Conakry : Société africaine d'édition et de communication. 1999. 182 p. : ill.
Préface et notes de Djibril Tamsir Niane
Il fut l'instigateur du premier congrès de Fougoumba dont le succès fut retentissant. Il est descendant de Kikala qui, venu du Maasina, arriva vers 1650 avec son frère Fooduye, à Fougoumba, dans le Fouta-Djallon. Après quelque temps de passé en ce lieu, Kikala dit un jour, à son frère : « Laisse-moi continuer la recherche de ma résidence. Toi, tu peux rester ici et t'y installer. »
Kikala se dirigea vers le sud-est et s'arrêta, quelques jours après, au pied du mont Hélaya où son attention fut retenue par la beauté du paysage. Il choisit ce point comme résidence. Ce fut Timbo.
Un peu après, une autre famille rentrait dans le Fouta : c'était les Kaliyabhe qui s'installèrent en premier lieu à Kétigui près de Fougoumba.
Plus tard, des membres de ce clan, attirés par Kikala à Timbo, vinrent aussitôt s'installer auprès de lui.
Avec la fondation du royaume du Fouta-Djallon par Ibrahima Sambégou, les Kaliyaabhe occupèrent des places prépondérantes dans la cour. Comme conseillers et orateurs, ils eurent des prérogatives politiques et judiciaires très étendues.
Nous verrons plus loin, le rôle qu'ils jouèrent dans le gouvernement central de Timbo.
La descendance de Kikala se développa rapidement et à sa mort, il laissa deux enfants : Maliki Si et Nouhou Si. Le premier fut le père de Ibrabima Sory et le second, le père de Ibrabima Sambégou. Ces deux hommes restèrent célèbres dans l'histoire du Fouta-Djallon.
Ibrahima Sory habita le Gaɗa-Mâyo, c'est-à-dire la rive droite du fleuve Bafing. Sa résidence principale fut Sokotoro situé à 800 mètres de ce fleuve.
Sa descendance occupa tout le territoire de l'Est et s'étendit même jusqu'à la Bouka affluent du Tinkisso.
Le paysage de Gaɗa-Mâyo est très fertile et les abords des marigots constitués par des plaines vastes, propices à l'élevage et à l'agriculture.
Ibrahima Sambégou demeura à Timbo et ses descendants habitèrent à cheval sur le Haut-Bafing. Le terrain y est moins fertile et la culture moins propice.
Dès le début de son épanouissement, Ibrahima Sambégou choisit son cousin Ibrahima Sory comme compagnon de combat et comme général de son armée.
Ibrahima Sory se montra digne de ce choix et remplit consciencieusement la fonction qui lui fut confiée.
Ibrahima Sambégou fut érudit. La révélation que le Prophète lui fit, dans ses débuts, suffit pour indiquer le haut degré de sa valeur spirituelle. La grande réputation de sainteté et l'estime générale dont il jouissait firent de lui et de ses descendants, les conducteurs du peuple foula.
Il est né à Diobâ, petit hameau situé sur la rive droite de la Kassa, près de Ley-Bilel. Son père Abdourrahmane dit Alfa Abou descend de Boɗewal qui vient du Maasina au Ɓundu. Plus tard, Khalidou, le petit-fils de Boɗwal, partit de cette contrée avec ses gens et ses troupeaux pour le Fouta-Djallon où il trouva le pasteur Ilo à Toulé. Khalidou s'installa auprès de ce dernier et eut plusieurs enfants dont :
Alfa Abou fût le père de :
Mais une deuxième version de cette généalogie classe Alfa Mamadou Cellou parmi les descendants de Ilo dont nous avons parlé plus haut.
Il aurait eu comme fils, Maoundé. Les enfants de Maoundé fondèrent le clan Yillâbhe de Labé. Ils étaient cinq :
Alfa Mamadou Cellou fut élevé à Ley-Bilel par ses oncles maternels et y passa ses premiers temps de jeunesse.
Très tôt, il entra à l'école coranique et acquit rapidement une instruction solide qui lui valut du prestige et une grande réputation.
Par sa piété, sa générosité et son amour du prochain Alfa Mamadou Cellou jouissait de l'estime de tous ceux qui l'approchaient.
Au cours de ses révélations mystiques, il lui fut indiqué qu'un succès retentissant l'attendait dans ses entreprises politiques et religieuses, que son rêve de fonder un royaume se réaliserait un jour et que la capitale de ce royaume se nommait Labé.
