectivement, le lendemain, le chef de Bouroukonet douze notables du village viennent demander pardon et rapportent le restant du larcin, moins un couteau que l'on n'a pu retrouver.
Les habitants de Bouroukonet embrassent la terre en signe de soumission et le docteur accorde le pardon.
Le chef de Sadïola insiste pour que nous passions avec lui un traité qui mette le Niatiaga sous le protectorat de la France, et ouvre ce pays à l'extraction et au commerce de l'or. Le traité est rédigé et signé. Un traité semblable est signé aussi avec le chef du petit Sirimana.
Nous quittons Sadïola. A mi-chemin de ce village, à Farabakouta, nous visitons les mines d'or de Sadïola. Sept puits d'environ six mètres de profondeur sont reliés entre eux par des galeries souterraines ; des piliers du bois soutiennent les terres pour éviter les éboulements. Je descends dans les puits, à l'aide d'escaliers ménagés dans les parois, où l'on remarque très bien les différentes couches d'argile tachetée de rosé et de blanc, ou d'argile couleur d'ocre. Dans la terre extraite pendant la précédente exploitation, on remarque une substance crayeuse, semblable à du plâtre.
Tout proche de la mine, un puits, creusé dans une roche ferrugineuse, produit l'eau nécessaire au lavage du minerai.
D'après les renseignements fournis par les indigènes, tous les territoires de Sadiola, de Farabakouta et de Sirimana sont très riches en minerai aurifère.
Après une heure de marche, nous gravissons la pente abrupte de la chaîne de Tambaoura, montagnes d'environ deux cents mètres de hauteur au-dessus du Sirimana. De ces sommets, nous voyons les plaines du Bambouc, qui s'étendent aussi loin que le regard peut atteindre et dont la monotonie n'est rompue que par quelques mamelons.
Nous marchons toute la journée sur un sol jonché de roches et de broussailles, d'où émergent quelques arbres énormes. A cinq heures du soir, nous bivouaquons au bord d'une mare, qui sert d'abreuvoir au fauves, seuls habitants de cette solitude.
Pendant la nuit la fraîcheur est telle, que nous nous groupons autour d'un feu pétillant. Le thermomètre marque 13°, à cinq heures du matin. Au jour, nous levons le camp. A midi, nous avons une chaleur de 35°. La fièvre, qui semblait m'avoir abandonné, fait sa réapparition et je subis un violent accès qui dure deux heures.
Nous passons entre deux rochers de grès veinés de rosé, que leurs formes font ressembler à des sphinx. A la nuit, nous campons près d'un marécage, où les sangliers ont tellement barboté que l'eau n'en est plus potable.
Pendant cette dernière nuit passée dans les grandes solitudes de l'Afrique, j'ai pu me convaincre une fois de plus que, pris isolément, les nègres sont des poltrons.
Avant la nuit, un homme en quête d'eau potable avait découvert une mare d'eau claire, perdue au milieu d'un effondrement de rochers, à une faible distance de notre bivouac. Chaque groupe avait fait sa provision pour la nuit, mais les nègres ont une soif constante ; la provision est épuisée et aucun de ces messieurs ne veut en aller chercher.
En vain, j'ordonne à l'homme qui a trouvé la mare d'aller quérir de l'eau pour la consommation, il répond qu'il fait trop noir. Je lui propose de l'accompagner , alors plusieurs hommes, complètement rassurés par la présence d'un blanc, viennent avec moi, portant, pour éclairer la marche, des tisons enluminés. Nous suivons le lit desséché d'un torrent obstrué par de grosses roches noires, parmi lesquelles poussent des arbres tordus et rabougris, dont les formes étranges sont rendues plus étranges encore par l'obscurité. En revenant au camp, des imprudents jettent leurs tisons à demi-éteints sur les herbes sèches et, une heure après, nous sommes enserrés dans un cercle de feu qui dure jusqu'au jour.
Enfin, à l'aube, nous commençons l'étape qui doit terminer notre voyage. Le soleil fait scintiller les gouttelettes de rosée accrochées à chaque brin d'herbe. Nous suivons un sentier qui court sur le flanc de la montagne, et d'où le coup d'oeil est magnifique. A nos pieds s'étend la vallée du Sénégal à travers laquelle le fleuve se déroule sans fin. Au delà, les montagnes de Koniakary, profilent leurs formes noyées dans la brume du matin.
A mesure que nous descendons, le paysage se dérobe et, quand nous sommes dans la vallée, notre vue est bornée par une végétation composée de hautes herbes desséchées d'où s'élancent, çà et là, les squelettes d'arbres dénudés, sur lesquels les merles caquettent avec bruit.
Au delà d'un pli de terrain se montrent les premières traces de civilisation européenne ; le fil du télégraphe, servant de perchoir à des oiseaux magnifiques, est soutenu par des poteaux grossiers, qu'on a coupés dans la brousse.
Enfin, le fort de Médine, dominant les cases de la ville, se montre à notre vue. Hélas ! le pavillon jaune, le pavillon de la quarantaine, a pris la place des couleurs nationales et flotte au-dessus du poste.
Je ne sais quel sentiment s'empare de moi. Tout au contraire du plaisir que je devrais ressentir on songeant que bientôt je reverrai ma famille et mes amis, je suis envahi par une grande tristesse et, jetant un regard en arrière, je regrette presque de voir si tôt se terminer ce voyage qui cependant a été si pénible.
La misère, les fatigues, les privations que l'on supporte au milieu de populations simples, où l'hospitalité est la première dos vertus, ne sont rien auprès des tribulations de la vie civilisée.
Quant à nos hommes, ils sont ravis de voir la fin de leurs fatigues ; ils sont enchantés à l'idée que, le lendemain, ils n'auront pas une charge pesante à porter sur la tête, pendant les longues étapes quotidiennes. Ils pensent qu'un bateau nous conduira bientôt à Saint-Louis et ils expriment leur joie en brûlant les dernières charges de poudre de la mission.
Le jeudi, 17 novembre, à midi, six mois après notre départ de
Boké, jour pour jour, nous entrons dans le poste de Médine, au nombre
de 66 hommes, dont deux blancs, plus un mulet hors de service, un cheval dans le
même état et un âne qui a vaillamment gagné le prix de
sa location. M. le capitaine Combes, commandant de Médine, nous reçoit
avec la plus franche cordialité et nous fait immédiatement asseoir
devant un excellent déjeuner qui nous attend.