Publication du Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française
Librairie Larose. Paris, 1939. 124 pages
Avant de les étudier, il peut être bon d'avoir présentes à l'esprit les conditions dans lesquelles se trouvait la société au Fouta Djallon.
Les obligations qui pèsent sur les individus peuvent être :
Celles-ci dominaient de beaucoup, au détriment des premières.
La vie économique était ainsi réglée par les rapports politiques entre familles. Les familles « puissantes » vivaient surtout des dons et des services qu'elles recevaient et exigeaient à l'occasion de leur activité guerrière, politique et diplomatique, au cours des élections des divers échelons de la hiérarchie (paroisses, provinces, Almami) ou de leur prestige religieux, (baraka, professorat, justice). Les familles « sans force » vivaient d'agriculture et d'élevage. Le travail servile était à la base de toute la vie économique. Pas un seul marché : peu de commerce, monopolisé par des caravanes annuelles sur les marchés extérieurs au Fouta Djallon, entreprises surtout par des Sarakollé et autres éléments étrangers, au service des familles puissantes. Pas de monnaie, mais une échelle des valeurs pour permettre l'échange des principales denrées : esclaves, bétail, étoffes, grain. Peu de transactions; une économie domestique, familiale, féodale 1, où l'échange des services primait l'échange des richesses. Mauvaises conditions pour l'élaboration d'un droit commercial.
Le domaine des contrats est régi par le droit musulman quand il y a contestation. Trois sources d'obligations :
C'est une obligation religieuse de respecter ses engagements, car : « Il y a quatre sortes d'hypocrites: celui qui rompt un pacte; celui qui fait une chose défendue par Dieu; celui qui trompe la confiance mise en lui; celui qui ment ».
Conditions essentielles de la validité des conventions
Les personnes qui s'engagent doivent le faire de leur propre volonté, sans violence (doole). Elles doivent savoir à quoi elles s'engagent, sans tromperie (janfagol). Elles doivent être capables de s'engager: c'est-à-dire majeures, douées de raison et maîtres de leurs propre personne.
Objet de l'engagement
Toute convention est valable entre les parties, à condition de ne pas porter sur des choses illicites (vin, alcool, instruments de musique) ou impures (porc, chien) et de ne pas être contraire aux obligations religieuses.
Les modes de preuve des obligations
Preuve littérale. Elle est exceptionnelle; à l'occasion d'un règlement successoral, le lettré qui a présidé au partage prend quelquefois note des biens et des héritiers qui les ont reçus. Il arrive aujourd'hui que certains « évolués » font enregistrer par écrit, en arabe, en peul ou en français leurs conventions, par exemple, les contrats de mariage. Il convient de n'utiliser ces écrits qu'avec discernement: c'est très souvent un moyen de duper les illettrés.
Preuve testimoniale. De beaucoup la plus employé en droit coutumier comme en droit musulman. Les témoins doivent être deux hommes, majeurs, de naissance libre, doués de la plénitude de leurs facultés (worɓe, hellifaaɓe, rimɓe, wanaa uytiiɓe). Les femmes, les enfants et les serviteurs ne sont interrogés qu'à titre documentaire. « Dans certains cas, on admet que deux témoignages féminins valent un témoignage masculin ». « Pour les accouchements (par exemple, pour savoir si un enfant est né vivant ou non), le témoignage féminin est accepté, parce que seules les femmes peuvent assister aux naissances ». « Lorsque le témoin est unique, son serment devient un deuxième témoin ».
Le serment. Les musulmans du Fouta Djallon croient qu'il est dangereux de prêter serment. « Celui qui affirme par serment un mensonge périra sûrement, mais s'il affirme par serment une chose vraie, c'est une pauvreté noire qui l'attend ». Aussi les familles n'aiment pas voir un de leurs membres prêter serment.
Quant aux serviteurs et aux Noirs mal ou point islamisés, ils se soucient assez peu du serment islamique et jurent tout ce qu'on veut... C'est celui qui n'a pas de témoins qui doit jurer. On doit donc utiliser le serment « lorsqu'il n'y a aucun autre moyen d'arriver à la vérité ».
Ordalies. Il en existe un certain nombre, usitées encore couramment en matière pénale pour la découverte des coupables. Les voici pour mémoire:
La vente et l'échange, au sens français, sont mal distingués en droit indigène, car l'introduction de la monnaie est récente.
