Publication du Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'Afrique Occidentale Française
Librairie Larose. Paris, 1939. 124 pages
On peut « retenir d'avance », tanaade, une petite- fille, comme on peut « retenir d'avance » un bien quelconque, par exemple une génisse, ou même le futur produit d'une vache pleine, ou les fruits pendants d'un arbre ou d'un champ, etc...
La fille retenue se nomme: tanaaɗo, la fiancée. Celui qui l'a retenue: taniiɗo, le père du fiancé. Celui pour qui on l'a retenue: tananaaɗo, le fiancé.
Généralement sept ans environ, de façon qu'on attende encore sept ans jusqu'au mariage.
Le futur mari est généralement plus âgé, peut même être un homme fait; quoique, le plus souvent, cette forme de mariage soit usitée surtout pour la première union d'un garçon, s'il s'agit d'une fille libre.
Pour les serves, il en était différemment; un homme mûr, déjà pourvu d'épouses, assurait le ravitaillement de sa vieillesse en « retenant » les fillettes de ses serfs. Mais il s'agissait plutôt alors d'élevage que de fiançailles.
Les premières démarches, sur l'initiative du père, sont faites par la mère du garçon, qui va trouver la mère de la petite après avoir fait coudre un pagne en bandes de coton et acheté quelques noix de cola.
« Notre chef de famille désire cette enfant pour notre un tel; si Dieu lui donne vie, accordez-la nous ».
La mère de la petite répond:
« Nous avons entendu; si Dieu en a ainsi décidé, et si c'est son désir à elle, nous vous la donnerons ».
Elle en fait part à son mari qui informe la famille du futur, par des messagers, de son consentement ou de ses regrets polis:
« Il n'y a pas moyen, nous avons reçu des demandes antérieures, etc… »
Généralement, il prend sa décision après avoir convoqué le conseil des anciens du parentage; sa sur, l'aînée surtout 1, est une conseillère écoutée.
Théoriquement, le consentement du père suffit; pratiquement, dans toutes les négociations matrimoniales, les femmes jouent un rôle important. Peu de mariages se font sans le consentement des mères.
On apprend à la petite fille l'attitude correcte à l'égard de son futur mari; c'est-à-dire qu'elle doit le fuir en toute occasion et se taire quand son nom est prononcé; dès maintenant, ce nom lui est interdit.
Quant aux cadeaux, offerts au cours des années qui séparent l'engagement des. noces, « rien n'est tranché » chacun fait selon ses moyens et sa générosité. Il est bien d'offrir aux deux grandes fêtes musulmanes quelque vêtement, quelque morceau de viande, quelques noix de cola, soit pour l'enfant, soit pour ses père et mère, pour la tante paternelle, qu'il serait maladroit d'oublier.
Les services dus par le gendre ne sont pas règle générale. Il arrive cependant que le « fiancé », accompagné de ses camarades d'âge (goreeɓe), de ses compagnons d'études, ou des serviteurs de sa famille, vient accomplir un travail pour son beau-père. Ce peut être un défrichement, un labour, la construction d'une hutte, d'un enclos, etc. En ce cas, le beau-père, prévenu d'avance, prépare un repas abondant et riche en viande, et sans y aller en personne, le fait porter aux travailleurs. Ce kilee, ou travail de l'équipe du gendre, n'est pas toujours bien accueilli, car il est de règle que le repas offert soit généreux et le beau-père décline quelquefois les offres du gendre 2. Ce genre de service peut commencer quelques années avant les noces, se prolonger parfois après, et même en la personne des enfants qui iront, à leur tour, travailler chez les parents de leur mère, là où leur père avait travaillé avant leur naissance.
Les fiançailles cessent: ou par le mariage de la tanaaɗo avec son futur, ou par la rupture du contrat.
Si la rupture vient des parents du futur mari, ceux de la fille n'ont rien à réclamer, quoique le procédé soit incorrect.
Si les parents de la fille refusent de l'accorder, les parents du futur, ou celui-ci, peuvent réclamer le remboursement de tout ce qui a été versé, car seule la consommation du mariage « noie » les compensations diverses offertes par le groupe du gendre.
Généralement, une transaction a lieu; il est difficile de faire le compte de vêtements, de menus cadeaux, etc... ; les travaux du kilee ne sont pas comptés, car ils sont compensés par la royale hospitalité offerte à leur occasion.
Pour le remboursement des compensations données par le groupe marital au groupe uxoral (douaire, cadeaux, etc. ... ), v. divorce.
Il peut arriver que le remboursement soit demandé à un autre prétendant; les mères surtout jouent un rôle actif, en encourageant plusieurs prétendants à la fois.
Dans les bonnes familles, où les anciens ont conservé l'autorité, les fiançailles sont un contrat officiel entre deux parentages, ce qui évite les combinaisons louches.
On admet qu'un mariage est « solide », valide, sous quatre conditions essentielles.
Le consentement (yarlagol) du père de la fille, ou de celui qui en tient lieu, son wali'u; ou de la femme elle-même s'il s'agit d'une divorcée ou d'une veuve; d'où annulation de plein droit d'un mariage par enlèvement ou par violence.