A ce moment là, il résidait à Ley-Bilel, près de son hameau natal. Il rechercha pendant longtemps l'emplacement de ce Labé qu'il découvrit seulement à son retour du deuxième congrès de Timbi en 1745.
Né à Gongôré, est le deuxième fils de Mama Foula Gongôré, ancêtre commun des Dialoyâbhe et des Timbobhe de Bhouriya. Parmi ses cinq frères, nous citerons Alfa Issaga, fondateur de Bhouriya. Après des études brillantes sur place, Alfa Amadou se rendit dans le Bhoundou pour compléter son savoir qu'il jugeait insuffisant. Il y séjourna pendant près de sept ans et revint ensuite au Fouta. Il s'arrêta dans le Kollaɗe, sur son chemin de retour, chez les Kulunnâɓe. Il y fut retenu pour enseigner le Coran et notamment ses commentaires. En raison de sa compétence et de ses connaissances approfondies, la population s'attacha à lui. Plus tard, il devint le maître absolu du pays et fonda le village de Diogo qu'il abandonna quelque temps après, au profit de Doubbi qui, par la suite, fut baptisé Kankalabé.
Depuis, il ne quitta plus cette région jusqu'à sa mort. Il y laissa une prosperité très solide qui dirige le pays jusqu'à nos jours.
Il est né à Ɓuriyaa de la famille Timbooɓe. Il descend de Mama Foula Gongôre, ancêtre commun des Timbooɓe et des Jalloyaaɓe. Son père, Alfa Ibrahima Sâkôni fonda Ɓuriyaa, Sankarela et Poredaka. Ses descendants sont connus pour leur formation diplomatique très poussée qu'ils héritèrent de lui. Ils jouèrent un rôle très important dans le choix des Almamys de Timbo.
Tierno Samba fut un marabout très vénéré. Sa conduite exemplaire et sa piété lui valurent une grande renommée.
Il fut le maître de Ibrahima Sambégou, futur Karamoko Alfa du Fouta-Djallon.
Nous allons d'abord étudier la vie de Alfa Saliou Ballaa et de Tierno Souleymane.
Les Kulunnaaɓe, les Helayaaɓe et les Dembuuɓe.
Ces trois clans forment la même famille Bah des provinces de Koïn et de Timbi-Tounni. Leur ancêtre commun, Oumarou, est né dans le Ɓundu. Dès son jeune âge, il apprit le Coran par cœur, se le fit traduire correctement et reçut ensuite une instruction arabe très solide. Lorsqu'il obtint son diplôme de maître d'école, il fut surnommé Elimane Oumarou. C'est alors qu'il émigra pour venir s'installer à Tioro, dans le Kollaaɗe. Dans sa nouvelle residence, il obtint un succès éclatant dans l'enseignement de l'arabe en formant de nombreux talibés recrutés dans son voisinage immédiat et dans le Kébâli. Pour récompenser son zèle, ses talibés lui offrirent trois filles en mariage.
La première Fatoumata Kolon lui donna un garçon qu'il nomma Saliou Ballaa et qui fut le fondateur du clan Kulunnaaɓe, nom emprunté à celui de sa mère Fatoumata Kolon.
La seconde Halimatou, surnommée Haly, donna un garçon qui fut Souleymane et qui fut le fondateur du clan Helayaaɓe, nom emprunté également à celui de la mère Haly.
La troisième fille Aïssatou Dembo devint la mère de Tierno Amadou Djindji, père du clan Dembuuɓe et qui fut le fondateur du village Bourouwal-Tappe. Les descendants de Tierno Amadou Djindji habitèrent les villages de Bourouwal-Tappe, Bomboli, dans le Timbi-Touni ; dans le Koïn, ils occupèrent les villages de Fogo, Baadi et Barita.
Revenons maintenant à Alfa Saliou Ballaa.
Il est né à Tioro, lieu de refuge de Elimane Oumarou, son père. Il est du clan des Kulunnaaɗe. Il fit ses premières études auprès de son père, qui lui donna un enseignement assez solide. Malheureusernent, ayant assassiné un de ses cousins, nommé Ibrahiima Bâ, Saliou Ballaa fut obligé de fuir le pays pour se réfugier à Tombouctou, où il compléta ses études.
Plusieurs années après, sur le chemin de retour, il passa par le Diaba et le Macina, où grâce à sa persévérance, il devint un maître vénéré. Il rentra alors dans le Fouta-Djallon par Satadougou, où il convertit à l'islam un nombre important d'habitants de cette région. Ses adeptes formèrent autour de lui un puissant cortège de talibés. Rentré avec ce monde dans son village, il s'installa à Ballâ. C'est de ce point qu'il partit un peu plus tard, en guerre contre les Djallonkés fétichistes du Koïn.
