Collection Initiations et Etudes africaines
Dakar, IFAN, 1972. 276 pages
Deux distinctions fondamentales sont à observer dans le genre de vie au Fuuta : l'élevage et l'agriculture. L'élevage est l'occupation noble ; la seule digne des nouveaux maitres, les Fulɓe. L'agriculture est une occupation indigne d'un pasteur qui ne doit se prosterner que devant son Dieu.
Mieux encore, toute occupation obligeant le noble à courber le dos au soleil à longueur de journce et à longueur des saisons pour autre chose que l'adoration est une humiliation qui doit être réservee à un peuple d'esclaves 1.
A cette économie rurale, il faut ajouter une économie artisanale tenue au Fuuta par des hommes soumis au système des castes plus ou moins libres. L'économie artisanale, bien que marginale, n'intéresse pas moins aussi bien l'agriculture que l'élevage, ce qui fait son intérêt 2.
Dans le domaine politique, les nouveaux maitres apportent une loi (celle de l'Islam), un livre (le Coran), une hiérarchie et les cadres d'un Etat organisé (provinces, villages, autour des mosquées et hameaux), toute une structure administrative à base religieuse. Toute une organisation fut installée 3. Et le Fuuta qui avait été pour les premiers Fulɓe pasteurs "un pays de cailloux stériles, de crève-la-faim et de mal-vêtus" est devenu pour les Fulɓe musulmans "un pays des eaux vives, des arbres fruitiers, de foi et de liberté" 4 comme le dit un autre dicton.
Notes
1. Les Fulɓe disent:
No hersinanii dimo ka o turoo iwde
puɗal haa e mutal, ndungu e ceedu, tawde wonna fii diina
Il est humiliant pour un homme libre de se courber
(au soleil) du lever au coucher, hivernage comme été, sans que
ce soit pour la religion.
2. Voir le tableau sur
les structures économiques et sociales, chap. III.
3. Neuf provinces (diiwal,
plur. diiwe, de l'arabe: dîwân) constituèrent l'Etat fulɓe :
Au départ, il n'y avait que ces neuf provinces
; au XIXè siècle,
les diiwe de Gaanin-Maayo et surtout de Timbi se sont effrités, morcelés
en plusieurs sous-diiwe qui ont fini par obtenir une certaine autonomie, ce qui a
permis à certains voyageurs (Bayol)
ou administrateurs coloniaux (Arcin)
de compter onze à treize, voire dix-huit provinces.
4. Leydi die, dime, diina, ndimankaaku, dicton recueilli par G. Vieillard, 1939, p. 98.