Le marché (tyoggu) s'entend de tout contrat où les parties échangent une richesse contre une autre richesse considérée comme de même valeur. Le marché en nature a été longtemps le seul usité; il coexiste aujourd'hui avec le marché en numéraire.
L'échange (wattitugol) se dit en droit indigène du « remplacement » d'une richesse par une richesse de même nature : taureau contre vache, par exemple, ou cheval pour cheval.
Le marché en nature et le marché en numéraire sont régis par les mêmes règles, les mêmes termes désignant le contrat et les parties dans les deux cas:
Les deux parties sont encore dites toutes deux : sooduɗo ou soodoowo, terme qui peut se traduire aussi bien par acheteur que par vendeur, parce que le langage ne connaît que des co-échangistes.
Si l'on a affaire à des lettrés on peut distinguer mushtarin l'acheteur et ba'i le vendeur, au sens français de ces mots.
La petite monnaie. Pour lès très petites transactions, les marchands utilisaient certaines denrées commodes à fractionner: sel, tabac, aiguilles, poudre ou pierres à fusil, perles de verroterie, etc...
C'était leur façon de se procurer leur nourriture dans les haltes (saadaare, litt. : poignée) qui étaient les seuls lieux d'échange du Fouta Djallon. La monnaie de billon a remplacé avec avantage cette monnaie peu commode. Le cauri ne paraît pas avoir été beaucoup utilisé au Fouta Djallon. Il était pour les musulmans une « chose de païens ».
En l'absence de numéraire, les échanges étaient effectués à l'aide d'une sorte de monnaie de compte système d'équivalences dont l'unité était le waalaare (pl. baalaaje).
Chaque waalaare était constitué par un certain nombre de mesures ou d'objets, variable selon la nature des denrées et aussi suivant les cours. Avec le waalaare, on formait des multiples :
Pour les bandes de coton tissées sur les métiers du pays, on employait :
Pour les grains, le sel, etc., on connaissait la poignée, saadaare, et la petite calebasse, korun, qui variait au gré des contractants, « ce qui n'avait pas d'inconvénients dans l'échange en nature des grains et liquides, une fois fixées les quantités proportionnelles de l'une et de l'autre denrée, si le même vase servait aux deux parties ».
Cependant une tentative d'unification des mesures, attribuée à Karamoko Alfa, avait répandu le sari'aare (pl. sari'aaje) almami, ou sari'aare K.A. (de l'arabe Shari'a : droit). C'était, et c'est encore, une petite corbeille de vannerie, lutée, à la bouse de vache mesurant réglementairement : 1 coudée de circonférence à l'ouverture, la longueur du poignet au bout du médius comme diamètre, la longueur du médius comme profondeur. Il contient un peu moins d'un litre. On connaissait aussi le muddo, contenu des deux mains pleines, employé seulement pour les sadaka (aumône).
La superficie des champs n'était évaluée qu'au moyen de la semence employée. « un champ de tant de paniers » (cf. la boisselée et le boisseau dans l'ancienne France). Dans le Centre et le Nord du Fouta Djallon, où la terre est plus âprement disputée que dans la région du Timbo, on mesurait quelquefois les champs à l'aide de bambou; par exemple, dans les discussions relatives aux droits fonciers.
Grains (hiraande). Le waalaare peut contenir en moyenne:
Unités de compte |
Bandes de coton tissé (coudée ou sogonal : 0 m. 50 |
Grain décortiqué 2 mesure ou sari'aare |
Grain non décortiqué 3 mesure ou sari'aare |
Bovins | Ovins & Caprins | Nattes, Poulets 4 |
waalaare (1 fr.) |
8 coudées | 4 mesures | 8 mesures | - | nouveau-né | la pièce |
jowiwel (5 fr.) |
40 coudées |
20 mesures 1 panier |
40 mesures 1 panier |
- | 6 mois | 5 pièces |
gudel (10 fr.) |
80 coudées |
40 mesures 2 paniers |
80 mesures 2 paniers |
veau nouveau-né | 1 an - gras ou brebis pleine | 10 pièces |
baaku (20 fr.) |
160 coudées |
80 mesures 4 paniers |
160 mesures 4 paniers |
génisse | - | 20 pièces |
kaddagal (30 fr.) |
240 coudées |
160 mesures 6 paniers |
240 mesures 6 paniers |
vache 2 ans |
- | 20 pièces |
NB. Les valeurs ci-dessus sont évidemment des moyennes très approximatives. Le contenu du waalaare peut varier beaucoup ; à noter pourtant la grosse valeur du grain comparée à celle du bétail. L'équivalence monétaire n'a pu naturellement être maintenue, malgré les efforts des Anciens ; elle n'est ici que pour mémoire.