Lors du premier congrès de Fougoumba, deux marabouts répondirent au nom de Tïmbi-Touni : Tierno Souleymane de la famille Helayaaɗe et Tierno Ciré de la famille N'Duyeeɗe.
Tierno Souleymane est de même père que Alfa Saliou Ballaa. Ils sont de la famille Bah.
Après le congrès, tous deux rentrèrent à Tïmbi-Touni pour continuer le combat contre les païens et pour l'installation de l'islam dans la région.
Certes tous deux étaient animés de bons sentiments pour la religion, mais il était difficile que deux chefs commandassent en même temps, le même diiwal. Tierno Souleymane réussit à éliminer son compagnon en l'accusant de faute grave et infamante. C'est pourquoi Tierno Ciré ne peut assister au deuxième congrès du Fouta à Timbi-Tounni où Tierno Souleymane fut confirmé comme le seul dirigeant de la province.
Pendant toute la vie de Tierno Souleymane, le diiwal de Timbi-Touni resta uni et personne ne contesta son commandement, qui s'étendit de la rivière Téné jusqu'à Ra Ponka (Rio Pongo). Il fit la guerre aux Djallonké avec succès.
Lorsqu'il arriva dans le pays, il était avec un notable qui lui était très dévoué. Ce notable Alfa Diâwo Diallo, de la famille Dialoyaaɗe originaire de Kankalabé et y ayant commis un crime avait demandé la protection de Tierno Souleymane et vivait réfugié chez lui.
Alfa Diawo Diallo resta très fidèle et affable. A cause de leurs relations, Tierno Souleymane faisait héberger chez lui tous les chefs de Kébou qui venaient lui rendre visite.
Mais un fils d'Alfa Diâwo Diallo, avant été surpris avec la femme d'un notable, fut lapidé avec cette femme. Tous deux furent enterrés sous un tas de pierres qu'on montre encore près de Timbi-Touni.
Alfa Diawo Diallo, très affligé par ces deux exécutions, demanda à Tierno Souleymane de changer de domicile et obtint l'autorisation de s'installer sur l'autre côté de la rivière Fétôré, à quelques kilomètres de Timbi-Touni. En se séparant de son compagnon, Tierno Souleymane lui dit : « Mâ Dîna » (c'est la religion seule qui compte). Alfa Diâwo Diallo s'installa confortablement, construisit une mosquée et appela son village « Mâ Dîna » en souvenir du conseil de son chef de diiwal.
Depuis le départ d'Alfa Diâwo Diallo, chaque fois que les Kébou venait à Timbi-Touni, Tierno Souleymane continua à les faire héberger par Alfa Diâwo Diallo, à Mâ-Dina. C'est ainsi que ce district devint vassal de Madina. Et c'est également ainsi que les habitants finirent par désigner deux Tirnbis : Timbi-Touni et Timbi-Madina.
Au décès de Tierno Souleymane, il fut remplacé par son fils Tierno Amadou Mawɗo qui continua son œuvre. Il fut un sage qui maintint l'union. Il créa des sous-provinces dont il remit le commandement à ses parents. Le diiwal compta les districts suivants :
Tierno Amadou Mawɗo fut remplacé à sa mort par Alfa Ibrahima qui ne resta pas longtemps chef parce que contesté par son frère aîné Tierno Maadiou Mawɗo. Afin d'éviter une bataille dans la famille, Tierno Maadiou s'était rendu à Timbo pour soumettre la question aux Almamys qui: lui donnèrent raison et destituèrent Alfa Ibrahima. …
Tierno Mâadjou Mawɗo fut déclaré successeur légal d'Alfa Amadou Mawɗo.
Dans la fureur, Alfa Ibrahima se retira et utilisa tout pour intriguer contre le chef titulaire. Mais, Tierno Mâadiou, trop pris par les guerres contre les fétichistes ne fit pas attention aux intrigues du frère. Pendant la guerre qu'il engagea à Bantiŋel, il faillit y succomber. Il échappa grâce à des guerriers venus du Labé à son secours. Poursuivant la guerre sainte, il conquit à l'aide, de son frère Sory Bambaya, le Rio Pongo. Il créa le centre de Bambaya.
