Conakry : Société africaine d'édition et de communication. 1999. 182 p. : ill.
Préface et notes de Djibril Tamsir Niane
Dans le Timbo, les enfants de Kikala, Mâliki et Noûhou Si s'installèrent confortablement et à leur disparition leurs descendants prirent leur succession avec courage et détermination.
L'aîné de Nouhou Si, Ibrahima Sambégou, était un marabout très doué, très pieux. Il avait le don de la parole et un penchant très poussé pour la guerre sainte.
Un jour, il dit à son entourage :
« Le Prophète m'est apparu et m'a dit que si je priais Dieu, isolé des miens, il m'accorderait la gloire de convertir les infidèles et que je deviendrais le Chef de mon pays. »
L'agitation qui régnait dans le Fouta-Djallon à la suite des mauvaises dispositions prises par les Djallonkés contre les musulmans, avait fait naître chez lui l'idée de se mettre à la tête du peuple peul pour conquérir le pays.
Suivant l'indication du Prophète, Ibrahima Sambégou s'isola pendant sept ans, sept mois, sept semaines et sept jours dans une case où il pria tout le temps. Personne, même sa femme, ne pouvait l'approcher. Son repas était déposé à la porte de la case et quand il finissait de manger, il remettait les ustensiles au même endroit où l'on venait les chercher.
A la fin de cette période de retraite, il reçut confirmation de la promesse que le Prophète Mohammed lui avait faite. Il pouvait dès cet instant, engager la lutte contre les infidèles. La victoire lui était assurée.
Il se mit immédiatement en rapport avec les marabouts disséminés dans les provinces. Il groupa autour de lui ses proches parents et compagnons. Il convia à un congrès, à Fougoumba, tous les musulmans dirigés par les marabouts installés dans les divers points du pays. Ceux-ci répondirent à son appel avec les notables les plus influents.
A cette assemblée, neuf marabouts furent présents :
Ces marabouts étaient les chefs de leurs régions d'origine et agissaient en temps que délégués de la population musulmane.
Le congrès décida à l'unanimité l'organisation de la guerre sainte contre les fétichistes.
Avant de se séparer, ils firent, entre eux, la traduction du Coran afin d'aiguiser leur conscience. Cette traduction terminée, ils décidèrent d'interroger le sort, afin de déterminer leurs chances de succès. A cet effet, chacun d'eux, devait tirer d'un arc, une flèche sur un arbuste appelé « Doundoukke », hors du village. Tous atteignirent l'arbuste. Ce fût un heureux présage
de leur victoire.
La guerre sainte fut immédiatement décrétée.
Réconfortés du succès du « sort », nos marabouts se dirigèrent immédiatement avec leurs adeptes sur Kébâli, situé à quelques kilomètres, pour attaquer Dian Yéro, grand roi Djallonké qui vivait dans son fief. Il fut exécuté sans retard et tous ses biens enlevés. L'expédition ne rencontra ni obstacle ni résistance et rentra aussitôt à Fougoumba.
Quelques jours, après ils exterminèrent à Horé-Téné, également situé près de Fougournba, une caravane de fétichistes revenant du Bhoundou où elle s'était rendue pour commercer. Tous les biens rapportés de ce pays furent saisis.
Ces deux succès éveillèrent l'attention des fétichistes qui ne tardèrent pas à se préparer à riposter.
A cet effet, une armée de Poulis et de Djallonkés fut formée à l'est de Timbo, à Talansan. Les musulmans s'empressèrent à leur rencontre. Au nombre de 99, ils dispersèrent les infidèles qui étaient dix fois plus nombreux. Grâce à leur courage et à leur vaillance, l'armée fétichiste fut mise en déroute et la majorité de ses soldats furent anéantis sur place. Cette nouvelle victoire eut un grand retentissement dans le pays, en faveur de l'Islam.
Après ces trois victoires, le congrès ferma ses portes après avoir adopté une résolution générale qui conclut le renforcement de l'unité musulmane et la mobilisation permanente et générale de tous les habitants valides pour la poursuite de la guerre sainte afin d'asseoir l'Islam et solidement.
Chaque marabout rejoignit alors sa région d'origine avec ses partisans, avec la ferme volonté de poursuivre l'entreprise noble qui venait d'être amorcée.