Sel. Article d'importation européenne. Une mesure valait un waalaare et souvent plus.
Nattes, etc.. Beaucoup d'objets usuels courants, la natte, la houe, la hache, le mortier étaient comptés pour un waalaare ; de même le poulet. Cette valeur traditionnelle a influé sur les prix actuels ; la waalaare étant compté pour 1 franc environ 2.
Bétail. La vache était comptée pour un kaddangal. C'était une unité dans les comptes de succession, quoiqu'un bel animal pût valoir 2, 3, 4 kaddale ou plus.
Esclaves. Les esclaves étaient de même évalués en kaddagal. On admettait en moyenne que:
Colas. Les colas avaient des cours très instables.
Aux moments d'abondance, on peut établir les équivalences suivantes:
Selon les lois de l'offre et de la demande, c'était le contenu du walaare qui changeait.
« Si à la récolte, on avait cinq calebasses (ou mesures) au waalaare,
peu après on n'en mettait plus que 4 calebasses, 5 calebasses, alternativement, soit 9 pour 2 waalaare; puis de moins en moins, jusqu'à la récolte prochaine ».
Sippal. « Pour certains échanges, tels que lait caillé contre grain (sippal), fréquents entre pasteurs et laboureurs, on échangeait « plein contre plein » (tew e lew) c'est-à-dire mesure pour mesure ; ou bien, selon les cours, deux contre une, trois contre deux, etc. ».
Grâce à ces procédés simples, les échanges étaient rendus possibles et les prix suivaient les fluctuations économiques. Aujourd'hui, ces termes sont encore utilisés; on entend parler, par exemple, « d'une vache vendue contre six paniers de fonio et trois baalaaje » (Janvier 1936). La rareté de l'argent est peut-être la cause d'une recrudescence des échanges en nature. Le numéraire est d'ailleurs entré dans le système d'équivalence :
Formalités. Les parties doivent observer certaines formes pour que le marché soit valable, ainsi: « Le marché fait la nuit est nul de plein droit. » L'acheteur doit prendre ses précautions et examiner l'objet qu'il veut acquérir. Si c'est un animal, il le palpe, étudie chaque partie du corps susceptible de le renseigner: « Si c'est une vache, il regarde si les quatre trayons fonctionnent ». Le vendeur ne peut s'y opposer. Quand l'acheteur a dit : « Ceci me plaît, je le prends pour tel prix », suit le marchandage. Lorsque le vendeur a accepté, il dit: « Donne l'argent, voici ton bien ». Il lui met l'objet en main; si c'est un animal, il lui donne la corde; si la bête est méchante et ne peut être approchée, il la lui désigne de la main, attachée à un arbre et dit à haute voix « Voici ton bien ».
Livraison (jonnugol). Il est bon d'avoir des témoins qui assistent à la livraison, deux au moins. Ils prononcent une prière : « Que Dieu partage sa bénédiction entre vous » 3 ; l'acheteur leur donne une cola ou une pièce de monnaie; c'est le duharan, ou prix de la prière. En pratique, les parties se passent parfois de témoins.
Clause résolutoire (huda). Si l'acheteur a des doutes sur la qualité de l'objet, les parties peuvent fixer un délai pendant lequel la vente sera résiliable — une semaine, un mois, etc.
Péripneumonie des bufs. Pour une maladie bovine qui « fait pourrir les poumons » (pneumonie ?) nommée huggan, lorsqu'il peut être prouvé que le vendeur savait que le troupeau dont il a tiré l'animal était contaminé, la vente est annulée et l'acheteur a droit au remboursement. En dehors de ce cas, l'acheteur ne peut attaquer le vendeur pour vol ; c'est à lui de prendre ses précautions.
La vente peut être faite à crédit: l'opinion préfère les marchés au comptant.