La constitution du douaire (teŋe); en fait la loi est accommodante, si bien que ce douaire peut être assez illusoire, mais encore doit-on stipuler à son sujet.
Des témoins (seedeeji), au nombre de deux: théoriquement, ce sont ceux qui ont assisté, à la mosquée, à la proclamation du mariage et du montant du douaire; en fait, les nombreuses démarches coutumières constituent une publicité efficace : un mariage occulte ne serait pas valable et eût été inimaginable autrefois.
L'absence de relations sexuelles entre les conjoints entraîne l'annulation du mariage, si elles ne peuvent plus avoir lieu.
L'âge des conjoints n'entre guère en ligne de compte; on ne considère que l'aptitude physique au mariage et pour le mari seulement.
On admet que quatorze ans est l'âge normal pour la fille, mais on se base surtout sur son aspect; car il y a de grandes différences de précocité.
« Une fille est épousable quand ses seins sont poussés et quand ses menstrues sont régulières ».
Il y a des filles précoces (farbiɗo), et des attardées (tommuɗo). La mère s'oppose souvent au mariage de sa fille sous prétexte qu'elle n'est pas nubile; mais il est assez fréquent de voir une fille mariée et livrée au mari, quelques années avant d'être nubile.
Quant à l'époux, le jeune homme est marié, par le père qui fait son devoir, entre 18 et 20 ans. Entre 14 et 15 ans, après la circoncision, on lui donne « les trois vêtements » : blouse, culotte et bonnet. Il passe deux ou trois ans à vivre célibataire dans une case à part, seul ou avec des camarades d'âge; puis, son père l'établit, lui donne un enclos; c'est un nouveau jom-galle.
Pour les vieillards, il n'y a pas de limite d'âge: l'état de mariage est le seul état normal de l'homme et de la femme. Hors l'enfance et les délais qui suivent le veuvage ou le divorce, une femme doit toujours être mariée, dépendre d'un époux, travailler pour lui, prier en son nom; sinon, si bonne que soit sa conduite, « cela ne lui fait acquérir aucun mérite ». « La femme morte en dehors de l'état de mariage devrait être enfouie sans funérailles; si ses parents l'enterrent décemment, c'est pure charité. » C'est pourquoi les vieilles veuves proposent le mariage à un vieillard, afin d'avoir au moins un époux honoraire. C'est le haɓɓangol, ou mariage des vieux, qui n'entraîne pas héritage entre conjoints.
Le consentement, s'il s'agit d'une fille, s'entend de celui du père ou de celui qui en tient lieu (wali'u). En pratique, pour un premier mariage, la mère, la sur du père, donnent aussi leur avis. Le consentement de la mère de la fille est si bien dans les murs que lorsque deux époux ont divorcé, que leur fille a été élevée par sa grand'mère paternelle, le père ira cependant chez la grand'mère maternelle ou, en tout cas, la fera informer de ses projets, ainsi que son ancienne épouse. La fille bien élevée n'oppose pas de résistance à la volonté paternelle ; étant donné la facilité des divorces, elle peut espérer se dégager très vite d'une union qui lui déplaît. L'opinion commune admet qu'il ne faut pas forcer la volonté de la fille, « parce que les unions ainsi conclues tournent mal. » Le garçon se laisse faire également; le premier mariage est voulu par la famille et arrangé par elle. La polygamie, la répudiation, lui permettront de satisfaire ses goûts, après avoir obéi au père et aux anciens.
Les Peuls distinguent:
Quand une femme se remarie, le teŋe de son précédent mariage devient sogge dans le deuxième mariage; le second mari lui constitue alors un nouveau teŋe.
Les termes dot, douaire, cadeaux, compensation, amènent souvent des confusions, car aucun n'a d'équivalent exact en peul.
Il importe de bien distinguer les biens donnés aux beaux-parents du douaire de la femme; le toraare du teŋe.
« Le toraare, c'est ce grâce à quoi on obtient une fille de ceux qui ont pouvoir sur elle ».
Il consiste généralement en « bien couchés », c'est-à-dire en choses que l'usage détruit: vêtements, moutons de boucherie, argent. Dès que les époux ont eu des relations sexuelles, il est perdu pour le donateur, quoi qu'il arrive.
Le teŋe, c'est la propriété de l'épouse ; c'est ce qui rend le mariage valide; c'est ce qui améliore la vie commune ; c'est ce qui fortifie les liens du mariage ; car l'amour mutuel est chose fuyante; c'est l'utilité qui fait durer le mariage; c'est la peur de perdre le douaire qui retient la femme à son mari ». Le teŋe se compose autant que possible de « biens sur pied », c'est-à-dire de bétail, qui donnera lait et croît, et de serfs.
