Paris. Librairie Marpon et Flammarion. 1882. 248 p.
Le 12 juin, par une belle matinée, nous quittons Tiangué-Mabo. La caravane chemine à travers une vallée couverte de belles cultures, de bosquets touffus, et coupée de nombreux ruisseaux poissonneux, qui ne portent plus, comme dans l'Irnangué [Hirnaange], le nom générique de Tiangui, mais celui de Tiangol. Après deux heures d'une ascension pénible, nous atteignons le premier plateau du fello Sounouma. Un bruit formidable nous révèle, sur la gauche de la route, une cascade qui est de toute beauté.
Les eaux du Djourndé-Dompadié, qui d'abord sortent d'un épais bosquet planté sur l'arête de la montagne, se brisent sur d'énormes blocs de roches noires, puis, rencontrant le vide, se précipitent avec un bruit formidable au fond d'une gorge étroite et profonde.
De ce plateau, où gisent ça et là des blocs de granit qui affectent les formes les plus bizarres, le point de vue est très beau. Au sud se déroule un panorama de montagnes très élevées qu'un ciel orageux inonde de brillants effets de lumière. A droite de la route, se
dresse le pic de Touma.
Toutes les dix minutes, nous traversons un torrent et nous rencontrons des obstacles à décourager les plus intrépides. Au Boundou-Dompadié (source du Dompadié), qui sort d'un amas de roches, la route semble fermée par une muraille. Un étroit pertuis, en forme d'escalier, ne laisse passer qu'un homme à la fois. Ce n'est qu'après trois heures d'un travail opiniâtre que nous faisons franchir ce passage à notre cavalerie.
Des aboiements de chien nous font supposer à tort l'existence d'un village. C'est une troupe de singes cynocéphales qui fait ce tapage. Le Bambara Couli-Bari en tue un qui a un mètre de longueur ; on le dépouille et les hommes s'en partagent la chair, qui fera bonne figure dans la marmite.
Après avoir traverse le Tiangol Tourna, torrent assez large, où mon passeur glisse et, m'entraînant dans sa chute, me fait prendre un bain froid, nous arrivons enfin aux foulassos (maisons de campagne) Wendou-lèy-Touma, où se termine cette longue étape.
Construit au pied du pic Touma, ce petit village, dont les cases disparaissent au milieu des plantations de maïs, est bien nommé Wendou, mot qui signifie pays des eaux. De nombreux ruisseaux coulent de tous côtés ! Aussi, la température est-elle relativement fraîche et la végétation très puissante.
En quittant Wendou, nous escaladons le pic Touma.
Si la route est fatigante, la vue est réjouie par de nombreuses cultures et des fermes accrochées aux flancs de la montagne. En quatre heures, nous atteignons le sommet (1,300 mètres d'altitude). C'est le point le plus élevé que nous ayons franchi jusque-là. Encore quatre heures de marche, et nous arrivons à Bourléré, beau village entoure de pâturages où paissent de grands troupeaux de boeufs. A deux heures, le thermomètre marque 22°. Un déluge d'eau glacée s'abat sur nous jusqu'à cinq heures du soir ; le thermomètre descend à 10° ; il fait froid et les Ouolofs grelottent.
Je n'exagère pas : au moins cinquante femmes nous rendent visite pendant notre court séjour à Bourléré ; elles entrent deux par deux et sont présentées par le propriétaire de notre case. Je soupçonne même cet homme de s'être fait payer et Hamadou-Ba partage mes soupçons.
Nous emportons de Bourléré une ample provision de victuailles. Tous les habitants assistent à notre départ.
Le pays que nous traversons est de plus en plus cultivé ; de nombreuses margas (fermes) bordent la route. Une grande animation règne dans les champs, car nous sommes dans la saison des pluies. Les naturels, attirés par la curiosité, quittent momentanément leurs travaux et se pressent sur notre passage.