Maison et terre. Le louage des habitations et des terrains parait avoir été inconnu. Le terme n'existe pas: on a emprunté au français le mot luwugol, louer, pour les contrats urbains qui ont lieu aujourd'hui sous l'influence européenne. Cases et champs étaient prêtés gratuitement : ou bien l'occupant était un membre de la famille, ou bien un étranger qui s'incorporait au groupe familial, et il devait donc ses services, mais aucune rémunération spéciale comme loyer.
Moyens de transport. Le louage d'animaux de bât était rare, et pour cause. On pouvait louer à un marchand un serf, en qualité de porteur ou de conducteur de bétail, contre une valeur déterminée selon le genre de commerce. Les conditions variaient selon les distances et les risques à prévoir. Si le serf périssait au cours du voyage, l'employeur n'était pas tenu de le remplacer; il y avait force majeure, à condition toutefois qu'il n'ait pas outrepassé les conditions du contrat. De même pour une monture :
« Je vous prête un cheval pour aller de X à Y et retour; s'il périt, tant pis pour moi, mais si vous allez à Z et qu'il meure, vous devez le rembourser ».
Louage de services (domestiques, ouvriers). L'esclavage rendait ce genre de contrat inutile ; les cultivateurs, les domestiques et beaucoup d'artisans faisaient partie de la main-d'uvre familiale ou servile achetée, capturée ou élevée dans le runde (soodaaɗo, pellaaɗo, ndima). Le serviteur autorisé par son maître à travailler pour le compte d'autrui devait rembourser au maître le travail dont il le privait par le paiement du fulla, annuel généralement. On se procurait des travailleurs, les jours de travaux pressés, par la pratique du kilee, demandé soit dans le parentage, soit dans le voisinage, soit à un runde de serviteurs : on s'adressait soit à un parent, soit au satigi, intendant du runde: celui-ci, hoore kilee, ou chef d'équipe, dit encore kuntigi, recrutait des travailleurs ; l'employeur renseignait le chef d'équipe en lui envoyant, par exemple, autant de gâteaux (kanyaa) qu'il désirait de travailleurs.
Ceux-ci étaient recrutés pour une tâche déterminée défrichement, construction, etc. ; ils étaient nourris copieusement et, en cas de travail pressé, nocturne par exemple, ils touchaient un animal, mouton, buf, qui était partagé entre eux ; le chef d'équipe avait droit à une part déterminée.
Grâce à la forte organisation du parentage et à la possession de nombreux captifs, ces équipes étaient le plus souvent recrutées à l'intérieur du groupe familial. Ceux qui auraient refusé de se rendre à un travail collectif auraient été mis en quarantaine et, tôt ou tard, se seraient repentis de leur égoïsme, la cohésion familiale et villageoise étant forte ; chacun avait besoin de tous et tous, de chacun 4.
Les laoɓe, castés, nomades, fournissaient la boissellerie : mortiers, écuelles, vases à traire, à caillé, etc.. On passait un marché global de tant d'écuelles, par exemple, contre un taurillon ou du grain.
De même pour les potiers ou daloyaaɓe.
Les forgerons (wayluɓe) étaient souvent des esclaves avec un statut privilégié ; ils devaient au maître un certain nombre d'outils par an (houes, haches, etc.) et vendaient le surplus; ils ne travaillaient pas aux champs du maître, et en étaient même exclus en raison de leurs pouvoirs magiques. Ils fabriquaient aussi toutes les pièces de charpente des cases, qui leur étaient payées selon un tarif à peu près fixe (une porte, un gudel; un mortier, trois waalaare, etc.) et gratuitement pour leurs maîtres. Mais les forgerons habiles, ceux qui savaient réparer les fusils, par exemple, étaient l'objet de la faveur des chefs.
On peut en rapprocher le contrat entre propriétaire de bétail et berger.
Le berger (gaynaako ou aynoowo) doit « administrer le troupeau comme son bien propre, faire paître, garder, soigner, rechercher les égarées, surveiller les vêlées ». Les conventions varient : souvent le berger a droit au lait des bêtes, et à un taurillon ou une génisse par an. Ailleurs, il a droit au lait de la traite du vendredi seulement, si le troupeau réside au village. Parfois son maître lui donne un vêtement, du grain. Mais le berger était le plus souvent un membre de la famille ou un serviteur. Le paiement en argent commence à s'introduire dans les moeurs (au moins dans les postes administratifs). Au village, les enfants les ramènent au parc et les femmes les traient au parc.