Le montant du douaire varie selon les moyens de l'époux et selon le rang social. La tendance religieuse moderne tend à faire diminuer le montant des frais du mariage. « Le toraare devrait être de 25 francs pour acquérir une fille non encore mariée, de 15 francs pour une femme déjà mariée ». « Le teŋe, une vache de trois ans, ou une somme de soixante quinze francs ». « Si vous ne diminuez pas vos exigences, vos filles ne se marieront pas et elles vous resteront sur les bras. »
Chez les Peuls possesseurs de bétail, le toraare est une génisse ou sa valeur, et le teŋe consiste en une paire de génisses, ou un taurillon et une génisse: c'est le tarif normal et suffisant, préconisé, dit-on, par Karamoko Alfa, le fondateur du Fouta Djallon. Les teŋe courants sont de une à quatre têtes de bétail. La valeur minimum est en droit musulman du quart de dinar (rubu'dinari) mais, en monnaie moderne, les évaluations varient trop pour être notées utilement (17 fr. 50 ?).
S'il consiste habituellement en bétail chez les Peuls, et en argent ou bijoux chez les citadins, il est admis que le douaire peut être n'importe quel objet de valeur, un fusil, un Coran manuscrit, quelques pieds d'orangers ou de bananiers, voire un seul arbre.
Les animaux du douaire ne sont pas envoyés chez les beaux-parents; le beau-père vient voir les animaux destinés à sa fille, à laquelle on les montre aussi lorsqu'elle est conduite pour la première fois chez son mari. Ils ne quittent pas le pare à bétail du mari ; parfois ce pare est commun à plusieurs parents ou voisins. Cependant, si le mari a un métier qui l'expose à des déplacements, s'il est fonctionnaire par exemple, les animaux sont conservés par les parents de la femme, qui les soignent et profitent de leur lait.
Le montant du douaire devrait être énoncé publiquement à la mosquée après la prière de l'après-midi, un vendredi, jour de réunion paroissiale, en présence de l'assemblée des fidèles. On distribue aux assistants lettrés des feuilles de papier blanc, cadeau autrefois précieux, et des noix de cola. Les témoins désignés sont au minimum deux hommes jeunes et estimés.
Pour le premier mariage, c'est le père du jeune homme qui paie le douaire, ainsi que tous les frais accessoires du mariage; c'est un des devoirs qu'entraîne la paternité. A défaut du père, c'est le tuteur. C'est le marié lui-même, s'il est riche. Parfois le jeune homme a reçu dans son enfance des animaux en cadeau de son père, de son parrain, de ses parents maternels, etc..., ou, s'il est d'une famille très pauvre, il se débrouille en travaillant chez son futur beau-père.
Il est pratiqué, mais peu estimé ; il n'était guère en usage que chez les marchands, les dioulas saracollé, qui se libéraient grâce aux bénéfices faits à chaque voyage, en plusieurs échéances, et aussi chez les griots, awluɓe et jeliɓe.
Pour les secondes unions, l'homme paie lui-même ce qu'il faut pour obtenir une épouse et lui constituer un. douaire. Pour les femmes déjà mariées antérieurement, veuves et divorcées, un wali'u ou représentant doit, en théorie, les représenter et donner son consentement ; elles ont aujourd'hui la prétention de disposer d'elle-même et de recevoir le toraare. La coutume ancienne et l'Islam sont d'accord pour affirmer que la femme est toujours « dans les mains » de quelqu'un; père, mari, anciens, tuteur: tout ce qu'elle peut dire c'est: « Je vous prie de me donner à un tel », ce qu'on lui accorde généralement.
« Le douaire est à la femme et rien qu'à la femme. », ko halal makko.
Mais la femme n'a pas le droit d'en disposer sans l'assentiment de son mari: ce sont en général des vaches et, au Fouta Djallon, les vaches sont soignées par les femmes ; le lait, le beurre sont naturellement à l'épouse. Le douaire, qu'il consiste en bétail ou non, ne peut être ni vendu ni échangé qu'avec le consentement des deux conjoints : l'épouse seule, ni le mari seul, ne peut en disposer. Le croît des animaux du douaire est pour l'épouse; si l'hyène ou la maladie ne s'en mêlent pas, le douaire fructifie et devient ainsi le meilleur gage de l'union.
La dissipation du douaire par le mari est un cas où la femme peut demander le divorce avec remboursement dudit douaire.
C'est une forme de manage où le père de la fille lui-même prend l'initiative de la marier: il l'accorde souvent à un jeune homme pauvre, par exemple à un étudiant, s'il est professeur; ou à un de ses neveux orphelins. Dans ce cas, le père dote sa fille (sogge) et accorde au gendre la permission de ne payer qu'un douaire minimum, avec une longue échéance. Beaucoup de projets de mariage se concluent à la fin des études coraniques des garçons ; elles sont l'occasion de réunions du parentage, et les anciens confèrent alors au sujet des mariages des jeunes gens de la famille.
Quant à la saison, on s'arrange souvent pour que la mise en ménage ait lieu vers la fin de la saison sèche, afin que les époux commencent leurs cultures personnelles.
L'absence de liens de parenté
Les prohibitions relatives à l'inceste sont celles du droit musulman. Sont « interdites » (ɗum harmi) :
Les exemples sont cependant fréquents où les fils vont chercher femmes dans le groupe qui a déjà fourni des épouses à leurs pères et ancêtres. On s'en rend compte par la méthode généalogique: on voit ainsi, de génération en génération, des familles échanger des épouses, soit entre familles de patrons et de clients, soit entre familles de même rang social. Dans les deux cas, ces mariages avaient un but politique: accroître la force du parentage en renforçant les alliances héréditaires.
