Publication du Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française
Librairie Larose. Paris, 1939. 124 pages
Elles sont les produits de l'histoire du Fouta-Djallon. Les territoires sur lesquels s'étendent la domination ou l'influence d'un Etat Soudanais
ne peuvent être délimités avec la même précision que ceux des nations européennes. Les centres musulmans se sont créés dans le massif de hautes terres ; ils ont digéré les autochtones, puis ont essaimé en rayonnant, par conquête, ou par infiltration. Plus ils sont loin du point de départ central, moins les Peuls sont nombreux par rapport à la population totale; mais ce n'est pas une règle absolue. La colonisation des marches frontières s'est accompagnée de la création de noyaux politiques qui ont plus ou moins prospéré. Certains sont devenus aussi actifs et aussi homogènes que la province centrale dont ils étaient issus. D'autres sont restés des îlots parmi les autochtones, avec influence réciproque mais sans assimilation, sans absorption des uns par les autres.
Pour rester près des réalités, nous suivrons l'ordre de ce mouvement rayonnant, cette structure « verticillée » de la confédération peule, ainsi divisée :
Provinces peules et pays voisins du Fouta-Dyalon, proprement dit
Régions | ||
Bas-Fouta Ley-Pelle mot à mot au pied des monts |
Timbo | Suprématie politique générale |
Peuls dissidents du Fitaba Soso du Kokunia; Malinké du Hure, du Kolen; Dyalonké du sud (Folosaba) | ||
Gaanin-Maayo (ou Fode-Haddyi) |
Région malinké orientale | |
Prestige religieux
général |
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Fouta central Hakkunde-Maaje mot à mot entre-rivières |
Fugumba | Kala : pays sosso du sud, Bilima, Kinsan |
Bhuria | Pays soso du sud, Sannun, Tamiso, Salun ; jusqu'à la Kolente (Gomba) | |
Keebali | A la remorque des précédents | |
Haut-Fouta Dow-Pelle mot à mot: haut des monts |
Timbi | Sokoli, Santu, Kebu, Monoma, Bambaya, Konsotami, vers Kakandi et les Landouman |
Kollaaɗe | Grande activité religieuse | |
Labe 1 | Binani, Kote, Kinsi, Dâma, Bowe; Bowé ley-maayo; Tenda; Kaade; Ngabu, Badyar; Sangala; Wontofa 2 | |
Koyin | Gaɗa-Koole; Gaɗa-Wundu |
Essentiellement le bassin de Bafing et celui du Tinkisso: rizières des vallées, cultivées par les serfs maninka des familles, Seediyaaɓe, maîtresses du Fouta; au sud, zone de boowe pour les Peuls vachers ; altitude moins élevée, relevée à 1.000 m. dans les farouches montagnes boisées du Fitaba (« la grande forêt » au S. E;).
Timbo, centre politique du Fouta, résidence du souverain, kalife d'Allah ; domaines fonciers des parentages aristocratiques, divisés dans la vallée en groupe de l'amont : dow-maayo, et groupe de l'aval: ley- maayo. Les Peuls vassaux, groupés en paroisses, formaient le limodal gaanin, sur la rive gauche, limodal gaɗa, sur la rive droite ; c'est-à-dire, « ceux qui sont comptés avec », ceux qui marchent à la tête de leurs suzerains.
Dans ce Fouta méridional, la communauté peule est marquée d'influence malinké due à un fort peuplement maninka:
Au S. E. l'expansion du Fouta a été arrêtée: d'abord par le voisinage, signalé ci-dessus, des collectivités mandingues, ensuite et surtout par la révolte des Houbbou : le kollaaɗe beeli,
région des « plaines aux lacs », située à la limite
du partage des eaux du Bafing, du Tinkisso, de la Kaba, donnait asile à des
pasteurs du limodal, qui las des pilleries infligées à leur
bétail, se révoltèrent et fondèrent l'état
peul dissident des Houbbou Fitaba (capitale Boketo). Timbo
exerçait une suzeraineté lointaine
sur le Hure maninka, souvent allié aux Houbbou.
Il avait des relations pacifiques avec les Limban du Kamuké, avec les Soso du Kokounia, qui lui payaient un tribut pour la nomination de leurs chefs : mais
rien de comparable à ce qu'était
le victorieux « djihad »
des provinces du Nord et de l'ouest.
Aujourd'hui, les Peuls vachers de l'ancien limodal (région de Mamou),
comme ceux des pays soso, ont tendance à «
descendre » vers le sud-est, dans les provinces du Sierra-Leone anglais (districts
de Karene et de Koinadugu), dans les provinces limba et dialonka
(Kamuke, Folosaba),
etc. Les Anglais en recensent environ 20.000 (Census de 1931).
Située « entre les fleuves » (Hakkunde-maaje) Téné et
Bafing ; trois provinces : Ɓuriya, Fugumba, Kebali.
C'est une haute région, le coeur du Fouta. Pays montagneux: 1425 m. à Diaguissa; culture de fonio, avec quelques bonnes plaines, (Dalaba, Kala).
Pays des Seeriyaaɓe,
(remplacés aujourd'hui par les Ludaaɓe de Dalaba), Ɓuriya était
le fief des Timbooɓe, vaste province qui allait « de la
Kolen à la
Kolenten ». C'est là que le fondateur de la dynastie seediyanke,
Karamoko Alfa, avait été
élevé et instruit. On y trouve le plus vieil oranger du Fouta.
Les trois provinces du Hakkunde-maaje, sont parmi les plus riches du Fouta
et les plus peuplées. Le caféier, l'ananas y sont l'objet de cultures
intéressantes. C'est là que fut fondé le jardin botanique de
Dalaba par M. Chevalier. On peut y acclimater nos arbres fruitiers.