Aujourd'hui certaines formes de salariat s'introduisent. Par exemple, on voit louer des faucheurs de fonio : le faucheur vient avec sa femme, qui lie les bottes à mesure qu'il faucille, le suivant pas. à pas. L'homme touche un tant pour cent sur les bottes qu'il a coupées dans la journée, selon les conventions. De même, la servante qui vanne le grain a droit aux déchets et en profite pour prendre une bonne part de bon grain, mêlé au son. Mais le salariat reste l'exception.
Autrefois, les Peuls avaient à leur service des marchands qu'ils protégeaient, « leurs sarakollè, » comme ils disaient. Ils leur confiaient du bétail et ceux-ci allaient l'échanger contre des colas, sur les marchés du Sud, contre des esclaves chez l'Almami Samoodu (Samori) contre des armes à feu, des étoffes et de la quincaillerie sur les marchés de la Casamance ou de la Côte, et jusqu'au Khasso au Nord. C'était aussi à ces marchands qu'étaient confiés les esclaves indociles et les criminels qui étaient revendus sur les marchés extérieurs. Aujourd'hui, le commerce des boeufs se fait parfois dans les mêmes conditions. Le propriétaire des boeufs les estime à un prix moyen, par exemple, trois livres anglaises; le marchand s'engage à rapporter la somme ou son équivalent en marchandises; le bénéfice, tono, est pour le marchand.
On distingue :
Le prêt à usage. Les conditions du prêt: délai, emploi de la chose prêtée, responsabilité de l'emprunteur varient. On admet que lorsque l'objet est prêté pour un usage déterminé, l'emprunteur outrepasse ses droits en l'employant à un autre usage. Si un animal est prêté pour tel parcours et qu'il succombe au cours du voyage, il n'est pas remboursé; mais si J'emprunteur est allé ailleurs qu'aux lieux stipulés par le contrat, il doit le rembourser.
Nom du prêteur: luɓuɗo, nom de l'emprunteur : luɓiiɗo.
Le prêt de consommation (nyamaande). Prêteur se dit ici: nyawluɗo; emprunteur se dit: nyawliiɗo.
« Ce que l'on prête n'enfante pas et ne meurt pas », c'est-à-dire ne porte pas intérêt, et il n'y a pas prescription extinctive : « La dette reste au cou du débiteur », on doit rendre « plein pour plein », ni plus ni moins,
Le prêt à intérêt est interdit par la religion (riba dagaaki).
Entre parents et entre amis la défense est assez bien observée; c'est un emprunt pour s'entraider (nyawlondirgol).
Cependant, il arrive entre cultivateurs, qu'on emprunte du grain de semence quand il est très cher; on rend une quantité double à la récolte; mais il n'y a pas intérêt. On a emprunté un waalaare de grain, on rend un waalaare de grain: seulement celui-ci a changé de capacité. Mais lorsqu'on prête de l'argent pour en tirer des bénéfices, par exemple lorsqu'on prête à un marchand professionnel, l'intérêt est souvent très élevé : 10, 20, 30 %, et, pour obtenir des délais, le débiteur consent à des augmentations d'intérêt progressives. Le peu de sécurité des emprunts a causé cette cherté de l'argent. Les musulmans assurent bien que celui qui ne paie pas ses dettes est un munafighi, un pêcheur, et qu'il brûlera en enfer tant que ses dettes ne seront pas payées. En pratique, il existe une sorte de mauvaise foi générale entre prêteurs et emprunteurs ; les prêteurs savent bien qu'ils auront le plus grand mal à toucher leur créance et ils font preuve le plus souvent de beaucoup de longanimité.
Etant donné l'incertitude du remboursement, la pratique du gage est courante et toute espèce de bien meuble (jawdi), y compris les enfants et les esclaves, pouvait être mis en gage. C'est le seke ou tiginde; jodɗinde seke: mettre en gage (toloma sigi des Malinké).
Le meuble gagé doit avoir une valeur plus forte que l'emprunt qu'il accompagne ; c'est un contrat accessoire de l'emprunt: il reste en la possession du créancier tant que la dette n'a pas été payée, selon les délais convenus entre les parties. Le créancier doit au débiteur le surplus de valeur du meuble gagé, s'il est mis en vente pour défaut de paiement. Le gardien du gage a les obligations d'un dépositaire fidèle et, s'il s'agit d'un enfant, celles d'un père de famille.