Les jeunes générations ont tendance à prendre femme où bon leur semble; les conjoints, n'étant plus unis que par leurs volontés individuelles, se séparent avec facilité. On dit de ces unions modernes : « des buffles se sont rencontrés par hasard dans un bourbier ».
L'Islam est égalitaire et aucun précepte ne défend de s'unir à une fille musulmane, quelle que soit sa condition sociale. Mais les hommes libres n'épousaient jamais, ni comme « légitimes » ni comme « concubines » :
Naturellement il n'était pas question, pour ces mêmes groupes, d'épouser des filles libres (rimɓe); ils se mariaient entre eux.
Pour les filles des wayluɓe, forgerons, il semble qu'on pouvait les épouser, au moins comme concubines. Les forgerons semblent ne pas être considérés comme castés, parce qu'au Fouta Djallon beaucoup d'entre eux étaient des esclaves mis en apprentissage afin d'être, pour leur maître, des artisans domestiques. La caste n'est pas un obstacle juridique: ce n'est qu'une répugnance, qui s'affaiblit aujourd'hui.
« Lorsque quelqu'un a dit: « Je donne une telle, ma fille », ce mariage là est conclu, que le douaire ait été fixé ou non. (Tierno Mamadu Samba Mombeya) 4. C'est ce qu'enseignent les religieux musulmans; les usages n'étaient pas très stricts et permettaient des marchandages contre lesquels l'Islam réagit.
La venue solennelle des messagers, humpitoyɓe, chargés d'annoncer l'acceptation des parents de la fille, peut être considérée comme le moment où le mariage est formé : « noué » comme on dit.
Mais c'est la consommation du mariage qui crée le lien définitif ; c'est à partir de ce moment que les cadeaux (landitorɗum, laroogal, goroore musidal, toraare) sont acquis au groupe de la fille et cessent d'être remboursables.
C'est également à partir de la consommation que le douaire (teŋe) est acquis à l'épouse et ne peut lui être retiré que si elle rompt le mariage de sa propre initiative.
Les démarches relatives au mariage peuvent se résumer ainsi, quand il s'agit d'une fille encore au pouvoir de sa famille. Beaucoup d'usages accessoires peuvent varier, selon le statut social, la fortune, les circonstances.
Pour un remariage, c'est-à-dire pour une femme veuve, divorcée ou répudiée, les démarches sont simplifiées : le toraare est moindre, la femme est consultée par le prétendant ; toutes les réjouissances accessoires sont réduites et, après la noce, la femme reste chez son mari.
Ces différentes allées et venues entre les deux groupes sont considérées comme indispensables. Elles satisfont le goût des discussions oratoires, permettent des marchandages, contentent l'amour-propre des familles.
« La rapidité en affaires matrimoniales est incorrecte ; les parents de la fille disent : « Voyez comme ils vont vite, ne dirait-on pas que notre fille est une fille de leur runde (c'est-à-dire une serve) ; ils ont peu de pudeur. Ils ne savent pas se conduire honorablement... ».
Note. Les noces, chez les Peuls qui n'ont pas adopté les usages malinké, sont assez discrètes et ne sont pas des événements comparables aux baptêmes, aux circoncisions, aux funérailles surtout, qui sont des occasions plus solennelles de réunir les parentages.
L'homme se marie pour avoir une postérité et pour les services domestiques de l'épouse.
Une bonne épouse doit être « sédentaire, silencieuse, et économe » 7, mais son devoir essentiel est l'obéissance. Elle doit faire ce que son mari lui ordonne et ne pas faire ce qu'il lui défend; tous ses devoirs se trouvent contenus dans ces deux prescriptions. Elle doit accomplir ses devoirs conjugaux chaque fois que son mari l'en prie 8. Elle doit être fidèle. Les qualités d'une bonne épouse sont : l'activité dans les travaux domestiques et un bon caractère, le galle étant plein de gens, co-épouses, concubines, enfants, domestiques. L'épouse, comme les autres habitants du galle est « sous les pieds » du maître, qu'elle respecte, dans son langage et ses attitudes. Il est « son Peul », terme employé aussi par les serfs en parlant du maître.
La préparation des repas, les soins à donner au bétail et surtout l'élevage (needi) de ses enfants prennent son temps; elle a le droit de travailler pour elle, de jardiner, par exemple, ou de filer. Les alentours de la case lui servent de jardin potager (suntuure), dont les produits agrémentent la cuisine familiale ou sont vendus à son bénéfice. Les vaches lui sont confiées ; le lait et le beurre sont pour elle, aussi bien des vaches de son mari que des siennes. Sur un terrain de son mari, elle peut avoir un champ personnel tubercules divers, arachides et disposer de ses produits ; elle peut faire du commerce, vendre le fil de ses fuseaux; elle possède un pécule (kasubu). Elle va visiter sa famille (nattere kumpa).
Les devoirs du mari sont:
Chaque femme libre a, en principe, droit à une case particulière ; souvent elle la partage, sans protester, avec une concubine.