Pour la première fois, nous voyons des bembal soulourou, hauts-fourneaux qui servent à fondre le minerai de fer. Il y a certes bien loin de ce rudimentaire appareil, qui rappelle une cheminée de locomotive montée sur une demi-sphère, à nos installations métallurgiques, mais nos ancêtres n'étaient peut-être pas mieux outillés que les Peulhs.
Nous suivons le bord d'un précipice, au fond duquel coule le Donzo, torrent qui, un peu en amont, fait une chute de quarante mètres. Sur les bords du Donzo est assis en amphithéâtre Diaga, un joli village qui, en ce moment, est ravagé par la petite vérole, ce qui nous empêche de nous y arrêter.
Après neuf heures de marche, nous franchissons une ondulation de terrain et nous découvrons le plateau de Timbi, dont l'étendue est si considérable que la vue ne peut l'embrasser tout entier. Ce plateau est couvert de cultures et de nombreux foulassos. Un point où nous sommes, il semble que nous admirons un jardin immense, où, pour se garantir du soleil, on a dressé des abris en paille. Nous ne voyons pas la ville. Toutes ces habitations composent la banlieue; ce sont des propriétés de campagne, où, pendant la saison des cultures,
résident les riches habitants de Timbi.
Le pavillon tricolore est déployé ; le sergent Bagnic, très fier d'être porte-drapeau, ouvre la marche. Deux hommes envoyés par Thierno-Mahadiou, leur maître, nous guident jusqu'au foulasso Voizan [Wansan ?], où habite en ce moment le chef de Timbi. Dès cet instant, une foule toujours grossissante d'hommes, de femmes et d'enfants nous fait escorte.
La lettre suivante, adressée comme la première à mon ami le docteur Labarthe, rend compte de mes impressions mieux que je ne pourrais le faire de mémoire :
« Foulasso de Voizan, banlieue de Timbi, province de Timbi-Tounni (Fouta-Diallon), le 9 juin 1881.
Mon cher Paul,
Comme tu le vois par l'en-tête de ma lettre, nous sommes au foulasso (maison de campagne) de Voizan.
Ne cherche pas cette localité sur une carte d'Afrique, tu ne l'y trouverais pas. Voizan est une résidence d'été de Tierno-Mahadïou, chef de la province de Timbi-Tounni, située à dix kilomètres de Timbi, ville capitale.
Nous sommes arrivés ici mardi dernier, 14 juin, après une étape de vingt-huit kilomètres. J'aurais voulu que tu visses notre entrée, véritable entrée triomphale.
Thierno-Mahadiou n'était pas chez lui au moment de notre arrivée ; mais sa mère, femme très digne, nous installa dans la case de sa première bru.
Nous sommes à peine entrés, que notre demeure est envahie par les naturels qui, ébahis, nous regardent comme des bêtes curieuses. On ne peut pas se retourner. Tout à coup, comme par enchantement, les curieux disparaissent. C'est le chef qui rentre.
Thierno-Mahadiou se rend aussitôt à l'endroit où se tiennent les palabres et nous fait prévenir qu'il est à notre disposition.
Pendant que Bayol expose rapidement le but de notre venue au Fouta, le chef paraît étranger à la conversation et égrène son chapelet. Mais nous sommes habitués à cette manière de faire et nous n'y prenons plus garde.
Thierno-Mahadiou, chef du diwal (province) de Timbi-Tounni, territoire aussi grand que deux de nos anciennes provinces, est un homme d'environ trente-cinq ans ; son visage, d'un noir mat, est assez régulier, mais porte les traces de la petite vérole ; son regard est doux et énergique; son nez est fin; ses lèvres sont un peu épaisses, et une barbiche orne son menton. Il est vêtu simplement d'un boubou bleu en étoffe du pays, mais l'aspect du personnage indique un homme peu ordinaire.
Le palabre terminé, Thierno prend une noix de kola blanc, la casse en trois, nous en donne un morceau à chacun en signe de bienvenue, partage l'autre entre lui et ses proches et nous dit :
Ma maison est à vous ; le Fouta, c'est la France ; demandez tout ce dont vous avez besoin.
Puis il offre à nos hommes les fruits d'un oranger qui ombrage la case que nous habitons à condition de ne pas en casser les branches, et l'audience est levée.
