Publication du Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française
Librairie Larose. Paris, 1939. 124 pages
La tutelle est conférée par le conseil de famille, c'est-à-dire par les Anciens du parentage invités aux funérailles du père. Chez les bons musulmans a lieu parfois une réunion, 40 jours après le décès « lorsque la tête du cadavre se sépare du tronc » où est réglé le sort des mineurs et des veuves, si cela n'a pas été fait plus tôt: par exemple, s'il s'agit d'une puissance famille aux nombreuses branches dispersées. Lorsque les Anciens disposent d'une grande autorité, la tutelle est déférée par eux, de même que les époux des veuves sont désignés par eux. Dans la plupart des cas, et chez les pauvres gens, « on s'arrange; la veuve choisit parmi les yheekiraaɓe, frères et cousins de son mari, celui qui est capable de l'entretenir et qui lui plaît le mieux ».
Quant à la personne de l'enfant: « Le tuteur doit se conduire comme un père, le mineur a envers lui tous les droits et devoirs d'un fils des reins, sauf qu'il n'a aucun droit d'hériter de lui, pas même une aiguille ». La veuve accompagnée d'enfants qui vient vivre chez son nouvel époux, frère du défunt, demande souvent à être logée un peu à part ; s'il y a un petit enclos, on le lui donne. Les enfants cultivent pour elle le matin et les jeudis et vendredis, et les autres jours pour leur oncle, comme ils auraient fait pour leur père 1 ». Les filles restent toujours avec leur mère, mariée ou non avec un frère du défunt: lorsqu'un prétendant vient demander sa fille, elle en fait part au tuteur qui joue le rôle du père. Même, si son mari a assuré l'entretien de la fille de sa femme, c'est au parentage paternel qu'appartient le droit de la marier.
Quoique les Peuls connaissent les règles musulmanes, en matière de tutelle, qu'ils nomment waliyagol (de l'arabe wali'u), ils ne les pratiquent guère. Témoin, le cynique dicton:
« Un enfant mineur, c'est un bâtard qu'on ne chasse pas ».
Les biens de l'enfant sont administrés par le tuteur, qui a droit de s'en
servir pour l'entretien de l'enfant uniquement. Mais cette administration est rarement
consciencieuse, dit-on. Pourvu que l'enfant soit logé, nourri et marié par
les soins du tuteur, le mineur n'a rien à dire.
« Il est rare que des compter de tutelles soient réclamés; cela
ne se fait pas; cela n'est pas convenable, on ne peut pas se plaindre de ses anciens ».
Aujourd'hui, les individus agissent à leur tête; la femme s'en va vivre avec un nouvel époux de son choix, hors du parentage paternel. Les enfants appellent le mari de leur mère: kaawu, oncle maternel, et non baaba, père. Il n'y a plus alors de tutelle régulière; le mari de la mère s'occupe des petits parce qu'il aime la mère.
Tutelle déférée aux parents de la mère. Si le parentage paternel, gorol, ne peut, ou ne veut fournir un tuteur, on cherche dans le parentage maternel ou deyol.
L'oncle maternel et les orphelins. Devant l'avarice et la dureté dont font preuve souvent les oncles paternels, il est très important pour un orphelin de père d'avoir une mère appartenant à une bonne famille capable de l'aider. Le kaawu (oncle maternel), qui reste toujours uni avec sa sur (bandiraawo), a beaucoup d'affection pour les enfants de celle-ci. C'est pourquoi les fils peuvent reprocher à leur père: « Tu ne m'as pas choisi un bon oncle maternel, tu as pris ma mère dans une mauvaise petite famille de Peuls de brousse, etc... » Faute de parents pour s'acquitter des devoirs de tutelle, celle-ci peut être conférée au chef de province. Les orphelins entraient ainsi dans la clientèle du chef, qui les nourrissait et les établissait.
Garçons — La majorité du garçon (kellefuyee) se confond avec la puberté et le développement intellectuel: si le garçon est précoce (farbuɗo), vers 15 ans; s'il est en retard (tommuɗo), vers 17 ans et plus.