La nourriture est donnée sous forme de grain (hiraande) distribué souvent à la récolte, ou chaque mois, chaque semaine et même chaque jour selon le nombre des bouches à nourrir. La première femme est souvent chargée de la cuisine des hôtes; elle a donc une part plus forte, et la réserve destinée aux semailles lui est souvent confiée.
« Si la femme a commis une mauvaise action grave, corrige-la, d'une douce correction, non pas comme un esclave ou un écolier ». Ces corrections ne doivent ni faire couler le sang, ni casser un membre, ou une dent, sinon le mari lui doit une compensation « pour calmer le cur ».
Les mauvais traitements fréquents, les insultes et surtout celles proférées envers les parents de l'épouse sont une cause de divorce.
Le Peul du Fouta Djallon, quand sa fortune le lui permet, a les quatre épouses légitimes (sonnaaɓe) permises par l'Islam et des concubines serves (jariyaɓe).
La première épouse, qui est toujours une « légitime », est la mawɗo galle, l'ancienne de l'enclos; les autres épouses lui doivent le respect ainsi que tous les enfants et serviteurs, pour qui elle est la fulamuso: elle était là avant les autres, elle est plus âgée, parfois de meilleure famille, elle est la mère des aînés du mari. Même stérile, elle reste une conseillère du maître.
La baataajo ou favorite, n'est pas forcément la première épouse; c'est celle qui plaît le plus au mari à une époque donnée.
Selon le droit strict, les épouses doivent leurs services sexuels et domestiques suivant un tour de roulement établi de façon variée. Certains préconisent un tour de deux nuits et deux journées consécutives, pour chaque épouse : « Cela repose le mari; la première nuit il lui donne son dû, la deuxième il dort ». Pratiquement, il y a beaucoup d'accommodements sur ce point et personne ne s'en plaint.
Quant aux biens, on peut dire que les conjoints vivent sous le régime de la séparation: la femme a la propriété de ce qu'elle a apporté, de son bétail (sogge) et des meubles de sa case (miranji), du pécule (kasubu) qu'elle a acquis, de son douaire (teŋe).
Elle ne dispose des animaux qu'avec l'assentiment du mari qui, lui-même, ne peut le faire qu'avec son consentement. « La femme ne s'appartient pas elle-même; elfe est à son mari », comme elle était auparavant à son père.
Ce qui caractérise la vie conjugale, c'est l'absence de cohésion, d'union véritable entre conjoints: la femme mène sa vie dans l'enclos du mari, un peu comme une locataire; elle a ses intérêts à part, son jardin, son bétail; elle accueille ses parents, fait venir une sur cadette, un petit frère, une servante. C'est pitié de voir le mari, en principe possesseur de la femme, discuter pour emprunter un tabouret ou une calebasse appartenant à sa femme... Elle réclame âprement son droit d'aller rendre des visites à sa famille pour en avoir des nouvelles (nattere kumpa). Bref, elle entre rarement sans espoir de retour dans la famille du mari : elle lui est prêtée.
Les co-épouses (nawlirɓe), ont chacune leur case à l'intérieur de l'enclos. Chacune vit avec ses enfants et souvent une servante ou deux; chacune est maîtresse chez elle: « toutes ayant loti le sol de l'enclos en jardins personnels, tout est prévu pour prévenir les disputes, même le jour où chacune a droit à la bouse du parc à bétail, pour recrépir case et vérandah ».
Le proverbe dit: « Entre épouses d'un même homme inimitié... ; entre épouses de deux frères : la mort... ».
Et encore : « Entre co-épouses, si bien qu'elles s'entendent, il y a une bonne haine, noire de sept teintures successives ».
Les Peuls islamisés repoussent avec horreur toute supposition de polyandrie dans le passé ou dans le présent.
Cependant, on peut bâtir des hypothèses
En fait, les amants surpris par le mari sont à la merci de celui-ci: « C'est une hyène pour lui ». La femme reçoit aussi une correction, mais il n'y a pas de châtiment publie; le crime passionnel est rare.
L'adultère est rarement une cause de divorce : les maris sont indulgents et l'opinion publique leur conseille « d'être discrets, « de couvrir les fautes de leurs épouses », car la pire chose c'est le scandale. Il faut que l'inconduite de la femme soit publique pour qu'elle motive sa répudiation. Les Peuls ne sont très scrupuleux ni sur la virginité des jeunes filles, ni sur l'infidélité de l'épouse, pourvu que la discrétion soit observée. Les vieux maris surtout sont d'une tolérance extraordinaire.
Les veuves fournissent souvent la vache du sacrifice funéraire.
Le deuil (heynagol) dure 4 lunes et 10 jours pour une épouse légitime qui doit le passer, recluse, dans la case qu'elle habitait dans l'enclos du défunt. En fait, la veuve retourne souvent chez sa mère ou un de ses parents, son frère par exemple.
Elle s'habille de blanc, ne se fait plus coiffer, évite tout parfum et toute parure; ses bijoux lui sont retirés pour être donnés aux héritiers mâles 10. Elle est entretenue avec les provisions de son défunt mari ou par un frère de celui-ci, son époux éventuel. A la fin du deuil, elle fait une lessive générale qui donne son nom à la fin de cette période: wuppugol. Elle est reconduite chez sa mère par les frères du mari, ses ƴeekiraɓe. C'est le nattirgol paɗe mayde, la sortie des sandales de la mort.