Dès le premier jour, Thierno nous traite en amis de vingt ans ; il reste très tard avec nous, goûte à notre café et accepte une invitation à déjeuner pour le lendemain.
Thierno nous montre une grande déférence ; obséquieux même, il fait apporter ses repas dans notre case et la causerie dure également jusqu'à minuit. Nous n'avons pas un instant à nous ; quand ce n'est pas Thierno et ses fidèles qui envahissent notre demeure, c'est sa famille. Je ne m'en plains pas, cette famille est vraiment charmante ; deux de ses soeurs, principalement, sont très aimables. Quant aux enfants, qui pullulent, ils sont amusants ; quelques-uns même sont jolis.
Moins réservé avec moi qu'avec Bayol, Thierno, c'est camarade à moi, comme disent les noirs. L'autre jour, il me demande si je veux promener avec lui ; j'accepte et il me conduit chez une de ses femmes qui habite une propriété voisine.
Madame Thierno m'offre un mouton et un papaye (fruit du papayer, variété de palmier). Nous allons ensuite chez une autre de ses épouses qui me donne un poulet.
Thierno-Mahadiou est l'heureux possesseur de douze épouses ; il a douze intérieurs et par suite douze petites familles.
Un jour de grand Salam (dimanche des musulmans), Thierno me propose de l'accompagner à la mosquée de Timbi, où il va officier. Désireux de connaître l'importance de la ville, j'accepte avec plaisir. Pour cette circonstance, je revêts le costume du pays, auquel j'ajoute mes souliers et un grand chapeau par-dessus mon turban ; je prends le meilleur de nos mulets et nous nous mettons en route. Thierno me fait admirer la beauté des cultures qui couvrent le plateau et nous arrivons à la ville, située à dix kilomètres de Voizan.
Timbi ! me dit Thierno ; me cherche la ville, mais je ne vois qu'un épais rideau d'arbres touffus qui ça et là laissent apercevoir le sommet d'une case. Nous nous engageons dans une rue étroitement resserrée entre
deux haies vigoureuses, puis nous arrivons devant une barrière, formée de pieux rapprochés, qui barre le chemin et qui ne livre passage qu'à un homme à la fois. Thierno fait franchir cet obstacle à son cheval et, pour ne pas se déchirer les pieds, il les relève par-dessus l'encolure.
Thierno jette sur ma pauvre monture un regard de compassion ; mais, à sa grande surprise, mon mulet franchit l'obstacle. Peu à peu nous débouchons sur la place de la Mosquée, monument qui, comparé aux
mosquées que j'ai déjà vues, présente de très grandes dimensions. Elle n'a pas moins de vingt mètres de diamètre et sa hauteur est de quinze mètres. Une palissade formée de pieux clôture une grande cour, où s'élève un échafaudage sur lequel on monte par une échelle grossièrement travaillée. C'est de là que le marabout appelle les fidèles à la prière. Nous suivons encore pendant quelques minutes une rue étroite et nous arrivons à la demeure de Thierno.
Cette propriété est close par un mur en argile, recouvert d'un petit toit en chaume. On pénètre dans la cour par deux tourelles, qui servent de vestibule et dont les portes sont assez élevées pour permettre de passer à cheval. Dans l'une de ces tourelles, le forgeron de Thierno a établi sa forge. Elle ne tient pas beaucoup de place. Au milieu de la cour sont bâties quelques cases ordinaires et une maison de forme rectangulaire. Les cases rondes servent de logement aux captifs et la maison carrée est l'habitation de Thierno. Cette case, élevée d'un étage formant grenier auquel on arrive par un escalier en terre battue, est très bien construite. Une vérandah de trois mètres de large fait le tour de la maison, mais le côté seul de la façade est public et sert de parloir ; les autres parties, fermées par deux murs, sont réservées aux intimes.
On pénètre dans l'intérieur par deux portes basses qui s'ouvrent sur la galerie. Un réduit très étroit, meublé seulement d'une banquette en terre sert de chambre a coucher au maître ; dans les autres parties de la maison est logée la famille et sont placés les magasins.