Les « diminués » (uytiiɓe) ou arriérés intellectuels, les infirmes et avortons (boofo) n'atteignent jamais leur majorité juridique et restent toute leur vie sous l'autorité d'un membre du parentage paternel.
Entre la circoncision et le mariage le garçon est traité peu à peu en adulte. On admet que « dès qu'il n'est plus complètement dans le galle paternel, le garçon majeur endosse ses actes, il en revêt son cou, c'est-à-dire qu'il en est responsable pécuniairement et moralement. Devant la justice, le père n'est plus tenu de payer ses dettes et de réparer le dommage causé, parce qu'il ne peut plus assurer sa surveillance et l'empêcher de nuire, si c'est un mauvais. Mais il y a beaucoup de pères qui acceptent de payer, pour éviter la honte à leur famille et le châtiment à leur fils ». Après le mariage (vers 18 ans, si le père fait son devoir), le nouveau chef de case est pleinement responsable de ses actes; il a acquis un ɓeynguure personnel (épouses, enfant), dont il devient à son tour responsable.
Filles. La fille n'est majeure, adulte (hellifaaɗo), que lorsqu'elle est nubile, c'est-à-dire que ses menstrues sont régulières. « Par son mariage, elle quitte les mains du père pour celles de l'époux ». Elle ne s'appartient jamais complètement: « Si elle divorce, elle retombe aux mains du père ; si elle est veuve, elle est aux mains des frères de son mari qui, cependant, la reconduisent après un délai aux mains du père, lequel la leur remet généralement après demande ». Dans une certaine mesure, la femme mariée et surtout la femme remariée après un premier mariage jouit d'une indépendance de fait: la coutume, oeuvre masculine, cherche à les asservir, mais les femmes se défendent par tous les moyens. Un proverbe dit:
« Celui qui n'accepte pas de recevoir le douaire (que sa femme lui offre pour recouvrer sa liberté) pourrait bien recevoir du poison ».
Fraternités d'âge. Au moment où le garçon, après la circoncision et avant mariage, n'est plus aussi dépendant du père et n'a pas acquis l'indépendance, il vit beaucoup avec ses compagnons d'âge (goreeɓe), ceux de sa génération, celle-ci englobant les jeunes gens nés pendant une période de trois, quatre, cinq ans. Cette sorte de « promotion » se nomme yirde (pl. gire) ; on la désigne par l'évènement marquant de cette époque. Exemples:
Ces associations, moins importantes que chez les animistes, existent partout au Fouta-Djallon. Elles ont leurs chefs et dignitaires, leurs réunions et un système d'entr'aide par échange de services et de cotisations.
On distingue parmi les causes d'aliénation.
Trop souvent, le fou non dangereux, ou considéré comme tel, est
laissé libre d'errer et de mendier à sa guise.
S'il est fou furieux, le gardien le fait attacher et mettre aux fers dans une case,
jusqu'à sa guérison ou jusqu'à sa mort. Le gardien est responsable,
en théorie, des accidents causés par le fou.
Les idiots congénitaux sont, de même, entretenus par le parentage de
leurs pères ; ils sont nourris par leur tuteur (wali'u) et travaillent
pour lui : ce sont les uytiiɓe ou « diminués ».
La coutume ne connaît guère nos distinctions et celles du droit
musulman, en matière de tutelle et d'interdiction. « Il y a des gens
capables (wawɓe), achevés (timmuɓe), par le corps, la raison
et l'instruction ; c'est à eux de posséder les biens, d'en disposer
et de commander les incapables (wawaaɓe, nufullahoy); incapables à cause
de leur faiblesse (femmes), de leurs âge (enfants), de leurs infirmités
de naissance ou acquises (feetuɓe, uytiiɓe, fous, diminués).
C'est à l'Ancien du parentage de voir ceux qui peuvent nourrir et faire travailler
les incapables ».
Les informateurs rangent volontiers, parmi les incapables, les serfs, et il faut
bien avouer que l'état dans lequel les Peuls maintenaient leurs serfs avait
rendu ceux-ci dignes de l'esclavage dont nous les avons tirés, et où ils
retomberaient sûrement si nous n'y prenions garde.
Notes
1. Les jours de travail sont les mêmes pour les serfs.