Les cadets du mort la demandent en mariage, lui font des cadeaux, vêtements, sandales, parapluie (nous sommes en pays pluvieux), offrent un léger toraare à ses parents et lui constituent un nouveau teŋe (douaire).
On admet que le cadet du défunt est l'époux normal de la veuve: surtout s'il y a des enfants, dont l'oncle est le tuteur naturel; aujourd'hui, le frère aîné du mort peut aussi épouser la veuve. Le lévirat est très fréquent; on voit même des femmes passer successivement, au cours de leur vie, de l'aîné au dernier en passant par les cadets et donnant des enfants à chacun. En tout cas, les femmes qui ont eu pour époux deux ou trois frères se rencontrent fréquemment. A défaut de frères, les cousins agissent de même avec leurs cousines veuves. Au Fouta Djallon, la veuve peut se remarier avec qui lui plaît; mais souvent les frères du mort reprennent alors les enfants mineurs, disant: « Les enfants de notre frère et ses biens, tu ne t'en iras pas avec eux; prends seulement ton douaire; si tu veux conserver la garde et l'éducation de tes enfants, marie-toi avec un oncle de ces petits, qu'ils appellent déjà père, comme ils sont ses enfants ». Ce qui encourage encore le lévirat 11, c'est que le frère du mort hérite souvent de l'enclos. La veuve n'a donc pas à déménager; elle et ses enfants passent des mains du mort à celles de son frère avec un minimum de tracas.
Lorsque la veuve est épousée par son ƴeekirawo, frère du mari, elle ne quitte pas sa case; elle passe son deuil chez elle, dans l'enclos du défunt devenu habitation du frère, mais celui-ci attend que le deuil soit terminé pour venir l'occuper. Le jour où finit le deuil, la fin du veuvage est fêtée, les parents de la femme y sont invités. La femme va passer une nuit chez des voisins, des sanakuuɓe, c'est-à-dire de tribu alliée. Puis-elle retourne dans sa case et devient la femme de son beau-frère. Chez les gens de murs rigides, les Anciens désignent aux veuves les frères qu'elles doivent épouser; ailleurs, on les consulte. Le Peul se sépare souvent d'une de ses quatre épouses pour pouvoir épouser la femme de son frère décédé.
Les enfants sont souvent gardés par la famille du mort, quoique le droit admette les deux principes suivants:
Le veuf n'est tenu à aucune obligation; il peut se remarier immédiatement. Les enfants sont confiés à une parente du père, c'est-à-dire à leur tante (yaaye), à leur grand'mère (pati), à la femme d'un frère, parfois à une co-épouse.
Le veuf peut épouser une sur cadette ou une cousine cadette de la morte, dans l'intérêt des enfants qui sont ainsi élevés par une mère (neene) : cela se fait, quoique moins régulièrement que le lévirat.
Bien entendu, le veuf paie le toraare et le teŋe de sa nouvelle épouse.
La veuve a droit: à son douaire (teŋe); au huitième (sumunu ou jeetataɓal) des biens du défunt s'il y a des enfants du défunt; au quart de ceux-ci, s'il n'a pas laissé d'enfant.
S'il y a plusieurs veuves, elles se partagent ce huitième ou ce quart. Si, pour une raison quelconque, le mariage n'avait pas été consommé, la veuve n'a droit qu'à la moitié de son douaire et à rien d'autre. Les bijoux, biens masculins, sont rendus par les veuves et distribués aux fils du mort après le délai de viduité mais ils le rendent à leurs mères, si elles sont encore jeunes, tout en conservant la propriété 12. Les ustensiles européens, les cantines, etc... sont aussi des biens masculins qui font retour aux héritiers mâles, tandis que les meubles (miranji suudu), poteries, vanneries, calebasses, grain et pécule (kasubu), appartiennent à la veuve, ainsi que les biens propres qui lui ont été donnés en dot par sa propre famille.
Le veuf a droit à la moitié de ce que laisse sa femme, s'il n'y a pas d'enfant, l'autre moitié étant pour les parents de la morte. S'il y a des enfants de la morte, le mari n'a droit qu'au quart, les trois autres quarts allant aux enfants. Les biens féminins vont aux filles, ou à la mère de la morte.
Si la femme enceinte devient veuve, ou si la grossesse se déclare au cours du deuil, c'est la délivrance qui marque le terme de la période de deuil. Au point de vue héritage: on réserve une part de garçon dans la succession; si c'est une fille qui naît, la moitié de cette part est rendue aux héritiers. Si l'enfant naît vivant et meurt ensuite, la mère a droit au sixième de sa part. Si l'enfant est mort-né, la veuve n'a droit à rien de plus que son douaire et son huitième des biens du mari.
Il y a trois formes de rupture de l'union:
Le mari répudie sa femme à son gré, le plus souvent :
Le mari n'a pas à fournir d'explications; il renvoie sa femme poliment: « Cela ne va pas entre nous, cela ne peut pas continuer, je te rends à ta famille en te laissant ton douaire, honorablement (e hoore teddungal). »
La femme quitte son mari, profitant d'une visite à sa famille (nattere kumpa) et refuse de revenir, en abandonnant son douaire. La famille fait savoir au mari qu'elle réclame les meubles de sa case. Suivent quelques négociations; très souvent, le mari accepte.