Thierno-Mahadiou me fait asseoir à côté de lui et immédiatement les habitants viennent lui présenter leurs hommages. Au bout d'une demi-heure, il y a deux cents hommes sous la galerie : deux cents poi-
gnées de main et des salamalecs à n'en plus finir.
Je suis surtout l'objet de la curiosité des visiteurs, mon costume les intrigue ; comme je semble suivre la conversation, ils se figurent que je suis un Arabe, que je parle le peulh, mais que je ne veux rien dire.
Le cortège se forme ; Thierno-Mahadiou, revêtu d'une sorte d'étole qui lui sert à officier, et les hommes, au nombre de trois cents, se rendent à la mosquée. Quant à moi, je reste à la maison, mais mon domestique, qui aurait pu me servir d'interprète, m'a fait faux bond et je n'ai pu faire la conversation avec quelques jeunes gens qui sont restés pour me tenir compagnie. Quelle gêne pour moi, qui suis si bavard !
Cependant, la faim me fait trouver l'office bien long ; mais un homme vient me chercher et me conduit à la mosquée. Le salam touche à sa fin. Il y a tant dans le temple que dans la cour, au moins quatre cents fidèles.
Tous sont des hommes libres, et en comptant trois femmes par homme, plus les enfants et les captifs de case, j'estime que la population de Timbi peut être évaluée à trois mille ou trois mille cinq cents habitants.
De retour à la maison, il y a une séance de justice.
Quoique ne comprenant rien aux débats, je remarque pourtant qu'un homme de loi, le greffier sans doute, et quelques vieillards, retirés à l'écart, semblent délibérer.
A cinq heures du soir, tout est terminé et nous remontons à cheval, mais sans avoir déjeuné. La plupart des habitants, comme nous, retournent à leurs foulassos et la ville redevient déserte.
Afin de me montrer la beauté des cultures du pays, Thierno me fait suivre au retour une route nouvelle. Il fait déjà nuit, lorsque, près d'arriver à notre demeure et sans me prévenir, Thierno lance son cheval à toute bride et me brûle la politesse. J'arrive dix minutes après lui ; il s'excuse de la bonne farce qu'il vient de me faire et qui a pour but de me prouver que son cheval est le meilleur du Fouta.
Thierno-Mahadiou est un chef qui réprime cruellement le délit et l'offense. Presque chaque jour, depuis que nous sommes ici, il y a eu quelque exécution.
Un jour, c'est un petit captif, enfant de neuf ans, qui est délivré des fers, où il était depuis six jours, et qui reçoit comme complément de sa peine quarante-cinq coups de fouet à quatre branches.
Le lendemain, c'est un autre captif, accusé d'avoir volé de la poudre. Il est tenu par quatre solides gaillards et il reçoit simultanément sur le dos et sur le ventre une trombe de coups de fouet. Le malheureux n'était
pas coupable !
Dans l'après-midi, une femme de vingt-cinq ans, captive en fuite depuis quatre ans, est reprise et mise aux fers. Thierno, lui-même, enfonce les tenons de fer qui emprisonnent, les chevilles de la patiente dans une énorme bûche. La malheureuse, assise par terre, le torse nu, reçoit une pluie glacée ; elle tremble, mais paraît résignée. Cependant, la nuit venue, on met la pauvre femme à l'abri sous un vérandah.
La séance de justice, commencée à Timbi, s'est terminée ici. Un prévenu, accusé d'injures graves envers Thierno, s'entend condamner à recevoir quatre cents coups de corde ou à payer une forte amende. Il ne peut payer et reçoit immédiatement la terrible correction. Maintenu à plat ventre sur le sol, le dos nu, le patient attend l'ordre du chef qui est entouré du jury.
Awoua !
Le bourreau laisse tomber le fouet à quatre branches sur les reins du pauvre hère, qui, à chaque coup, demande pardon à Thierno-Mahadiou.