A noter que lorsque les habitants de cette région la quittent pour aller à Mamou,
ils se considèrent comme exilés, hors du Fouta. Ils sont déjà dans
les « pays du couchant », le Hirnaange.
Kebali suivait le sort de Fugumba, c'était un satellite sans importance,
tandis que Fugumba était le fief des Seeriyaaɓe, cousins et égaux
des souverains de Timbo, auxquels ils donnaient l'investiture.
L'influence du Hakkunde-maaje s'exerçait « au delà du Konkouré » sur les royaumes soso, qui étaient soumis à des tributs réguliers ou à des razzias, depuis le Tamisso jusqu'au Baren. Il y avait un enchevêtrement de liens féodaux, depuis le chef seeriyanke de Fugumba, suzerain, ses vassaux directs, chefs de Kala, eux-mêmes suzerains des chefs de Bilima, qui nommaient à leur tour les chefs soso de Waliya, par exemple.
C'est sur le flanc sud-ouest du Fouta que s'était formé un autre centre de dissidence peule. Gomba, créé comme de coutume par un mystique appuyé sur des pasteurs mécontents, originaires du Fouta Central et des Boowe occidentaux du Haut Fouta. Gomba faisait pendant à Bokéto au sud-est. Les Peuls du Fouta réussirent à faire détruire ces deux révoltés, le premier par les Français, comme le second l'avait été par Samori.
Provinces des Timbi, des Kollaadhe, du Koyin et du Labé. C'est la partie
septentrionale du Fouta, à la naissance des bassins de la Kakrima-Kokulo,
de la Komba, de la Haute-Gambie, qui contient de hautes plaines bien cultivées
(et bien épuisées), et le haut massif du Tamgué, 1515 m., point
culminant du Fouta.
Quoique ne contenant pas les centres politiques et religieux, ce Haut-Fouta était
la partie la plus riche et la plus civilisée du Fouta-Djallon. La langue,
et peut-être la race, y étaient plus pures qu'à Timbo. La province
de Labé était considérée comme «
la moitié du Fouta » et la meilleure moitié, celle où l'on
trouvait les chefs les plus riches, les guerriers les plus valeureux, les lettrés
les plus savants, les saints les plus vertueux, les artisans les plus adroits. C'est
dans le Timbi et le Labé que l'Européen trouve des villages et des
campagnes qui lui rappellent l'Europe.
C'était aussi la partie vivante et croissante, qui menait le «
djihad », la sainte guerre, vers les pays occidentaux et qui en ramenait un
gros butin, objet d'envie pour les habitants du Sud et de l'Est moins bien partagés.
Le Kollaaɗe et le Koyin ont surtout donné naissance à de nombreux
lettrés et ces deux provinces ont joui d'un grand renom de science. Leurs
territoires d'expansion, « outre-Wundu » et « outre-Kollé
» étaient de vastes zones à demi-désertiques avec des
groupements de Dialonké très pauvres.
Les Timbi et ses provinces secondaires, issues de lui et parfois rivales entre elles,
eurent une expansion occidentale énorme, soumettant et repoussant vers la
côte les peuples animistes Nègres.
Les dépendances de Timbi (Sokhili, Monoma, Kébou, Santou, Bambaya,
Konsotami) devinrent des provinces peules intégrées au Fouta.
Les principales familles suzeraines sont ici des Elayaɓe, dont le prestige était
devenu égal à celui des Seeriyaaɓe dans le Fouta central,
des Seediyaaɓe dans le Fouta méridional, des Kaliduyaɓe dans
le Fouta septentrional.
Ces derniers, au Labé, étaient devenus, plus que les Almami, suzerains
nominaux, les champions de la guerre sainte.
A l'Ouest du Labé, s'étend la zone des plateaux: les Boowe (Boowe
Geme, Kompeta, Ley-maayo, Kinsi, Koote, Binaani, NDaama), peuplés de Peuls
vachers. Ceux-ci fournirent aussi des dissidents: Iliasa
à Ninguelande, contre les Timbi ; Tierno Ibrahima, au NDaama. Le NDaama devint
au nord-ouest un nouvel état rival du Fouta, mais sans l'hostilité féroce
de Gomba et de Bokéto.
Au delà des pâturages des vachers s'étendaient les païens
Kadé était devenu la résidence des princes Kaliduyaaɓe du Labé; Médina Badyar s'élevait parmi les Peuls païens dits
Fulakunda.
An nord, les 12.000 Koniagui, malgré leur petit nombre résistèrent
toujours à la conquête peule. Les Bassari se laissèrent entamer.
Quant au Sangala, pays dialonké indépendant d'Outre-Gambie, il fut
le théâtre de combats très durs, où la fortune changea
souvent, mais ne fut jamais conquis, pas plus, que le Wontofa d'Outre-Falémé,
La résistance de ces pauvres Dialonké fut si courageuse que les annales
peules donnent aux années du XIXe siècle le nom des principaux combats
des campagnes du Sangala.
Aujourd'hui l'expansion pacifique des éléments Peuls continue, aussi
bien vers la Guinée portugaise que vers le Soudan et le Sénégal.
Notes
1. Le Labé, quoique ne contenant pas les capitales officielles (Timbo et Fugumba), était devenu la province la plus puissante et la plus civilisée du Fouta-Djallon
2. Le Fitaba, le Sangala et le Wontofa, quoique dans la zone d'influence du Fouta-Djallon, avaient repoussé victorieusement ses attaques militaires.