Dans ces deux cas de divorce par volonté de l'un des conjoints, c'est celui qui prend l'initiative de la rupture qui perd des biens, à savoir, le douaire qui était géré par les deux conjoints et dont tous deux profitaient.
Si c'est le mari qui répudie, il laisse sa femme partir avec le douaire, à moins que les torts de celle-ci ne soient si graves qu'elle n'ose réclamer; mais, même en ce cas, il ne la laisse pas partir les mains vides. Il faut qu'il tienne compte des services qu'elle lui a rendus pendant leur cohabitation. Par exemple, il lui laissera une vache sur trois de son douaire.
Si c'est la femme qui s'en va, elle abandonne son douaire, le teŋe; mais le mari ne peut réclamer le toraare qu'il a donné à ses beaux-parents, ni les cadeaux (dokke) accessoires du mariage.
Le divorce par consentement mutuel, avec des arrangements au gré des conjoints, est fréquent. Mais il y a toujours un des époux qui est censé prendre l'initiative: l'époux répudie, la femme se sépare du mari.
Le divorce judiciaire, conforme au droit musulman devant le chef (à défaut de cadi), n'est pas très courant, car la répudiation de l'épouse et le divorce à l'amiable suffisent. « Les gens bien élevés n'aiment pas mêler les étrangers à leurs affaires de famille : tout se passe entre conjoints, ou entre parents et Anciens des conjoints, honorablement » Cependant, devant le chef, l'épouse peut invoquer:
L'époux peut invoquer:
Le divorce est souvent une menace dont les conjoints abusent au cours des querelles. C'est une sorte de chantage de la part de l'épouse pour obtenir quelque chose de son mari; souvent les époux regrettent et la vie commune est reprise 13.
Le sort du douaire étant réglé, restent les autres biens.
L'ameublement de la case de l'épouse a été fourni par sa famille; elle le reprend donc, ainsi que le produit de son travail dans le jardin (suntuure) de l'enclos, le pécule gagné dans la vente du lait, du fil, etc... Les vêtements sont à elle, même donnés par le mari. Dans ces biens féminins, le mari ne garde que sa calebasse et son écuelle personnelle. Rappelons que les ustensiles en fonte, ou émaillés, d'origine européenne, sont des biens masculins qui sont seulement confiés aux femmes par les hommes. Les bijoux, or, argent, ambre, offerts par le mari, sont repris par lui dans tous les cas (tyudaari).
En principe: les filles sont à la garde de la mère jusqu'à ce qu'elles soient demandées en mariage; les garçons sont à la garde du père, à partir du moment où on doit les faire étudier (sept ans) et jusque-là sont gardés par la mère.
En fait, tous les arrangements sont possibles, et ont réellement lieu. En cas d'inconduite notoire de la mère, filles et garçons peuvent lui être enlevés.
A défaut de la mère, le père confie les enfants en bas âge à sa propre mère, à sa sur, à la femme de son frère; plus rarement à une autre épouse. La mère, qui va se remarier ailleurs, demande parfois elle-même à rendre les enfants à leur père.
La divorcée doit observer un délai ('edda) de trois mois lunaires. Elle devrait les passer dans l'enclos de son mari: les époux auraient ainsi des chances de regretter leur décision et de se réconcilier. En fait l'épouse va toujours chez sa mère ou chez un frère et là, tandis que son mari négocie pour la faire revenir, elle reçoit des propositions des prétendants à sa main.
Lorsque la femme doit restituer le douaire, si elle l'a dissipé, elle s'adresse à l'un des prétendants; mais le mari n'a affaire directement qu'à elle et à sa famille.
Grossesse en cours du délai de remariage. Si la grossesse se déclare au cours des trois mois de délai, le divorce ne peut avoir lieu ; il est reporté, s'il n'y a pas réconciliation, après la naissance de l'enfant.
il n'y a pas de lévirat possible en cas de divorce; le frère qui épouserait une femme de son frère encore vivant serait très mal vu : « Il couperait les liens de parenté (taƴude enɗam) ».
Les tribunaux administratifs ordonnent souvent, lorsqu'une femme veut quitter son mari, la restitution, par celle-ci ou sa famille, de tout ce que le mari a versé pour en obtenir la fille (toraare), cadeaux divers (dokke) et douaire; et même les dépenses de la noce, cadeaux aux musiciens, etc... Cette jurisprudence est nouvelle et est inconnue du droit coutumier comme du droit musulman.
Si la consommation du mariage a eu lieu, le mari ne doit jamais obtenir que la restitution du douaire (teŋe, sadaaqu) ; le reste est perdu à jamais, quoi que fasse l'épouse.
Les décisions contraires, d'après les assesseurs indigènes, proviennent :
Parmi les femmes épousées, les jaria ont un statut spécial, parce que de naissance servile. Elles peuvent être, théoriquement, en nombre illimité, en sus des quatre « légitimes » (sonnaajo, sonnaaɓe).