Un pareil spectacle me révolte et, au deuxième coup, je prie Bayol de demander la grâce du malheureux ; mais, avec beaucoup de justesse, Bayol me répond que nous n'avons pas à nous mêler des affaires des autres.
Ce côté féroce du caractère de Thierno a bien attiédi la sympathie que j'avais pour lui. Pourtant il n'y a pas si longtemps que la torture a disparu de nos codes.
Je ne veux pas, cher ami, te laisser sur cette mauvaise impression.
Voici, comme contraste consolant, une idylle dont j'ai été l'un des héros et qui a failli se terminer par un double mariage... Tu riras si tu veux,
mais, quoiqu'en voyage, on n'en a pas moins un cœur.
Je t'ai dit plus haut que les membres féminins de la famille du chef aimaient à nous rendre visite. Parmi ce personnel aimable, deux jeunes filles, soeurs de Thierno, venaient plus souvent que les autres.
Maémouna, dix-sept ans, et Yoro, seize ans, sont toutes deux belles à ravir. Leur peau couleur chocolat, leur yeux de gazelle, leur sourire gracieux, leur voix harmonieuse, leur distinction exquise, et il faut
qu'une jeune fille, décolletée jusqu'à la taille et uniquement vêtue d'un pagne très court, ait une extrême distinction pour que cela soit remarqué ! toutes les qualités, en un mot, qui rendent une femme séduisante, m'ont amené à être éperdument amoureux de ces deux
beautés noires.
J'ai bien essayé, pendant les longs instants qu'elles passaient près de moi, de leur parler des splendeurs de notre capitale, des tramways, du square des Bâtignolles, du moulin de la Galette !... Mais elles m'ont répondu par un sourire malicieux et m'ont fait comprendre qu'elles ne pouvaient m'écouter... qu'en mariage seulement.
Je suis vraiment embarrassé pour donner la préférence à l'une plutôt qu'à l'autre. Les moeurs du pays autorisent la polygamie... Je n'hésite pas : je déclare à Thierno que, fortement épris de ses soeurs, je serais flatté de devenir son beau-frère.
Thierno consent à mon bi-conjugo, sous la condition que je demeurerai dans le pays. Cela ne fait plus mon affaire, car je comptais bien emmener mes femmes avec moi.
Mais, lui dis-je, je ne puis rester dans le pays ! Ici je n'ai rien, je ne possède aucune fortune ! Je n'ajoute pas qu'en France c'est absolument la même chose, et je poursuis:
Comment ferais-je pour nourrir ma famille ?
Je te donnerai une étendue de terrain aussi grande que d'ici à Timbi, répond-il, je le donnerai des boeufs et des captifs pour commencer les lougans (cultures). Puis, nous irons ensemble à la guerre, tu gagneras des esclaves et tu seras bientôt riche.
La proposition était tentante ; cependant je n'acceptai pas. Peut-être m'en repentirai-je un jour ! Je ne vis qu'un moyen de me tirer de là, j'en usai.
Je te remercie. Thierno, et suis heureux d'avoir ton amitié, mais je ne puis rester ici. Les lois de mon pays ne me permettent pas de me marier sans l'assentiment de mes parents. Sitôt que j'aurai vu l'Almamy, je retournerai à Paris, je demanderai à ma mère son consentement, je prendrai mes papiers et reviendrai près de toi. Alors, si tes soeurs sont toujours libres, eh bien ! je les épouserai.
Inch Allah (à la volonté de Dieu) ! Comme il te plaira, Portonkè (homme du pays blanc) ! Si tu reviens, tu seras le bien venu.
Qui sait, j'ai peut-être refusé le bonheur. Deux femmes qui m'auraient choyé! Deux femmes qui m'auraient donné une nombreuse famille de petits négros... pardon, de petits Noirot... Ah ! ce sont peut-être toutes ces considérations qui font que les noirs chérissent tant la polygamie : quand ils ont six femmes, ils sont six fois plus aimés que s'ils n'en avaient qu'une... Heureux mortels !!
Nous partons demain et, à moins d'accidents, nous serons dans six jours à Timbo...»