Le dépôt (kalifa)
Déposant se dit: halfinɗo; dépositaire se dit: halfinaaɗo.
Le dépôt est d'un usage très fréquent, entre époux par exemple; le mari garde fort peu de chose dans sa case personnelle (kaybonru) et confie à ses femmes, surtout à la mawɗo galle, vêtements, grains, etc... les animaux sont de même confiés aux femmes. De son côté l'épouse confie son bien personnel, lorsqu'il consiste en biens « cachés » (wirniindi), à sa mère, à sa soeur, à une amie, etc... Les maîtres confiaient à leurs serviteurs; les serviteurs à leurs maîtres ; les chefs à leurs courtisans; les voyageurs, guerriers ou marchands, aux sédentaires. Malheureusement, le dépôt est rarement entouré d'une publicité suffisante et, faute de preuve testimoniale, les contestations sont insolubles.
L'opinion publique a des trésors d'indulgence pour le dépositaire infidèle, « qui a utilisé le dépôt à des fins personnelles: qu'il ait seulement pris une pincée (nyomitude) on mangé une partie, ou le tout, celui qui a commis un abus de confiance ne peut être assimilé à un voleur » (v. tutelle). Lorsque le dépositaire déclare avoir été volé, une enquête est faite:
On peut considérer comme mandataire (wakilu) l'intendant des serviteurs, représentant du maître, les délégués des chefs, tous ceux qui agissent au nom d'une personne, qui la remplacent en leur absence (lontinaaɗo). Les obligations du mandataire et du mandant sont assez mal précisées. On admet que le mandataire n'est responsable que dans la mesure où il a outrepassé les ordres de son mandant.
La prescription acquisitive paraît être admise dans le cas de vivification d'un terrain (wurnitugol) par la construction de cases durables (wageeru) et la plantation d'arbres fruitiers, même sur un terrain prêté : le planteur ne peut être expulsé. La construction de huttes de chaume, sans murs de banco (buguuru), et les cultures annuelles, ne font acquérir aucun droit permanent. Nous avons vu que le terrain défriché (soppuru, tyoppi) est au défricheur initial et à ses descendants. S'il ne reste aucune trace de culture dans une jachère abandonnée, on dit: fakkeere 'arti, la jachère est revenue, et le droit d'y cultiver de nouveau (après un nombre d'années impair) appartient au premier défricheur ou à ses ayants droit, si toutefois, c'est un terrain de culture en zone habitée (hoɗooji, hakkunde margaaji). Dans la brousse déserte, wulaa, on admet que si le défricheur initial laisse tomber ses droits, il ne peut plus faire déguerpir celui qui s'est installé dans ses anciens champs.
La distinction peut. être malaisée à établir; en fait, les contestations à ce sujet sont rares, à cause de l'abondance du terrain et de son peu de valeur dans le wulaa; dans les zones habitées, en revanche, les droits respectifs des familles sont connus et nul nouveau venu ne risque de s'y tromper.
La prescription extinctive. Le temps n'altère en principe ni les droits ni les obligations des individus et nous savons que beaucoup de droits et de devoirs sont héréditaires dans les parentages. C'est même un des caractères les plus frappants du droit indigène, comparé aux droits européens, que cette conception de l'immortalité des familles. Mais, en réalité, dans un droit non écrit, les effets du temps se font sentir par la mort des intéressés et des témoins, par l'oubli des survivants. Beaucoup d'obligations s'éteignent ainsi. Mais aucun délai n'est prévu; certains lettrés affirment cependant que la prescription est acquise au bout de 40 ans entre parents, au bout de sept ans entre étrangers. Rappelons que la séparation des conjoints pendant quatre ans rompt le mariage ipso facto.
Notes
1. Si l'on peut nommer ainsi toute organisation hiérarchique de la société, comprenant des suzerains et des vassaux héréditaires.
2. Maïs, millet, tubercules secs
3. Riz, fonio, arachides en coques
4. De très nombreux objets usuels étaient cotés waalaare
5. Les prix des objets fabriqués par les artisans sont restés très bas, sans rapport avec le travail fourni.
6. C'est-à-dire que la baraka fasse prospérer les biens échangés.
7. L'entr'aide entre gendres et beaux-parents était aussi un facteur puissant dans le travail agricole.