Ce sont des « servantes ». La suppression de l'esclavage a laissé subsister les sentiments qu'avait créés cette institution. Les groupes sociaux des rimɓe (bien nés) et des mattyuɓe (esclaves) sont toujours distingués dans le langage et dans l'opinion. Il y a encore aujourd'hui des gens qui éprouvent le besoin de s'affranchir en payant le prix du rachat, non point parce que leur « maître » s'oppose à leur indépendance de fait, mais parce que sans cela ils seront toujours « esclaves de X » dans l'opinion publique et dans la leur propre.
Devenir la concubine d'un dimo (bien né) est, de même pour la serve, un moyen d'avoir des enfants rimɓe et, par là, de devenir elle-même de statut dimo. C'est pourquoi les Peuls trouvent toujours parmi leurs serves des jaria obéissantes, plus soumises, plus travailleuses que les filles de bonne maison.
La jaaria est aussi plus économique ; c'est pourquoi le Coran la permet aux gens pauvres, trop pauvres pour faire les frais d'une épouse. L'époux donne quelques vêtements à la mère et au père, serfs de son runde, et des cadeaux à l'épousée. Il ne lui doit pas de douaire, mais seulement une « équitable rétribution ».
La jaria n'a pas droit à un traitement égal à celui des « légitimes ». Elle est souvent logée dans la même case que l'une d'elle. C'est souvent ainsi que commence le concubinage: la servante de l'épouse devient la jaria de l'époux; elle est parfois sacrifiée dans le « tour de service » des épouses.
Une fois devenue mère, elle est affranchie, de ce fait même, à la mort de l'époux.
Les enfants sont les égaux des enfants des sonnaaɓe ou légitimes: le père les fait baptiser, instruire, circoncire, les marie, etc... Cependant, ils n'ont pas de « famille maternelle », leur oncle maternel n'est qu'un pauvre serviteur. Dans une querelle entre frères consanguins, on a tôt fait de rappeler aux fils de la serve la bassesse de leur mère...
Mais, le plus souvent, on peut dire que jaria et sonnaajo et leurs enfants respectifs sont pratiquement traités de la même façon par l'époux. Il arrive même que la jaria soit la préférée et ses enfants les plus aimés du père.
Le délai de viduité n'est que de deux mois lunaires et 5 jours, disent certains : mère d'enfants, la femme a acquis sa liberté et son prochain époux la traitera en femme libre, lui constituera un douaire ; stérile, elle peut être renvoyée au runde. De toute façon, elle est, plus encore que la femme « libre », tenue d'épouser l'un des frères du défunt (lévirat).
En cas de répudiation, la jaria peut être épousée du jour au lendemain, si elle n'a pas eu d'enfants de son mari.
Si la servante est épousée par un autre que son maître, elle doit à celui-ci un droit, nommé fulla, en remplacement de ses services; si elle est épousée par un serviteur, autre que ceux de son runde, il en est de même.
La jaria se rencontre dans presque tous les galle de Peuls aisés. Il y a souvent un nombre à peu près égal de « légitimes » et de jaria; le traitement des unes et des autres est de plus en plus uniforme. Ajoutons qu'au point de vue ethnique, le croisement est peut-être une bonne chose pour les Peuls du Fouta Djallon.
Notes
1. Sa jaaja qui est la yaaye du futur.
2. Le kilee des beaux-parents n'est que l'un des nombreux kilee (travaux par équipe de parents ou de voisins, ou de serviteurs, ou de clients), qui sont un des éléments essentiels de la vie économique soudanaise.
3. On les dit futu lo'undu ou loowa-nyoota, « emplis et bouche », car on accumule ainsi les enfants comme du grain dans un grenier.
4. Dans: Oogirde Malal. Le Filon du Bonheur Eternel.
5. Ceci semble indiquer que le toraare était, chez les Peuls pasteurs, le signe que la vache du douaire était à la disposition de la future épouse.
6. Des victimes, ou une seule, walima, sont tuées. Une moitié de la viande est envoyée aux parents de la fille, l'autre moitié gardée pour la réception des gens de la noce.
7. Un homme, au contraire, doit être « sociable (ne manquer aucune réunion publique), éloquent et généreux ».
8. Chacun selon son tempérament; cependant un mari fut prié de se modérer, sur la plainte d'un épouse, qui était importunée cinq fois par jour et cinq fois par nuit...
9. Islamique selon la Sunna, non selon le Coran, qui ne parle que de coups de fouet.
10. Ses fils, qui les lui remettent souvent à la fin de la période de deuil.
11. Chez les Malinké et chez les Peuls de l'Ouest (Fulɓe hirnaange) le lévirat est tout à fait rigoureux. On considère que la femme a été acquise, une fois pour toutes, au lignage masculin, et qu'elle lui doit sa vie entière.
12. Les bijoux et les objets importés sont toujours biens masculins. Si un homme meurt, ses fils héritent des bijoux de la veuve; si une femme meurt, son mari reprend les bijoux qu'il lui avait donnés.
13. Un mari ne peut reprendre sa femme, après l'avoir répudiée, que deux fois; après deux divorces, il ne peut plus l'épouser selon le droit musulman, « mais le cas ne s'est pas vu...»