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Tierno Muhammadu Samba Mombeya


Oogirde Malal — Ma'adinus Sa'aadati
Le Filon du Bonheur Eternel
Alfâ Ibrâhîm Sow, éditeur

Collection Classiques africains. Armand Colin. Paris. 1971. 202 p.


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A la Mémoire de mon Père, Tierno Ismâîla Pereejo.

Avant-propos

Une étude philologique réalisée selon la méthode traditionnelle de la critique textuelle ne constitue qu'une routine universitaire assez banale. Pourtant, le présent ouvrage surprendra certainement les hommes de culture qui ont coutume de croire que les langues négro-africaines ne s'écrivent que depuis l'expérience récente des missionnaires et des colonisateurs européens et qui recherchent exclusivement, dans les littératures orales, les valeurs culturelles de nos sociétés. Une telle situation rendrait donc nécessaire, en guise d'introduction, quelques explications d'ordre historique susceptibles de guider le lecteur à travers les divers milieux et les différents moments au sein desquels les manuscrits étudiés ici ont été élaborés, ce qui l'eût aidé à mieux comprendre les conditions qui en ont permis l'existence et la diffusion.

Néanmoins, cette question a largement été traitée, ces temps derniers, par un certain nombre d'auteurs et de chercheurs dont les observations restent parfaitement valables pour le cas qui nous occupe 1. En étudiant les problèmes particuliers que nous pose une œuvre classique comme Le Filon du Bonheur éternel de Tierno Muhammadu-Samba Mombeya, nous nous proposons d'examiner essentiellement la question des manuscrits afin d'en déterminer la signification aux yeux de ceux qui les écrivent, les possèdent, ou simplement les détiennent.

Comparer divers manuscrits d'une même œuvre des temps passés, chercher à déceler le texte le plus ancien et la leçon la plus correcte afin de pouvoir apprécier l'intention et la portée de cette œuvre littéraire, relève de la philologie même si, dans une langue négro-africaine comme le pular-fulfulde, l'entreprise apparaît, encore, comme singulièrement insolite !

Le linguiste ne trouvera, dans cette étude essentiellement philologique et littéraire, que quelques matériaux sur la langue d'un corpus dont la description eût constitué son but principal. Toutefois, la nécessité d'une analyse linguistique rigoureuse s'impose constamment au philologue' et s'est imposée à nous tout au long de l'établissement du texte et de sa traduction en langue française.

Le public cultivé considère généralement comme aisé le métier de traducteur et ne semble pas tenir compte de toutes les difficultés qu'il pose, alors que, « quand on passe d'une langue à une autre, on change de pays et souvent d'époque; on habille de formes nouvelles des façons de penser, de sentir, propres à un peuple, à une civilisation… » 2 ce qui constitue une gageure. Ces difficultés augmentent quand on doit traduire un corpus ancien dont la langue n'est plus usuelle et que, par surcroît, il s'agit d'une œuvre classique qu'il faut éditer et d'une œuvre poétique dont il faut chercher à restituer le rythme pour en suggérer la beauté d'origine.

Souligner ainsi les difficultés qui ont surgi à toutes les étapes de la présente traduction, c'est reconnaître notre dette inestimable envers nos maîtres de l'école coranique et envers Tierno Chaïkhou Baldé et Chérif Muhammad-Moustafâ qui ont accepté de nous transposer, en pular-fulfulde usuel, certains passages aujourd'hui vieillis et de nombreux éléments lexicaux désuets ou savants du Filon. Qu'ils veuillent donc trouver ici l'expression de nos remerciements et de notre gratitude.

Alfâ Ibrâhîm Sow
Bordeaux, 5 mars 1967.

Notes
1. Pierre-Francis Lacroix. Poésie peule de l'Adamawa. Paris, Armand Colin, 1965, pp. 17-77.
2. Bertil Malmberg. Les nouvelles tendances de la linguistique. Paris, P.U.F., 1966, p. 7.
3. Nguyên Khàc Viên. “Quelques considérations sur l'art de traduire” in Kim Vân Kiêu de Nguyên Du. Hanoï, Éditions en langues étrangères, 1965, p. 25.