Conakry : Société africaine d'édition et de communication. 1999. 182 p. : ill.
Préface et notes de Djibril Tamsir Niane
Au XIe siècle, les Almoravides fondèrent un puissant empire englobant le Maroc et la Mauritanie. Ils obligèrent les tribus peules qui avaient abandonné quelque peu l'islam pour retourner dans le paganisme, à se reconvertir a nouveau à cette religion. Persécutés par ces envahisseurs, les Peuls durent reprendre leur migration vers le sud. Ils se divisèrent en trois groupes :
Plus tard, les tribus foulas qui avaient emprunté la voie du Nil rejoignirent ce dernier groupe par Tombouctou 1.
Au XIVe siècle, un nombre important de pasteurs du premier groupe se détacha pour continuer la recherche du bon pâturage. Ce furent les « Poulis » qui, continuant le chemin, arrivèrent sur les montagnes du Fouta-Djallon dont les riches plaines herbeuses sont propices à l'élevage. Ce pays était à cette époque occupé par les Djallonkés qui les accueillirent favorablement avec leurs troupeaux.
Un détachement de ce groupe entra dans le N'Gâbou, situé à l'ouest, pour y créer une confédération avec les tribus de cette région. Le chef de cette confédération, Teŋella, fut un puissant dirigeant. A sa mort, son fils Koli Pouli, le remplaça et recruta une armée forte et redoutable, pour occuper toutes les provinces du Boundou, du Fouta-Djallon et du N'Gâbou et en former un royaume kolianké. Il s'empara. ensuite de toutes les contrées limitrophes peuplées de Wolofs et de Sérères. Par la guerre, il supprima au nord l'empire toucouleur qu'il rattacha à son royaume, pourchassa tous les résistants vers la côte océanienne. Il traversa le fleuve Sénégal pour attaquer les Maures qu'il repoussa jusque dans l'Adrar. Son royaume s'étendit donc entre le Haut-Niger à l'Est, le Bas-Sénégal au nord et à l'ouest, le Fouta-Djallon au sud.
Mais cet empire trop vaste où les communications étaient très pénibles commença à s'effriter. Pendant que le chef avait rejoint la capitale, au sud, dans le Fouta-Djallon, les Djallonkés et leurs voisins menacèrent une sécession. Koli les maîtrisa. Au nord sous l'influence des marabouts qui y étaient très écoutés et qui voyaient d'un mauvais oeil un païen à leur tête, les Torodos se mutinèrent. Ils expulsèrent les représentants de Koli de la région pour devenir indépendants. Wolofs et Sérères à leur tour se libérèrent de ce joug. Ainsi l'effondrement fut inévitable. Koli lutta aprement pour se maintenir hélas en vain !
Un complot organisé contre lui occasionna son assassinat par l'une de ses femmes. Ses frères et neveux, qui lui succédèrent, furent incapables de reprendre en main ce qui s'était détaché 2.
Quant aux Foula installés dans les montagnes du Fouta-Djallon, ils continuèrent leur élevage, sans se soucier de cette situation dramatique. Ceux des leurs qui pratiquaient l'islam fuirent, cependant, inquiets car entourés par les Djallonkés fétichistes et plus nombreux, ils eurent peur d'être chassés du pays. Mais il n'en fut rien, la différence aidant, chaque clan resta chez lui.
Comme nous le verrons plus loin, les Poulis qui refusèrent d'embrasser l'islam furent exterminés. Ceux qui se convertirent furent considérés comme des inférieurs et traités comme tels. C'est pourquoi, ils furent désignés sous le nom de « Poullo-Bouroure » (Foula de brousse).
Beaucoup plus pasteurs que cultivateurs, les Poulis occupèrent la carnpagne où ils menèrent une vie de nomade misérable, préférant tenir compagnie au bétail qui se déplaçait constamment à la recherche de la bonne herbe. Ils restèrent ainsi loin des villes, errant à la lisière du Fouta. On les retrouve encore de nos jours dans les régions limitrophes avec la Sierra-Léone (Foulbés Diallô), avec Kindia, Boffa, Dubréka (Foulbés Kébou), avec le Sénégal (Foulbés NDama et Tangué).
Les Poulis convertis à l'islam qui se fixèrent dans le Fouta-Central furent intégrés dans les quatre grandes familles suivant le voisinage immédiat. Ils empruntèrent le nom de ces familles à leur choix. Leur descendance, dans l'ignorance de cette origine, continue à garder ces noms.
Notes
1. Partis dune île située à l'embouchure du Sénégal, où ils s'étaient retirés dans un couvent, les Almoravides (Al Morabeten = les gens du couvent) déclenchèrent la Djhad, firent des conquêtes fulgurantes qui les menèrent jusqu'en Espagne. Ils furent à l'origine de mouvements de population qui affectèrent les Peuls, les Sérères, les Wolofs au XIe siècle. Les Traditions de ces peuples en témoignent.
2. Nous connaissons assez bien aujourd'hui l'histoire des Teŋella ; les Traditions les concernant ont été recueillies aussi bien au Sénégal, eu Guinée-Bissau qu'en République de Guinée. Cf. Djibril Tamsir Niane, « Koly Tenguella et le Tékrour » in Congrès des Africanistes, Présence Africaine, Paris, 1970.
Teŋella Diadié, père de Koly Le Conquérant fut défait et tué à Diarra en 1512 par les Songhoy de l'Askia Mohamed. C'est après coup que Koly se replia sur le Fouta-Djallon et constitua la forteresse de Guémé Sangan (Préfecture de Télémilé en République de Guinée). C'est de là qu'il partira pour conquérir le Tékrour et créer ainsi la dynastie des Déniankoɓe qui régnera sur le Fouta Toro de 1535 à 1778. Les ruines de pierre de la forteresse de Koly Tenguella sont bien visibles à Guémé Sangan.