Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française. Paris. 1937
(transcription et traduction)
La conversion des Peuls à l'Islam, et les conquêtes qui suivirent en divers lieux du Soudan, s'accompagnèrent d'un enseignement religieux en langue vulgaire, destiné à introduire dans les masses illettrées la connaissance réelle des dogmes et des uvres de la religion musulmane.
Les missionnaires composèrent des sermons versifiés et pour les conserver et les transmettre usèrent de l'écriture arabe. Il en fut de même chez les Haussa, les Zerma et les Malinké, mais à un degré beaucoup moindre, quoique j'aie pu trouver des textes de ces trois langues en caractères arabes.
Au Fouta Diallon l'écriture arabe fut employée couramment pour noter le peul, et, quittant le domaine purement religieux, servit à traiter les sujets profanes, et à la correspondance.
Aujourd'hui les lettres des tirailleurs à leur famille sont neuf fois sur dix en peul, mais jamais en caractères latins : « le syllabaire spécial, adopté aux sons de la langue locale et répandu à profusion », dont parlait Marty en 1917 n'a eu aucun succès, « malgré l'heureuse impulsion l'administration » 1.
On trouve donc, au Fouta :
Chez les musulmans, cette poésie est l'héritière directe de la poésie arabe des griots. C'est, transcrite en caractères arabes et moulée dans la prosodie arabe, la vieille satire du « gaoulo » quêteur de cadeaux, flatteur du puissant et insulteur des ennemis de son maître.
Cette littérature est abondante ; chez le moindre lettré, et presque tous les Peuls sont passés par l'école, on trouve, outre
La valeur de cette littérature est très inégale : certains auteurs fameux (tel Tierno Samba de Mombeya, Séléyanké du Kollâdé, savant du XIXe, qui suivait les colonnes, monté sur un âne) méritent leur réputation: ils ont composé des traités réellement remarquables par la concision et l'élégance du style, la correction de la langue, la frappe nette du vers ; je pense au « Filon du Bonheur Eternel », le célèbre « Oogirde Malal » où tous les petits enfants peuls ont appris leur rudiment d'instruction religieuse.
Mais beaucoup de lettrés paresseux et pédants se contentent d'aligner des vers sur une rime facile, d'enfiler des épithètes et des images usées, et leurs oeuvres sont aussi plates que la littérature chrétienne religieuse de troisième ordre ! Bien inférieures aux poésies chantées par les illettrés qui ignorent la prosodie mais savent « arranger des paroles plaisantes à l'oreille et au cur ».
Les textes qui suivent ont pour sujet la domination européenne en Guinée ; le lecteur ne doit pas oublier que ces écrits sont déjà anciens (1910), que les opinions exprimées sont celles d'une partie seulement de la classe lettrée dans la génération qui a connu l'ancien régime.
Au demeurant, il n'est pas étonnant que les Peuls, qui avaient créé, dans ce massif montagneux, de bois et de pâtures, un état féodal fondé sur le servage et la guerre sainte, ne puissent nous pardonner de l'avoir détruit; leur fraternité musulmane du Fouta-Djallon était quelque chose de solide, et de remarquable en Afrique noire : nous les arrachons à la vie contemplative du moine et du pâtre, nous les privons des joies orgueilleuses du guerrier et du seigneur, et nous leur offrons d'être manuvres, chauffeurs ou commis-expéditionnaires à notre service...
Les sentiments exprimés ci-dessous ne sont pas inattendus : c'est la réaction normale de théologiens du IXe siècle, envahis soudain par des Martiens positivistes.
Note
1. L'Islam
en Guinée, p. 459