A partir de cette époque, la situation devint de plus en plus trouble dans le diiwal. Mais, malgré tout, la province resta sous le commandement des descendants de Tierno Souleymane. Les chefs des districts gardèrent une position de révoltés, car les manœuvres d'Alfa Ibrahima avait réussi à semer la haine et la jalousie, pendant tout le temps qui suivit l'avènement de Tierno Mâadiou Mawɗo.
Nous verrons plus loin, ce qui arriva et qui occasionna la dislocation de la province.
Nous avons vu dans la biographie de Karamoko Alfa mo Timbo que les Seeriyaaɓe descendent de Seeri, frère aîné de Seydi père des Seydiyaaɗe.
Nous savons d'autre part qu'à son arrivée dans le Fouta-Djallon, Séri occupa la région de Fougoumba où il fonda un village du même nom. Lors de l'installation de l'islam dans le pays, ses descendants prirent une part très active dans le combat commun. Alfa Sadio, qui fût un marabout très respecté, prit la direction de Fougoumba et fut un vaillant et vigoureux soldat. C'est à Fougoumba que se réunit la première assemblée sur l'organisation de l'islam dans le Fouta. C'est de là que partit la première expédition guerrière contre les fétichistes. Alfa Sadio, qui conduisait la délégation de Fougoumba dans cette assemblée, fut désigné comme chef de cette province. Sa part dans le partage des prérogatives du commandement fut très importante. En effet, l'assemblée reconnut Fougoumba ville sainte où les Almamys seront solennellement couronnés, où ils passeront leur retraite de sacre et où toutes les lois du pays seront votées. Il fût confié à Alfa Sadio, le rôle important de gardien de la loi, veillant à ce que rien ne fut fait, dans la vie politique et sociale, en contradiction avec les prescriptions coraniques. Certes, ce rôle fut appliqué suivant les circonstances et souvent il servit d'arme de vengeance contre des adversaires. En l'honneur de son chef, Fougoumba fut également déclaré ville neutre. De ce fait, il fut interdit d'y faire le moindre acte de subversion ou de guerre. Cette prérogative fat observée strictement pendant tout le temps que le Fouta exerça son pouvoir.
En mourant Alfa Sadio laissa une postérité énergique qui continua l'oeuvre qu'il avait commencée. Les prérogatives dont il était bénéficiaire passèrent constamment à ses descendants qui surent jouer un rôle efficace dans la marche des affaires du pays.
Le clan seeriyaaɓe de Fougoumba se subdivise en trois fractions, qui sont les :
qui vécurent dans des bons termes jusqu'à l'arrivée de la colonisation française. C'est alors que les choses changèrent brutalement. Nous verrons plus loin ce qui y arriva avec l'affaire d'Alfa Ibrahima Fougoumba et son fils Boubacar dit Karo Diallo.
Parmi les familles foula, les Sow ou Férobbés sont les moins nombreux.
Leurs aïeux sont venus du Maasina à la même époque que les autres émigrants. A leur arrivée ils créèrent le village de Konkobala.
A l'avènement de Karamoko Alfa, Alfa Ibrahima, marabout influent en était le dirigeant spirituel. Mais, convoqué au premier congrès de Fougoumba, celui-ci prit part aux assises et à partir de ce moment, prit la direction politique de la famille.
En raison de sa vaillance et de sa bravoure pendant les expéditions guerrières contres les fétichistes Dyallonkés et Poulis, Karamoko Alfa suggéra de créer pour Alfa Moussa une province. A cette fin, des territoires furent détachés de Fougoumba et de Kollaaɗe pour former cette province qui fut appelée et Konkobala.
De ce fait, l'armée de Kébâli était réduite. Ne pouvant affronter l'ennemi comme les autres, elle fut généralement chargée de la surveillance des camps des troupes combattantes ainsi que de leurs bagages.
A sa mort, Alfa Moussa fut remplacé par son fils Tierno Amadou, qui ne fut pas moins vaillant que lui. Ce fut ensuite le premier fils de ce dernier, Tierno Moussa qui dirigea le diiwal. Sa succession fut assurée par Tierno son premier enfant.
A l'arrivée des Européens dans le Fouta, Alfa Moussa avait la direction de la province. A sa mort, son premier fils Alfa Midiaou le remplaça.
Il y a lieu de signaler que de Konkobala, plusieurs notables émigrèrent dans le Timbi pour enseigner le Coran ainsi que dans le village de Daralabé. Dans ce dernier village, Tierno Amadou qui s'y était installé, y laissa une famille florissante qui fournit au Fouta des hommes influents tels que Modi Amadou Pérédio et son fils Tierno Oumarou Pérédjo, dont l'autorité et la notoriété furent grandes.