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Taariika / Histoire


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Thierno Mamadou Bah
Histoire du Fouta-Djallon.
La pénétration européenne et l'occupation française.

Tome 2. Conakry. 2003. 73 pages
Elhadj Bano Bah & Tierno S. Bah, eds.


X — Deuxième Mission de Beckmann (1894 - 1895)

C'est devant cette situation que le Gouverneur Ballay décida d'envoyer, à nouveau, de Beckmann, à Timbo. De Beckmann venait de remplacer Alby à Dubréka. Il devait tenter d'obtenir des Almamys mieux que des promesses.

Ce haut fonctionnaire, animé de sentiments hostiles à l'égard de l'aristocratie foula, quitta Dubréka en février 1894. Dès qu'il franchit la frontière, il se montra arrogant et prêt à infliger des sanctions sévères à tous les chefs qu'il rencontra et qui ne lui apportaient aucun témoignage d'amitié pour son pays. Avec ce procédé, il reçut dans toutes les provinces traversées, des assurances de dévouement. En arrivant à Timbo, il se montra plus coléreux et appostropha tous ceux qui l'approchèrent et alla même jusqu'à dire à l'Almamy Ahmadou, d'un ton sévère, ce qu'il pensait de lui. Cette attitude suffit pour que tout le monde gardât le silence et jurât obéissance à de Beckmann..

Sans retard, il se rendit à Sokotoro, résidence de l'Almamy Soriya, Bocar Biro qui le reçut assez bien. Dès la première entrevue celui-ci l'assura que s'il était reconnu comme chef unique du Fouta, à titre définitif, son dévouement serait entier.

A Sokotoro, de Beckmann apprit par son interprète qui le tenait des notables, que les petits cultivateurs, les pasteurs, les artisans, les dioulas, en un mot, tout le peuple opprimé par la féodalité, attendaient avec empressement, la prochaine occupation du pays par la France. Ce fut la confirmation des premiers renseignements recueillis d'une autre source. De Beckmann fut satisfait d'avoir eu cette confirmation dans le village même du souverain.

Après son entretien avec Bocar Biro, de Beckmann revint à Timbo où l'Almamy Ahmadou ne lui donna que des promesses sur l'objet présumé de sa mission :

Il quitta Timbo le 8 mars 1894 pour rejoindre son poste.

Pourquoi donc ce voyage à Timbo et cette attitude sévère que de Beckmann adopta tout le long de son chemin ?

A cette époque le Fouta supportait des charges excessives. Depuis la diminution des expéditions extérieures contre les fétichistes qui enrichissaient les Almamys, les chefs et leurs courtisans, les Foulahs étaient soumis à des tributs dont le poids augmentait sans cesse. Leurs biens, meubles et immeubles, ne leur appartenaient que de nom. Des bandes de pillards composées de fils de chefs, de courtisans et de sofas, sillonnaient le pays pour commettre les exactions les plus ignobles. Tout ce qu'ils rencontraient était à eux. L'arrivée des Français semblait favoriser la libération des populations foulahs du joug de ces souverains qui ne respectaient plus les droits des individus.

Après la campagne barbare menée par les militaires du Soudan dont les échos étaient parvenus dans le Fouta, après les multiples tractations entre Français et Anglais sur le littoral où les Français avaient gagné, après tous les renseignements recueillis de part et d'autre sur la situation politique intérieure du pays, de Beckmann venait, en réalité, tâter le pouls du crédit dont jouissait la France auprès de la masse paysanne, et, surtout, constater la nouvelle position des souverains foulahs.

Jusque-là, les Almamys avaient caché au peuple l'objet des multiples visites des étrangers à Timbo. Par contre, les visiteurs, eux, avaient pris soin de faire leur propagande en distribuant des cadeaux pour se créer des amitiés et promettre aux opprimés la liberté qu'ils recherchaient depuis fort longtemps.

Pendant son voyage, de Beckmann ne cacha à personne la décision de l'occupation imminente du pays. La masse y souscrit avec joie dans l'ombre.

De Beckmann rentra donc à Dubréka, assuré de la décadence de la féodalité et que l'occupation du pays n'était plus un problème majeur, et que si elle intervenait, elle trouverait un écho très favorable.

Le voyage du représentant de la France attisa sérieusement la colère de Bocar Biro, car il considéra que l'impolitesse de son hôte était une insulte à l'égard du Fouta. Aussi écrivit-il immédiatement au Gouverneur du Sénégal pour lui faire part du comportement de de Beckmann, et demander son remplacement. En août 1894 il fera de même auprès de l'Administrateur de Matam , au Sénégal.

Ainsi donc, la France avait réussi la pénétration, et l'occupation du Fouta n'était plus, pour elle, qu'une question de jours.

Avant d'entamer le déroulement de l'occupation du Fouta-Dialô, nous allons d'abord examiner le passé de l'Almamy Boubacar Biro qui fut le quatorzième et dernier Almamy sous la Constitution du Fouta